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Le Loup-garou

Dernière mise à jour : 14 mars



Étymologie :


  • LOUP-GAROU, subst. masc.

Étymol. et Hist. Fin xiie s. leus warous (Mainet, iii, 24 ds T.-L.). Composé de loup* et de garou*.


  • GAROU, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. [Fin du xie s. garlos « bêtes sauvages » (Lévy Trés., glose Job, 5, 23)] ; ca 1170 garwaf, garval, garvalf « homme qui se transforme temporairement en loup » (M. de France, Lais, éd. J. Rychner, Bisclavret, 4, 7, 9) ; 2. a) fin du xiie s. leu warou « id. » (Mainet, éd. G. Paris, III, 24) ; b) 1538 loup-garou « esprit qui fait peur aux petits enfants » (Est.) ; 3. 1718 courir le garou « fréquenter les lieux de débauche » (Ac.). La croyance pop. qu'un homme est susceptible de se transformer en loup est attestée chez Hérodote (gr. λ υ κ α ́ ν θ ρ ω π ο ς « loup homme »), Pline (lat. versipellis « qui change de peau » et Burchard de Worms (ca 1000, v. Kluge, s.v. werwolf). Garou vient de l'a. b. frq. *werwolf que l'on peut restituer d'apr. l'a. h. all. werwolf (composé de wer « homme » et de wolf « loup ») et le m. néerl. weerwolf, werwolf. Le mot fr. loup-garou contient deux fois la notion de loup qu'on ne saisissait plus dans garou. Différentes explications ont été données pour justifier le passage de wer à war, la plus convaincante est peut-être la suiv. : e en syllabe initiale non accentuée suivi de r devient a dans certains mots, cf. lat. serpente > a. fr. serpent, sarpent ; (v. FEW t. 17, p. 571a ; DEAF, s.v. garol col. 335).


Lire aussi les définitions de loup-garou et de garou pour amorcer la réflexion symbolique.

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Croyances populaires :


Selon Jacques Albin Simon Collin de Plancy, auteur du Dictionnaire infernal, ou bibliothèque universelle, sur les êtres, les personnages, les livres, les faits et les choses : qui tiennent aux apparitions, à la magie, au commerce de l'enfer, aux divinations, aux sciences secrètes, aux grimoires, aux prodiges, aux erreurs et aux préjugés, aux traditions et aux contes populaires, aux superstitions diverses, et généralement à toutes les croyants merveilleuses, surprenantes, mystérieuses et surnaturelles. (Tome troisième. La librairie universelle de P. Mongie aîné, 1826) :


LOUP-GAROU OU LYCANTHROPE. — Homme ou femme métamorphosé en loup par enchantement diabolique.

Un garnement, qui voulait faire des friponneries, mettait aisément les gens en fuite en se faisant passer pour un loup-garou. Il n'avait pas besoin pour cela d'avoir la figure d'un loup, puisque les loups-garous de réputation étaient arrêtés comme tels, quoique sous leur figure humaine. On croyait alors qu'ils portaient le poil de loup entre cuir et chair.

Peucer conte qu'en Livonie, sur la fin du mois de décembre, il se trouve, dit-on, tous les ans un bélitre qui va sommer les sorciers de se rendre en certain lieu ; et, s'ils y manquent, le diable les y mène de force, à coups de verge de fer, si rudement appliqués, que les marques y demeurent. Leur chef passe devant, et quelques milliers de suivent, traversant une rivière, laquelle passée, ils changent leur figure en celle d'un loup, se jettent sur les hommes et sur les troupeaux, et font mille dommages. Douze jours après, ils retournent au même fleuve, et redeviennent hommes.

On attrapa un jour un loup-garou qui courait dans les rues de Padoue ; on lui coupa ses pates de loup, et il reprit au même instant la forme d'homme, mais avec les bras et les pieds coupés, à ce que dit Fincel.

L'an 1588, en un village distant de deux lieues d'Apchon, dans les montagnes d'Auvergne, un gentilhomme, étant sur le soir à sa fenêtre, aperçut un chasseur de sa connaissance, et le pria de lui rapporter de sa chasse. Le chasseur en fit promesse, et , s'étant avancé dans la plaine, il vit devant lui un gros loup qui venait à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d'arquebuse et le manqua. Le loup se jeta aussitôt sur lui et l'attaqua fort vivement. Mais l'autre, en se défendant, lui ayant coupé la patte droite, avec son couteau de chasse, le loup estropié s'enfuit et ne revint plus ; et, comme la nuit approchait, le chasseur gagna la maison de son ami, qui lui demanda s'il avait fait bonne chasse. Il tira aussitôt de sa gibecière la patte, qu'il avait coupée au prétendu loup ; mais il fut bien étonné de voir cette pate convertie en main de femme, et à l'un des doigts, un anneau d'or que le gentilhomme reconnut être celui de son épouse. Il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès du feu, et cachait son bras droit sous son tablier. Comme elle refusait de l'en tirer, il lui montra la main que le chasseur avait rapportée ; et cette malheureuse, toute éperdue, lui avoua que c'était elle en effet qu'il avait poursuivie, sous la figure d'un loup-garou ; ce qui se vérifia encore en confrontant la main avec le bras dont elle faisait partie. Le mari, pieusement courroucé, livra sa femme à la justice, et elle fut brûlée en ce monde, pour griller éternellement dans l'autre." Boguet, qui rapporte ce conte, avec plusieurs autres de la même force, dit, en homme expérimenté, les loups-garoux s'accouplent avec les louves, et ont autant de plaisir qu'avec leurs femmes.

Voici un conte à peu près semblable à celui qu'on vient de lire. Un paysan d'Alsace s'était donné au diable, qui le transformait en loup une fois par semaine. A la faveur de ce déguisement, le sorcier commit tant de désordres, qu'on fut obligé de faire venir un fameux exorciste de Besançon. Le prêtre ayant forcé le diable à paraître, lui demanda le nom du loup-garou ; car on le soupçonnait sans le connaître. L'ange de ténèbres se contenta de l'indiquer, et disparut. L'exorciste, qui était un homme sage, épia le sorcier, et l'arrêta pendant la nuit, courant au sabbat, sous sa forme de loup ; mais il se débattait si violemment, que le prêtre tremblant qu'il ne lui échappât, lui coupa la patte, qui se trouva être une main d'homme. On alla le lendemain visiter le paysan soupçonné, qu'on trouva au lit ; son bras était enveloppé. On le visita, et on s'aperçut qu'il n'avait plus de main droite. Il n'en fallut pas davantage pour confirmer les soupçons. On condamna donc le sorcier à être brûlé vif ; mais pendant qu'on mettait le feu au bûcher, le diable parut auprès de lui, l'emporta à la vue de tout le monde : et le conte ajoute qu'on ne vit plus de loups-garoux dans le village.

Les loups-garoux étaient fort communs dans le Poitou ; on les y appelait la bête bigourne qui court la galipode. Quand les bonnes gens entendent, dans les rues, les hurlements épouvantables du loup-garou, ce qui n'arrive qu'au milieu de la nuit, ils se gardent bien de mettre la tête à la fenêtre, parce que s'ils avaient cette témérité, ils ne manqueraient pas d'avoir le cou tordu.

On assure dans cette province qu'on peut forcer le loup-garou à quitter sa forme d'emprunt, en lui donnant un coup de fourche entre les deux yeux.

On sait que la qualité distinctive des loups-garoux est un grand goût pour la chaire fraîche. Delancre assure qu'ils étranglent les chiens et les enfants ; qu'ils les mangent de bon appétit ; qu'ils marchent à quatre pattes, et qu'ils hurlent comme de vrais loups, avec de grandes gueules, des yeux étincelants, et des dents crochues.

Bodin raconte sans rougir, qu'en 1542 on vit un matin cent cinquante loups-garoux sur une place publique de Constantinople. On est tout surpris de trouver dans l'admirable roman de Persilès et Sigismonde, le dernier ouvrage de Cervantes, des îles de loups-garoux, et des sorcières qui se changent en louves, pour enlever les hommes dont elles sont amoureuses. On brûlait tous les jours un grand nombre de malheureux hypocondres, accusés de lycanthropie ; et les théologiens et dévots se plaignaient continuellement de ce qu'on n'en brûlait pas assez. Delancre propose comme un bel et très juste exemple, un trait qu'il a pris, je ne sais où, d'un duc de Russie, lequel, averti qu'un sien sujet se changeait en toutes sortes de bêtes, l'envoya chercher, et, après l'avoir enchaîné, lui commanda de faire une expérience de son art, ce qu'il fit, se changeant aussitôt en loup ; mais ce duc, ayant préparé deux dogues, les fit lancer contre ce misérable, qui aussitôt fut mis en pièces.

On amena au médecin Pomponace un paysan atteint de lycanthropie, qui criait à ses voisins de s'enfuir, s'ils ne voulaient pas qu'il les mangeât. Comme ce pauvre homme n'avait rien de la forme d'un loup, les villageois, persuadés pourtant qu'il l'était, avaient commencé à l'écorcher, pour voir s'il ne portait pas le poil sous la peau. Pomponace le guérit, comme on en eût guéri bien d'autres, si on n'eût mieux aimé les brûler pour épouvanter les indévots.

Les loups-garoux n'étaient pas les seuls en ces bons temps qui mangeassent de la chair fraîche. Sans parler des ogres que l'on redoute encore dans une foule de villages, il y avait bien d'autres vampires, qui à la vérité n'étaient pas morts, mais qui n'en étaient pas moins malfaisants. On rapportera ailleurs la hideuse histoire du maréchal de Retz, qui fit mourir des centaines d'enfants pour satisfaire à une démence infâme, à des débauches qu'on ne se hâta pas de punir, parce que le coupable était puissant.

Ouvrez les théologiens qui ont décrit le sabbat, vous y verrez des sorcières occupées à faire cuire et à manger de jeunes enfants. On voulait brûler les sorciers ; il fallait des crimes : on leur attribuait les idées les plus horribles, on les leur faisait avouer avec les doux moyens de la torture.

 

Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


WERWOLF. Ce mot désignait, au moyen Age, la faculté qu'avaient certains hommes de se transformer en loups et autres animaux, faculté qui leur avait été accordée, disait-on, par des fées présentes à leur naissance. Les Anglais appellent aussi were wolf le loup-garou, et les Allemands wer wolf.

 

Dans ses Légendes rustiques (Éditions A. Morel, 1858), George Sand collecte des légendes de son pays natal, le Berry, qui s'ancrent dans une mémoire gauloise encore vivante à son époque :


Légende du Meneur de loup =>




Légendes des Lubins :

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Symbolisme :


Selon Charles Joisten, auteur de "Quelques attestations de récits légendaires antérieures au XVIIIe siècle en Savoie et en Dauphiné." (In : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°1/1974. pp. 119-130) :


Les loups-garoùs

La plus ancienne mention de la croyance aux loups-garous dans les Alpes françaises remonte au premier quart du XIIIe siècle : elle figure dans les Otia imperialia de Gervais de Tilbury, ouvrage dédié à l'empereur Othon, achevé vers 1214, qui contient de précieux renseignements sur les croyances et les légendes médiévales dans le Sud-Est de la France. Dans la troisième partie de cet ouvrage, les Mirabilia, se trouve un texte intitulé De hominibus qui fuerunt lupi (Des hommes devenus loups) ; après avoir conté l'histoire d'un soldat auvergnat changé en loup qui reprit sa forme humaine à la suite d'un coup reçu, Gervais de Tilbury cite le cas d'un habitant de Mantale (probablement Mantaille, dans la Drôme) qui, aux changements de lune, se transformait en loup.

A partir du XVIe siècle, les textes concernant la croyance aux loups-garous deviennent relativement nombreux et subissent l'influence du concept de sorcellerie. Aux XVIII, XIX et XXe siècles, les documents continuent d'abonder, mais aucun d'eux ne situera aux changements de lune la transformation en loup.

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Selon le site http://1001origines.net/ :

L'origine du Loup-garou :


"C'est, dans l'opinion du peuple, un esprit malin, très dangereux, travesti en loup, qui court les champs et les rues pendant la nuit.


Une superstition très ancienne : L'idée superstitieuse que les hommes pouvaient être changés en loups, et reprendre ensuite leur forme, est des plus anciennes : nous devons regarder comme faux que l'homme se change en loup et reprenne ensuite la forme qui lui est propre, dit Pline.


Une croyance tenace : Cependant cette idée extravagante a subsisté longtemps ; la religion et la philosophie ne l'avaient point encore détruite en France sur la fin du XVIe siècle. La Rocheflavin rapporte un arrêt du parlement de Dôle, du 18 janvier l574, qui condamne au feu Gilles Garnier, lequel ayant renoncé à Dieu, et s'étant obligé par serment de ne plus servir que le diable, avait été changé en loup-garou. Les auteurs de l'Encyclopédie, à qui nous empruntons cet article, ajoutent : « Il faut quelquefois rappeler aux hommes ces sortes de traits pour leur faire sentir les avantages des siècles éclairés. Nous devrions à jamais les bénir ces siècles éclairés, quand ils ne nous procureraient d'autres biens que de nous guérir de l'existence des loups-garous, des esprits, des lamies, des larves, des liliths, des lémures, des spectres, des génies, des fées, des revenants, des lutins et autres fantômes nocturnes si propres à troubler notre âme, à l'inquiéter, à l'accabler de craintes et de frayeurs. »"

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Lithographie pour Légendes rustiques de George Sand.

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Marianne Mesnil dans son article d'introduction intitulé “PRESENTATION : Mais d’où Viennent Donc Les Enfants ?” (Civilisations, vol. 37, no. 2, Institut de Sociologie de l’Université de Bruxelles, 1987, pp. 13–33, http://www.jstor.org/stable/41229337) s'interroge sur les naissances monstrueuses :


[...] Naître à contre-temps : Il ne suffit donc pas de naître dans le bon sens, encore faut-il naître (donc avoir été conçu) au bon moment. Si l'une de ces prescriptions vient à être négligée, le passage ne peut s'effectuer normalement et l'enfant nouveau venu risque, d'une manière ou d'une autre, de porter la marque de cette anormalité. Le prototype d'une telle marque est la coiffe, ou chemise, de l'enfant qui naît coiffé de l'amnios. De même nature que le placenta, cette partie des délivres est également assimilée à un double. En Europe, on prête à l'enfant né coiffé des pouvoirs surnaturels : il est capable d'établir des liens privilégiés avec l'autre monde ; il peut se rendre invisible et communiquer avec les morts ; enfin, il peut se transformer en loup-garou. Rappelons-nous alors avec J. Signorini et M. Lecourt que le loup-garou est un enfant né à Noël : c'est donc un enfant conçu à l'Annonciation, c'est-à-dire à contre-temps par rapport à l'interdit chrétien qui a trait à la Conception de la Vierge. Mais encore, plus généralement, contre-temps par rapport à ces biorythmes saisonniers dont nous parle A. Popova. Ce sont eux qui président à une conception du temps où s'inscrit l'alternance chrétienne du gras et du maigre, des réjouissances carnavalesques et de l'abstinence de carême. C'est encore dans cette perspective qu'il faut lire le commentaire de C. Gaignebet sur la naissance bâtarde de Jésus, fils d'une menstruée. La date de la Nativité ne correspond-elle pas avec celle de naissances monstrueuses du cycle des Douze Jours ? celles, par exemple, des bâtards de la treizième lune, ces frères des loups-garous de Noël, qui ne sont autre que le fruit de la séduction d'une femme par un dragon.

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Assia Popova, autrice de “LA NAISSANCE DES DRAGONS.” (Civilisations, vol. 37, no. 2, Institut de Sociologie de l’Université de Bruxelles, 1987, pp. 55–85, http://www.jstor.org/stable/41229340) évoque le mode de reproduction des loups-garous :


Procréations paradoxales : Tous les bestiaires mythiques de l'Ancien Monde s'accordent pour assigner des places de premier choix aux catégories d'animaux fabuleux monosexuels, tels les basilics, les sirènes, les lamies, les licornes, les vouivres ou les loups-garous. Privés de partenaires de l'autre sexe dans leur propre espèce, ces êtres se reproduisent, évidemment, par des méthodes extraordinaires.

Bien que les procédés d'engendrement pour chacune de ces catégories surréelles constituent des cas d'espèce, on peut les résumer, peut-être provisoirement, dans un répertoire sommaire :

  • génération spontanée, comme celle des créatures autochtones qui surgissent de la terre à la manière des champignons (cf les mythes bulgares des géants et des nains) ;

  • procréation autofécondante - celle des femelles qui conçoivent sans mâles, ainsi que celle des mâles qui se passent de femelles pour engendrer, (cf les basilics)

  • par métamorphose (cf les loups-garous)

  • et enfin, par hybridation, qui serait de loin le mode de reproduction le plus usité.

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Selon http://1001symboles.net/ :

La symbolique du Loup-garou


"Le loup-garou est le symbole de la folie dévastatrice. C'est un être malfaisant qui a le pouvoir de se métamorphoser en loup durant la nuit, et qui reprend une forme humaine le jour.


Un mythe extrêmement populaire : Le loup a toujours fasciné l'homme. Aussi cette fascination repose peut-être sur le fait que, tout comme l'homme, cet animal vit en couple, au sein d'une société organisée. Cependant, contrairement à l'homme, le loup se laisse guider par son instinct. Et c'est justement ce qui arrive à l'homme-loup. Ainsi, selon la légende, par les nuits de pleine lune, la malheureuse victime d'une malédiction se transforme en loup féroce.

Aussi, cette légende semble remonter à l'Antiquité gréco-romaine. En effet, selon le mythe, Lycaon (le roi d'Arcadie) fut châtié par Zeus (le maître des dieux) qui le transforma en loup. Ainsi, Ovide (un poète latin du Ier siècle av. J.-C.) raconte : "Ses vêtements se changent en poils, ses bras en jambe ; devenu un loup, il conserve encore des vestiges de son ancienne forme. Il a toujours le même poil gris, le même air farouche, les même yeux ardents ; il est toujours l'image de la férocité."

Mais c'est surtout entre 1500 et 1700 que le mythe du loup-garou prit des proportions impressionnantes. En effet, les registres judiciaires de cette époque indiquent une invasion de loup-garous. Ces derniers semaient la terreur dans les villes et les campagnes. Et naturellement, le christianisme y vit l'oeuvre du diable. C'est pourquoi il était devenu nécessaire de détruite la créature sur un bûcher, à l'instar des sorcières et des hérétiques.


Une étrange maladie : Collin de Plancy (un écrivain français du XIXe siècle) définissait la lycanthropie dans son Dictionnaire infernal de la manière suivante : "maladie qui, dans les siècles où l'on ne voyait partout que démons, sorcelleries et maléfices, troublait l'imagination des cerveaux faibles, au point qu'ils se croyaient métamorphosés en loup-garous, et se conduisaient en conséquence. Les mélancoliques étaient plus que les autres disposés à devenir lycanthropes, c'est-à-dire hommes-loups". Mais cette étrange maladie fut également appelée "mélancolie", "rage lupine" ou "folie louvière".

Ainsi, le loup-garou est un solitaire qui ne parvient pas à s'intégrer dans une société qui ne lui convient pas. Alors, il s'y oppose par la violence. En effet, il partage les appétits de l'animal auquel il s'assimile. De ce fait, il se jette sur les brebis et les hommes pour les dévorer, il sort la nuit, il hurle à la mort, etc."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Objet de folklore aujourd'hui ou thème du cinéma fantastique, les loups-garous, terme qui signifie « loup dont il faut se garder » ou « gardez-vous », ont longtemps semé la terreur dans les campagnes : les loups-garous (appelés « ganipotes », en Saintonge, « bisclaverets » en Bretagne, « varous » ou « haires » en Normandie) étaient des hommes (et même des femmes) métamorphosés en loup par le diable, ou qui, étant sorciers, se transmuaient eux-mêmes, grâce à un onguent magique, en carnassier. Les nuits de pleine lune en général, les loups-garous sortaient de chez eux par la fenêtre et erraient dans les campagnes et les villages en poussant d'affreux hurlements. Friands de chair fraîche, ils mordaient et dévoraient bêtes et gens. Au petit matin, ils reprenaient forme humaine.

Dans certaines régions françaises, la lycanthorpie, croyance selon laquelle l'homme sorcier ou magicien peut se transformer en loup, passait pour un châtiment imposé par Dieu. Dans les traditions de la Montagne Noire, où l'on disait que « la destinée a voué certains hommes à cette transformation », les loups-garous sortaient de leur lit la nuit pour se précipiter dans une fontaine, d'où ils ressortaient revêtus d'une peau à longs poils. A l'approche de l'aube, après avoir couru de part et d'autre et commis de nombreuses exactions, « ils retourn[ai]ent se plonger dans la fontaine, et ils y dépos[ai]ent leur enveloppe poilue, pour aller ensuite se replace dans le lit qu'ils avaient quitté ».

La lycanthropie est attestée dès l'Antiquité gréco-latine (Hérodote, Strabon, Virgile, Pétrone en font mention). Le mot lycanthropie (du grec lykos, loup et anthropos, homme) viendrait également du souverain mythique d'Arcadie, Lycaon, qui fut « changé par Zeus en loup, pour avoir osé lui servir, au cours d'un repas, les membres d'un enfant qu'il venait d'égorger ». Le lycanthrope était également connu des Celtes, des Francs, et de nombreux peuples des pays d'Europe.

Durant tout le Moyen Âge, l'existence des loups-garous ne faisait aucun doute Au XVe siècle, l'empereur germanique Sigismond réunit des autorités en la matière pour discourir sur la réalité de la lycanthropie : la conclusion des débats fut qu'on devait l'admettre.

Selon les démonologues, dont Henry Biguet (1550-1619), qui affirma qu'en 1542, on vit un matin cent cinquante loups-garous sur une place de Constantinople, il y avait des familles où il se trouvait toujours un loup-garou. On reconnaissait parfois ce dernier à son air triste et mélancolique et au fait qu'il n'allait jamais à l'église et se tenait à l'écart. D'autres signes caractérisaient celui qui se métamorphosait en loup des sourcils qui se rejoignent, des mains poilues, des pouces gros et courts qu'il cache souvent dans la paume de sa main, ou des doigts plats et palmés. Les bâtards étaient prédisposés à devenir loup-garou. On disait aussi que le loup-garou sous apparence humaine portait son poil entre cuir et chair.

Un des meilleurs moyens pour identifier un loup-garou était de retrouver chez un homme une balle (ou une flèche) qui avait blessé ou tué la créature infernale. Seule une balle bénite ou en argent pouvait en venir à bout. Frapper un loup-garou avec une clef ou verser de son sang lui redonnait forme humaine.

Autrefois, des individus soupçonnés de lycanthropie étaient jugés et condamnés. Signalons que « l'accusation de lycanthropie portée contre telle ou telle personne permettait de s'en débarrasser rapidement. Plus d'un mari fit de la sorte disparaître une épouse infidèle ; plus d'une femme se délivra d'un mari encombrant ou jaloux ».

En 1521, on brûla à Besançon un loup-garou dénommé Pierre Burgot. Sous le règne de Louis XIII (première moitié du XVIIe siècle) le loup-garou Gilles Garnier fut, à Dole, condamné au bûcher : il avait notamment dévoré à moitié une fillette et ramené des morceaux du cadavre à sa femme. Toutefois, en 1598, le parlement de Paris réfuta un arrêt de la cour d'Angers condamnant à mort un homme pour lycanthropie et ordonne son hospitalisation.

Les loups-garous, qui se déchaînaient surtout à l'Avent, période où l'on risquait de recevoir un baiser sur la bouche qui glaçait, s'unissait à des louves : « D'après leurs aveux, les plaisirs que ces derniers prenaient avec les louves étaient aussi intenses, sinon plus, que ceux qu'ils éprouvaient avec les femmes ».

On commença à douter de la réalité des loups-garous sous le règne de Louis XIV ( 1643-1715). « Le plus étrange effet de la force de l'imagination, écrivait Malebranche en 1674, est la crainte déréglée de l'apparition des esprits, des sortilèges, des caractères, des charmes des lycanthropes ou loups-garous et généralement de tout ce qu'on s'imagine dépendre de la puissance du démon ». (De la recherche de la vérité). Au XIXe siècle, les médecins considéraient la lycanthropie comme une maladie mentale. Il est admis aujourd'hui que les loups-garous étaient des malades, des déments, des criminels sadiques, souvent pauvres et qui tuaient pour se nourrir ainsi que leur famille. On désigne d'ailleurs aussi par le mot lycanthropie « une maladie mentale (lypémanie) où les sujets se croient transformés en chien (cynanthropie), en bœufs (bousanthropie), ou en n'importe quel autre animal ». En outre, l'onguent que les supposés loups-garous utilisaient pour opérer leur métamorphose était sans aucun doute hallucinogène, ce qui induisait des visions de toutes leurs aventures nocturnes.

Pour certains, « la lycanthropie est la faculté que possèdent certains sorciers d'extérioriser leur corps astral sous une forme animale ».

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Mythologie :


Selon Annie Boule, dans un article intitulé "Notes sur la civilisation guaranie" paru In : Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 1, 1965. pp. 255-278, :


En dehors de ces animaux et d'autres de la région (la vipère surucucû par exemple, qui est considérée comme une flèche du Curupi), il en est un en particulier dont la présence ne s'explique pas sans influence européenne: c'est le « lobisôn », qui semble avoir pour ancêtre le loup-garou, dont la tradition venue des grecs et des latins était encore répandue au début de ce siècle dans des campagnes françaises. En effet le mot « lobisôn » ne peut être né en Amérique où il n'y a pas de loup, mais la légende n'en a pas moins existé chez les guaranis : lorsque le septième fils d'une famille est d'aspect maigre et pâle, les habitants sont persuadés que le vendredi à minuit il se change en un terrible animal tenant du chien et du porc, qui sort manger des excréments et des enfants non baptisés... ce qui le rend malade le samedi quand il a repris forme humaine. L'influence chrétienne est à remarquer, non seulement dans le choix du vendredi et des enfants non baptisés, mais encore dans le fait que l'eau bénite peut rendre à ce «possédé» sa forme normale. Cette croyance, qui n'est pas sans dangers, est encore tout à fait vivante, comme nous l'ont prouvé des récits d'une personne encore jeune de San Ignacio. Notre interlocuteur, qui avoua s'être difficilement dégagé de l'emprise des superstitions au milieu desquelles il avait été élevé, fut témoin d'une scène tragique. Malgré les menaces de sa famille, une. jeune fille du village était amoureuse d'un garçon que l'on croyait « lobisôn ». Or un samedi matin, comme un chien enragé courait dans les rues, tout le monde crut que c'était le fiancé. La malheureuse le crut aussi, qui s'en approcha doucement pour tenter de rompre l'enchantement: «Veni, se te va a pasar...», mais l'animal, qui n'entendait pas ce langage, lui sauta à la gorge. Les témoins tuèrent le chien à coups de bâtons et de pierres, et le fiancé alerté par le tumulte ne trouva plus que le cadavre de la jeune fille auprès de celui de l'animal. Quoi qu'il en soit, l'homme blanc apparaît encore dans les légendes guaranies comme le pire des animaux, car il possède à la fois les attributs de l'abeille, du serpent, du renard et du tigre...

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Littérature :


Dans L'Homme à l'envers (Éditions Viviane Hamy, 1999) de Fred Vargas, Camille s'interroge sur l'accusation que son ami Suzanne, la grosse Suzanne, porte à l'encontre d'un des villageois :


"- Elle a peut-être lu trop de contes africains, en fin de compte, suggéra Camille d'un ton las.

- Peut-être.

- Il y a des loups-garous, en Afrique ?

Lawrence écarta les mains.

- Forcément il y en a un. Peut-être des hyènes-garous, des chacals-garous.

- Envoie la suite, dit Camille.

- Elle sait qui c'est.

- Le loup-garou ?

- Oui.

- Dis.

- Massart le gars des abattoirs.

- Massart ? cria presque Camille. Pourquoi Massart, bon Dieu ?

Lawrence se frotta la joue, embarrassé.

- Dis, répéta Camille.

- Parce que Massart n'a pas de poils.

Camille tendit sa tasse, le bras raide, et Lawrence lui versa une nouvelle cuiller de raisins.

- Quoi, pas de poils ?

- Tu as vu le type ?

- Une fois.

- Il n'a pas de poils.

- Je ne comprends pas, dit Camille, fermée. Il a des cheveux, comme toi et moi. Il a une frange noire jusqu'aux yeux.

- J'ai dit poils. Pas de poils, Camille.

- Tu veux dire sur les bras, les jambes, le torse ?

- Oui, le gars est glabre comme un gosse, quoi. J'ai pas vu le détail. paraît qu'il ne se rase même pas.

Camille ferma à demi les yeux pour rappeler l'image de Massart, l'autre matin, devant sa fourgonnette. Elle revit sa peau blanche, sur les bras et les joues, si étrange à côté du teint mat des autres types. oui, pas de poils, peut-être.

- Et alors ? dit-elle. Qu'est-ce que ça peut foutre ?

- T'es pas très fortiche en loups-garous, hein ?

- Pas très, non.

- Tu saurais pas en reconnaître un en plein jour.

- Non. A quoi je le reconnaîtrais, le pauvre vieux ?

- A ça. Le loup-garou n'a pas de poils. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'il les pote en dedans.

- C'est une blague.

- Relis les vieux bouquins de ton vieux pays cinglé. Tu verras. c'est écrit. Et des tas de gens savent ça dans les campagnes. Et la grosse aussi.

- Suzanne.

- Suzanne.

- Ils savent tous pour le coup des poils ?

- C'est pas un coup. C'est le signe du loup-garou. Il n'y en a pas d'autre. Il a les poils dedans parce que c'est un homme à l'envers. La nuit, il s'inverse, et sa peau velue apparaît.

- De sorte que Massart ne serait jamais qu'un manteau de fourrure retourné ?

- Si tu veux.

- Et ses dents ? Elles sont réversibles ? Où les range-t-il le jour ?

Lawrence posa son verre sur la table et se tourna vers Camille.

- Ça ne sert à rien de s'énerver, Camille. Bullshit, c'est pas moi qui le dis. C'est la grosse.

- Suzanne.

- Suzanne.

- Oui, dit Camille. Pardonne-moi.

[...]

- ... Le Veilleux et moi, on ne va pas passer notre existence à courser ce vampire. Tout ce qu'on veut, c'est venger ma mère. Alors on le harponnera, et quand on l'aura harponné, on l'effacera.

- Effacera ? répéta Camille.

- On le zigouillera, quoi.

- Et après qu'il sera mort et bien mort, précisa le Veilleux, on lui ouvrira le bide depuis la gorge jusqu'aux couilles pour voir si les poils ils sont dedans. Il a déjà de la chance qu'on ne lui fasse pas vivant.

- C'est le progrès, murmura Camille.

Elle rencontra le regard du Veilleux, de beaux yeux qui avaient la teinte du whisky.

- Vous marchez dans cette histoire de poils ? lui demanda-t-elle. Vous marchez vraiment dans cette histoire ?

- Dans cette historie de poils ? répéta le Veilleux de sa voix sourde.

Il fit une sorte de grimace et ne répondit pas.

- Massart est un loup-garou, gronda-t-il après un instant. Votre trappeur l'a dit aussi.

- Lawrence n'a jamais dit ça. Lawrence a dit que tous ceux qui croyaient au loup-garou étaient de vieux enculés arriérés. Lawrence a dit que toux ceux qui parleraient d'ouvrir un gars depuis la gorge jusqu'aux couilles le trouveraient sur leur route avec un fusil de chasse à l'ours. Lawrence a dit enfin que Massart tuait avec un dogue, ou avec un grand loup. Crassus le Pelé, qu'on a perdu de vue depuis deux ans. Ce sont les dents de ce loup, et pas celles de Massart.

[...]

- Il y a une chose au sujet de Massart, continua le Veilleux, que la petite a sûrement pas dite. c'est un loup-garou. Pas un poil sur le corps, vous pigez ?

- Très bien.

- Tout est au-dedans. Pas de pitié quand vous serez dessus. Le garou a la force de vingt hommes.

- Bien."

*

*


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