Aujourd'hui, jour de la Sainte-Anne, en me promenant au bord du lac de Hourtin-Carcans, j'ai trouvé de nombreuses pinces d'écrevisse desséchées avant d'en voir une nager difficilement à mes pieds. Malheureusement, le ponton tranquille où j'ai pu l'observer a été rapidement envahi par des pêcheurs à l'épuisette... J'ai protégé par ma présence ma jolie écrevisse en lui intimant mentalement de trouver une cachette et de ne pas se montrer pendant un petit moment. Mais j'avoue, je n'ai pas eu le courage d'assister à la curée..
Finalement, renseignements pris, cette "jolie écrevisse" est une écrevisse de Louisiane, espèce invasive qui colonise le lac et empêche l'espèce autochtone de se développer, comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences !
Étymologie :
ÉCREVISSE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1248 escreveice « crustacé d'eau douce » (Relations commerciales entre la France et la Flandreds R. Hist. litt. Fr., t. 11, p. 494) ; ca 1265 escrevise (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, p. 102). De l'a. b. frq. *krebitja « écrevisse », cf. a. h. all. krebiz (Graff t. 4, col. 588-589), all. Krebs.
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Zoologie :
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Symbolisme :
Le signe du cancer est autant un crabe qu'une écrevisse d'après cet auteur : Le cancer mythologique.
Selon Hildegarde de Bingen, dans Physica, Le Livre des subtilités des créatures divines (XIIème siècle ; traduction P. Monat, 2011) :
"L'écrevisse est plus chaude que froide, et tire plus de la chaleur que de l'air ; elle aime le jour et la nuit ; elle progresse vers l'avant en suivant le soleil, et vers l'arrière en suivant la lune. Elle a une chair saine et l'homme peut en manger, qu'il soit malade ou bien-portant, sauf s'il a l'estomac froid ; pour celui qui a de la peine à digérer ce qu'il a mangé, elle constitue une nourriture forte qu'il pourra difficilement digérer, et il n'a pas l'avantage à en manger.
Dans la tête de l'écrevisse se trouve une partie verdâtre, qu'on appelle la graisse de l'écrevisse : prends-la, ajoute une quantité de beurre à peine supérieure et mélange le tout. Si on a sur le visage et autour du nez de petites pustules, comme si une éruption d'ulcères allait se produire, il faut, souvent, s'oindre de ce mélange pour la nuit, puis le matin, au lever, enlever cette pommade avec du vin. On aura ainsi une belle peau et il n'y aura pas d'ulcère."
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Surnommée « pou du diable » en Suisse romande, l'écrevisse n'est pourtant pas jugée malfaisante et entre dans des compositions à usage médical. Contre la phtisie ou les coliques, on faisait boire aux malades en plein XVIIe siècle, un breuvage constitué d'eau te de vin blanc avec des écrevisses pilées vivantes. L'« œil d'écrevisse », qui est en réalité une concrétion qu'on trouve dans sa tête, réduit en outre, soignait encore au siècle dernier dans l'ouest de la France certaines maladies d'estomac. A Liège, en Belgique, on appliquait sur les tumeurs du sein une écrevisse vivante dont on avait lié les pinces.
En outre, di écrevisses dans un récipient d'eau exposées dix jours au soleil servaient à arroser les graines avant l'ensemencement et huit jours après, afin de préserver la moisson des insectes, oiseaux et animau nuisibles. Au nombre de douze placées dans un récipient d'eau et enterrées au milieu d'un champ, elles protègent la récolte des conséquences des gelées tardives.
Selon une croyance des Ardennes, il va pleuvoir si les écrevisses abandonnent les ruisseaux et se promènent à reculons.
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Selon le site http://www.signification-reves.fr/ spécialisé dans l'interprétation des rêves :
"L’écrevisse n’est pas le symbole le plus courant, mais ses sens multiples en font une image essentielle au milieu d’un rêve.
L’écrevisse et le crabe : Il s’agit tout d’abord de distinguer l’écrevisse du crabe. Le crabe vit dans l’eau de mer (mère)... l’écrevisse dans l’eau douce. Certes, on retrouve à l’écrevisse les pinces puissantes du crabe, mais le symbole est moins marqué par la relation à la mère. En revanche, l’écrevisse parle également de la construction du psychisme du sujet, et donc de son passé.
L’écrevisse et la nuit des temps : L’écrevisse est un animal archaïque. On l’associe aux temps les plus primitifs de la vie. Avec l’écrevisse, dans la vie d’un homme, il faut remonter jusqu’à l’enfance, et aux souvenirs oubliés. Car il faut rappeler que, contrairement à la conscience, l’inconscient retient tout. Mais comment exprimer ces traces inconscientes ? Par des images tout simplement, dans les rêves.
L’écrevisse peut ainsi dire l’inconscient, et s’associer à des impressions très lointaines. D’ailleurs, une écrevisse marche en arrière ! Avec elle, il s’agit de remonter le temps, de revenir sur ses pas.
Les pinces de l’écrevisse : La caractéristique de la carapace sera davantage étudiée au paragraphe suivant, mais déjà, associée à cette défense, il faut associer les pinces de l’écrevisse, puissantes et dangereuses. Avec l’écrevisse, on a ainsi l’image d’un sujet sur la défensive, caché au fond de l’eau, immobile, protégé des agresseurs, et qui peut, en cas d’attaque, se défendre avec une violence démesurée. C’est un peu le portrait des introvertis, qui se défendent parfois par l’agression.
La carapace de l’écrevisse : L’écrevisse est protégée par une carapace solide. Cette carapace fait penser à celle des autre animaux dont le dos est protégé ainsi, le scarabée par exemple, symbole qui renvoie à la tortue, à la coccinelle... La carapace montre ainsi une défense psychique, une lourdeur parfois.
Mais la carapace de l’écrevisse est particulière : il faut s’en défaire pour grandir. L’écrevisse, régulièrement durant sa vie, doit abandonner sa carapace pour poursuivre son développement, intérieur pourrions-nous presque dire...
Ainsi, l’écrevisse annonce un besoin de changement, ou une transformation en cours. Et comme elle se rattache souvent au passé, l’écrevisse est une image des constructions anciennes qu’il faut lâcher.
L’animal parle donc du chemin d’individuation, or toute transformation, toute avancée, exige le deuil du passé. Pour avancer il faut revenir sur son passé, semble signifier l’écrevisse qui marche en arrière. Comme chez les alchimistes, il faut toujours mourir pour renaître, accepter cette mort, la perte de sa carapace."
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Pour Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique (LLewellyn Publications, 2017 ; traduction française Éditions Véga, 2017), l'écrevisse a des relations symboliques avec le Crabe : [...]
Aide : [...] Si vous vous trouvez dans une situation qui n'est pas bonne pour vous, la langouste et l'écrevisse vous donnent leur capacité à faire marche arrière et à vous sortir de la situation à toute vitesse. [...]
Imaginez...
Vous êtes descendu dans une crique, lorsque vous voyez une écrevisse qui se sauve dans le fond du lit de la crique. Pieds nus, vous marchez dans l'eau et vous vous arrêtez auprès de l'écrevisse. Lentement, vous mettez votre main dans l'eau et la glissez pour l'attrapez. Voilà que prestement vous la saisissez et la sortez de l'eau. Vous la tenez dans votre main, ses antennes bougent dans tous les sens et ses petites pinces s'accrochent à vos doigts. Vous faites attention à ce qu'elles ne vous attrapent pas, alors que vous tapotez du doigt sur son dos. Vous sentez la solidité de sa carapace et la douceur de ses uropodes au bout de sa queue. Ses pattes se tortillent dans la paume de votre main quand elle essaie de reculer. Vous la remettez dans l'eau pour la relâcher. Cette fois, quand elle recule, elle se cache très vite derrière un rocher.
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Littérature :
L’Écrevisse et sa Mère
« Ne marche pas de travers, disait une écrevisse à sa fille, et ne frotte pas tes flancs contre le roc humide. — Mère, répliqua-t-elle, toi qui veux m’instruire, marche droit ; je te regarderai et t’imiterai. »
Quand on reprend les autres, il convient qu’on vive et marche droit, avant d’en faire leçon.
Ésope, (fin VIIè siècle - début VIe siècle av. J. C.) ; traduction par Émile Chambry, Fables,
Société d’édition « Les Belles Lettres », 1927.
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Selon Anne Defrance, auteur de Les contes de fées et les nouvelles de Madame d'Aulnoy (1690-1698), L'imaginaire féminin à rebours de la tradition, Droz, 1998 :
"Dans « La Biche au bois », la fée de la Fontaine, tour à tour petite vieille et écrevisse, a rendu la reine féconde. Oubliée le jour de la naissance de l'enfant, elle se plaint à la mère de son ingratitude :
Je suis la seule que vous négligez : il est certain que j'en avois un pressentiment, et c'est ce qui m'obligea de prendre la figure d'une écrevisse, lorsque je vous parlais pour la première fois, voulant marquer par là que notre amitié au lieu d'avancer reculeroit.
Rares sont les fées qui justifient ainsi leur apparence en révélant que leur corps est un signe déchiffrable. Pour mieux percevoir l'économie d'une telle représentation métamorphique, arrêtons-nous sur ses significations symboliques.
Les dictionnaires attribuent à l'écrevisse un symbolisme lunaire : elle figure dans la la lame « lune » du Tarot, qui exprime la tristesse, la solitude. De plus, la lune a toujours été considérée comme menteuse. Par ailleurs l'écrevisse du Tarot est présentée au milieu d'un miroir d'eau. Elle rappelle le signe astrologique du Cancer, qui en est l'équivalent.
Or le Cancer est traditionnellement le symbole de l'eau originelle. Junon qui présidait aux mariages et aux accouchements, le mit au nombre des douze signes du zodiaque. Principe maternel, le Cancer jour aussi un rôle de médiateur.
Vivant sous une carapace protectrice [...], l'écrevisse rappelle que les ébauches et préfigurations de la vie renaissante [...], œufs, fœtus, [...] sont entourés de coquilles, matrices et enveloppes, destinées à abriter le pouvoir de résurrection enfermé dans ces cuirasses. [Citation de Chevalier et Gheerbrant]
On rejoint ici l'une des significations de la lune, que relève Plutarque :
La lune est le séjour des hommes bons après leur mort. Ils y mènent une vie qui n'est ni divine, ni bienheureuse mais pourtant exempte de souci jusqu'à leur seconde mort. Car l'homme doit mourir deux fois. (cité par G. van Rijnberk, Le Tarot (Histoire, iconographie, ésotérisme), Lyon, 1947, p. 252.)
Il se trouve que presque tous les éléments de cette configuration symbolique sont confirmés par le récit. L'écrevisse est mise d'emblée en relation avec la maternité : elle sort de la fontaine où la reine stérile est allée prendre les eaux. Quittant aussitôt sa carapace d'écrevisse, elle se métamorphose en petite vieille aux riches habits. Or cette fontaine avait la réputation de rendre féconde. L'écrevisse assure parfaitement son rôle de médiateur puisqu'elle conduit la reine au pays des fées, qui lui promettent la naissance d'un enfant. L'heureux jour venu, la reine oublie d'inviter la fée Écrevisse. Celle-ci, pour se venger, l'avertit que si la princesse voit le jour avant l'âge de quinze ans, il lui en coûtera peut-être la vie. On décide d'enfermer l'enfant dans un palais souterrain. Trois mois avant le terme fixé, la reine laisse sortir sa fille à condition qu'elle voyage en carrosse bien fermé. Un accident survient : la jeune fille voit la lumière. Aussitôt métamorphosée en biche, elle est condamnée à errer. Plus tard elle reprend sa forme première et accède au bonheur.
On voit donc, tout au long de l'histoire, se succéder des événements qui concordent avec le symbolisme de l'écrevisse et de la lune : monde des profondeurs et des ténèbres, enfermement sous une « carapace » (le palais souterrain puis le carrosse), renaissance après une double mort symbolique (exclusion de la société puis passage dans l'univers de l'animalité), double mort somme toute très similaire à celle que définissait Plutarque. Remarquons enfin que le parcours initiatique que suit la princesse en faisant l'épreuve de l'isolement et de la solitude dans la forêt (parcours qui est aussi une médiation), la fée le lui a tracé, ses propres métamorphoses annonçant celles de la jeune fille.
La comparaison de certains éléments de l'histoire avec la symbolique de l'écrevisse et de la lune nous permet de mieux saisir la fonction narrative du symbole, fonction indépendante de celle de la fée : l'écrevisse condense plusieurs éléments de l'histoire en les préfigurant ou les déterminant. Loin d'être un pur motif ornemental, le symbole devient donc un mode d'écriture.
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