Étymologie :
DRAGON, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 dragun « animal fabuleux » (Roland, éd. J. Bédier, 2543) ; 1176-81 hérald. (Chr. de Troyes, Chevalier Charrette, 5799 ds T.-L.) ; 1663 fig. dragon de vertu (Molière, École des femmes, IV, 8) ; 1672 dragon « femme acariâtre » (Molière, Femmes savantes, II, 9) ; 2. 1130-40 dans l'iconogr. chrét. symbole du démon (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 379) ; 3. 1275-80 dragons volanz « phénomène qui se produit dans l'atmosphère » (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 1885) − 1771, Trév. d'apr. FEW t. 2, p. 150b ; 1686 « gros-tourbillons d'eau » (P. Tachard, Voiage de Siam, 1. I ds Rich. 1706) ; 4. 1690 (Fur. : Dragon, est aussi une Constellation céleste, vers le Pôle Arctique) ; 5. 1690 (Fur. : Dragon, est aussi une maladie qui vient aux yeux des chevaux) ; 1694 « tache dans l'œil de l'homme » (Ac.) ; 6. 1800 (Boiste : Dragon ; serpent) ; 1803 (Boiste : Dragon lézard volant). B. Ca 1100dragun « étendard » (Roland, éd. J. Bédier, 1480) − xvie s. (Paré ds Gdf. : faire voler le dragon) ; 1594 « soldat de cavalerie » (Satyre Menippée, éd. E. Tricotel, t. 1, p. 98). Empr. au lat. draco, onis class. « animal fabuleux ; constellation », chrét. « diable, démon » ; b. lat. « enseigne de cohorte ».
Lire également la définition du nom dragon afin d'amorcer la réflexion symbolique.
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Symbolisme :
Dans le Dictionnaire des symboles (1969, édition revue et corrigée 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on peut lire que :
"Le dragon nous apparaît essentiellement comme un gardien sévère ou comme un symbole du mal et des tendances démoniaques. Il est en effet le gardien des trésors cachés, et comme tel l'adversaire qui doit être vaincu pour y avoir accès. C'est en Occident, le gardien de la Toison d'Or et du Jardin des Hespérides ; en Chine, dans un conte des T'ang, celui de la Perle ; la légende de Siegfried confirme que le trésor gardé par le dragon n'est autre que l'immortalité.
Le dragon comme symbole démoniaque s’identifie en réalité au serpent : Origène confirme cette identité à propos du Psaume 74 (voir Léviathan). Les têtes de dragons brisées, les serpents détruits, c'est la victoire du Christ sur le mal. Outre l'imagerie bien connue de Saint Michel ou de Saint Georges, le Christ lui-même est parfois représenté foulant aux pieds les dragons. Le patriarche zen Houei-nêng fait également des dragons et des serpents les symboles de la haine et du mal. Le terrible Fûdo (Acala) nippon, dominant le dragon, vainc par là même l'ignorance et l'obscurité.
Mais ces aspects négatifs ne sont pas les seuls, ni les plus importants. Le symbolisme du dragon est ambivalent, ce qu'exprime d'ailleurs l'imagerie extrême-orientale des deux dragons affrontés, qu'on retrouve dans l'art médiéval, et plus particulièrement dans l'hermétisme européen et musulman, où cet affrontement prend une forme analogue à celle du caducée. C'est la neutralisation des tendances adverses, du soufre et du mercure alchimiques (alors que la nature latente, non développée, est figurée par l'ourobouros, le dragon qui se mord la queue). En Extrême-Orient même, le dragon comporte des aspects divers en ce qu'il est un animal aquatique, terrestre - voire souterrain - et céleste à la fois ; ce en quoi on a pu le rapprocher de Quetzalcoatl, le serpent à plumes des Aztèques. On a tenté, mais sans aucun succès, de distinguer entre le dragon long (aquatique) et le dragon k'ouei (terrestre) ; il existe au Japon une distinction populaire entre les quatre espèces céleste, pluviale, terrestre-aquatique et souterraine.
En réalité, il ne s’agit que d'aspects distincts d'un symbole unique, qui est celui du principe actif et démiurgique : puissance divine, élan spirituel, dit Grousset ; symbole céleste en tout cas, puissance de vie et de manifestation, il crache les eaux primordiales ou l’œuf du monde, ce qui en fait une image du Verbe créateur. Il est la nuée qui se déploie au-dessus de nos têtes et va déverser ses flots fertilisants. C'est le principe k'ien, origine du Ciel et producteur de la pluie, dont les six traits sont six dragons attelés ; son sang, dit encore le Yi-king, est noir et jaune, couleurs primordiales du Ciel et de la Terre. Les six traits de l'hexagramme k'ien figurent traditionnellement les six étapes de la manifestation, depuis le dragon caché, potentiel, non- manifesté, non-agissant, jusqu'au dragon planant, qui fait retour au principe, en passant par le dragon dans les champs, visible, bondissant et volant.
Le dragon s'identifie, selon la doctrine hindoue, au Principe, à Agni ou à Prajapâti. Le Tueur de Dragon est le sacrificateur qui apaise la puissance divine et s'identifie à elle ; le dragon produit le soma, qui est breuvage d'immortalité ; il est le soma de l'oblation sacrificielle. La puissance du dragon, enseigne Tchouang-tseu, est chose mystérieuse : elle est la résolution des contraires ; c'est pourquoi Confucius vit, selon lui, en Lao-tseu la personnification même du dragon. Par ailleurs, si le dragon-soma procure l'immortalité, le dragon chinois y conduit également : les dragons volants sont montures d'Immortels : ils les élèvent vers le Ciel ; Houang-ti, qui avait utilisé le dragon pour vaincre les tendances mauvaises, monta au Ciel sur le dos d'un dragon. Mais il était lui-même dragon, de même que Fou-hi, le souverain primordial qui reçut d'un cheval-dragon le Ho-t'ou ; c'est grâce au dragon que Yu-le-Grand put organiser le monde en drainant les eaux surabondantes : le dragon, envoyé du Ciel, lui ouvrit la voie (k'ai tao).
Puissance céleste, créatrice, ordonnatrice, le dragon est tout naturellement le symbole de l'empereur. Il est remarquable que ce symbolisme s'applique non seulement en Chine, mais chez les Celtes, et qu'un texte hébreu parle du Dragon céleste comme d'un roi sur son trône. Il est en effet associé à la foudre (il crache du feu) et à la fertilité (il amène la pluie). Il symbolise ainsi les fonctions royales et les rythmes de la vie, qui garantissent l'ordre et la prospérité. C'est pourquoi il est devenu l'emblème de l'empereur. De même qu'on expose des portraits de celui-ci, quand sévit la sécheresse, on fait une image du dragon Yin et il commence alors à pleuvoir. Le dragon est une manifestation de la toute-puissance impériale chinoise : la face du dragon signifie la face de l'empereur ; la démarche du dragon est l'allure majestueuse du chef ; la perle du dragon, qu'il est censé posséder dans la gorge, est l'éclat indiscutable de la parole du chef, la perfection de sa pensée et de ses ordres. On ne discute pas la perle du dragon, déclarait encore Mao.
Si le symbolisme aquatique demeure évidemment capital, si les dragons vivent dans l'eau, font naître des sources, si le Roi-dragon est un roi des nâga (mais il s'identifie, ici encore, au serpent), le dragon est surtout lié à la production de la pluie et du tonnerre, manifestation de l'activité céleste. Unissant la terre et l'eau, il est le symbole de la pluie céleste fécondant la terre. Les danses du dragon, l'exposition de dragons de couleur appropriée permettent d'obtenir la pluie, bénédiction du ciel. En conséquence le dragon est signe de bon augure, son apparition est la consécration des règnes heureux. Il arrive que, de sa gueule ouverte, sortent des feuillages : symbole de germination. Une coutume indonésienne veut qu'au jour de l'an une suite de jeunes gens se revêtent d'un dragon de papier qu'ils animent et font danser par les rues, tandis que les citadins massés aux fenêtres lui offrent des salades vertes qu'il engloutit pour la plus grande joie du public. La colonie indonésienne de Hollande perpétue chaque année ce rite dans les rues d'Amsterdam. Le tonnerre est inséparable de la pluie ; son lien avec le dragon se rattache à la notion de principe actif, démiurgique ; Houang-ti, qui était dragon, était aussi génie du tonnerre ; au Cambodge, le dragon aquatique possède une gemme dont l'éclat - et l'éclair - provoque la pluie.
La montée du tonnerre, qui est celle du yang, de la vie, de la végétation, du renouvellement cyclique, est figuré par l'apparition du dragon, qui correspond au printemps, à l'est, à la couleur verte : le dragon s'élève dans le ciel à l'équinoxe de printemps et s'enfonce dans l'abîme à l'équinoxe d'automne ; ce que traduisent les positions des étoiles kio et ta-kio, Épi de la Vierge et Arcturus, les cornes du dragon. L'utilisation du dragon dans l'ornementation des portes en Orient lui confère également un symbolisme cyclique, mais plutôt de nature solsticiale. Astronomiquement la tête et la queue du Dragon sont les nœuds de la lune, les points où ont lieu les éclipses : d'où le symbolisme chinois du dragon dévorant la lune, et celui, arabe, de la queue du Dragon comme région ténébreuse. Nous rejoignons ici un aspect obscur du symbolisme du dragon, mais l'ambivalence est constante : le dragon est yang comme signe du tonnerre et du printemps, de l'activité céleste ; il est yin comme souverain des régions aquatiques ; yang en ce qu'il s'identifie au cheval, au lion - animaux solaires -, aux épées ; yin en qu'il est métamorphose d'un poisson ou s’identifie au serpent ; yang comme principe géomantique ; yin comme principe alchimique (mercure).
Le dragon rouge est l'emblème du Pays de Galles. Le Mabinogi de Lludd et Llewelys raconte la lutte du dragon rouge et du dragon blanc, ce dernier symbolisant les Saxons envahisseurs. Finalement, les deux dragons, ivres d'hydromel sont enterrés au centre de l'île de Bretagne, à Oxford, dans un coffre de pierre. L'île ne devait subir aucune invasion tant qu'ils n'auraient pas été découverts. Le dragon enfermé est le symbole des forces cachées et contenues : les deux faces d'un être voilé. Le dragon blanc porte les couleurs livides de la mort, le dragon rouge celles de la colère et de la violence. Les deux dragons enterrés ensemble signifient la fusion de leur destin. La colère est tombée, mais les dragons pourraient ressurgir ensemble. Ils demeurent comme une menace, une puissance virtuelle, prompte à se lancer contre tout nouvel envahisseur.
On peut rattacher l'image de la baleine rejetant Jonas à la symbolique du dragon, monstre qui avale et recrache sa proie, après l'avoir transfigurée. Cette image d'origine mythique solaire représente le héros englouti dans le dragon. Le monstre vaincu, le héros conquiert une éternelle jeunesse. Le voyage aux enfers accompli, il remonte du pays des morts et de la prison nocturne de la mer. L'analyse de C. G. Jung a tiré parti de ce mythe, dont l'expérience clinique a retrouvé le thème dans les rêves, et de son interprétation traditionnelle : le mythe familier de Jonas et de la baleine, où le héros est avalé par un monstre marin qui l'entraîne sur la mer, la nuit, d'ouest en est, symbolise la marche supposée du soleil du crépuscule à l'aube. Le héros, explique J. L. Henderson, s'enfonce dans les ténèbres, qui représentent une sorte de mort... la lutte entre le héros et le dragon... laisse paraître le thème archétypique du triomphe du Moi sur les tendances régressives. Chez la plupart des gens, le côté ténébreux, négatif, de la personnalité reste inconscient. Le héros, au contraire, doit se rendre compte que l'ombre existe et qu'il peut en tirer de la force. Il lui faut s'accorder avec ses puissances destructrices s'il veut devenir assez redoutable pour vaincre le dragon. En d'autres termes, le Moi ne peut triompher qu'autant qu'il a d'abord maîtrisé et assimilé l'ombre. Le même auteur cite dans le même sens l’acceptation par Faust du défi de Méphistophélès, le défi de la vie, le défi de l'inconscient : à travers lui, à travers ce qu'il a cru être la poursuite du mal, il débouche sur les horizons du salut.
Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours qui attendent que nous les secourions. (R. M. Rilke, Lettres à un jeune poète). Le dragon est d'abord en nous.
Les dragons représentent aussi l'armée de Lucifer opposée à l'armée des anges de Dieu : se déplaçant un peu plus vite que la lumière divine, crachant d'avance tous les feux de l'enfer, puissamment armés de toutes les griffes de la haine et de tous les crocs du désir, cuirassés d'égoïsme, munis des ailes puissantes d u mensonge et de la ruse, les dragons de Lucifer étaient au mal ce que les anges de Dieu étaient au bien. Les dragons de Lucifer ! ... Sifflant, soufflant, hurlant, rugissant, ils fondent encore sur nous du fond des âges et des ténèbres... Les serpents, les rats, les vampires, les chauves-souris, tout ce qui est frappé d'horreur et de puissance maléfique dans la mémoire ancestrale et dans l'imagination populaire est, à peine camouflée, une image de dragons qui menaçaient le Tout-Puissant. Si quelque chose subsiste, au fond de l'inconscient collectif, de la terreur originelle et de la répugnance primordiale, c'est bien l'ombre de la bête fabuleuse et abjecte qui composait le gros de ce que nous appellerions aujourd'hui, pour parler notre langage et en forçant les termes avec une vulgarité un peu facile, les troupes aériennes et le corps blindé du Malin.
Saint Georges ou Saint Michel et le dragon, dont les artistes ont si souvent représenté le combat, illustrent la lutte perpétuelle du mal contre le bien. Sous les formes les plus variées, on en retrouve la hantise dans toutes les cultures et toutes les religions, et jusque dans le matérialisme dialectique de la lutte des classes.
L'axe des dragons, dans le thème astrologique, est aussi nommé axe de destinée. La tête du dragon, qui indique le lieu du thème où doit se construire le foyer de l'existence consciente, est opposée à la queue du dragon, qui brasse toutes les influences venues du passé, le karma dont il faut triompher. Ces deux parties du dragon sont également appelées nœuds lunaires, Nord et Sud ; il s'agit des points où la trajectoire de la lune croise celle du soleil.
Le dragon est le symbole du mercure philosophal. Deux dragons qui se combattent désignent les deux matières du Grand Œuvre ; l'un est ailé et l'autre pas, pour signifier la fixité de l'une, la volatilité de l'autre. Lorsque le soufre, fixe, a changé en sa propre nature le mercure, les deux dragons font place à la porte du jardin des Hespérides, où l'on peut cueillir sans crainte les pommes d'or.
La lignée Brug-pas Kagyu-pas, qui appartient au véhicule du Diamant, signifie lignée du dragon Kagyu-pas ; ses enseignements sont magnifiquement exposés dans Vie et Chants du Brug-pa Kun-Legs le Yogin qui vécut au XVème siècle et dont le nom signifie Beau dragon. Il est vénéré au Bhoutan, près du Tibet (le Bhoutan étant le Pays du Dragon)."
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Claude Gaignebet, auteur d'un article intitulé “A LA PECHE AUX ENFANTS.” (Civilisations, vol. 37, no. 2, Institut de Sociologie de l’Université de Bruxelles, 1987, pp. 35–41, http://www.jstor.org/stable/41229338.) rapporte :
La troisième voie [pour savoir d'où viennent les enfants], qu'emprunta Œdipe lorsque de l'œil du bout de son bâton d'aveugle il explora le sein de sa mère, est non moins folle que celle du Néron de la légende. Le tyran fit ouvrir par des médecins le ventre d'Agrippine, contempla ce mélange de sang et d'excréments où il avait été et, afin de connaître à son tour les joies-douleurs de l'enfantement, se fit greffer aux entrailles... un crapaud. Un dragon en naquit ; longtemps nourri dans des souterrains et devenu monstrueux, il ne disparut que lors de l'incendie-spectacle de la Ville Eternelle.
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D'après Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Hachette Livre, 2000), on peut mettre sur le même plan symbolique la licorne et le dragon :
"Ces deux animaux mythiques et fabuleux sont à l'origine de bien des légendes, contes et récits merveilleux. Quand, dans l'esprit des hommes, le symboles deviennent vivants, la licorne et le dragon prennent corps, forme et substance. [..]
Sans faire aucun amalgame, et sans vouloir à tout prix trouver des correspondances, des coïncidences, des liens entre certaines croyances du passé et celles qui hantent l'imaginaire des hommes contemporains, nous ne pouvons éviter de constater qu'il y a bien des points communs entre le mythe du dragon, animal de légende, et celui du dinosaure, dont nous savons qu'il a existé mais qui ne nous semble pas moins fantastique. D'une certaine manière, le dinosaure a peut-être quelque chose d'encore plus irréel que le dragon, en cela que plus de 100 millions d'années nous séparent de sa présence sur Terre.. Or comment pourrions-nous réaliser ce que signifient 100 millions d'années, nous qui ne vivons sur Terre que 70 ou 80 ans à peine ? Le grand reptile du mésozoïque serait-il l'ancêtre du dragon ? Ou serait-il possible que l'être humain ait conservé, dans les couches profondes de sa mémoire psychique, des traces inconscientes de l'existence de ce grand reptile ? Nous ne pouvons rien affirmer à ce sujet. Tout ce que nous savons aujourd'hui, c'est que l'homme, aussi intelligent soit-il, n'emploiera jamais qu'à peine 10% des capacités de son cerveau, et qu'il ne vivra pas plus de cent ans environ, alors qu'il dispose d'une quantité de cellules grises suffisantes pour durer mille ans !
Quoi qu'il en soit, bien que nous ne sachions pas si nos ancêtres avaient déjà trouvé des squelettes de dinosaure, une chose est sûre : l'iconographie du dragon nous présente souvent cet animal fabuleux sus les traits d'un grand reptile doté d'ailes ou de nageoires, d'une longue queue, de longues patte aux doigts tantôt griffus, tantôt palmés, et crachant le feu. C'est du moins ainsi qu'il figure en Occident.
En revanche, en Chine, le dragon, animal mythique, symbole du Yang, de la fécondité et de l'activité, est plutôt représenté comme un grand serpent lové au centre de la Terre, à l'origine de la création du monde. Le ciel et les constellations furent aussi souvent représentés par un grand serpent recouvrant la terre, en Occident comme en Chine. Or, symboliquement, c'est à ce fabuleux potentiel d'énergies primordiales - à la fois créatrices et destructrices, célestes et terrestres -, que l'homme porte en lui mais qui est aussi celui de la terre, que le mythe du dragon a été assimilé et identifié. Comme si une force incroyable, dépassant tout ce que l'on peut imaginer, était retenue prisonnière dans le sein de la Terre comme en l'être humain.
Dès lors, pour l'homme, vaincre le dragon devint une quête. Celle de se rendre maître de ces forces primordiales, primitives, qui l'enchaînent dans le cycle infernal et interminable de la naissance et de la mort, suivie d'une nouvelle naissance et d'une autre mort, etc. Là encore, les mythes et les symboles du dragon furent intégrés dans la symbolique alchimique. A l'instar du cerf, le grand principe féminin et mercuriel, le dragon devait être sacrifié, afin que l'on puisse extraire de lui le soufre, le grand principe masculin.
La licorne et le dragon sont-ils des monstres ? Nous ne le pensons pas. Dans l'esprit de nos ancêtres, ces deux animaux fabuleux n'étaient pas des monstres de la nature. Mais quand bien même ils auraient été perçus comme tels, n'oublions pas que, dans l'Antiquité comme au Moyen Âge, les monstres avaient un caractère divin, précisément pare qu'ils étaient monstrueux, extraordinaires, rares. Leurs particularités en faisaient des messagers des dieux sur Terre. Il fallait donc, sinon les honorer, du moins être attentif à leur manifestation et réceptif à leur présence. C'est ainsi que la chasse à la licorne et au dragon devint une quête mystique. On ne chassait pas un rêve, une légende, un mythe. en traquant l'une ou l'autre, on chassait en soi, pour trouver la lumière, la vérité, l'amour, la pureté, le bonheur. N'est-ce pas ce que l'on cherche encore et toujours ?
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Philippe Reyt, auteur de "Les dragons de la crue." (In : Cahiers de géographie du Québec, 2000, vol. 44, no 122, pp. 127-145) propose une hypothèse intéressante concernant les dragons :
[...] Il est difficile de dater, même approximativement, l'apparition du mythe du dragon dans l'imaginaire occidental. S'agit-il d'un archétype au sens où Jung l'a lui-même défini, c'est-à-dire remontant aux origines des temps, indifférent à toute notion de frontière, de groupe ou de culture, ou s'agit-il d'un avatar du mythe du serpent, comme nous sommes tentés de le croire? Dans tous les cas, le dragon est déjà présent chez les Anciens sous la forme des « monstres gloutons » dont Plaute et Juvénal se font l'écho, et dont Rabelais s'inspire en 1548 pour dresser, dans le Quart Livre, la description d'un Manduce imaginaire que les Astrolâstres portent en procession (Rabelais, 1994 : 513). La découverte d'une effigie de monstre anthropophage attribuée aux Cavares et imprécisément datée d'entre le premier siècle avant et le sixième siècle après J.-C. atteste la présence du dragon à la veille ou dès le début de l'ère catholique (Musée Calvet d'Avignon). Le lieu même de la découverte, un gué sur la Durance, paraît conforter l'hypothèse d'une convénience, c'est-à-dire d'une assimilation par le voisinage des lieux (Foucault, 1966 :33), entre le dragon et l'eau vive dans la pensée analogique. L'iconographie générale, bien qu'illustrant principalement des scènes hagiographiques ou des processions tardives et certainement altérées, permet d'étayer la théorie de la généralisation du mythe du nord de la France jusqu'à la Méditerranée.
[...]
En l'état actuel de nos recherches, nous devons donc nous contenter de vingt-six dragons, répartis de façon assez homogène sur le territoire, dont quinze ont donné lieu, de manière avérée, à des processions, parfois à l'occasion de fêtes votives et plus généralement à l'occasion des fêtes des Rogations.
DES DRAGONS À NOS PORTES : Une Tarasque au cœur du Rhône
À Tarascon, la Tarasque, née de l'union du Léviathan et d'un animal non moins féroce qu'on nomme onachum, hante les eaux du Rhône d'où elle surgit régulièrement pour dévorer les enfants et le bétail ou submerger les bateaux. Jacques de Voragine, dans la Légende dorée, la décrit comme un dragon terrifiant, moitié animal, moitié poisson, plus épais qu'un bœuf et plus long qu'un cheval, avec des dents semblables à des épées et grosses comme des cornes. À ceux qui la poursuivent, elle jette à la distance d'un arpent sa fiente comme un dard, et tout ce qu'elle touche s'enflamme (de Voragine, 1967, t. 2 : 21). Frédéric Mistral, dans le chant IX de Mireille, s'attarde lui aussi sur cette bête à la queue de dragon et aux yeux de cinabre, dotée d'un mufle de lion et de six pieds pour mieux courir, avec sur le dos des écailles et des dards qui font peur, et qui, dans sa caverne sous un roc qui domine le Rhône, emporte ce qu'elle peut (Mistral, 1859).
Machecroûte, Graouilly et autres dragons... : À Lyon, la Machecroûte hante au Moyen-Âge les remous du pont de la Guillotière. À Metz, un Graouilly affublé de deux pattes et d'un bec de canard occupe avec une armée de serpents les ruines de l'amphithéâtre romain, empoisonnant les alentours de leur haleine fétide (Vazemmes, 1976 : 373). Au VIe siècle à Fontaine-de-Vaucluse, une couleuvre monstrueuse, le Coulobre, terrorise jusqu'aux faubourgs de Cavaillon. Couverte d'écaillés et pourvue de larges ailes, le dos bigarré d'une multitude de couleurs et les yeux rouges et étincelants, elle n'ouvre sa large gueule que pour dévorer les hommes et leur bétail (Saint Martin, 1861 : 16). À Poitiers sévit la Grand' Gueule, ou Sainte-Vermine, dragon ailé à la gueule remplie de crocs acérés. À la Chapelle-Saint-Mesmun et Meung-sur-Loire, deux dragons gâtent les terres et en chassent les habitants par leur souffle (Chenault, 1997 : 64). La Chair Salée sévit à Troyes, le Doudou de saint Georges à Mons, le Dragon et la Lézarde à Provins, le Drac à Arles, Draguignan, Beaucaire et dans le Cantal, la Lycastre à Porquerolles, le Grand Bailla à Reims, le Bœilla à Suippes, etc.
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D'après Madonna Gauding, auteure de Animaux de pouvoir, Guides, protecteurs et guérisseurs (Octopus publishing Group 2006 ; traduction française Éditions Véga, 2006) :
Guide d'interprétation
En tant que symbole onirique : Pouvoir - Chance - Changement - Transformation - Protection - Puissance sexuelle.
En tant que gardien ou protecteur : Garde la richesse ou le trésor - Éloigne les mauvais esprits.
En tant que guérisseur : Assure une bonne hydratation - Favorise la respiration yogique.
En tant qu'oracle ou augure : Attendez-vous à trouver un trésor - La chance est en route.
Mythes et contes
Le dragon est une bête magique d'une immense puissance, dotée d'un corps reptilien possédant pattes et ailes. Son souffle est ardent. En Europe, les dragons sont décrits comme étant des bêtes féroces, malfaisantes, que les hommes combattent. Les dragons asiatiques, dépourvus d'ailes, sont généralement considérés comme des créatures amicales qui assurent la chance et la richesse.
Si le dragon est votre animal de pouvoir
Vous êtes une personne extrêmement puissante, tant physiquement que mentalement. Si vous ne vous contenez pas, vous exhibez avidité, orgueil démesuré et comportement sexuel vil. Quand vous transformez votre négativité, vous êtes aimé pour votre intrépidité, chaleur et authenticité. Vous aidez les autres à surmonter les obstacles de leur vie. Toujours dynamique et puissant, vous pouvez être aussi très gentil et enjoué. Vos amis et votre famille apprécient beaucoup votre énergie sans bornes, votre générosité, votre élégance et classe, au point d'accepter votre perfectionnisme et excentricité.
Demandez au dragon de vous aider
à transformer vos habitudes négatives ;
à utiliser votre pouvoir pour le bien.
Accéder au pouvoir du dragon en :
regardant la danse du dragon au Nouvel an chinois ;
admirant des images de dragons dans l'art.
En Chine, au Nouvel an, un groupe de personnes virevolte dans les rues en partant un grand costume de dragon pour faire fuir les esprits mauvais et les empêcher de gâcher la fête. Concevez un rituel ou une prière pour écarter les mauvais esprits de votre vie."
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Pour les gourmands qui en veulent toujours davantage : une thèse entière sur le sujet
Daisy De Palmas Jauze, La figure du dragon : des origines mythiques à la Fantasy et à la Dragon Fantasy anglo-saxonnes contemporaines. (2010. Thèse de doctorat. Université de la Réunion) =>
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Pour David Carson, auteur de Communiquer avec les animaux totems, puisez dans les qualités animales une aide et une inspiration au quotidien (Watkins Publishing, 2011 ; traduction française Éditions Véga, 2011), le dragon appartient à la famille des Qualités intérieures, au même titre que le serpent, la taupe, la tortue, le faucon, le singe, le phénix, le jaguar, le chat, l'éléphant, le l'araignée, le lion, l'ours grizzly, le loup, le corbeau et la corneille, le crocodile, le gorille et le bison.
Qualités intérieures : Le rythme effréné du monde dans lequel nous vivons - exigences du travail, évolution technologique et pressions financières - nous fait aisément oublier notre parenté aux animaux. Il est encore plus facile de négliger notre esprit animal, personnel et intérieur, où nous pouvons puiser force, sagesse et conseils.
Il existe diverses façons de nous reconnecter à nos guides intérieurs. L'une d'elles est de fournir un effort conscient pour trouver l'animal qui compense les faiblesses que nous sentons en nous-mêmes - le lion peut par exemple nous aider à combattre notre timidité. Une autre approche consiste à identifier un ou plusieurs animaux avec lesquelles nous sentons une affinité particulière et à travailler en lien étroit avec eux sur une large gamme de problèmes et de peurs. Ce chapitre sonde les créatures susceptibles d'offrir un éclairage intérieur particulier sur notre caractère et notre psyché.
[...]
Créature mystérieuse au symbole mythologique chargé, le dragon peuple de nombreuses cultures du monde entier, avec des sens et des associations différents. Il semblerait qu'il soit un mélange de plusieurs animaux encore existants - tels que les alligators, les lézards et les serpents - et disparus comme le ptérodactyle, reptile préhistorique volant.
En Asie, les dragons ressemblent généralement à des serpents, tandis que le dragon européenne est ailé et crache du feu. D'autres différences culturelles sont notables - les dragons asiatiques sont vus comme des forces naturelles primitives, dotées d'une grande sagesse et de pouvoirs surnaturels. A l'inverse, le dragon européen symbolisait communément le diable, bête dangereuse à abattre, dont la plus célèbre illustration est la légende de saint Georges.
Il est fascinant de constater que des créatures-dragons sont apparues partout dans le monde dans des cultures sans lien apparent. Une théorie soutient que leurs traits - corps de serpent, griffes de chat et capacité à voler comme un oiseau de proie - incarnent les trois genres animaux les plus redoutés des humains. D'autres supposent que les dragons ont été inspirés par les restes de dinosaures, découverts un peu partout dans le monde. Enfin, certains croient toujours que des dragons existent et agissent profondément en nous sur le plan spirituel. Parfois, la puissante énergie du dragon fait surface et pose problème ; à d'autres moments, elle produit l'effet inverse et nous confère une force extraordinaire - dont nous ne pensions pas disposer. Quand le dragon s'éveille en nous, nous sommes à l'endroit juste de nous-mêmes : les vibrations du moment entrent en parfait équilibre, nourries par cette force ancienne universelle. L'être pensant s'élargit, comme si ses pensées venaient du centre du cosmos. C'est comme si le dragon nous avait transporté au plus haut niveau d'existence, ou s'il avait réuni en nous l'univers entier.
Mot-clé : Pouvoirs cachés.
Beowul et Grendel
Dans le poème épique anglo-saxon et premier récit d'aventure Beowulf, le héros se bat contre Grendel, un monstre féroce qui tue le peuple local. Beowulf dit au roi du Danemark Hrrogar : "On prétend que vous avez un monstre ici, et que vos terres sont maudites. Je suis Beowulf et suis venu pour tuer votre monstre." Bien qu'on ne connaisse pas exactement la nature de cet adversaire maléfique, le monstre Grendel illustre parfaitement l'archétype du dragon, avec écailles, excroissances calleuses et griffes au sang séché. Beowulf tua la bête malfaisante puis, du fond de la mer, s'engagea dans une lutte serrée contre la mère de Grendel, où il finit par la décapiter. De nombreuses légendes similaires nous enseignent que le pouvoir du dragon est effectivement grand, et que nous pouvons apprendre à la dompter et à le maîtriser pour nous-mêmes. Dans la légende de saint Georges et du dragon, saint Georges délivre une princesse en transperçant le dragon de sa lance, puis en le menant, pleinement dompté, par la ceinture de la princesse."
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Dans Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013) Michel Pastoureau s'attache à retracer l'histoire de la perception visuelle, sociale, culturelle de cette couleur en Occident, de l'Antiquité au XIXe siècle. C'est aussi l'occasion d'évoquer d'autres éléments de la symbolique liées à la couleur verte. Ainsi :
"Le dragon est plus effroyable encore [que le serpent]. Pour la culture médiévale, c'est un animal réel, le plus grand des serpents, mais un serpent composite, doté de pattes et souvent d'ailes. Son corps, recouvert d'écailles bien plus dures que celles des poissons, se prolonge par une longue queue effilée et présente sur le dos une crête armée d'aiguillons. Ses pattes, semblables à celles du lion, sont terminées par des serres d'aigle ; sa tête, petite et allongée, possède des oreilles pointues et parfois une barbiche. Ses yeux sont rouges ; son regard, fixe et paralysant. Sa gueule n'est pas grande mais elle abrite des dents cruelles et une langue en forme de trident. Le dragon mord, déchire, dévore, avale, vomit, crache, bave : c'est un ogre. Certains dragons n'ont pas une tête unique mais plusieurs : deux comme l'amphisbène, une au sommet du cou, l'autre à l'extrémité de la queue ; ou bien trois comme "le dragon du pays des Amazones", une grosse entourée de deux petites ; voire sept comme l'épouvantable hydre, monstre des eaux, ennemie du crocodile, dont elle emprunte la couleur : le vert.
Cette couleur est aussi celle du dragon ordinaire. Quelques auteurs précisent cependant qu'il est vert sur le dos et jaune sous le ventre. D'autres ajoutent qu'il est tellement retors qu'il peut, comme le caméléon, changer de couleur à volonté. En outre, si le dragon est vert ou vert et jaune à l'extérieur, l'intérieur de son corps, gorgé de sang et de feu, est rouge. On recueille ce sang pour faire un pigment dont se servent les peintres et les enlumineurs : le sandragon (la sandaraque). Il faut l'utiliser, nous disent les recueils de recettes, pour peindre le visage du Diable, le châtiment des méchants et les flammes de l'enfer. Curieusement, aucun bestiaire n'associe le dragon à la couleur noire, ni même à des teintes sombres : il est vert, visqueux, pustuleux, luisant, enflammé. Il entretient des rapports étroits avec les quatre éléments (l'eau, la terre, l'air, le feu) et avec les cinq sens : il est terrifiant (la vue), bruyant (l'ouïe), gluant (le toucher), nauséabond (l'odorat) et ogresque (le goût). Son haleine empeste ; les flammes qui sortent de ses oreilles et de sa gueule brûlent et détruisent ; son venin, placé à l'extrémité de sa queue, comme chez le scorpion, tue. Mais son sperme et sa bave passent pour fertiles et fécondants, et son sang peut durcir pour se transformer en une sorte de carapace assurant l'immortalité à qui se baigne dedans. Siegfried, héros du chant des Nibelungen, l'a fait, mais une malheureuse feuille de tilleul tombée entre ses épaules l'a empêché de devenir totalement invulnérable. Ici, le vert de l'arbre préféré s'oppose au rouge de l'animal le plus craint : les deux couleurs, une fois de plus, font couple."
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Dans L'Oracle des Esprits de la Nature (Éditions Exergue, 2015), Loan Miège nous propose une carte intitulée "Dragon", à laquelle elle fait correspondre le petit texte suivant :
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« Ne crains rien, tu es protégé matériellement, physiquement, mentalement et spirituellement.
Ajuste ton bouclier et agis ! »
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Au cœur de la forêt de Fontainebleau s'élève la Tour Denecourt, autrefois appelée « Fort l'Empereur ». Une étude géobiologique montre que son centre est traversé par de nombreuses lignes telluriques positives, lui conférant un contexte énergétique très particulier. S'ajoute à cela une colonne de lumière, véritable ascenseur entre les profondeurs de la Terre et les cimes du Ciel. Ce lieu est tout désigné pour abriter un dragon, et c'est le bien le cas ! Ayant accès à tous les éléments : Terre, Eau, Feu, Air et Ether, le dragon se présente comme un alchimiste de premier ordre. Il est le grand sage, celui qui a uni son cœur et sa conscience, le protecteur et l'enseignant. Ici, il est aussi le gardien d'une vaste zone de la forêt. Il est en contact avec tous les Esprits de la Nature environnants, les informant et les guidant si besoin. Généreux, il n'hésite pas à sortir de son habitat de pierre pour venir nous rencontrer.
A propos du message : Maîtrisant avec aisance les forces de la Terre et du Ciel, le dragon nous offre son aide et sa protection. Il nous prend sous son aile et veille à notre bien-être sur tous les plans. Cela étant acquis, il nous encourage à aller de l'avant, car maintenant, rien ne peut nous arrêter. C'est donc à nous de perendre les commandes de notre destin et d'agir en toute conscience. Avec ce message, un nouvel élan nous est donné pour la réalisation de nos projets.
Pratique : Commençons par prendre un papier et un stylo. Réfugions-nous dans un endroit calme, propice à la concentration. Le moment est venu de prendre de la hauteur et de réfléchir à notre grand projet de vie, qui peut d'ailleurs se décliner en différents petits projets. Quoi qu'il en soit, notons tout ce qui vient : nos envies, nos rêves, nos objectifs... tout ! Voyons ensuite comment tout cela s'organise et tentons de poser l'ensemble selon une logique qui a du sens pour nous. Tout est maintenant clairement et proprement couché sur le papier, nous allons pouvoir passer à la suite. Sensible aux cinq éléments, le dragon apprécie une offrande les contenant : un peu de terre ou un végétal pour la Terre, une coupelle d'eau pour l'Eau, une bougie pour le Feu, de l'encens pour l'Air et un cristal pour l'Ether. Disposons l'offrande, le papier, ainsi que la carte (qui nous sert de porte vibratoire) en face de nous. Nous sommes prêts à appeler un dragon. Faisons le silence en nous et dirigeons notre attention au centre de notre poitrine, siège du cœur énergétique. Intérieurement, ouvrons une porte vers le monde des dragons et demandons à ce que l'un d'entre eux vienne se manifester devant nous, dans notre dimension. Sa présence est palpable. Prenons un instant pour la resentir avec l'ensemble de notre être. Le dragon est bien là. Exposons-lui nos projets. comme tous les Esprits de la Nature, il nous examine totalement et nous écoute aussi bien physiquement que vibratoirement. Une fois que tout est dit, demandons-lui simplement s'il souhaite nous soutenir. Une réponse positive est marquée par une augmentation de son corps éthérique et de sa bulle énergétique, mesurable par la main, le pendule, etc., ou par une sensation ou une image reçue. Le dragon s'engage alors envers nous. mais nous, à quoi nous engageons-nous ? Déterminons-un acte essentiel à la mis en œuvre du projet et engageons-nous à le réaliser. Il s'agit d'un partenariat qui ne fonctionne que si chacun assume sa part. Pour finir, décidons avec le dragon d'un code pour que nous puissions rester en contact. Remercions et conservons le papier précieusement.
Mot-clé : Agir.
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Dans son jeu de carte L'Oracle du peuple animal (Guy Trédaniel Éditeur, 2016), Arnaud Riou regroupe les animaux par famille. Le dragon appartient selon lui à la famille de l'action, avec le bélier, l'éléphant, l'ours, le colibri, le renard, le cheval, le bison, le requin et le castor.
"Au-delà de nos concepts, de nos belles théories, de nos idées et de nos valeurs, le passage à l'acte est une dimension fondamentale de notre humanité. Nous avons beau avoir le plus bel idéal, nous ne serons pas heureux tant que nous ne l'aurons pas réalisé. De la même façon, si nous passons à l'action en permanence sans prendre le temps de ressentir à quels besoins fondamentaux correspondent les actions que nous entreprenons, nous ne resterons que dans la dimension superficielle de notre être et notre vie manquera de sens. Notre santé s'appuie sur notre inspiration et notre expiration. Plus nous respirons profondément, plus nos perspectives s'élargissent.
L'inspiration correspond à l'intuition, la méditation, l'introspection, la sagesse. L'expiration correspond au passage à l'acte, à la décision, à l'action compatissante.
C'est alors tout un art de passer à l'action en s'appuyant sur une intention claire, sans pour autant y mettre trop de volonté. C'est tout un art de n'être ni dans la procrastination, l'art de remettre à demain ce qu'il serait juste d'entreprendre aujourd'hui. C'est tout un art aussi de travailler quotidiennement sans tomber dans la surchauffe, la dépression ou le découragement.
[N.B. La syntaxe fautive de cette fin de paragraphe n'est pas de mon fait (ni... ni ?) : je recopie scrupuleusement l'article afin que chacun puisse se faire sa propre opinion.]
La volonté égotique est dure et empêche la fluidité de nos actions. Lorsqu'il tire à l'arc, le samouraï est précis sur le centre de la cible qu'il vise. Toute sa concentration est posée sur la qualité de sa posture. Puis, il détend le pouce et l'index, et libère la flèche. Il ne met aucun volonté dans ce dernier mouvement. Poser une intention claire et passer à l'acte avec douceur et précision est tout un art.
C'est à cet art que nous invite cette famille d'animaux.
Peut-être que ces démons que tu redoutes d'affronter
Ne sont en fait que les gardiens de la pureté de ton cœur qui ne demande qu'à se révéler.
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La carte représente un paysage d'îles volcaniques. En arrière-plan, un volcan est en activité et sa lave rouge coule sur le flanc de la montagne. L'ensemble donne une dimension irréelle, féerique et exotique. Au centre de la carte, un Dragon est en vol. Hybride d'un lion, d'un lézard et d'une chauve-souris, il crache des flammes rouges semblables à celles du volcan.
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S'il existait une hiérarchie dans la puissance symbolique des animaux, le Dragon se hisserait certainement en tête ! Sorti des feux de l'enfer, le Dragon est un totem qui nous ouvre instantanément la frontière entre le rêve et la réalité. Animal hybride dans toute sa puissance, il réunit le rayonnement solaire du lion, la stabilité du lézard, le mystère de la chauve-souris. Il est parfois représenté comme un serpent ou comme une hydre à plusieurs têtes. Il incarne la puissance invulnérable, le défi, la transcendance. Il protège la porte du mystère et incarne le démon sous toutes ses formes, l'ennemi à abattre ou à découvrir. Dans tous les cas, il provoque le dépassement de soi, la révélation d'autres univers. Car il y a dans le combat avec le Dragon une rencontre avec nos propres limites et notre propre feu intérieur. Le dragon porte son mystère. Toutes les civilisations de l'humanité rapportent des témoignages de sa présence sur la Terre. De la Chine à l'Inde en passant par l'Europe, tous les peuples le décrivent avec des attributs semblables. Anis, peut-être le Dragon était-il un saurien qui a appris à voler ? C'est ainsi qu'il a pu survivre à l'extinction de son espèce au moment où les premiers hommes peuplèrent la Terre. Dans la tradition chrétienne empreinte de dualité, le Dragon est le symbole du mal. C'est l'incarnation de Lucifer que va combattre et terrasser l'Archange Michaël. comme lui, d'autres saints, comme saint Georges, saint Germain, sainte Marguerite, saint Julien, saint Léon, saint Victor, terrassèrent chacun leur Dragon. Mais pour vaincre le gardien légendaire, c'est notre propre Dragon que nous devrons affronter. Celui qui est capable de réchauffer ou de brûler, d'aimer ou de haïr. C'est nos propres démons qu'il s'agit de vaincre. Nos pulsions, notre violence intérieure qui barre la porte de notre cœur. Car le Dragon est un gardien du seuil. Il n'est en soi ni bon ni mauvais. Il est le gardien de la fontaine de Jouvence, de l'or et des pierres précieuses. Il préserve la Toison d'or. Dans la mythologie grecque, il garde les pommes d'or du jardin des Hespérides et la fontaine d'Arès. Le Dragon conserve précieusement les clés de la richesse, de l'abondance, de l'immortalité, de la puissance et du pouvoir. Il préserve ces trésors et teste la foi et le cœur qui veulent se les approprier. Ainsi, le Dragon est celui qui nous offre l’initiation. En Chine, il est symbole d'abondance, de longévité, de bonheur et de succès, c'est pourquoi il est bon d'avoir une représentation du Dragon dans sa maison. dans la Chine ancienne, seuls les généraux et les hauts dignitaires étaient autorisés à porter le Dragon sur leurs habits et brocarts et seul l'empereur en portait neuf, symbole du cycle achevé de la connaissance des mystères de la terre et du ciel.
Lorsque le Dragon vous apparaît dans le tirage. Le Dragon est un gardien du seuil. Lorsqu'il vous apparaît, c'est généralement pour vous signaler que vous êtes à la fin d'un cycle et que vous vous préparez à une nouvelle étape. Pour franchir l'étape suivante, d'autres initiations vont vous être dévoilées mettant au défi votre patience, votre courage, votre humilité. Le Dragon se présente aux âmes pures. A ceux qui se préparent à révéler au monde leur courage, la beauté de leur cœur, leur abnégation et leur foi. Le Dragon est l'animal qui révèle les chevaliers, les guerriers, les héros et les rois. Aussi, le Dragon vous met à l'épreuve pour vous inviter à regarder en vous ce qui mérite d'être terrassé et ce qui mérite d'être révélé.
Mots-clés : Le trésor - L'initiation - La victoire - La richesse - La dualité - L'infini potentiel - Le combat - Le nouveau cycle - Le changement - L'or - L'immortalité.
Signification renversée : Lorsque le Dragon vous apparaît dans sa position renversée, c'est pour vous inviter à regarder en vous ce qui mérite d'être apprivoisé. Le Dragon renversé peut vous signaler une violence contenue, une frustration importante qui peut vous dévorer et vous brûler de l'intérieur. Le Dragon renversé peut parfois vous signaler que vous protégez avec trop de violence ce que vous croyez vous appartenir. Pour vous protéger, peut-être crachez-vous trop de feu autour de vous.
Le message du Dragon : Je suis le gardien du seuil. Je préserve ce qui, sans moi, serait vulgarisé sans précaution. Je sais reconnaître les âmes nobles qui sont prêtes à recevoir l'or, la puissance et l'immortalité dont j'ai la garde. Les trésors que je protège peuvent te permettre toi-même de développer ta puissance, tes connaissances, tes valeurs et ta propre lumière. Mais je suis ici pour te rappeler que c'est du combat et ta propre lumière. Mais je suis ici pour te rappeler que c'est du combat contre nous-mêmes que nous tirons nos plus belles victoires. Je suis le Dragon. Je t'invite à descendre en toi. Dans la profondeur de ton être. Je t'invite à dépasser tes pulsions, tes peurs et toutes les blessures accumulées depuis ta naissance. Ce sont elles qui forment la porte du feu. celle qui protège la pureté de ton cœur. Avec moi, tu n'auras plus peur du feu et sauras transformer le brasier qui détruit en chaleur qui réconforte.
Le rituel du Dragon : Je rends hommage au Dragon, père de toute initiation. gardien des qualités humaines les plus héroïques. Je suis prêt à transformer ce qui en moi a besoin de l'être. Je me sens digne d'affronter le plus noble des combats. Celui de la lumière contre l'ombre. Celui de la peur contre l'amour. Je reconnais que la lutte même est vaine puisqu'elle renforce la dualité et le rejet d'une partie de moi et d'une partie de l'humanité. J'unis en moi ce qui a besoin de l'être. Je me pardonne du fond du cœur pour toutes les fois où j'ai lutté. Sur un cahier, je rédige toutes les fois où j'ai lutté, et toutes les fois où désormais, je me pardonne du fond du cœur."
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Pour Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique (LLewellyn Publications, 2017 ; traduction française Éditions Véga, 2017), le Dragon est défini par les caractéristiques suivantes :
Traits : Le Dragon symbolise la force, la chance et la croissance financière. C'est un être magique, très fort physiquement, et qui possède aussi une grande force de caractère qu'il montre par sa sagesse. Le Dragon est symbole de chance dans de nombreuses cultures parce qu'il trouve de l'or et des joyaux qu'il garde en dormant dessus, c'est pourquoi il peut aussi vous apporter la fortune. Le Dragon signifie que vous êtes quelqu'un de fort et de sage. Vous avez beaucoup de chance dans tout ce que vous entreprenez, surtout lorsqu'il s'agit d'argent et d'accroître vos richesses.
Talents : Acceptation - Aventure - Beauté - Dignité - Extase - Enchantement - Téméraire - Croissance financière - Feu - Gloire - Chance - Guidance - But supérieur - Impressionnant - Inspiration - Joie - Meneur - Majestueux - Esprit ouvert - Passionné - Présence - Prospérité - Protecteur - Royauté - Spiritualité - Force - Transitions - Sagesse.
Défis : Arrogant - Mortel - Destructeur - Féroce - Thésaurise - Irréaliste - Intimidant - Imprévisible.
Élément : Air - Terre - Eau.
Couleurs primaires : Noir - Bleu - Doré - Vert - Orange - Rouge - Blanc - Jaune.
Apparitions : Lorsque le Dragon apparaît, cela veut dire que vous êtes dans une période de prospérité. Cette prospérité peut être liée aux possessions matérielles et vous amener un accroissement des biens vous appartenant, ou de l'argent que vous pouvez gagner. Spirituellement, vous allez vivre une augmentation de votre intuition, une croissance sur votre chemin spirituel et une connexion à votre but supérieur. Le Dragon indique que vous avez l'esprit ouvert et que vous êtes attiré par tous les sujets métaphysiques et mystiques. Vous êtes pleinement investi dans la spiritualité qui est la vôtre, vous acceptez les autres et vous voyez la beauté en toutes choses. Le Dragon signifie que vous êtes un leader ayant une belle présence. Vous êtes noble, digne et majestueux dans votre façon d'approcher la vie. Les gens sont attirés par vous à cause de ces qualités. Vous êtes intuitivement lié à la sagesse ancienne, que vous avez le désir de partager avec les autres. Le Dragon est sans peur et passionné, et il possède un grand sens de l'aventure. Il est aussi imprévisible et intimidant, et il est associé à la mort et à la destruction. Il vous met en garde : réfléchissez avant d'agir ou de réagir pour qu'une situation qui est bonne ne devienne pas mauvaise du fait que vous avez intimidé ou effrayé les gens. Cela vous amènerait des regrets, et ce serait difficile à corriger, mais vous pouvez tout à fait l'éviter si vous gardez de la régularité dans ce que vous faites et maintenez des émotions positives et élevées.
Aide : Vous avez besoin de contacter votre Dragon intérieur et le pouvoir magique de ce qu'il peut créer pour vous. Le Dragon signifie que vous êtes enthousiaste et plein de vitalité. Tout au fond de vous, il y a le feu du dragon - ce qui veut dire que vous êtes passionné par tout ce que vous faites. Avec le feu, on forge de la beauté à partir d'un morceau de métal, mais le feu peut aussi tout détruire sur son passage. Si votre dragon intérieur a amené des destructions, ne vous désespérez pas pour ça. Même quand le feu a ravagé la forêt, une nouvelle croissance a lieu. Que pouvez-vous apprendre de la destruction provoquée par votre dragon intérieur ? Il y a des leçons de vie qu'il faut apprendre : la renaissance et le développement spirituel peuvent provenir d'événements destructeurs. Il vous faut seulement les reconnaître, vous pardonner et aller de l'avant sur votre chemin. Le dragon est un puissant protecteur. Ses ailes vont vous aider à voler pour traverser les périodes de transition, jusqu'à ce que vous puissiez à nouveau vous élever haut sur un chemin favorable.
Fréquence : L'énergie du Dragon est courageuse et puissante, et d'une chaleur brûlante. Elle vous emplit de pouvoir et bous donne une sensation de majesté, comme si vous vous teniez au sommet du monde. Elle avance sur un rythme lent et lourd, mais vole en cercle autour de vous avec rapidité, en plongeant et virevoltant.
Voir aussi : Coquatrix.
Imaginez...
Vous vous retrouvez au Moyen Âge. Un énorme dragon vole au-dessus de vous en cercles lents. Vous ne pouvez détacher votre regard de cet animal incroyable. Vous vous avancez dans l'espace découvert d'un champ, et le dragon descend de plus en plus bas. Il vous voit et se pose dans le champ. Vous ressentez une affinité envers lui et vous vous approchez. Il vous regarde avec curiosité. Vous lui parlez et tendez la main pour toucher son nez. Vous pouvez l'entendre parler à votre esprit. Il vous a cherché pour vous ramener dans le temps où vous vivez vraiment. Vous grimpez sur son dos, et vous vous envolez pour revenir dans votre réalité.
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Symbolisme celte :
Aux origines des dragons celtes :
Franck Perrin, maître de conférences à l’université Lumière Lyon 2, laboratoire HiSoMA- Podcast
"Nul ne l’ignore, les dragons ont la peau dure. Pour preuve, ces créatures millénaires ne peuplent-elles pas encore aujourd’hui l’imaginaire de nos sociétés modernes et technologiques ainsi qu’elles le faisaient au Moyen-Âge ? A Lyon même, un dragon, la « Mâchecroûte » vivait sous le pont de la Guillotière ainsi qu’en témoigne un récit de Rabelais : lors du carnaval on jetait dans le Rhône un mannequin représentant ce monstre aquatique que les Lyonnais finirent par oublier avec le temps. Etonnamment, un autre dragon est venu occuper les mêmes lieux et on peut chaque année le voir serpenter lors du Nouvel an chinois. Le dragon est en effet une créature qui se rencontre autant en Orient qu’en Occident, mais celui d’Europe présente des caractéristiques bien spécifiques figées au Moyen-âge : c’est une terrifiante créature serpentiforme couverte d’écailles, dotée d’ailes et capable de cracher du feu. Seuls d’exceptionnels héros guerriers et des Saints chrétiens pourront le défier, parfois pour s’emparer des trésors qu’inévitablement l’animal garde au fond des cavernes. La littérature médiévale germanique ou bretonne se plaît à mettre en scène ces créatures monstrueuses qui présentent une étonnante diversité : le Muirdris des lacs irlandais, Fâfnir, gardien d’un or maudit, Niddhhögrr, tapis dans les racines d’Ygdrassil, l’arbre cosmique germanique, les dragons d’or d’Uther Pendragon, le père du roi Arthur. D’où viennent ces créatures fantastiques qui peuplaient le merveilleux médiéval du nord de l’Europe ? Pour tenter de répondre à cette question il faut se tourner vers des époques anciennes préromaines et préchrétiennes, dépourvues de littérature mais riches d’une iconographie qui se plaît à figurer des créatures imaginaires serpentiformes. L’art des Celtes anciens met justement en lumière des monstres intimement liés à la guerre et vraisemblablement de la parentèle des dragons médiévaux. Pour autant, est-ce là la seule généalogie possible ? Le nom même du monstre « draco, drakon » laisse deviner que le serpent celtique avait aussi des origines dans le monde antique méditerranéen et dans le Proche-Orient, grand pourvoyeur de créatures fantastiques."
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Selon Sabine Heinz, auteure de Les Symboles des Celtes, (édition originale 1997, traduction française Guy Trédaniel Éditeur, 1998),
"De nos jours, on trouve des dragons dans les contes et le folklore de nombreux pays, principalement en Asie, où le dragon ressemble nettement au serpent ; il a trois ou quatre griffes (Japon, Chine) et de petites ailes. Au Proche-Orient, ses pattes sont courtes. En Europe, il revêt différentes formes ; chez les Scandinaves et les Celtes, les dragons à deux pattes sont fréquents. Les oreilles pointues sont communes à bien des représentations. Dans l’Égypte ancienne, le dragon apparaît déjà, comme chez les Celtes, emmêlé dans des nœuds. Partout les dragons ont des gueules en forme de bec. La plupart du temps, il s'agit d'un serpent transformé en monstre. Les toutes premières représentations celtiques que nous connaissons se trouvent sur des ceintures et des fourreaux d'épée datant du IVe siècle avant notre ère ; les dragons sont souvent représentés par deux.
Les dragons sont des gardiens de trésors ou des voleurs. En Chine, il représente le Dieu dispensateur de pluie qui habite dans l'eau ainsi que le principe mâle. Le dragon qui crache le feu et qui était peut-être à l'origine un serpent cornu crachant du venin et/ou du feu, assume chez les Celtes le rôle du gardien, plus encore que le serpent. Les contes rapportent qu'on offrait des sacrifices au dragon. Le dragon celtique, comme le dragon égyptien était lié à des actes guerriers. Il symbolise la force armée et devient même un héros.
Dans la poésie et la prose celtiques, la signification du dragon demeura inchangée au cours des siècles :
Lludd, roi de Bretagne fort et généreux, régna de longues années. Son royaume s'étendait jusqu'à Londres. Un jour pourtant, trois fléaux s'abattirent sur le pays ; l'un d'eux était un cri terrible (adressé à Belten) qui retentissait au début de chaque été. Il faisait s'arrêter toute vie sur l'île : les hommes perdaient force et courage, les femmes leurs fœtus, les fils et les filles leurs sens, les animaux tombaient par terre, les eaux étaient empoisonnées et devenaient impraticables. Pour déceler la cause de ce fléau, Lludd mesura la longueur et la largeur de l'île britannique et calcula qu'Oxford en était le centre. Il y fit creuser une fosse, y mit un tonneau du meilleur hydromel qu'il recouvrit d'un morceau de soie. il vit alors deux dragons qui se battaient. Ils symbolisaient son propre peuple et un autre, étranger, qui lui était hostile. Lorsque tous deux, épuisés, s'affaissèrent, transformés en porcs, ils tombèrent sur le morceau de soie et avec lui dans le tonneau. Ils y burent tout l'hydromel, puis sombrèrent dans un profond sommeil. Ludd les enveloppa dans la soie, les plaça dans un sarcophage et les emmena dans le lieu le plus sûr de son royaume, le mont Snowdon. On dit que plus aucun fléau ne s'abattra sur l'île tant qu'ils resteront à cet endroit caché.
Le dragon symbolise l'armée des Gallois (dragon rouge) et celle des Anglais et des Saxons, venus de l'est, qui envahirent leur pays à partir du IVe siècle (dragon jaune/blanc).
Une autre légende parle de Merlin (Myrddin en gallois) :
Le roi Vortigern voulut construire un château-fort près de Snowdon. Mais chaque nuit, ce qui venait d'être construit disparaissait, avec les outils et les matériaux utilisés. Les conseillers du roi délibérèrent et en conclurent qu'il fallait sacrifier un enfant orphelin de père pour asperger de son sang le terrain sur lequel on voulait bâtir le château. Les messagers se mirent alors en selle et parcoururent le pays ; près de Caer-fyrddin (en anglais : Carmarthen), ils trouvèrent un jeune garçon orphelin de père. Ce dernier déclara devant Vortigern que son sang ne servirait à rien ; un lac situé sous la montagne faisait sans cesse s'écrouler les murs du château. Vortigern ordonna à ses hommes de creuser jusqu'à ce qu'ils tombent sur un lac. Merlin les somma de continuer et ils trouvèrent deux grottes dans lesquelles dormaient deux dragons qui se réveillèrent et commencèrent à se battre. Vortigern demanda à Merlin ce que cela signifiait. Merlin lui expliqua qu'il s'agissait de deux peuples, le dragon rouge représentant les Gallois, le jaune les Saxons. Vortigern demanda qui gagnerait ; Merlin se contenta de sourire mystérieusement, puis les dragons disparurent dan le brouillard.
Dans une autre version, Merlin voit le dragon rouge, - qui est aussi l'emblème d'Arthur qui l'accompagne dans ses combats - sortir vainqueur de la lutte.
Au Pays de Galles, depuis 1910, le dragon rouge est un symbole national, et depuis 1953, il figure officiellement sur le fond blanc et vert du drapeau national gallois. Il est présent dans toutes les manifestations et fait partie des souvenirs les plus appréciés par les touristes. On aime le prendre comme emblème, lui ou une partie de son corps ; la société linguistique, Cymdeithas yr Iaith, a par exemple choisi sa langue."
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Pour Divi Kervella dans Emblèmes et symboles des Bretons et des Celtes (2001),
"C'est à la suite de la conquête de l'île de Bretagne par les Romains que le dragon fit son apparition dans l'emblématique brittonique. C'était à l'origine un emblème utilisé par les auxiliaires sarmates des armées romaines. Ces auxiliaires étaient réputés pour leur redoutable cavalerie qu'ils avaient eux-mêmes hérités des Scythes. Cet art de la guerre fut transmis aux Bretons qui servirent dans l'armée romaine, et on sait combien la puissante cavalerie de guerre des Bretons continentaux du haut Moyen Âge était redoutée.
Les Scythes avaient un drôle d'emblème : un poisson à tête et à queue de bélier. Très proche donc du bélier à corps de serpent des Celtes, animal composite que l'on retrouve représenté en compagnie des cavaliers et des divinités guerrières. C'est l'adaptation de cet emblème par les Sarmates, où les cornes devinrent de petites pattes et où par la suite on adjoignit des ailes qui donna le dragon, emblème d'autant mieux adopté par les cavaliers bretons qu'ils connaissaient déjà quelque chose de très proche.
Il est probable que la formule "Pendragon" qui suit le nom d'Uther, le père du roi Arthur, signifie "le chef des cavaliers". de nos jours on appelle encore "dragons" les soldats des corps de cavalerie.
A l'origine le dragon était une sorte de manche à air en tissu léger, tenue en haut d'un mât. Il était souvent muni d'un dispositif émettant dans le vent un son aigu. L'air qui s'engouffrait par la gueule béante faisait tordre le tout et le faisait claque à la moindre brise ; ses ondulations au-dessus des masses de cavaliers chargeant, accompagnées de ses sons stridents, semaient la terreur dans les rangs de l'ennemi et galvanisaient les guerriers qui le suivaient. L'image et le terme ont perduré en langue bretonne dans le nom du cerf-volant qui se dit sarpant (autre nom avec aerouant du dragon).
En Irlande on trouve un mystérieux animal, caché sous le nom d'onchu dans les textes médiévaux, qui était l'animal totémique de l'Irlande, et ce nom avait également l'acception secondaire d'"étendard". D'après les descriptions cet onchu pourrait être une sorte de dragon marin du même acabit que certaines des variantes des dragons brittoniques. on retrouve peut-être cet onchu sur la proue de certaines harpes emblématiques.
Le dragon avait également un rôle symbolique puissant : dans la légende arthurienne on assiste à un combat entre un dragon rouge et un dragon blanc ; pendant longtemps le dragon blanc semble prendre le dessus,mais à la fin c'est le rouge qui l'emporte. On demande l'explication de ce prodige à Merlin, et lui de prophétiser que le dragon rouge représente les Bretons, le dragon blanc les envahisseurs saxons de l'île de Bretagne. Les Saxons gagneront presque toute l'île, mais à la fin ils seront défaits et un jour rejetés à la mer. Cet épisode se trouve dès le IXè siècle dans les textes.
D'après les textes c'est le père d'Arthur, Uther Pendragon, qui, ayant aperçu dans le ciel un dragon lui prédisant qu'il serait roi, institua ce symbole. Ce dragon qui apparut dans le ciel avait deux rayons qui sortaient de sa gueule, l'un était dirigé vers l'île de Bretagne et l'autre vers la Bretagne continentale, montrant qu'il serait le souverain des deux Bretagnes. Dès le lendemain il fit confectionner deux dragons d'or. L'un fut confié à la cathédrale de Kerwent (ville qui devint plus tard le Winchester anglais), et il garda l'autre pour aller au combat.
Le plus fameux dragon était celui utilisé par son fils, le roi Arthur, dont il ornait le casque ; il était aussi arboré par son lieutenant Merlin. Mais on trouve des mentions de dragons dans tout le domaine brittonique, aussi bien en Écosse, où il figurait encore en 1138 sur la bannière royale à la bataille des Etendards, qu'en Patite Bretagne, où l'on voit par exemple sur un bas-relief de l'église romane de Perroz-Gireg un personnage, identifié à Arthur, prévcédé d'un porte-enseigne brandissant un tel vexilloïde (nom que l'on donne à un objet qui n'est pas un drapeau mais qui joue le même rôle). En Bretagne il était l'emblème de mains souverains comme ceux de Domnonée (royaume double alliant le nord de la péninsule à la Cornouailles insulaire) et le roi de Vannes. On sait aussi que c'est derrière un emblème au dragon qu'Alain II Barbe-Torte reconquit la Bretagne sur les Scandinaves au Xe siècle.
On sait encore que les Plantagenêts, maîtres d'une bonne partie de l'extrême ouest du continent européen dont la Bretagne et le pays de Galles, utilisèrent beaucoup le dragon rouge dans ces contrées pour se faire bien voir des populations locales. La Bretagne tombera dans l'escarcelle des Plantagenêts en 1166 et aura même un duc au nom très évocateur d'Arthur. Cet emblème semble disparaître par la suite de l'avant-scène.
Les souverains bretons garderont pourtant la couleur de cette antique marque de pouvoir. L'"habit royal" - c'était le terme utilisé - des ducs était rouge doublé d'hermine, et le magnifique rubis qu'on nomme la Côte de Bretagne, le plus important des bijoux du trésor d'Anne de Bretagne, a la forme d'un dragon. (Ce bijou se trouve de nos jours au musée du Louvre à Paris, annexé par les joyaux de la Couronne, institution étatique créée par le roi de France François Ier par lettre patente signée du 15 juin 1530. D'après l'inventaire qui en fut dressé à cette date, les plus belles pièces provenaient du trésor d'Anne de Bretagne. L'accaparement de ces joyaux était tout à fait illégal tout comme le sera la confiscation du Trésor breton, quelques années plus tard, par ce même François Ier de sinistre mémoire pour tous les Bretons.)
Le dragon rouge était utilisé également par les Bretons du Nord, territoire de petits royaumes indépendants s'étendant au sud de Glasgow, coupé du pays de Galles après la défaite de Chester en 615 et récupéré par les rois d’Écosse. pour rappeler ce fait on retrouve le dragon rouge dans les armoiries de Carlisle et du Lake District par exemple.
Les bardes gallois, tout au long du Moyen Âge, comparaient leurs leaders à des dragons, tel le dernier prince de Galles, Llewelyn ap Gruffudd, dont on dit élogieusement qu'il avait "une tête de dragon". Il en était de même en Petite Bretagne où on utilisait allégoriquement ce terme de dragon pour un chef de guerre, comme dans ces vies de saints où l'on voit par exemple des gens d'Angers venir se plaindre auprès du saint Breton Méen parce qu'un "dragon" vient régulièrement du pays des Bretons exercer ses ravages sur leurs domaines. Grâce à l'ambassade du saint, le "dragon" cesse ses attaques. c'est un écho de ces razzias menées par les troupes bretonnes que l'on trouve maintes fois mentionnées dans les annales franques.
Mais c'est au pays de Galles que l'utilisation du dragon rouge breton se maintient le mieux. On sait que le chef de guerre gallois Cadwaladr fendigaid utilisait un vexilloïde au dragon en 678. C'est encore un dragon qui figurait sur le drapeau du prince Owain Glyndwr, qui menait le soulèvement de l'an 1400 contre les Anglais. C'est aussi vers cette époque que commença l'ascension de la famille Tudor vers le trône royal d'Angleterre. C'était une famille galloise complètement anglicisée qui se disait descendre de Cadwaladr. Henri Tudor, largement aidé par le duc de Bretagne, débarqua au pays de Galles en 1485 et appela les Gallois à le soutenir. C'est derrière la bannière galloise au dragon rouge qu'il battit l'armée du roi Richard III afin d'en prendre la place. sous son règne le dragon apparut comme support sur les armoiries royales jusqu'en 1603, où il fut remplacé par la licorne d’Écosse. Il réapparut en 1807 sur le badge royal pour le Pays de Galles. Le drapeau au dragon rouge sur un fond blanc et vert fut officiellement reconnu en 1959 par la reine d'Angleterre à la demande du Gorsedd des bardes de l'île de Bretagne. Il faut toutefois noter que, bien évidement, l'administration anglaise avait essayé avant cela d'imposer un autre dessin que ce drapeau.
Le blanc et le vert n'ont pas d'origine sûre ni d'explication reconnue. Le fond du drapeau d'Owain Glyndwr était blanc. On pense que le vert a été ajouté par les Tudor dont c'était la couleur. Il est à noter que ce sont également les couleurs du poireau, autre emblème gallois remontant à une haute antiquité. Le vert et le blanc étaient associés aux princes indépendants gallois et étaient utilisés pour les uniformes militaires du XIVe siècle.
Ailleurs le dragon disparut, victime sans doute de considérations politiques ou de l'imagerie chrétienne où il fut assimilé au diable (en breton les mots aerouant et serf, sarpant qui désignent le dragon, ont pris également le sens de démon). C'est ainsi que l'on vit se multiplier les représentations de saint Georges, saint Michel... terrassant le dragon et tenant des "bannières de victoire" à croix. L'heure était venue des drapeaux à croix. Seul le pays de Galles a su conserver l'antique emblème breton qui ferait également un emblème pan-brittonique des plus acceptables.
Tafod y Ddraig (la langue du dragon) est l'emblème de Cymdeithas yr Iaith Gymraeg, l'association de défense de la langue galloise.
Le dragon est également une des quatre bêtes magiques celtiques, qui a souvent été remplacé ultérieurement par le griffon.
En Bretagne le dragon est également l'emblème totémique de saint Tudwel, patron du Trégor, et de saint Pol Aurélien, patron du Léon.
Il semble toutefois qu'il y ait eu confusion à l'origine entre deux sortes de dragons. Certaines versions parlent de "vers", êtres souterrains qui se tiennent sous les terres de Bretagne. Il faut savoir qu'il existe deux dragons différents dans le firmament nocturne qui, dans la tradition brittonique, reprend en grande partie la mythologie arthurienne. En effet il existe une constellation dite du Dragon proprement dit (Draco en latin), entre les constellations du Char d'Arthur (Ursa major) et de Merlin (Cepheus), et plus bas sur l'horizon un autre Dragon (Hydra) qui porte sur son dos le Grall (Crater) accompagné du Corbeau (Corvus)."
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Mythologie :
Le Glossaire théosophique (1ère édition G.R.S. MEAD, Londres, 1892) d'Helena Petrovna Blavatsky propose plusieurs entrées relatives au dragon dont nous reproduisons les plus pertinentes :
DRACONTIA (gr.). Temples consacrés au Dragon, emblème du soleil, symbole de la Divinité de la Vie et de la Sagesse. Tout le monde connaît les Dracontia de Karnak en Egypte, de Carnac en Bretagne et de Stonehenge en Angleterre.
DRAKON (gr.) ou Dragon. Considéré maintenant comme un monstre "mythique" qui ne se perpétuait en Occident que sur des Sceaux, etc... comme un griffon héraldique, et le Diable tué par Saint George, etc... En fait c'est un monstre antédiluvien disparu. Dans les antiquités babyloniennes on s'y réfère comme au "couvert d'écailles" et on le rattache à des pierres précieuses et à Tiamat la mer. "Le Dragon de la Mer" est mentionné à maintes reprises. En Egypte, c'est l'étoile du Dragon (alors l'Etoile Polaire) l'origine des rapports de presque tous les dieux avec le Dragon. Bel et le Dragon, Apollon et Python, Osiris et Typhon, Sigur et Fafnir, et pour finir Saint George et le Dragon, sont tous la même chose. Tous étaient des dieux solaires et partout où nous trouvons le soleil nous trouvons aussi le Dragon, symbole de la Sagesse – Thoth-Hermès. Les Hiérophantes d'Egypte et de Babylone se disaient "Fils du Dieu Serpent" et "Fils du Dragon". "Je suis un Serpent, je suis un Druide", disait le Druide des régions Celto-Britanniques, car le Serpent et le Dragon étaient tous deux des symboles de Sagesse, d'Immortalité et de Renaissance. Comme le serpent rejette sa vieille peau pour réapparaître dans une neuve, de même l'Ego immortel rejette une personnalité pour s'en attribuer une autre.
FAFNIR (scandin.). Le Dragon de Sagesse.
HIVIM ou Chivim (héb.). De là viennent les Hivites qui, selon quelques commentateurs catholiques romains, descendent de Heth, fils de Canaan, fils de Ham, "le maudit". Brasseur de Bourbourg, le missionnaire traducteur des écritures des Guatémaltèques, le Popol Vuh, se laisse aller à la théorie que les Hivim du Quetzalcoatl, la divinité-serpent des Mexicains, et les "descendants des Serpents" comme ils se dénomment eux-mêmes, sont identiques aux descendants de Ham (!!) "dont l'ancêtre est Caïn". Tout au moins c'est la conclusion que le démonologue Des Mousseaux tire des écrits de de Bourbourg. Ce dernier insinue que les chefs qui portent le nom de Votan, le Quetzalcoatl, sont les descendants de Ham et de Canaan, "Je suis Hivim", disent-ils. "Etant un Hivim, je suis de la grande race des Dragons. Je suis un Serpent, moi-même, car je suis un Hivim" (Cortès, 51). Mais Caïn est allégoriquement montré comme l'ancêtre des Hivites, les Serpents, parce que Caïn est tenu pour avoir été le premier initié dans le mystère de la procréation. La "race des dragons" ou serpents représente les sages Adeptes. Les noms Hivi ou Hivites, et Levi – signifient un "serpent" ; et les Hivites ou tribu-serpent de Palestine étaient, comme tous les Lévites et Ophites d'Israël, des ministres initiés des Temples, c'est-à-dire, des occultistes, comme le sont les prêtres de Quetzalcoatl. Les Gibéonites, à qui Josué assigna le service du sanctuaire, étaient Hivites. (Voir Isis Dévoilée, Vol. IV., 150, note 14).
KUKLOS ANANKES (gr.). Litt., "L'inévitable cycle" ou le "cercle de la nécessité". [...] Les enseignements égyptien et chaldéen étaient ceux de la Doctrine Secrète des membres de la Société Théosophique. Les Mexicains possédaient la même doctrine. On fait décrire à leur demi-dieu Votan, dans le Popol Vuh (voir l'ouvrage de Bourbourg) le ahugéro de colubra qui est identique aux "Catacombes des Serpents", ou passage, et l'on ajoutait qu'il passait sous terre et "se terminait à la racine du ciel", et dans ce trou de serpent, Votan était admis parce que lui-même était "un fils des Serpents", ou un Dragon de Sagesse, c'est-à-dire, un Initié. Dans le monde entier, les prêtres-adeptes s'appelaient "Fils du Dragon" et "Fils du dieu-serpent".
MEHEN (égypt.). Dans les mythes populaires, le grand serpent qui représente l'atmosphère inférieure. En occultisme, le monde de la Lumière Astrale, appelé symboliquement le Dragon Cosmique et le Serpent. (Voir les ouvrages d'Eliphas Lévi, qui nommait cette lumière le Serpent du Mal, et autres noms, lui attribuant toutes les influences mauvaises sur terre).
NAGA (sans.). Litt., "Serpent". Dans le panthéon indien, le nom du Serpent ou des esprits des Dragons, et des habitants de Pâtâla, l'Enfer. Mais comme Pâtâla veut dire antipodes, et qu'il fut le nom que les anciens donnèrent à l'Amérique, continent qu'ils connaissaient et visitaient avant que l'Europe n'en eût jamais entendu parler, le terme est probablement analogue au mexicain nagal, appellation des sorciers (de maintenant) et des hommes-médecine. Les Nâgas sont les Nats birmans, les dieux-serpents, ou "démons du dragon". Dans l'ésotérisme, cependant, et ainsi que cela a déjà été dit, c'est le surnom des "hommes-sages" ou adeptes. En Chine et au Tibet, on regarde les "Dragons" comme les divinités tutélaires du monde en général et de nombreux endroits sur terre en particulier, et on explique ce mot comme voulant dire adeptes, yogins et narjols. Le terme fait simplement référence à leur grand savoir et à leur sagesse. Ce terme se trouve également dans les vieux Sûtras et les biographies du Bouddha. Le Nâga est toujours un homme sage, doté de pouvoirs magiques extraordinaires, en Amérique du Sud et Centrale comme en Inde, en Chaldée et aussi en ancienne Egypte. En Chine, le "culte" des Nâgas était répandu, et il est devenu encore plus marqué depuis que Nâgârjuna (le "grand Nâga", littéralement le "grand adepte"), le quatorzième patriarche bouddhiste, visita la Chine. Les "Nâgas" sont regardés par les Célestes comme "les Esprits tutélaires ou dieux des cinq régions, ou les quatre points de la boussole et le centre, et comme les gardiens des cinq lacs et des quatre océans" (Eitel). Ceci, repris à son origine et traduit ésotériquement, signifie que les cinq continents et leurs cinq races-racines ont toujours été sous la protection des "divinités terrestres", c'est-à-dire, des sages Adeptes. La tradition qui veut que des Nâgas lavèrent Gautama Bouddha à sa naissance, le protégèrent à sa mort, montre et conservèrent les vestiges de son corps à sa mort, montre à nouveau que les Nâgas ne sont que des hommes sages, les Arhats, et non pas des monstres ou des Dragons. Ceci est également corroboré par les innombrables histoires de la conversion des Nâgas au Bouddhisme. Le Nâga d'un lac situé dans une forêt près de Râjagriha et bien d'autres "Dragons" furent ainsi convertis par Bouddha à la Bonne Loi.
THELI (chaldéen). Le grand Dragon dont on dit qu'il environne symboliquement l'univers. En lettres hébraïques c'est T L I = 400 + 30 + 10 = 440 ; lorsque "sa crête est réprimée (la lettre initiale)", disaient les rabbins, "40 demeure", ou l'équivalent de mem : M = eau, les eaux au-dessus du firmament. Evidemment c'est la même idée qui est symbolisée par Śesha – le Serpent de Vishnu.
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Rendez-vous sur la page de France culture consacrée aux dragons pour découvrir l'évolution des mythologies du dragon du paléolithique à Games of thrones.
Selon Aurore Petrilli auteur d'un article intitulé "Le trésor du dragon : pomme ou mouton ?" (paru In : Gaia : revue interdisciplinaire sur la Grèce Archaïque, numéro 16, 2013. pp. 133-154) :
[...] Des gardiens identiques : Plus frappant encore, les gardiens sont tous deux des dragons, des créatures serpentiformes, et tous deux sont réputés pour leur vigilance. On dit d’eux qu’ils ne dorment jamais, ou bien qu’ils sont dotés d’une multiplicité de têtes.
Ladon, le gardien des pommes, est, selon les versions, fils de Phorkys et Kétô (11), de Typhon et Échidna (12), ou encore le fils par parthénogenèse de Gaia (13). Sa vigilance lui serait conférée soit par le fait qu’il possède cent têtes (14), ce qui lui permettrait d’en reposer certaines pendant que d’autres veillent, soit qu’il n’ait nul besoin de sommeil (15). Certains disent aussi qu’il serait doué de parole (16). Le fait est qu’il est placé en qualité de sentinelle autour de l’arbre (17).
Le dragon de Colchide n’est pas doté, comme son homologue, d’un nom particulier. En revanche, on dit de lui qu’il est la vigilance incarnée et que rien, pas même le sommeil, ne viendrait troubler son attention (18).
Les deux créatures ont donc des capacités très proches. La vigilance dont ils font preuve constitue sans doute, pour les anciens, un trait de caractère commun à toutes les créatures du même type. Mais leur apparence et leur fonction sont tellement similaires qu’il serait presque légitime de les considérer comme des doublons l’un de l’autre. Au fi l du temps et des transmissions, les deux mythes d’origine auraient pu fusionner puis se dissocier à nouveau, chacun emportant un fragment de l’autre dans la manœuvre.
Notes : 11. Hésiode, Théogonie, 333-335.
12. Ps.-Apollodore, Bibliothèque, II, 5, 11 ; Hygin, Fables, XXX, CLI.
13. Apollonios de Rhodes, Argonautiques, IV, 1396-1407. Pour plus d’informations sur le gardien du jardin des Hespérides, voir notamment : Graf, Der Neue Pauly, 2000, VI, col. 1052-1053.
14. Ps.-Apollodore, idem.
15. Diodore, Bibliothèque Historique, IV, 25 ; Premier Mythographe, Fables, I, 38 ; II, 5.
16. Ps.-Apollodore, idem. Voir Graves (1991, p. 108).
17. Apollonios de Rhodes, Argonautiques, IV, 1432-1435.
18. Argonautiques Orphiques, 991-1020 ; Apollonios de Rhodes, Argonautiques, II, 402- 407 ; II, 1207-1215 ; IV, 87-91 et 123-165 ; Diodore, IV, 48 ; Ovide, Métamorphoses, VII, 192-214 et Héroïdes, 12.
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Ladon : Pour Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique (LLewellyn Publications, 2017 ; traduction française Éditions Véga, 2017), Ladon est défini par les caractéristiques suivantes :
Traits : Ladon, dans la mythologie grecque, était un serpent dragon à cent têtes qui gardait les pommes d'or du jardin des Hespérides. Du fait de ses nombreuses têtes, il avait toujours des yeux en alerte pour voir si quelqu'un essayait de s'emparer des pommes sacrées. Hercule a tué Ladon en lui décochant une flèche trempée dans le sang empoisonné de l'hydre, et il a ensuite décapité toutes ses têtes. Il a alors volé les pommes d'or sacrées pour terminer ainsi le onzième de ses travaux. Héra a transformé Ladon en la constellation du Dragon. On dit qu'après sa mort, les Hespérides furent si torturées de chagrin qu'elles se transformèrent en peupliers noirs, ormes et saules pleureurs.
Talents : Aventure - Affirmation de soi - Points de vue différents - Intrépide - Fluidité - Formidable - Passionné - Persévérance - Prospérité - Protection - Noble - Tenace - Résilience - Richesse - Force - Survie.
Défis : Létal - Féroce - Thésaurise - Intimidant - Possessif - Imprévisible.
Élément : Terre.
Couleurs primaires : Noir - Brun - Vert.
Apparitions : Lorsque Ladon apparaît, cela veut dire que vous devez être sur vos gardes parce que quelqu'un peut essayer de vous prendre quelque chose. Cela peut être aussi simple qu'un stylo qu'on vous vole sur votre bureau, ou un repas qu'on vous pique dans le réfrigérateur, ou bien cela peut être très compliqué. Ladon signifie qu'il faut surveiller vos arrières et être extrêmement vigilant sur votre sécurité dans les semaines qui viennent. Ladon va vous protéger, mais vous devez aussi redoubler de vigilance. Il indique que de nouvelles occasions vont se présenter à vous, qui vous permettront d'améliorer votre statut financier. Les pommes d'or que Ladon protégeait étaient sacrées et avaient de la valeur. Cela montre que votre propre valeur financière va s'accroître. Assurez-vous de bien voir les occasions qui se présentent pour ne pas les manquer. Ladon vient vous dire que vous êtes un formidable concurrent au travail. Vous aimez la compétitivité dans le travail et vous vous lancez sans peur à la tâche pour parvenir à la réussite. Vous pouvez même posséder votre propre société. Ladon était passionné par son rôle de protecteur des pommes d'or, et il s'est battu jusqu'au bout pour les protéger. Vous êtes tout aussi passionné dans chacun des domaines de votre vie. Vous ne cachez pas vos sentiments, mais vous les exprimez tels que vous les ressentez. Vous êtes très bon pour les débats parce que vous avez de nombreux points de vue, ainsi que la force et la détermination à faire en sorte que les autres comprennent votre façon de penser.
Aide : Il vous faut être plus souple. Il y a des moments où vous pouvez rester accroché à vos façons de faire et vous montrer quelque peu rigide. Ladon peut vous aider à cesser de manquer de souplesse pour devenir plus flexible dans vos façons de penser et de ressentir les choses. Ladon peut vous aider à vous affirmer plus fortement dans les situations où quelqu'un d'autre prend le pouvoir ou ne vous laisse pas placer un mot dans la conversation. Avec sa centaine de têtes, Ladon peut avoir pas mal de choses à dire et savoir comment détourner vers lui l'attention que d'autres essaient de maîtriser. Ladon vous met en garde contre le fait d'être trop intimidant : il vous fait agir avec grâce et d'une manière noble. Ladon est imprévisible, et il vous encourage parfois à bouleverser un peu les choses dans votre existence.
Fréquence : L'énergie de Ladon a la sonorité d'une centaine de cris stridents qui s'élèvent au même moment. Elle est fraîche et donne la sensation d'un cuir épais. Elle est rugueuse et pourtant douce. Elle bouge autour de vous en vagues, en ondulant.
Imaginez...
Tourbillonnant autour de vous, les nombreuses têtes de la bête vous parlent en même temps. Vous êtes le seul qui puissiez entendre leurs paroles dans leurs rugissements, aussi ont-elles toutes des choses à vous dire. L'une se chamaille avec une autre, deux autres s'emportent l'une contre l'autre, et elles s'ennuient s'il n'y a personne qui essaie de voler les pommes d'or. Vous levez les yeux et vous leur dites de se tenir tranquilles. Elles arrêtent de parler et vous caressez chacune des têtes, en lui envoyant de l'énergie positive pour la calmer. Lorsque vous avez fini, vous demandez aux têtes de faire leur possible pour s'entendre entre elles afin de protéger efficacement les pommes. Vous leur expliquez que, lorsqu'elles se disputent ou qu'elles s'énervent l'une contre l'autre, cela ne peut qu'affecter les efforts de l'ensemble. Elles sont d'accord, aussi vous les laissez et vous partez. En vous éloignant, vous entendez : "Tu vois, je t'avais dit que j'avais raison... - Mais pas du tout, ce n'était pas ce que tu disais..."
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Symbolisme onirique :
Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),
Par sa tentative d'interprétation du dragon, l'analyste s'engage dans une situation inhabituelle. Lorsqu'un rêveur évoque, par exemple, la girafe, le cygne ou le chat, on doit s'interroger sur la nature des projections auxquelles se prêtent ces animaux, en fonction de leurs caractéristiques spécifiques : formes, couleurs et mouvements.
L'image du dragon résulte d'une étrange inversion du processus imaginaire. Avec elle, l'onirisme ne prend plus appui sur une représentation disponible, pour répondre à son besoin d'expression de telle ou telle valeur, il crée une image composite, monstrueuse, incertaine, dont la vocation est de servir un pur fantasme. A quelles fins ? S'il est possible d'apporter à cette question une réponse satisfaisante, le symbole aura perdu la plus grande part de son mystère.
L'argument qui consiste à prétendre que les rêveurs contemporains ont tous eu de nombreuses occasions de voir des figurations de dragon ne rend pas compte des origines d'une image plurimillénaire dont la naissance autonome en Mésopotamie, en Chine, en Insulinde, en Grève, est attestée.
L'observation attentive des productions oniriques établit rapidement la conviction que le rêve de dragon se développe à partir d'une matrice archétypale qui conditionne l'imprécision de l'image. On pourra réunir toutes les informations recueillies au fil de nombreux rêves, le portrait-robot du dragon restera flou, parce qu'il est de sa nature de l'être ! Un inventaire, même sommaire, des mythes et légendes dans lesquels le dragon joue un rôle, déborderait à lui seul le cadre prévu pour cet article. Comme toutes les images qui ont abondamment nourri le fonds culturel collectif, le monstre mythique a fait l'objet d'un intérêt soutenu de la part des analystes du psychisme ou de l'histoire des religions. Le panorama offert par les traduction différentes déconcerte l'observateur. Il faudra le reconnaître : l'investigation menée à travers les rêves aussi !
Mais ne serait-ce pas justement la vocation d'une image imprécise que de s'offrir à des projections variées ? Dans le vaste jeu des représentations psychologiques, le dragon serait-il une sorte de joker, apte à se substituer à n'importe quelle autre figure ? On sera tenté de l'admettre après un rappel – pourtant très sobre – des diverses interprétations proposées.
C. G. Jung voit dans le dragon l'un des symboles de la materia prima. L'animal fantasmatique représenterait « le féminin, la terre, le monde souterrain, le mal lui-même », valeurs refoulées dans l'inconscient par une humanité jadis placée sous la loi matriarcale, à mesure du développement de la conscience masculine. Marie Bonaparte considère le thème du monstre affronté comme le prototype de tous les combats œdipiens, le héros étant conduit à tuer le dragon-père pour délivrer la mère qui devient ainsi disponible pour le fils. Plusieurs auteurs font du dragon l'obstacle à vaincre par l'adolescent pour accéder à l'autonomie sexuelle. Tuer le monstre apparaît alors comme une épreuve rituelle de passage à la condition d'adulte. Pour d'autres, le dragon symbolise l'angoisse engendrée par le refoulement des désirs incestueux. Représentation des forces obscures, cachées, souterraines, l'image prendrait aussi le sens de la mère-terrible, de la dévoreuse, de la mère castratrice et de la mort.
Cette énumération n'est pas exhaustive. La multivalence de l’image s'exprime encore par son incontestable appartenance au monde des eaux, alors que dans les rêves un dragon sur trois crache le feu. Il entraîne aussi facilement dans les entrailles de la terre qu'il emporte dans l'air. L'étude objective des productions oniriques ne permet pas d'établir avec certitude le prédominance de l'une ou de l'autre des propositions qui précèdent.
L'examen des associations fait apparaître - outre l'étroite relation entre le dragon et l'eau - une très forte concentration des images de la famille des animaux. Parmi celles-là, quatre symboles bénéficient d'une corrélation statistique exceptionnellement élevée : la méduse, l'animal préhistorique, le vautour et la chauve-souris. Cette escorte rapprochée porte ostensiblement les insignes d'un monde caché, du règne de l'imprécision et de la nuit, dominé par la mère-terrible.
Les documents oniriques dont nous disposons ne ressemblent pas aux récits légendaires dans lesquels un héros jeune et brave, dominant ses peurs, affronte le dragon, le tue et jouit de l’invincibilité que lui confère la possession de l’épée trempée dans le sang du monstre vaincu. Lorsque le rêve met en scène l’épisode décisif de la délivrance des peurs, de la conquête de la puissance virile, ce n’est pas le dragon qu’il oppose au rêveur, mais l’ours.
Deux autres observations invitent à la circonspection vis-à-vis du dragon offert au fils œdipien comme représentation du père à tuer ou comme l’obstacle à vaincre par l’adolescent pour accéder à l’autonomie sexuelle : d’une part le dragon apparaît deux fois plus souvent dans les scénarios produits par les femmes que dans les rêves des hommes, d’autre part les rêveurs qui ont la puberté. Ce dernier fait n’exclut pas nécessairement le besoin de se délivrer symboliquement de l’image du père, mais les rêves examinés n’apportent pas de confirmation claire d’une telle disposition.
L’onirisme ne se satisfait pas d’une image imprécise, il la veut encore instable ! Dans le rêve, la tête de la gargouille, celle du crocodile, mais surtout celle du serpent se substituent, se superposent, s’amalgament à celle du dragon, comme s’il s’agissait de renforcer le caractère insaisissable de la représentation. Après l’eau, la tête est la seconde association qui s’impose avec le monstre mythique. Tout se passe comme si le rêve évaporait le corps du dragon pour accentue l’emphase déjà placée sur la tête.
Comme ils apparaissent dérisoires – volontairement dérisoires – les moyens utilisés par les rêveurs pour neutraliser l’adversaire ! Qui, d’ailleurs, prétendrait détruire un fantasme avec les balles d’un fusil ? Qui ne se sentirait ridicule de brandir une épée – fût-elle étincelante – contre une image insaisissable ? Comme s’il s’agissait de manifester cette impuissance, c’est avec un filet, voire avec des ficelles, que le rêveur essaiera parfois de maîtriser l’impressionnante créature. Un patient tentera de la noyer, sans y parvenir.
Une brève séquence du cinquième scénario de Delphine va montrer le dragon dans le rôle de la mère-terrible, de la mort imparable et insituable. La jeune femme est sous le choc de la disparition tragique de son frère cadet, survenue quelques mis plus tôt : « … Il y a un tuyau d’arrosage, de l’eau qui coule… je vois une tête de crocodile, avec la gueule ouverte et plein de dents… ça devient un serpent je crois… une tête de serpent… ou de… il y a un œil ouvert… un œil de femme… […] Là, je vois une grande table, dressée, très longue… au bout, il y a un dragon, assis, avec une fourchette dans une main et un couteau dans l’autre… et je vois mon frère, assis… jusqu’à présent, je sentais sa présence, sans le voir… maintenant, je vois une petite souris de dessin animé, qui court sur la glace, avec sa grosse tête... »
Cette séquence exprime l’angoisse de mort, réactivée par l’événement douloureux. Elle dirige aussi l’attention sur l’évocation des dessins animés, très fréquente dans les rêves, autour du dragon. Le recours aux dessins animés, peuplées de personnages fictifs, composant un univers qui se situe entre l’image inerte et la réalité vivante, est souvent utilisé par l’imaginaire pour atténuer l’impact émotionnel de ce qu’il donne à voir.
Toutes les traductions du dragon subissent une dérive qui favorise une confusion avec l’image du serpent. Les deux symboles ont, certes, une part de nature commune. L’un comme l’autre apparaissent parfois dans les rêves de façon fugitive. d’autres fois ils occupent une place importante dans une séquence plus ou moins longue. Il arrive aussi, à l’un comme à l’autre, d’être l’acteur principal dans l’ensemble du scénario. Si l’un et l’autre, dans ce cas, jouent un rôle indéniable de gardien du seuil, chacun d’eux, aussi, s e distingue par un comportement très différent.
Le serpent exerce une grande vigilance près d’un passage dont dépend l’accès à des contenus exceptionnellement refoulés dans l’inconscient. Il garde, au besoin accompagne le rêveur, mais ne s’engage pas dans l’action. Il s’apparente alors au Vieux sage, qui assiste mais ne dit mot.
Le dragon participe, s’implique, provoque. Il se veut acteur du drame mis en scène par l’imaginaire. Il est à ce point partie prenante qu’il autorise à penser qu’il est par lui-même la représentation du contenu refoulé ! Un contenu qui cache maladroitement son désir d’être démasqué !
Au terme de l'exploration des scénarios, force est d'admettre que, dans tous les rêves où il s'impose comme l'acteur dominant de la dynamique onirique, le dragon paraît rassembler autour de lui, toutes les composantes d'une crise d'adolescence violemment réactivée. Conflits œdipiens, confusion entre l'anima et l'image maternelle, nostalgie de l'état d'enfant, désir et peur d'accéder au monde des adultes, culpabilités sexuelles, toutes les facettes de la tourmente post-pubertaire sont perceptibles dans l'environnement du symbole.
La crise d'adolescence, Aurélia, seize ans, la vit à un degré inquiétant. La force d'une personnalité hors du commun démultiplie les déséquilibres de cette période trouble. La souffrance, intolérable, la précipite dans la cure, qu'elle aborde au cours d'un épisode dépressif sérieux. Dans son premier rêve, elle devient elle-même le dragon. Par là, Aurélia s'offre la chance de comprendre que ce qu'elle doit vaincre est en elle. La peau du dragon n'est rien d'autre que l'enchaînement dramatique des fantasmes de l’œdipe. Sous cette enveloppe, le jeune fille s'autorise à dire la difficile relation à la mère-lune : « … Là, c'est tout en couleur, comme dans un dessin animé... c'est une ambiance heureuse de dessin animé... mais, tout à coup, c'est un cul-de-sac !... Ça se transforme en choses visqueuses.... alors, pour m'échapper, je vole, je monte... je suis transformée en oiseau... ou en animal imaginaire... un peu comme un dragon... un dragon très blanc, avec les yeux verts... il es tout blanc sur une immensité noire... on le voit très bien... il est très très loin maintenant, dans l'espace... on ne voit même plus la terre... il voit la lune... mais il sait que c'est une planète froide ! Où il n'y a pas d'air, où il ne peut pas vivre... alors il part, sur une autre planète... là, il pourra créer ce qu'il veut, par sa volonté... il pourra y mettre de l'eau, des cascades... des gens... tout ce qu'il dessinera... »
Dans l'article consacré à la lune, nous montrons que la culpabilité ressentie par la fille vis-à-vis de la mère rivale engendre automatiquement l'image de la lune froide. Si le corps du dragon est toujours une représentation imprécise, le rêve ne lui connaît, comme les mythes, qu'une partie vulnérable : le ventre. Un ventre qui s'ouvrira à la première initiative, pour livrer un contenu qui expose une multiplicité fragmentaire. Un seul rêveur se sert d'une épée pour éventrer le monstre : des milliers de petits rubis se répandent alors à terre. Une jeune femme ouvre le ventre du dragon en tirant sur l'anneau d'une gigantesque fermeture Éclair ! « Des tas de petits personnages en sortent... des centaines de petites personnages qui nous arrivent aux chevilles et qui se baladent partout... » Un homme de quarante ans se voit lui-même avec un ventre gonflé, « comme si j'étais enceinte », et laisse échapper une armée de petits soldats de plomb qu'il passe en revue avant d'être agressé par un dragon que chevauche une jeune femme brandissant une épée rouge de sang. Réunies, de telles images imposent la sensation d'une délivrance. Chacun des trois scénarios dont elles sont extraites, trop longs pour être reproduits, conduit à une avancée majeur dans la résolution de la problématique de son auteur.
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Il est extrêmement rare que la personne qui rêve prenne elle-même le dragon pour monture. Par contre, le monstre est fréquemment chevauché, soit par une jeune femme inconnue, soit par la mère de la rêveuse ou du rêveur. Cela confirme à la fois la nature féminine du symbole et l'aptitude de la créature monstrueuse à se nourrir des projections tumultueuses de l’œdipe. La vision d'une jeune femme montée sur le dragon dénonce peut-être aussi l'illusion qui porte aux représentations idéalisantes de l'anima. Elle en affiche les aspects dangereux. Expression des peurs multiples, des tourments activés et fixés au cours de la crise d'adolescence, le dragon du rêve est comme une peau effrayante habillant des contenus purement fantasmatiques de la psyché, comme un masque hideux posé sur des inconsistances et qui ne demande qu'à se laisser déchirer. Qu'on ne se trompe pas : si l'origine de la souffrance est de l'ordre du fantasme, c'est-à-dire qu'elle ne repose sur aucune base objective, la douleur psychologique est très réelle. Elle peut atteindre l'intolérable. Il est des chimères qui s'opposent au bonheur avec une efficacité supérieure à celle d'un obstacle concret. Lorsqu'il paraît sur la scène onirique, le dragon est le signal d'une victoire proposée et l'agent provocateur de la prise de conscience.
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Contes et légendes :
Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :
DRAGON. Cet animal est l'un des plus renommés parmi les êtres que l'on regarde comme fabuleux. Il figure dans un grand nombre des mythes de l'antiquité ; les légendes religieuses du moyen âge le mettent fréquemment en scène ; et aujourd'hui même encore la théogonie des Chinois le place au rang des animaux les plus vénérés . Mais il ne faut nullement chercher à rattacher la description que donnent les auteurs de leur terrible dragon, avec le chétif reptile que les naturalistes de notre époque appellent ainsi, puisque ce dernier atteint à peine une longueur de trente-deux à trente-cinq centimètres. Maintenant, faut-il croire à l'existence, dans le passé, du monstrueux dragon de la mythologie ? nous serions disposé à nous prononcer pour l'affirmative. Il est remarquable, en effet, que la figure donnée par tous les peuples à cet animal redouté, est exactement la même chez chacun d'eux, et alors il est peut-être possible de penser qu'il avait succédé à ces énormes reptiles antédiluviens dont quelques-uns étaient doués de la triple faculté de vivre sur terre, dans l'eau, et de s'élever dans l'air. Tel était entre autres le ptérodactyle. L'homme si facile, le plus souvent, à se livrer à tous les écarts de son imagination, à s'enthousiasmer pour le merveilleux, apporte aussi quelquefois, en opposition, une sorte d'entêtement à nier avec audace, tout ce qu'il n'a pas vu ou tout ce qu'il n'a pas su comprendre, quoique des circonstances, des faits incontestables viennent fréquemment réduire à néant son bavardage, ses systèmes, et confondre sa vanité scientifique.
Nous venons de parler des légendes du moyen âge où les dragons jouent un rôle important, el nous reproduirons ici l'une des plus fameuses. Il y avait, dans l'île de Rhodes, une grande et sombre caverne nommée Maupas, auprès de laquelle il était défendu aux chevaliers de passer, sous peine d'être privés de l'habit de l'ordre. Cette caverne servait de retraite à un dragon épouvantable qui était de la taille et de la grosseur d'un cheval, avec une tête de serpent ; de longues oreilles couvertes d'une peau écailleuse, des ailes d'une énorme dimension, noires en dessus et vertes et jaunes en dessous, des jambes ressemblant à celles du crocodile, et une queue terminée en dard et faisant plusieurs plis et retours sur son corps. Quand il courait, il aurait dépassé le daim le plus léger, et dès qu'il remuait, c'était en jetant par les yeux des gerbes enflammées, et en poussant des sifflements qui faisaient tomber en syncope. Théodat de Gozon, l'un des chevaliers de Rhodes, connaissait toutes ces circonstances ; il n'ignorait pas non plus les défenses du grand maître ; mais Gozon était engendré de la femme et par conséquent enclin à faire ce qui lui était défendu ; mais il était de France (de Milhau, dans l'Aveyron), et porté alors à acquérir de la gloire et à rejeter tout sentiment de crainte.
Cependant l'intrépide Gozon, qui était né aussi un peu sur la lisière de la Gascogne, était convaincu que la prudence et la ruse pouvaient très bien s'allier avec le courage ; et au lieu de marcher droit, comme un étourneau, sur la caverne de Maupas, il s'embarqua pour venir en Provence. C'était faire un long détour et prendre, comme on dit, le chemin des écoliers ; mais Gozon avait d'excellentes raisons pour en agir ainsi. Arrivé dans la Provence, il y fit faire un mannequin qui représentait le dragon, et l'ayant fait transporter dans une sorte d'arène, il s'y exerça à s'escrimer contre le monstre factice avec un cheval bien dressé et deux gros chiens, accoutumant ainsi ces animaux à approcher et attaquer sans crainte l'image du dragon. Après avoir perfectionné de la sorte l'éducation de ses auxiliaires, le chevalier revint à Rhodes.
Le jour mémorable fixé par lui pour le grand exploit, il monta à cheval accompagné de deux domestiques et de ses chiens. Parvenu sur un coteau peu éloigné de Maupas, et d'où l'on pouvait apercevoir ce qui se passait devant la caverne, il y laissa ses valets, leur commandant d'accourir s'il avait l'avantage, de s'enfuir s'il était vaincu. Alors, armé de toutes pièces et la lance au poing, il se dirigea sur la caverne, suivi seulement de ses deux chiens. Le dragon ne lui laissa pas achever sa course, et dès qu'il l'aperçut, il se précipita vers lui avec furie. Gozon lui porta dans l'épaule un coup qui mit sa lance en éclats, sans offenser la peau du monstre, à cause des écailles dont elle était recouverte ; mais les deux chiens, habitués à s'acharner sur le mannequin, profitèrent de cet instant pour se jeter sur le ventre du véritable dragon, et ils s'y prirent d'une telle force qu'ils obligèrent l'effroyable animal à s'occuper d'eux et à laisser le chevalier mettre pied à terre. Gozon s'approchant de son adversaire, et lui portant la pointe de son épée sur la gorge, à un endroit où la peau était tendre, il la plongea avec dextérité et coupa le gosier du dragon. Celui-ci roula sur le sol et, dans sa chute, entraina le chevalier ; mais les valets, qui avaient toujours eu les yeux sur les combattants, et qui virent qu'il n'y avait plus de danger pour eux, accoururent promptement au secours de leur maître, qu'ils trouvèrent engourdi par la fatigue et la puanteur du monstre qui avait cessé de vivre. On jeta de l'eau au visage du brave Gozon, on le secoua, on le frictionna et on lui fit enfin revenir les esprits. Le chevalier rentra à Rhodes, et se présenta au grand maître qui fut bien surpris et bien joyeux de la victoire de notre héros. Cependant Gozon avait désobéi en allant à Maupas, et par égard pour la discipline, le grand maître le fit conduire en prison et lui ôta son habit ; mais ce n'était qu'une cérémonie de convenance et, peu de jours après, on rendit au chevalier et sa liberté et son habit. Depuis cette époque on n'appela plus Gozon que l'exterminateur du dragon. Un certain chevalier Foxan, l'un de ceux qui ont écrit l'histoire du dragon de l'ile de Rhodes, affirme que l'aîné de la famille Gozon conservait une pierre sortie de la tète de ce dragon, laquelle pierre était de la grosseur d'une olive de plusieurs couleurs éclatantes et souveraine contre toutes sortes de venins.
Comme nous en avons déjà fait l'observation plus haut, si Gozon était brave, il était aussi pas mal rusé, et en voici un second témoignage qui est sans réplique. Ayant été nommé, en 1346, au nombre des chevaliers qui devaient élire le grand maître, après la mort d'Elion de Villeneuve, il ne trouva rien de mieux que de se proposer lui-même, el eut assez d'éloquence pour convaincre l'assemblée qu'elle ne pouvait faire un meilleur choix. Il fut élu en effet, et conserva cette dignité jusqu'à sa mort, qui arriva dans le mois de septembre 1353. On mit sur son tombeau Draconis extincter.
« On distingue dans l'histoire des théogonies et des superstitions, plusieurs classes de dragons. On s'est servi du dragon, dit M. Bescherelle, pour figurer le triomphe du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres, de la civilisation sur l'ignorance. La Vierge, mère du Rédempteur du monde, écrase du pied la tête du dragon par qui le mal est venu sur la terre. » On doit aussi considérer particulièrement cet animal comme le symbole de la vigilance, et l'on voit, dans les mythes des anciens, que c'est à lui que l'on confie la garde du jardin des Hespérides, de la toison d'or, d'Andromède, etc. De nos jours encore, les superstitions populaires citent une foule de cavernes défendues par des dragons, parce qu'elles renferment des trésors.
« Le dragon, » dit mademoiselle Amélie Bosquet dans sa Normandie merveilleuse, « fait de rares apparitions dans notre contrée ; il la traverse seulement en passant ; et, toutefois, il peut y apporter la fortune ou la mort. Si, en planant dans les airs, il laissait tomber un de ses excréments, une épidémie mortelle se répandrait aussitôt dans le pays. Le dragon est aveugle, mais il porte sur la tête un diamant d'un prix inestimable, qui lui sert à s'éclairer, et qu'il ne dépose jamais que pour boire au courant d'une source, lorsqu'il est altéré par ses longs voyages. Défiez-vous de l'apparition de ce monstre au détour de quelque frais vallon, au fond duquel une eau vive roule ses filets d'argent sur un lit de cailloux nets et polis, vous serez surpris par un bruit inaccoutumé ! ... c'est le frémissement redoutable des ailes immenses du dragon qui choquent l'air avec autant de violence que le ferait la tempête. Le monstre apparaît tout à coup ; sa forme gigantesque couvre le vallon de son ombre ; son corps sinueux se précipite, tournoyant et enflammé comme la foudre ! Il lance autour de lui les reflets magiques de son œil de diamant, dont l'éclair glace et fascine ! Tâchez d'échapper à ce regard ; faites- vous si humble et si petit que le monstre ne puisse vous apercevoir ; son inquiétude n'est que d'un instant, car J'orgueil le rassure. C'est alors qu'il dépose Je talisman auquel il doit sa puissance. Le diamant scintille sous le gazon où il est caché, et l'enrichit d'une gerbe d'étincelles lumineuses, tandis que le dragon déjà troublé et languissant, à cause de son aveuglement subit, suspend aux flots de la source sa langue altérée. Voici le moment favorable, il faut braver la présence du monstre et se saisir du diamant ; le dragon, dans sa cécité, mourra infailliblement de désespoir ; mais celui qui aura accompli cet acte de courage possédera une fortune incalculable, surpassant encore tout ce qu'un fol espoir peut rêver.
« A propos de la soif habituelle qui tourmente le dragon, et dont, suivant la tradition normande, il y a possibilité de tirer si bon parti, nous rappellerons que, dans les légendes de diverses contrées, la demeure qu'on indique aux monstres de cette sorte est toujours située au bord de la mer, d'un fleuve ou d'une rivière. Témoins la Tarasque du Rhône et la Gargouille de la Seine. Quelques érudits se sont fondés sur cette circonstance pour démontrer que les dévastations attribuées aux dragons et aux autres serpents monstrueux, figuraient les ravages occasionnés par le débordement des eaux. Comment supposer cependant qu'une image semblable, qui n'aurait point la valeur d'un symbole religieux, mais simplement celle d'une comparaison poétique, aurait été conçue ou renouvelée en tant de lieux différents ? D'ailleurs, l'opinion que l'on s'est formée de la prédilection du dragon pour le voisinage des eaux, n'est due, peut-être, qu'à l'observation faite antérieurement, que les endroits marécageux sont favorables à la croissance démesurée de certains reptiles. Au reste, la tradition qui attribue au dragon une soif inextinguible, a été commentée avec des détails d'une bizarrerie très ingénieuse dans les écrits que nous a légués le moyen âge. On lit, dans le neuvième livre du Roman d'Alexandre : « Monseigneur sainct Jéroisme dit que le dragon a tousiours soif et à peine se peult saouller d'eau quand il est dedans une rivière. Parce il a tousiours la gueulle ouverte en vollant, pour tirer le vent à soy pour reffroidir sa challeur et son ardeur qui l'esmeult à si grant soif.
Quand le dragon voit une nef en la mer, et le vent est fort contre la voille, il se met sur le tref de la nef, pour cueillir le vent pour soy reffroidir. Et est aucuneffuis le dragon si pezant et si grant qu'il fait aucune fois verser la nef par sa pezanteur. Mais quant ceulx de la nef le voyent approucher, ils ostent la voille pour eschapper du dangier. »
En Normandie, on croit à des dragons blancs, à des dragons noirs, à des dragons rouges, qui fondent du haut des airs sur certaines gens, pour les enlever et les transporter dans des lieux mystérieux, croyance qui vient, sans aucun doute, de l'Orient.
Les Chinois placent dans l'intérieur de leur maison et aux angles des toits, des figures de dragon, dirigées sur les habitations voisines, comme s'ils cherchaient, au moyen de ces surveillants inanimés, de se mettre à l'abri des maléfices de ces mêmes voisins. Voy. Vouivre.
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Lutz Röhrich et Jean Courtois, auteurs d'un article intitulé "Le monde surnaturel dans les légendes alpines." (In : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°1-4/1982. Croyances, récits & pratiques de tradition. Mélanges d'ethnologie, d'Histoire et de Linguistique en hommage à Charles Joisten (1936-1981) pp. 25-41) présentent quelques légendes relatives aux dragons alpins :
Parmi les légendes caractéristiques des régions alpines figurent aussi celles qui mettent en scène des dragons ; on en trouve aussi bien dans les Alpes orientales que dans les Alpes occidentales, dans les collectes autrichiennes comme dans celles de la Suisse. A côté du dragon volant des montagnes on trouve le dragon des eaux dans les lacs des Alpes et des régions préalpines. En se retournant simplement ou en agitant violemment la queue, le dragon provoque des inondations catastrophiques. Mais il peut être aussi représenté comme un monstre se déplaçant dans la tempête : c'est ainsi que les éclairs de chaleur ou accompagnés de tonnerre, les comètes, etc., sont interprétés comme des dragons de légendes. De nombreuses légendes de saint Georges, enrichies de traits locaux sont ainsi transformées en légendes propres à des sites déterminés. En outre le combat de saint Georges contre le dragon fut attribué à d'autres saints locaux. Le combat du Suisse Winkelried contre le dragon, dont parlent les anciennes chroniques helvétiques, est une légende de chevalier transposée dans le monde paysan — et par ailleurs une des légendes de Grimm. Mais c'est justement en Suisse que, jusqu'aux XIXe et XXe siècles beaucoup de légendes de dragons ont été racontées au titre de « Memorate », c'est-à-dire de légendes tenues pour vraies et dont le narrateur se présente comme témoin. On connaît bien les dragons du mont Pilate, au-dessus de Lucerne.
Ce ne sont pas seulement les hommes qui luttent contre les dragons : il existe une légende alpine dont on est surpris de retrouver au Danemark les formes les plus étroitement apparentées. C'est à un jeune taureau que l'on confie la mission de lutter contre le dragon. On le nourrit d'abord pendant cinq ans de lait maternel et du meilleur fourrage, avant de le lancer sur le dragon. On le tue mais succombe lui-même à ses blessures (Texte n° 5). :
Le dragon de Mâdems : Sur la montagne de Mâdems, on dit qu'il y avait un dragon. Il avait, dit-on, dévasté la moitié de l'alpage. Alors les bergers ont demandé à un vieillard comment on pourrait venir à bout de ce dragon. Celui-ci répondit qu'il connaissait un moyen. Il s'agissait simplement d'élever un taureau en lui donnant du lait, du lait pendant cinq ans et rien d'autre. Puis il fallait ensuite dresser cette bête à affronter l'autre. Le taureau était devenu un animal magnifique. Il n'y avait eu ensuite qu'à l'envoyer sur la montagne de Mâdems. Et puis les deux bêtes avaient lutté si violemment que toutes deux avaient péri. Le dragon était étaient monté maintenant sur un érable morts. et avait presque tué le taureau à l'aide de sa queue. Tous deux étaient maintenant morts. (SENTI, pp. 45 sq.)
La diffusion géographique de cette légende, présente en Suisse et en Scandinavie méridionale sans liens locaux intermédiaires, nous permet d'inférer des rapports très anciens. On trouve enfin dans la légende le dragon qui attend sa délivrance, et qui n'est en réalité qu'une jeune fille victime d'un charme. Son libérateur doit l'embrasser trois fois trois nuits de suite pour la libérer de son affreuse apparence. Mais il n'a pas le courage de baiser le dragon. Ainsi, comme la plupart des légendes, celle-ci a une fin tragique. (Texte n°6) :
Le porteur : Un jour, un porteur de la vallée de Sarnthal qui se trouvait en route pour Bozen s'attarda et se reposa auprès du château de Ravenstein. Une femme magnifique se trouva soudain devant lui. Elle le salua aimablement et lui dit : « Tu es appelé à faire mon bonheur et le tien. Viens demain à minuit et je t'apparaîtrai sous la forme d'un dragon. Si tu m'étreins trois fois dans tes bras, ce château avec tous ses trésors t'appartiendra et moi, je serai délivrée ». Peu après elle disparut. Le porteur songea longuement à cette femme pleine de fierté et, au petit matin, il se rendit au monastère auprès d'un moine, auquel il raconta toute l'histoire. Celui-ci l'exhorta à attendre à l'heure indiquée à Ravenstein, pour pouvoir éventuellement, délivrer la dame du château. En le congédiant, il bénit le garçon ainsi qu'un crucifix qu'il lui donna. Le porteur alla ensuite à ses affaires. Au crépuscule, il monta au château, malgré l'orage épouvantable qui s'était déchaîné. A onze heures tapantes il se trouvait à nouveau sur la pierre sous le noyer, attendant en priant que minuit vienne. Lorsqu'enfin il fut minuit, un vacarme épouvantable se fit entendre dans le château, et bientôt en sortit un effroyable dragon ; ses yeux flamboyaient comme des plaques de feu et ses écailles cliquetaient comme la roue d'un moulin à vent. Alors la frayeur saisit le porteur, mais il réussit à se dominer et il étreignit le dragon deux fois par le cou. Il allait l'étreindre pour la troisième fois, lorsqu'une frayeur telle le saisit qu'il fit retentir un cri strident, et le monstre disparut. Dans les ruines on entendit des gémissements et en même temps retentit le bruit de ferraille d'innombrables talents qui dévalaient dans l'abîme. De ce jour le porteur fut en proie à une humeur morose et il ne vécut plus qu'un an. (ZINGERLE, pp. 317 sq.).
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Littérature :
Nouvelle à chute : "Le Dragon" de Ray Bradbury.
Dans Les Vents de Neptune (Éditions Viviane Hamy, 2004) de Fred Vargas, la mère du criminel est à l'origine de sa folie meurtrière :
"Elle, la Marie Guillaumond, toujours en blanc pour pouvoir repérer la moindre tache sur ses vêtements. Comme si on en avait quelque chose à faire à Collery. Aux cuisines, on l'appelait "le dragon blanc", derrière son dos. C'est bien vrai que cette femme-là, elle l'avait usé, Gérard.
[..]
Mais aurait-il assez d'animaux ? La question était importante, l'opération exigeait de grosses bêtes, non pas des escargots ou des papillons. Il lui fallait du bon matériel, si possible fumant, comme les dragons. Et les dragons ne se trouvaient pas sous le pas d'un cheval, mais se terraient comme des lâches dans d'inaccessibles cavernes.
Si, bien sûr il y en avait tout un stock dans le Mah-Jong, pensa-t-il en frappant du poing sur le comptoir. La seule chose qu'il savait de ce jeu chinois, c'est qu'il contenait des tas de dragons, et de toutes les couleurs encore. Il n'aurait qu'à y piocher comme le père Guillaumond, avec trois doigts, et fourrer tous les reptiles nécessaires dans les portes, dans les fenêtres, et sans négliger les interstices. Des rouges pour Strasbourg, des verts pour la GRC.
[...]
- Où sont les dragons ?
- Il y a trois familles dans le jeu, expliqua Camille d'une voix pacifiante, avec la prudence de toute femme abordée dans la rue par un type hors de lui. Parler doucement et s'éclipser dès qu'on le peut. L'occuper avec les dominos de sa grand-mère. Elle lui tendit un bol de café noir.
- Ici, tu as la famille des Sapèques, ici, celle des Caractères et là, celle des Bambous, du numéro 1 au numéro 9. Tu comprends ?
- A quoi ça sert ?
- A jouer. Et voici les honneurs : Est, Ouest, Nord, Sud, et tes dragons.
- Ah, dit Adamsberg, satisfait.
- Quatre dragons verts, dit Camille en les regroupant sous ses yeux, quatre dragons rouges et quatre vierges. Douze dragons en tout, cela te suffira ?
[...]
Comme il s'était bousillé sur ce sentier, comme il avait bousillé sa chasse au juge, qui s'achevait en impasse à Collery, aux origines du dragon blanc maternel.
Adamsberg s'immobilisa. Le dragon blanc. Camille ne lui en avait pas parlé. Il récupéra la règle tombée au sol et l'ouvrit rapidement. Honneurs : dragons verts, dragons rouges et dragons blancs. Ceux que Camille avait appelés les "vierges". Les quatre vents : Est, Ouest, Sud, Nord. Adamsberg serra sa main sur le papier fragile. Les quatre vents : Soubise, Ventou, Autan et Wind. Et Brasillier : le feu, et donc un parfait dragon rouge. Au dos de la règle, il inscrivit rapidement les noms des douze victimes du Trident, en ajoutant la mère, égale treize. La mère, le Dragon Blanc originel.
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Dans Bitna, sous le ciel de Séoul (Éditions Stock, 2018), J. M. G. Le Clézio renouvelle l'histoire de Shéhérazade en faisant raconter des histoires par son héroïne, non pas pour sauver sa vie mais pour gagner de l'argent.
"Je te l'ai dit, je n'invente rien. C'est pourquoi j'ai appelé les deux personnages les Dragons. Le Dragon du nord, le Dragon du sud. Ils existent, tu peux en être sûre, mais personne ne les voit. Je ne chercherai pas à les décrire, puisqu'ils sont invisibles. Ils sont pareils à des nuages, ou pareils à un reflet sur la mer, ou encore pareils aux gouttes de la pluie que tu entends mais que tu ne peux pas voir.
- Alors comment est-ce que je peux être sûre qu'ils existent ?
- Parce qu'ils sont anciens, plus anciens que toi et moi, ils ont toujours existé, avant cette ville, avant ce pays, parce que nous sommes, toi et moi, juste un instant dans l'histoire du monde alors qu'eux, ces dragons endormis, sont là depuis le commencement.
[...]
Naomi serre fort la main d'Hana. "Ici je peux voir les Dragons, dit-elle. Ils n'aiment pas le bruit de la ville, ils se cachent quand il y a trop de monde, trop de voitures." Elles ont marché jusqu'à la route qui mène au sommet de la montagne, à bonne distance du tramway."
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