Étymologie :
PLOMB, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. a) 1121-34 plum « métal » (Philippe de Thaon, Bestiaire, 1042 ds T.-L.) ; b) 1793 typogr. corriger sur le plomb (Momoro, Imprim., p.26) ; 2. 1379 plomb blanc « étain » (Archives Mairie d'Angers, 324 ds IGLF) ; 1690 plomb brûlé (Fur) ; 1859 plomb sulfuré (Chesn.) ; 3. 1690 plomb (des vidangeurs) (Fur.) ; 1765 colique de plomb (Encyclop.) ; 4. 1808 « syphilis » (Hautel) ; 5. 1920 « nom de diverses maladies des arbres fruitiers » (Omnium agricole, p. 673). B. 1. a) 1260 « petite masse de métal qui sert à lester un fil pour déterminer la verticale » (Villard de Honnecourt, Album, 38 ds T.-L.) ; b) 1552 à plomb « à la verticale » (G. Paradin, Cronique de Savoie, p. 124) ; c) fin xviie s. id. « directement » (St-Simon, 79, 26 ds Littré) ; d) 1739-87 tomber à plomb « à pic » fig. (Caylus, Œuvres badines, X, 329) ; 2. fin xive s. « sceau que la chancellerie pontificale attache aux bulles » (Jean d'Outremeuse, Ly Mireur des Histors, Fragm. II Livre, éd. A. Goose, 2807 ds T.-L.) ; 1638 « petit sceau fixé aux extrémités d'une attache pour en garantir la qualité ou en interdire l'ouverture » (Lett. pat. ds Littré, s.v. plomber) ; 3. 1454 mettre en plomb « poser une baguette de plomb pour maintenir les vitres » (Compte de Guillaume Poupet, receveur des finances de Bourg. ds Havard) ; 4. 1580 « poids dont on garnit une ligne ou un filet de pêche » (B. Palissy, Discours admirable, p.198) ; 5. ca 1600 « projectiles d'une arme à feu » (Desportes, Diverses amours, XVII ds Littré) ; 1878 avoir du plomb dans l'aile (Ac.) ; 6. 1718 « morceau de plomb attaché aux manchettes d'un vêtement » (ibid.) ; 1845 « pastille plate en plomb fixée dans l'ourlet d'un vêtement » (Mérimée, loc. cit.) ; 7. 1890 électr. plomb de sûreté (Lar. 19e Suppl.) ; 1903 plomb fusible (Nouv. Lar. ill.). C. 1. 1616 « ce qui provoque une impression de pesanteur » (D'Aubigné, Hist. univ., V, 26 ds Hug.) ; 2. 1656 (faire le) cul de plomb « être toujours assis » (Oudin) ; 3. 1835 soleil de plomb (Lamart., loc. cit.) ; 4. 1842 sommeil de plomb (Balzac, Début vie, p. 464). Du lat. plumbum « plomb », « balle de plomb », « tuyau de plomb ».
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.
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Symbolisme :
Dans Physica, Le Livre des subtilités des créatures divines (XIIe siècle) de Hidegarde de Bingen (traduction Pierre Monat, 2011),
"Le plomb est froid et blesserait l'homme, si celui-ci en introduisait dans son corps, de quelque manière que ce soit [Ed. et il le ferait à cause du froid qu'il contient et aussi parce qu'il est parfois indigeste et provoque le renvoi et l'élimination des autres minéraux].
Si un mort commence à gonfler et qu'on mette du plomb par-dessus, le plomb arrête un peu ce gonflement. Mais si on en mettait sur un vivant qui commence à enfler, celui-ci en serait déchiqueté et ne pourrait survivre [Ed. car son froid le traverserait, le déchirerait, puisqu'il est en quelque sorte un destructeur des autres minéraux.
Ni la nourriture ni la boisson ne se gardent bien dans un récipient de plomb, à cause du froid que celui-ci contient.]"
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Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée, Robert Laffont : 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on peut lire :
"Symbole de la lourdeur et de l'individualité inentamable, Métal pesant, il est traditionnellement attribué au dieu séparateur, Saturne (la délimitation). C'est ainsi que, pour la transmutation du plomb en or, les alchimistes cherchaient symboliquement à se détacher des limitations individuelles, pour atteindre les valeurs collectives et universelles.
Selon Paracelse, le plomb serait l'eau de tous les métaux... Si les alchimistes connaissaient ce que contient Saturne, ils abandonneraient toute autre matière pour ne travailler que sur celle-là. Ce serait la matière de l'oeuvre parvenue au noir ; le plomb blanc s'identifierait au mercure hermétique. Il symboliserait la matière en tant qu'elle est imprégnée de force spirituelle, et la possibilité des transmutations des propriétés d'un corps en celles d'un autre, ainsi que des propriétés générales de la matière en qualités de l'esprit. Le plomb symbolise la base la pus modeste d'où puisse partir une évolution ascendante."
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Associé à la planète Saturne (à laquelle les Chaldéens prêtaient une influence funeste), le plomb, le plus vil des métaux, est symbole de « la lourdeur et de l'individualité inentamable ». Toutefois, il serait pour Paracelse (médecin, alchimiste, adepte de la magie mort en 1541), « l'eau de tous les métaux » : « Si les alchimistes connaissaient ce que contient Saturne, ils abandonneraient tout autre matière pour ne travailler que sur celle-là », ajoute dom Antoine-Joseph Pernety (Dictionnaire mytho-hermétique, 1787).
Chez les Hébreux, le sorcier envoûtait, « à l'aide de poupées magiques de plomb, enserrées par un fil et fondues lentement au chandelier rituélique à sept branches ». Dans le monde latin, le plomb, consacré à Cronos (Saturne), et aux dieux infernaux, était le « métal magique par excellence ». Les Romains croyaient par ailleurs que l'application sur les reins de plaques de plomb « produis[ait] l'effet d'un antiaphrodisiaque ».
Les Anciens pratiquaient la divination par le plomb fondu, appelée molybdomancie, qui consistait à laisser tomber des gouttes dans l'eau et à faire des prédictions selon les bruits et les sifflements produits.
Jusqu'au début du siècle, la divination par le plomb fondu était pratiquée dans la plupart des pays d'Europe : en France, le jour des Rois, les jeunes filles faisaient fondre le métal dans un récipient d'eau et, selon la forme des morceaux qui tombaient au fond, elles découvraient les outils indiquant le métier de leur futur mari (hache = bûcheron ; aiguille = tailleur ; etc.). En Belgique, la même divination s'effectuait dans la nuit de la Saint-André (30 novembre), à ceci près que l'on faisait couler le plomb au travers du panneton d'une clef.
En Allemagne, comme en Russie, un rite très répandu consistait à faire fondre du plomb au cours de la soirée de la Saint-Sylvestre : dès qu'il était liquide, on le jetait dans un récipient d'eau froide et, selon la forme que le métal prenait, on formulait des prédictions : « De la richesse si la masse est grosse et brillante, des larmes si elle était tombée en gouttes, ou du moins en plusieurs morceaux ; la guerre si l'on peut distinguer des épées, des soldats ou des canons ; un mariage si l'on peut reconnaître des anneaux, des vêtements, un château, etc. » En Suisse, où cette divination s'effectuait la veille de Noël, les présages sont les suivants : « Si les plombs affectent des formes rebondies, ils annoncent la prospérité et une grande abondance d'argent. S'ils ont la forme d'une étoile, signe de bonheur ; la forme d'une croix, signe de malheur ; la forme d'un homme, présage heureux ; la forme d'une femme, présage malheureux ; s'ils ont l'aspect d'un animal, signe d'une mort prochaine ».
Au XVe siècle, pour savoir si une maladie avait une origine surnaturelle, on versait du plomb fondu dans un bol d'eau : si une image se formait dans le métal, l'intervention de la sorcellerie passait pour évidente. En Angleterre, au début du siècle, quand quelqu'un avait eu une attaque cardiaque, on procédait de même ; si on obtenait un morceau de plomb en dorme de cœur, on cousait ce dernier dans un morceau de tissu que le malade devait porter.
En Norvège, on recommandait, quand on voulait savoir de quelle affection était atteint un enfant qui dépérissait, de faire « fondre dans l'eau prise à un ruisseau qui coule au nord un morceau de plomb dérobé à la fenêtre d'une église après le coucher du soleil. »
Dans les pays arabes, le plomb, appelé « le léger » (Syrie, Sahara occidental), est également utilisé pour consulter le sort.
Louis XVI, dit-on, avait toujours sur lui des amulettes de plomb.
Au Moyen Âge, on prescrivait de placer du plomb fondu dans de l'eau sur un enfant souffrant des vers. Selon une tradition anglaise (Devon), « une femme qui a les seins douloureux peut guérir en se rendant à l'église à minuit. Une fois rendue dans les lieux, elle doit subtiliser un peu de plomb d'un des vitraux et le modeler en forme de cœur, passer cette amulette dan une chaînette et porter cette parure autour du cou ad vitam aeternam ».
Selon une tradition poitevine, la cendre de plomb surnage sur l'urine d'un lépreux.
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Symbolisme onirique :
Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),
"Qui rêve de plomb rêve la pesanteur." Cet axiome, auquel conduirait l'analyse hâtive du symbole, se trouve confirmé par une étude approfondie. A l'article consacré au "lourd", on trouve aussi cette idée qui est une simple évidence. Il reste à comprendre pourquoi l'inconscient suggère ces images de plomb. Ce sera la conclusion du présent article.
Dans les rêves où apparaît le mot lourd, le terme léger vient mettre en valeur la dynamique d'équilibration qui anime le processus évolutif. Le même phénomène peut être observé avec le plomb : des images de vol dans l'espace, de ballons multicolores lâchés dans le ciel, des patients métamorphosés en fée libellule abondent dans les rêves où ce métal est présent. L'évocation du plomb concerne un nombre assez modeste de séances : moins de 2%. Ces scénarios sont produits en proportions à peu près égales par des hommes et des femmes. Les thèmes de la pesanteur et de la légèreté, du plomb et de l'air, par leur caractère universel de représentation de la matière et de l'esprit, pourraient laisser supposer une certaine banalité des images. C'est l'inverse que l'on constate ! Les rêves où figure le plomb frappent pas la spécificité, l'originalité et l'abondance de leurs images.
Dans de nombreux textes alchimistes le plomb est appelé Osiris, dieu de la résurrection. Dans l'article consacré au lourd, nous relatons un rêve d'Anne-Marie dans lequel du plomb liquide se mélange à de l'eau de mer qui, aussitôt, se transforme en sang et qui, à mesure de sa progression ascendante, redonne vie à une statue. Il est difficile d'imaginer une illustration plus saisissante de cette eau de résurrection que symbolise le plomb dans l'alchimie mais aussi dans le mythe de l’Égypte antique puisque celui-ci nous dit que Typhon arrosa le sarcophage d'Osiris de plomb liquide. Ainsi, l’inconscient d'Anne-Marie réunit spontanément tous les aspects d'un mythe dont elle ignore les particularités. Toujours présenté momifié, le corps d'Osiris, symbole de résurrection, a été dépecé, puis reconstitué et arrosé de plomb. La statue d'Anne-Marie a été brisée en de multiples fragments qu'un nain rassemble pour la reconstituer, avant d'arroser le plomb l'eau qu'il change en sang pour redonner vie à la femme de marbre. Étrange similitude dont il est aisé de montrer qu'elle ne relève pas d'une coïncidence exceptionnelle. Philippe, quarante ans, se voit, dans son rêve éveillé, passant en revue une armée de... soldats de plomb. Soudain l'un d'eux se met à saigner à l'emplacement du cœur. La tache de sang s'étend en étoile et "maintenant, tout l'uniforme est humide."
D'autres images du même rêve, montrant Philippe traversant un désert sur un âne... en bois, pourraient faire sourire si elles n'étaient pas des productions habituelles des rêves où apparaît le plomb. Momies, animaux empaillés, personnages de bois ou statues de pierre lui sont associés couramment. Ces figures sont toujours représentatives d'une perte de la substance vivante, chair et sang, matière humide sans laquelle il ne reste plus que les apparences de la vie.
Véronique glisse sur une dune de sable : "C'est un sable chaud, craquant... enfin... sec !... Je me remplis de sable. Je devines extrêmement lourde et je tombe, de plus en plus vite, à cause de mon poids. Je suis lourde comme du plomb... Je suis au fond e la mer... j'ouvre la semelle de mes pieds, pour enlever tout le sable... et, maintenant, je suis pleine d'eau... [...] Je n'ai plus deux pieds... j'ai des pieds de mo... comme une momie... et je me change en sarcophage... je suis un sarcophage doré, tout décoré... c'est le sarcophage de Toutankhamon... je l'ouvre et je sors enfin, vivante... dans le tombeau... en Égypte donc... et tout est vivant dans le tombeau..."
Cette séquence d'un très long rêve de Véronique reprend le thème de la résurrection par l'humide, le passage de la momification au vivant. La transmutation de Véronique s'accomplit par les pieds, comme la résurrection de la statue d'Anne-Marie. Le poids, le plomb concerne toujours en premier lieu les pieds ou le bas du corps. Les semelles de plomb ne sont pas seulement une expression de langage courant. Les bottes du rêve sont parfois des bottes de sept lieues. Elles sont aussi souvent des bottes de plomb qui enchaînent à la terre. Il est fréquent que la partie inférieure du corps du rêveur soit de plomb, inerte, alors que la moitié supérieure demeure alerte, vivante.
Une autre corrélation marquante du plomb est l’image du ballon. Le ballon qui aspire au ciel, à l'élévation, dont le destin est dans l'esprit, alors que le plomb appelle à l'indispensable reconnaissance de la pesanteur.
Le plomb semble dire qu'il n'y a pas d'élévation authentique sans la préalable acceptation des poids psychologiques, de l'ombre refoulée. Le Christ lui-même, lumineux symbole de la résurrection das l'esprit, a dû accomplir, après le sacrifice du sang, l'inévitable descente aux enfers avant de gagner le ciel de gloire. Les images crues de Norbert, que je condense ici en quelques phrases principales, confirment toutes les associations relatives au plomb : "Il a des serpents comme des cheveux... une tête de gorgone... sur la tête, , une couronne de fil de fer barbelé... il est gigantesque, comme ces statues de Louxor. Oh! là, là !... Ce personnage... c'est moi ! Impression d'être planté dans la terre, d'avoir un cul de plomb, lourd comme c'est pas permis...et, en haut, d'avoir des pensées... c'est moi !... Partie inférieure figée... j'ai même de la mousse sur les pieds. Le haut, tout est mouvement, ça circule, le sang dans les veines... je suis transformé en momie, avec des bandelettes... j'ai maintenant des cornes, une queue, des sabots aux pieds... un peu démoniaque... animal satanique. Ah! là, là ! Je suis carrément en enfer... je suis le diable.."
Le rêve de Norbert se termine dans la lumière qui irradie dans un temple grec... puis sur un ciel de nuit magnifique où fuse un "feu d'artifices d'étoiles filantes..."
Les corrélations de la famille animaux confirment ce tumulte de psychologies qui recherchent leurs marques par rapport au ciel et à la terre. Le renard, figure animale qui répand toujours quelque odeur de soufre, est là pour attester les attirances du monde sous-conscient. L'abeille symbolise au contraire l'envol dans la lumière d'or. L'âne témoigne du désarroi d'une personnalité qui vit un déchirement entre des valeurs mal élucidées.
Le plomb du rêve exprime le fardeau d'une psychologie qui n'a pas pris conscience que le bien et le mal, dans l'absolu, ne sont pas des valeurs accessibles à l'appréciation humaine. La chute symbolique, le poids sur le monde et sur l'homme, sont aussi vieux que cet arbre de la connaissance du bien et du mal au fruit duquel l'home a voulu goûter. en appliquant sur ses pulsions, ses sentiments, ses actes, des étiquettes bien ou mal, il s'est interdit la reconnaissance d'un e partie de lui-même qu'il ne lui appartient pas de faire disparaître. Par cette attitude, il s'est coupé du processus d'individuation, tel que le décrit C. G. Jung, et qui s'accomplit par la reconnaissance en soi des opposés. Pour regagner le ciel de l'innocence, il n'a d'autre voie que celle qui consiste à admettre la réalité des choses pesantes, à réhabiliter ses interdits.
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Le plomb du rêve incite le patient à cette réhabilitation de ses pulsions refoulées, à les accepter dans le champ de la conscience. Le plomb, c''est le poids de l'incrédulité, la chaîne d'une psychologie qui, pour se rassurer, enfonce chaque pour ses ancrages plus profondément, s'éloignant de la petite lumière qui brille encore là-haut, u bord du puits... refusant la confiance dans le devenir, seule capable de le délivrer de sa peur du vide ! La transmutation du plomb en or, c'est la que^te inlassable des alchimistes qui savaient qu'il n'est pas possible d'atteindre l'inaltérable qu'en partant de l'œuvre au noir, de la prima materia, du métal "vil", de ce que la matière leur proposait de plus lourd : le plomb.
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Symbolisme alchimique :
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