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Le Bouc

Dernière mise à jour : 20 août



Étymologie :


  • BOUC, subst. masc.

ÉTYMOL. ET HIST. − 1121-35 buc « mâle de la chèvre » (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. Walberg, 2895) ; a) 1690 relig. bouc émissaire (Fur.) ; ca 1755 fig. « personne sur qui l'on fait retomber les fautes des autres » (Saint-Simon, 252, 128 dans Littré, s.v. émissaire) ; b) 1690 barbe de bouc « barbe en pointe » (Fur.) ; c) 1881 bouc « barbe en pointe » (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod.). Étant donnée l'aire géogr. du mot (a. cat. boch, 1249 dans Alc.-Moll, s.v. boc ; aragonais, Cor., s.v. boque ; ital. du Nord, DEI, s.v. bucco ; dial. de Suisse romande bouk, bok, Pat. Suisse rom.), prob. du gaul. *bucco (que l'on peut déduire de l'irl. bocc, kymr. bwch, bret. bouc'h, Dottin, p. 238). Le gallo-rom. *buccus a ultérieurement bénéficié de la confluence du frq. *buk, de même sens, avec lequel il s'est confondu. (cf. dans Kluge 20, s.v. Bock1, les corresp. germ. de ce frq.). Le mot est attesté sous la forme du lat. médiév. buccus dep. le vie s. (Grégoire de Tours dans Nierm.).


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

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Zoologie :


Dans le Hors-série de Causette (été 2018) intitulé « Histoires d'A...mours », Claudine Colozzi nous propose un petit "Kama-sutra des animaux" sous forme d'abécédaire :


U comme Urine

Pour faire tourner la tête des filles, rien de mieux que de s'arroser de sa propre urine. Avec cette technique, le bouc fait un effet de ouf aux biquettes, qui se laissent approcher, et frottent même leur tête à son pelage pour en absorber l'odeur. En retour, il goûte leur urine pour savoir si elles sont fécondables.

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Croyances populaires :


Selon Jacques Albin Simon Collin de Plancy, auteur d'un Dictionnaire infernal ou recherches et anecdotes sur les démons, les esprits, les fantômes, les spectres, les revenants, les Loups-garoux... en un mot, sur tout ce qui tient aux Apparitions, à la Magie, au Commerce de l'Enfer, aux Divinations, aux Sciences secrètes, aux Superstitions aux Choses mystérieuses et surnaturelles etc., etc., etc. (Mongie, 1818) :


BOUC. La forme d'un grand bouc noir est celle que le grand maître des sabbats revêt avec le plus de plaisir. Le bouc est aussi quelquefois la monture des sorcières qui se rendent à leurs assemblées nocturnes.

 

Selon Ignace Mariétan, auteur d'un article intitulé "Légendes et erreurs se rapportant aux animaux" paru dans le Bulletin de la Murithienne, 1940, n°58, pp. 27-62 :


Le bouc domestique par son odeur particulière devait attirer l'attention. Jusqu'au 17ème siècle, en Valais, parmi les moyens de lutte contre la peste on trouve la cohabitation avec des boucs, tout comme les boiseries en Mélèze passaient pour prévenir la lèpre.

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Symbolisme :


Le site http://artifexinopere.com/ propose plusieurs articles intéressants sur le symbolisme du bouc :


  • une analyse d'un tableau de Giotto qui montre l'assimilation du bouc au diable

  • une réflexion sur les béliers et les boucs relative à la parabole de la séparation

  • une étude de La Chute de l'Homme de Dürer, inspiré des analyses de Panofsky, qui permet de penser que "Le bouc de Dürer pourrait bien être une sorte de Sisyphe caricaturant ce qui va être la condition de l’Homme après la chute :grimper sur des rochers stériles, en proie à des ardeurs sexuelles inextinguibles."

  • un essai sur le bouc au Paradis.

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The Scapegoat (Le Bouc émissaire), tableau de William Holman Hunt, 1854-1856

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Selon le site http://www.signification-reves.fr/ spécialisé dans l'interprétation des rêves :


Le bouc est une représentation du diable, mais d’un diable bien corporel...


Le diable au Moyen Age : Le bouc, au Moyen-Age, était utilisé par l’Eglise pour représenter le mal, le diable. Mais il ne s’agissait pas là de représenter les perversions de l’esprit, de dénoncer la vanité comme le fera Paul Diel bien après. Le bouc est le diable du corps, la représentation de la pulsion sexuelle. Le bouc émissaire, mis en avant pour que chacun puisse refréner en lui ses propres pulsions.


Le bouc de la chimère : Se souvenir que la chimère, animal imaginaire et représentation symbolique des trois pulsions (spirituelle, sexuelle et matérielle) a un corps de bouc, partie représentant la pulsion liée au corps, la pulsion sexuelle.


Le bouc et l’âne : Les deux animaux sont proches, car l’âne est également associé au sexe en raison de son pénis remarquable. Le bouc et l’âne seront ainsi des éléments d’un rêve qui traite de l’opposition entre des désirs sexuels animaux et une morale interdisant leur décharge. Or la reconnaissance des besoins du corps est une condition d’un véritable épanouissement. Seul l’esprit du vaniteux tente d’étouffer ses pulsions matérielles et sexuelles dans le but de se réaliser pleinement, tombant du côté de la nervosité comme la définit Paul Diel (à retrouver dans notre dossier consacré à ce grand interprète des rêves). Une interprétation sexuelle d’un rêve de bouc s’impose donc, en observant en soi les désirs refoulés qui sont certainement à l’origine de cette vision."

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Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Tout comme le bélier, le bouc symbolise la puissance génésique, la force vitale, la libido la fécondité. Mais cette similitude devient parfois une opposition : car si le bélier est principalement diurne et solaire, le bouc, lui, est le plus souvent nocturne et lunaire et enfin, il est avant tout un animal tragique puisqu'il a donné, pour des raisons qui nous échappent, son nom à une forme d'art : littéralement, tragédie veut dire "chant du bouc", et c'était à l'origine le chant dont on accompagnait rituellement le sacrifice d'un bouc aux fêtes de Dionysos. C'est à ce dieu que l'animal était particulièrement consacré : il était sa victime de choix (Euripide, Bacchantes, 667). N'oublions pas que le sacrifice d'une victime implique tout un processus d'identification. Dionysos s'était métamorphosé en bouc lorsque, Typhon attaquant l'Olympe et dispersant les dieux effrayés au cours de sa lutte avec Zeus, il s'enfuit en Égypte. Il arrivait d'ailleurs dans un pays où des sanctuaires étaient élevés à un dieu chèvre ou bouc, que les Grecs appelèrent le dieu Pan ; les hiérodules s'y prostituaient à des boucs. C'était un rite d'assimilation aux forces reproductrices de la nature, au puissant amour de la vie. Comme le bélier, le lièvre, le passereau, il était consacré à Aphrodite, à laquelle il servait de monture, tout comme à Dionysos et à Pan, divinités qui se revêtaient parfois aussi d'une peau de bouc.

Sa vertu sacrificielle apparaît aussi dans la Bible, où le bouc du sacrifice mosaïque sert à expier les péchés, les désobéissances, les impuretés des enfants d'Israël. Il immolera alors le bouc destiné au sacrifice pour le péché du peuple et il en portera le sang derrière le voile. Il procédera avec ce sang comme avec celui du taureau, en faisant des aspersions sur le propitiatoire et devant celui-ci (Lévitique, 16, 15-16).

Rien d'étonnant dès lors que, par une méconnaissance profonde du symbole et par une perversion du sens de l'instinct, on ait fait traditionnellement du bouc l'image même de la luxure (Horace, Epodes, 10, 23). Et voici le tragique. Libidinosus, dit le poète latin, de ce bouc lascif qu'il veut immoler aux Tempêtes, comme si la libido s'identifiait aux débordements sexuels et à la violence de la puissance génésique. Dans cette perspective, le bouc, animal puant, devient un symbole d'abomination, de réprobation ou, comme le dit Louis Claude de Saint-Martin, de putréfaction et d'iniquité. Animal impur, tout absorbé par son besoin de procréer, il n'est plus qu'un signe de malédiction, qui prendra toute sa force au Moyen Âge ; le diable, dieu du sexe, est alors présenté sous la forme d'un bouc. Dans les récits édifiants, la présence du démon - telle celle du bouc - se signale par une odeur forte et âcre.

Les boucs placés à gauche, lors du jugement , représentent les méchants, les futurs damnés. Dans l'art, on voit parfois un bouc se tenant à la tête d'un troupeau de chèvres. Il peut désigner ici les puissants, par l'argent ou par le renom, qui entraînent les faibles sur une mauvaise voie. Le Satan à tête de bouc de l'imagerie chrétienne, est selon Grillot de Givry, le Mendès de l’Égypte décadente, combinaison du fauve, du satyre et de l'aegypan, tendant à devenir synthèse définitive de l'anti-divinité. Le bouc est aussi, comme le manche à balai, la monture des sorcières qui se rendent au Sabbat.

L'Irlande désigne, sous le terme général de goborchind "têtes de chèvres" (ou de boucs), un certain nombre d'êtres inférieurs, laids et difformes, apparentés à la catégorie, plus générale encore, des Fomoire.

Ce triomphe de l'aspect néfaste ou nocturne du symbole fait finalement du bouc l'image de mêle e perpétuelle érection, à qui, pour le calmer, il faut trois fois quatre-vingts femmes. C'est l'homme qui déshonore sa grande barbe de patriarche par des copulations contre nature. C'est lui qui gaspille le précieux germe de reproduction. Image de malheureux, rendu pitoyable par des vices qu'il ne peut maîtriser, de l'homme dégoûtant, il figure l'être qu'on doit fuir en se bouchant les narines.

Les tabous sexuels et la grande peur du Moyen Âge ne parviennent cependant pas à éliminer complètement les aspects positifs du symbole, comme le prouvent d'innombrables traditions populaires : ainsi une tradition méditerranéenne, déjà signalée par Pline et encore attestée récemment, attribue au sang du bouc une extraordinaire influence, et, notamment, le pouvoir de tremper merveilleusement le fer. Ailleurs, il représente l'animal fétiche qui capte le mal, les influences pernicieuses et se charge de tous les malheurs qui menacent un village. Il y a toujours un bouc dans un village, jouant le rôle d'un protecteur ; on ne le frappe, ni ne l'ennuie, car tout le mal qui arrive, il l'intercepte comme le paratonnerre attire et canalise la foudre. Plus il est barbu et puant, plus il est efficace. On en garde toujours un autre, prêt à le remplacer, quand il meurt.

En Afrique, une légende peul présente le bouc avec sa double polarité, comme un symbole de la puissance génésique et de la puissance tutélaire.

Couvert de longs poils, il est signe de virilité ; mais il est signe maléfique, dès lors que tout le corps en est couvert ; il devient alors l'image de la lubricité. La légende africaine de Kaydara décrit un bouc barbu : Il tournait autour d'une souche sur laquelle il montait, descendait et remontait sans arrêt. A chaque escalade, le mâle caprin éjaculait sur la souche, comme s'il s'accouplait avec une chèvre ; malgré la quantité considérable de sperme qu'il déversait, il ne parvenait point à éteindre son ardeur virile. Cette légende explique que dans la classification des êtres, le bouc représente parfois une tentative d'union entre l'animal et la plante comme le corail est intermédiaire entre la plante et l'animal, comme la chauve-souris relie l'oiseau et le mammifère.

Mais face à l'Europe chrétienne, c'est encore l'Inde védique qui apporte à l'aspect négatif du symbole un contrepoids suffisant en identifiant le bouc, animal du sacrifice védique, à Agni, dieu du feu :


Le bouc est Agni ; le bouc est la splendeur ;

... le bouc chasse au loin les ténèbres...

O bouc, monte au ciel des hommes pieux ;

... le bouc est né de la splendeur d'Agni

(Atharva Veda 9, 5).


Il apparaît comme le symbole du feu génésique, du feu sacrificiel, d'où naît la vie, la vie nouvelle et sainte : aussi sert-il de monture au dieu Agni, le régent du Feu. Il devient alors un animal solaire revêtu des trois qualités fondamentales, ou guna, comme la chèvre.

Saint et divin pour les uns, satanique pour les autres, le bouc est bien l'animal tragique, qui symbolise la force de l'élan vital, à la fois généreux et facilement corruptible.


Bouc émissaire : Le Lévitique mentionne pour la première fois, dans la Bible, le bouc émissaire. Lors de la Fête de l'Expiation, le Grand Prêtre recevait deux boucs offerts par les personnages les plus importants. L'un était immolé, l'autre retrouvait sa liberté, suivant un tirage au sort, mais une liberté alourdie de toutes les fautes du peuple. Un des boucs, tenu à la porte du Tabernacle, était en effet, chargé de tous les péchés, ensuite il était emmené... dans le désert et abandonné ; suivant d'autres versions, il était basculé dans un précipice. Aaron offrira le bouc sur lequel est tombé le sort "à Yahvé" et en fera un sacrifice pour le péché. Quant au bouc sur lequel tombé le sort "à Azazel", on le placera vivant devant Yahvé pour faire sur lui le rite d'expiation, pour l'envoyer "à Azazel" dans le désert. (Lévitique, 16, 5-10).

Le rite de l'envoi du bouc à Azazel présente un caractère archaïque, qui n'est pas propre à la législation mosaïque. Azazel est le nom d'un démon habitant le désert, terre maudite où Dieu n'exerce pas son action fécondante, terre de relégation pour les ennemis de Yahvé. L'animal qui lui est envoyé n'est pas sacrifié à Azazel ; le bouc envoyé au désert, où demeure le démon, représente seulement la partie démoniaque du peuple, son poids de fautes ; il l'emporte au désert, le lieu du châtiment. Pendant ce temps, un autre bouc est vraiment sacrifié à Yahvé, selon un rite de transfert expiatoire.

Un bouc est sacrifié à Yahvé pour le péché du peuple ; l'aspersion de son sang est interprétée comme une purification. Le bouc émissaire chargé des fautes du peuple subit au contraire l'épreuve du bannissement, de l'éloignement, de la relégation ; symbolisant la condamnation et le rejet du péché, son départ est sans retour. Ce sens de purification nous le retrouvons dans l'usage suivant lequel le lépreux offrait deux passereaux, l'un étant sacrifié, l'autre aspergé par le sang de la victime, mais immédiatement relâché vivant (Lévitique, 14, 4-7). Le mal est emporté par le bouc émissaire ; il cesse d'être une charge pour le peuple pécheur. Un homme est appelé bouc émissaire dans la mesure où il est chargé des fautes d'autrui, sans qu'il soit fait appel à la Justice, sans qu'il puisse présenter sa défense et sans qu'il ait été légitimement condamné. La tradition du bouc émissaire est quasi universelle ; elle se retrouve dans tous les continents et s'étend jusqu'au Japon. Elle représente cette tendance profonde de l'homme à projeter sa propre culpabilité sur un autre et à satisfaire ainsi sa propre conscience, qui a toujours besoin d'un responsable, d'un châtiment, d'une victime."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Le mâle de la chèvre est diabolique chez les anciens Grecs, le dieu Pan, dan lequel certains démonographes ont reconnu le démon du sabbat, était représenté avec des cornes, des pieds et la queue d'un bouc. L'animal était immolé pour le dieu Bacchus (autre nom de Dionysos), identifié aussi comme le démon du sabbat. Le bouc émissaire des Juifs, chargé des péchés d'Israël le jour de la fête des Expiations, et offert au démon Azazel, « souverain des boucs et prince des animaux maléfiques vivant dans le désert » qui hantait les forêts et les lieux inhabités, fut même comparé à l'Antéchrist. ne dit-on pas qu'au jour du Jugement dernier, le Christ séparera les boucs des agneaux et des brebis ?

Au sabbat, le diable, appelé parfois « Verbouc », apparaît sous la forme d'un grand bouc noir au regard brillant « qui fait baiser son derrière à tous les assistants » et dans de nombreuses procédures, les sorcières nomment le démon, qui dégage la même odeur puante que l'animal en question, « le bouc noir » ou « le grand bouc ». C'est sus cette forme que le diable apparut à saint Antoine dans le désert et qu'il enleva Guillaume II le Roux, roi d'Angleterre (1087-1100) et fils de Guillaume le Conquérant, connu pour sa cruauté et sa débauche. Le bouc est également, avec le balai, la monture traditionnelle des sorcières pour se rendre à l'assemblée démoniaque qui prenait traditionnellement le nom de Lane de Aquellare ou « lande de bouc ». Les sorciers se servent de la peau de bouc pour faire des outres, appelées tympanon, contenant leurs mixtures tandis que les satanistes honorent sa tête autour de laquelle ils disposent la devise suivante : Ad Majorem Satanae Gloriam. On comprend le précepte danois « Dieu nous garde de celui qui a des pieds de bouc » et la croyance de Franche-Comté selon laquelle « si un homme s'enrichit tout à coup, c'est qu'il baise le cul d'un bouquin blanc ».

Son caractère sexuel est évident : les dieux païens ne se changeaient-ils pas en satyres ou en faunes aux pieds de bouc pour séduire les nymphes ou les jeunes mortelles ? Le Baphomet, cette « figure panthistique et magique de l'absolu », écrit Eliphas Lévi (Dogme et rituel de la haute magie) ne fut-il pas représenté sous la forme d'un bouc ithyphallique ? Symbole de puissance et de plaisirs sexuels ( à rapprocher de Satan, « dieu du sexe »), de fécondité et de luxure, « image du mâle en perpétuelle érection, à qui, pour le calmer, il faut trois fois quatre-vingt femmes », il constitue, au dire d'Albert le Grand, un aphrodisiaque souverain, lorsque l'homme se frotte la verge de sa graisse ou de sa fiente séchée avec de la farine de froment, le tout préalablement chauffé dans de l'huile. « La pommade composée d'oing [graisse] de jeune bouc avec de l'ambre gris et de la civette produit le même effet si on en frotte le gland du membre viril, car cela produit un chatouillement qui donne un merveilleux plaisir à la femme dans l'action di coït », selon la recette du même Albert le Grand proposée par Dominique Webb sous le nom de baume de l'amour fou. C'est en outre parce que ses cornes concentrent sa virilité que les Italiens désignent le pénis par le mot argot corno.

2glement symbole de force vitale, le bouc prenait place dans les étables et les écuries pour les purifier, protéger les bêtes des maladies, qui tombent sur lui et épargnent les autres bêtes, et en éloigner esprits et sorciers Dans le Finistère, on croit qu'un bouc placé dans une écurie la nuit empêche les lutins de tresser la crinière des chevaux. Il apparaît également comme protecteur : une peau de bouc accrochée au grand mât d'un navire permet une bonne traversée. En Égypte, on arrose du sang de l'animal l'endroit où on construit une maison.

Le sang de bouc, qui peut amollir ou casser un diamant, a d'ailleurs une grande force magique : il soigne les calculs et l'état grippal mais bouilli avec du vin et du verre, puis frotté sur le visage d'une personne, il provoque des visions terrifiantes et, en présence d'un aimant, fait mourir un épileptique ; le verre, quant à lui, devient tendre et incassable. En Bohême, on sacrifiait un bouc le jour de la Saint-Jacques en le jetant par la fenêtre : le sang recueilli était utilisé dans le traitement de plusieurs maladies et notamment pour guérir les crachements de sang.

La corne de bouc, mélangée à de la farine, empêche les cheveux de tomber ; placée sous l'oreiller ou sous la tête d'un insomniaque, elle le plonge dans les bras de Morphée. Son poil porté dans un sachet autour du cou guérit la coqueluche (Périgord, Limousin). Au temps de Pline, avaler le foie de l'animal rendait nyctalope.

A cause de ses accointances sataniques, la rencontre d'un bouc n'est pas de bon augure. Elle signifie, selon une croyance belge, que l'on a suscité l'antipathie de quelqu'un. Dans le Finistère, on évoquait les méfaits d'un bouc-lutin qui importunait, dès la tombée de la nuit, celui qui se trouvait sur son passage : « Il barre la route au voyageur, saute sur ses épaules, le serre l'empeste de son haleine, et le contraint de fournir une course désordonnée à travers les buissons et les falques d'eau. » Dans certains carrefours du Berry se tenait parfois un bouc à barbe argentée qui « entraîn[ait] on ne sa[va]it où celui qui a[vait] le malheur de le suivre ».

En Chine, l'abondance des naissances de mâles dans les troupeaux de chèvres passait pour un sinistre augure et le signe avant-coureur d'une guerre.

A l'inverse des croyances occidentales, dans l'Inde ancienne le bouc, chevauché par le dieu Agni, « apparaît comme le symbole du feu génésique, du feu sacrificiel, d'où naît la vie, la vie nouvelle et sainte ». Les brahmanes ont recours également au principe du bouc émissaire pour expier les péchés des personnes malades : l'animal, qui doit être de couleur noire, est emmené au loin mais s'il revient, le présage est désastreux.

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D'après Madonna Gauding, auteure de Animaux de pouvoir, Guides, protecteurs et guérisseurs (Éditions Véga, 2006) :

Guide d'interprétation


En tant que symbole onirique : Corruption - Fondation - Energie sexuelle - Humour - Souplesse - Travail ardu.


En tant que gardien ou protecteur : Garde les territoires inexplorés - Assure la satisfaction des besoins essentiels.


En tant que guérisseur : Soigne les crises de panique - Guérit le dysfonctionnement sexuel.


En tant qu'oracle ou augure : Ne vous frappez pas la tête contre les murs - Laissez aller la culpabilité.


Mythes et contes

En Égypte, le bouc était symbole de noblesse. Le dieu grec Pan à tête et pattes de bouc est l'une des plus anciennes déités associées à la nature et à l'énergie sexuelle.


Si le bouc est votre animal de pouvoir

Très résistant et discipliné, vous avez un grand esprit pratique. Si le cœur vous en dit, vous faites preuve d'un grand sens de l'humour. Dans le cas contraire, vous êtes acariâtre, pessimiste et fataliste. Ambitieux dans les affaires, vous avez le pied sûr et montrez dans l'agilité dans les situations difficiles. Vous arrivez souvent au sommet et réussissez matériellement, mais gardez toujours les pieds sur terre. Vous aimez le côté matériel de la vie, spécialement le plaisir sexuel. Votre nature malicieuse vous pose parfois des dilemmes éthiques.


Demandez au bouc de vous aider

  • à évaluer correctement la situation présente, afin de prédire le résultat futur ;

  • à rester ancré si vous emménagez dans une nouvelle maison ou débutez dans un nouvel emploi ;

  • à être plus souple et agile en négociant les réalités quotidiennes du travail et de la vie familiale.

Accéder au pouvoir du bouc en

  • escaladant une montagne ;

  • étant plus à l'aise avec votre sexualité.

Étudiez le dixième signe du zodiaque occidental, le Capricorne, symbolisé par le Bouc, et son maître, la planète Saturne, connue pour son influence sévère. Êtes-vous parfois trop exigeant ? Dans ce cas, essayez d'être moins dur avec vous-même et les autres.


Élément Terre."

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Littérature :


Dans ses Histoires naturelles (1874), Jules Renard brosse des portraits étonnants des animaux que nous connaissons bien :

Le bouc

Son odeur le précède. On ne le voit pas encore qu’elle est arrivée.

Il s’avance en tête du troupeau et les brebis le suivent, pêle-mêle, dans un nuage de poussière.

Il a des poils longs et secs qu’une raie partage sur le dos.

Il est moins fier de sa barbe que de sa taille, parce que la chèvre aussi porte une barbe sous le menton.

Quand il passe, les uns se bouchent le nez, les autres aiment ce goût-là.

Il ne regarde ni à droite ni à gauche : il marche raide, les oreilles pointues et la queue courte. Si les hommes

l’ont chargé de leurs péchés, il n’en sait rien, et il laisse, sérieux, tomber un chapelet de crottes.

Alexandre est son nom, connu même des chiens.

La journée finie, le soleil disparu, il rentre au village, avec les moissonneurs, et ses cornes, fléchissant de vieillesse, prennent peu à peu la courbe des faucilles.

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