Étymologie :
FER, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. Fin xe s. « épée » (Passion de Clermont, éd. D'Arco Silvio Avalle, 158) ; 2. ca 1100 « partie métallique d'une arme, d'un instrument » (Roland, éd. J. Bédier, 3154) ; 3. a) 1174-87 plur. « menottes, chaînes » (Chr. de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 2516) ; b) 1552 fig. « esclavage » (Ronsard, Amours, LXV, 2 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 66) ; 4. a) 1176-81 « fer à cheval » (Chr. de Troyes, Chevalier au lyon, éd. M. Roques, 753) ; b) 1760 zool. fer-à-cheval (Buffon, Hist. nat., Quadrupèdes, II, La Chauve-souris, 258 ds Quem. DDL t. 15) ; 5. a) 2e moitié xiiie s. « outil, instrument en fer, en métal » (Oustillement au villain, 77 ds A. de Montaiglon et G. Raynaud, Recueil de fabliaux, t. 2, p. 150) ; b) 1660 spéc. « fer à repasser » (Nouv. archives de l'art fr., 1874, 19 : fer à unir le linge). B. 1. Ca 1100 « métal » (Roland, éd. J. Bédier, 3663) ; 2. 1225-30 fig. de fer « très robuste, très fort » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 2579). C. 1279 dr. bêtes de fer, cheptel de fer (Laurent, Somme, ms. B. N. fr. 943, f°19 rods DG : bestes [...] de fert). Du lat. class. ferrum « fer; épée, objet en fer; chaînes ».
C. expr. jur. qui existe en hébr. mishnaïque (iie s.) : ṣo'n-barzel (mot à mot « petit bétail [ṣo'n] de fer [barzel] ») pour désigner des biens que le preneur est tenu de restituer dans leur intégralité à l'expiration du bail (Traité Baba Meçia 8, 6 d'apr. A. Even-Shoshan, Millon ḥadash, Jérusalem 1966). Cette expr. existe également en m. b. all. : îser(e)nkô (îseren = all. mod. eisern « de fer » et kô = all. mod. Kuh « vache »; d'apr. Lasch-Borchl.).
Lire aussi la définition pour amorcer la réflexion symbolique.
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Croyances populaires :
Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des croyances liées aux cycles de la vie et de la nature :
270. - Il vaut mieux trouver du fer le matin que de trouver de l'argent.
271. - Quand on trouve des maillettes (clous), on aura beaucoup de chance.
Symbolisme :
Selon Mircea Eliade, auteur de Images et symboles (Éditions Gallimard 1952, renouvelé en 1980) :
"La présence, dans certaines régions (le Yucatan par exemple) de morceaux de fer à côté des perles et des coquillages, prouve que l'on entendait rapprocher le défunt de toutes les sources d'énergie magique dont on disposait, le fer jouant, comme en Crète, le rôle dévolu en Chine au jade et à l'or."
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D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition Robet Laffont, 1969 ; nouvelle édition revue et augmentée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant :
"Le fer est couramment pris comme symbole de robustesse, de dureté, d'opiniâtreté, de rigueur excessive, d'inflexibilité, ce que les qualités physiques du métal ne confirment d'ailleurs qu'incomplètement.
Tant dans la tradition biblique que dans la Chine ancienne, le fer s'oppose au cuivre, ou au bronze, comme le métal vulgaire au métal noble, comme l'eau au feu, le nord au sud, le noir au rouge, le yin au yang. L'âge de fer est l'âge dur, l'aboutissement de la solidification cyclique, dont l'âge de cuivre ou d'airain est l'avant-dernière étape. Les fronts de fer et de cuivre des héros mythiques, les planches de fer et de cuivre du pont symbolique de la légende des Hong expriment la même polarité.
La vulgarité du métal n'est pas une notion constante : le fer a eu, au contraire, chez de nombreux peuples, une valeur sacrée positive, soit que, d'origine météorique, l ait été considéré comme tombé du ciel, soit que, d'origine terrestre, il confirme les données de l'embryologie traditionnelle. Mais le symbolisme du fer est ambivalent, comme celui des arts métallurgiques : le fer protège contre les influences mauvaises, mais il est aussi leur instrument ; il est l'agent du principe actif modifiant la substance inerte, mais il est aussi l'instrument satanique de la guerre et de la mort. La modification de la matière par l'instrument tranchant n'a pas elle-même qu'un aspect positif, puisque les outils de fer étaient interdits dans la construction du Temple de Salomon (I, Rois, 6-7). Dans l'Inde, le travail du fer est nettement de nature azurique, c'est-à-dire réservé aux divinité secondaires. L’Égypte ancienne identifiait le fer aux os de Seth, divinité essentiellement ténébreuse. Mais le fer donne la puissance et l'efficacité au chaman ; il est d'ailleurs considéré comme symbole de fertilité ou comme protecteur des récoltes ; son ambivalence est partout liée à celle du travail de la forge.
Le fer, dans la conception du monde des Dogon du Mali, est l'opposé symbolique du cuivre. Il est le maître de l'ombre et de la nuit tandis que le cuivre est essentiellement symbole de lumière et de vie. De ce fait, il est un attribut du démiurge néfaste Yurugu, le renard pâle, maître de la première parole et de la divination, qui commande à la nuit, à la sécheresse, à la stérilité, au désordre, à l'impureté, à la mort. Mais le deuxième démiurge, Nommo, bienfaiteur et guide l'humanité, maître absolu du ciel, de l'eau, des âmes, de la fécondité, limite les activités, désordonnées de Yurugu. L'homme n'est pas soumis à la dualité de ces forces antagonistes, et le forgeron, créé par le Nommo, peut soumettre le fer, et en tirer la houe, base de l'agriculture, et les armes de chasse et de guerre. Il s'est fait de Yurugu un ami secret redouté par la femme, mais dont l'homme sait tirer bénéfice. Le renard pâle, ou son substitut le chacal, est l'animal divinatoire le plus utilisé par les Dogon, chez lesquels le forgeron cumule le plus souvent les fonctions de devin.
Chez les Watchaga (Bantous chamitisés, du Kilimandjaro) les femmes portent des colliers et bracelets de fer qui favorisent la fertilité et guérissent les enfants malades. Pour les Tiv (Nigéria du Nord) le fer assure la communion entre les vivants et les morts.
Dans son célèbre mythe des races, Hésiode (Les Travaux et les Jours, 42, 201, traduction de Paul Mazon) décrit avec terreur la cinquième race selon la succession des temps, la race de fer : Plût au Ciel... que je fusse ou mort plus tôt ou né plus tard. Ils ne cesseront ni le jour de souffrir fatigues et misères, ni la nuit d'être consumés par les dures angoisses que leur enverront les dieux... L'heure viendra où Zeus anéantira à son tour cette race d'hommes périssables ; ce sera le moment où ils naîtront avec les tempes blanches... Nul prix ne s'attachera plus au serment tenu, au juste, au bien : c'est à l'artisan de crimes, à l'homme tout démesuré qu'ira leur respect, le seul droit sera la force, la conscience n'existera plus... Conscience et Vergogne, délaissant les hommes, monteront vers les Éternels... Contre le mal, il ne sera point de recours. Dans cette vision apocalyptique d'Hésiode, la race de fer symbolise le règne de la matérialité, de la régression vers la force brutale, de l'inconscience.
D'origine chtonienne, voire infernale, le fer est un métal profane, qui ne doit pas être mis en relation avec la vie. D'après Platon (Critias, 119e) les habitants de l'Atlantide chassaient sans armes de fer, mais avec des épieux de bois et des filets. De même, les druides ne pouvaient user d'instruments de fer ; ils coupaient le gui sacré avec une faucille d'or.
Le fer symbolise une force dure, sombre, impure, diabolique."
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Symbole de « robustesse, de dureté, d'opiniâtreté, de rigueur excessive, d'inflexibilité, ce que les qualités physiques du métal ne confirment d'ailleurs qu'incomplètement », le fer, pourtant métal précieux, au temps du roi David, est considéré dans la tradition biblique comme un métal vil s'opposant aux métaux nobles (de même d'ailleurs en Chine ancienne). L'utilisation d'outils en fer fut interdite dans la construction du temple de Salomon à Jérusalem, ainsi que pour les autels de cet édifice : « Pour bâtir le temple, on employa des pierres prises à l'état brut dans la carrière ; de sorte qu'on n'entendit dans le temple, pendant sa construction, aucun bruit de marteau, de hache ou d'un autre instrument de fer » (I, Rois, 6-7). Dans l'Exode, Dieu dit à Moïse : « Si tu m'élèves un autel de pierres, tu ne le construiras pas en pierre de taille ; car en les taillant, ton fer les souillerait » (20, 25). Dans la tradition hébraïque, les couteau de sacrifice ne devaient pas être en fer et il était défendu de faire des « images taillées » : « En passant ton couteau sur la pierre, tu la profanerais. » De plus la circoncision juive se fit longtemps avec un couteau de pierre.
Ce tabou sur le fer existait chez les Égyptiens
Rouille : Dès l'Antiquité, la rouille s'est vu attribuer des pouvoirs curatifs, comme l'atteste Pline dans son Histoire naturelle : « La rouille elle-même est comptée parmi les remèdes ; et c'est ainsi, dit-on, qu'Achille guérit Télémaque, emplyant soit une lance d'airain soit une arme de fer, du moins on le représente détachant la rouille avec son glaive. D'ordinaire on obtient la rouille en raclant de vieux clous avec un fer mouillé. Elle est coagulante, siccative, astringente en topique, elle guérit les alopécies. On s'en sert avec la crie et l'huile de myrte pour les granulations des paupières et les pustules de tout le corps ; avec le vinaigre, pour le feu sacré ; dans les linges, pour la gale et les paronychies et les excroissances des doigts. En pessaire, sur de la laine, elle arrête les pertes. Délayées dans du vin et pétrie avec de la myrrhe, on l'applique sur les plaies récentes ; avec du vinaigre, sur les condylomes. En topique, elle soulage les goutteux. »
Un objet qui rouille, notamment des clefs ou un couteau, est de bon augure pour les finances : pour les Anglo-Saxons, c'est le signe que « quelqu'un, quelque part, gagnede l'argent dont vous hériterez plus tard ! » Par ailleurs, plus un clou est rouillé, plus il protège des mauvais esprits.
Avoir des taches de rouille sur les mains est signe qu'on se disputera (États-Unis).
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Symbolisme onirique :
Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),
Une approche symbolique des métaux doit se détacher des paramètres de la science. La valeur onirique d'un métal est indépendante de sa masse, de sa conductibilité, de sa composition atomique. Le rêve peut librement rêver ! Il ne s'encombre pas des nombreux métaux proposés par les développements récents de la science. Ces matières-là devront attendre bien longtemps leur élévation au rang d'archétype. L'imaginaire mentionne çà ou là l'acier, l'aluminium, l'étain, le mercure, mais ses métaux de prédilection sont l'or et l'argent, inaltérables par nature et surtout par leur correspondance avec le soleil et la lune, le cuivre, signe d'une relation chaleureuse à l'image maternelle, le plomb, dont l se sert pour exprimer les pesanteurs de la névrose.
Parmi ces images maîtresses de la substance métallique rêvée s'impose le fer. Quand le rêveur prononce le mot métallique, sans autre précision, le témoin qui l'écoute peut entendre fer : dans neuf cas sur dix il ne sera pas trompé ! Une rêverie marquée par le métallisme a pour signe générique le fer. La présence des métaux dans e rêve détermine un ordre qui se distingue à la fois des classements scientifiques et des rangements de la tradition ésotérique. L'or apparaît avec la plus grande fréquence, dans 9% des scénarios. Le fer, le métal suivent à hauteur de 6%. Viennent ensuite le cuivre, avec 3.5%,, l'argent, 2%, et le plomb, 1.5%.
Dans la langue des symboles le mot fer signifie hostile. Le fer est la racine d'une déclinaison des images de l'hostilité. Il condense l'hostilité dure, l'hostilité froide, l'hostilité blessante, l'hostilité fermée, l'hostilité démoniaque.
Il est de la nature du fer de séparer. Les images métalliques se déploient sur toute la gamme des intentions menaçantes et des enfermements protecteurs. Plus de 25% des apparitions oniriques du fer concernent les barreaux ou la grille. Curieusement, dans les scénarios de rêve éveillé, barreaux et grilles expriment deux sens opposés de la séparation. les barreaux séparent le rêveur, enfermé dans un lieu clos, du monde extérieur. La grille interdit au patient l'accès à l'intérieur d'un lieu protégé, généralement un jardin fleuri. Barreaux et grilles sont des équivalents symboliques du mur. La prison est toujours située de chaque côté de ce qui sépare, de ce qui interdit ! Où réside la liberté de celui qui ne peut pénétrer dans le cachot ? cette réflexion est élargie dans l'article concernant le mur.
Le fer surgit dans le rêve sous la forme de l'armure. Est-il une image plus expressive de l'enfermement de protection ? Une armure protège et du même coup isole. C'est le plus étroit des cachots volontaires, qui crée la rupture avec l'extérieur. Le plus petit résumé de l'armure, c'est le masque de fer. Plus que les années de forteresse, ce qui a conféré au prisonnier du château d'If la dimension d'un mystère historique, c'est ce masque de fer qui s'est opposé à ce que le monde voie et sache ! Le fer, dans le rêve, c'est aussi l'arme, la pointe qui perce, la lame qui déchire, pénètre, blesse. Il existe une dialectique puissante, profonde, du fer et du sang. Mais ce serait une erreur que de se satisfaire de l'association superficielle de l'arme et de la blessure, de la lame pénétrante et du sang versé. La main qui blesse ignore à quel point elle est soumise à l'inspiration onirique !
Le fer et le sang, c'est l'enfermement et le flux, le froid et la chaleur, le figé et le vivant, la structure et la flexibilité. L'imaginaire oppose au fer trois adversaires susceptibles de le vaincre : le sang, l'eau et la femme. Eux seuls triompheront d'un fer froid, d'un fer dur, d'un fer insensible. Le sang, l'eau et la femme, trois représentations de l'anima ! Le rêve, par elles, révèle la nature animus du fer. L'animus, germe de la pensée organisatrice, agent de développement de la conscience, générateur de la maîtrise par le raisonnement, mais aussi inspirateur ds réseaux de fausses justifications, architecte pervers des labyrinthes intellectuels, faux témoin obstiné du système de défense !
Autour du fer, rêveurs et rêveuses multiplient les images de mécaniques, d'engrenages, de constructions géométriques, d'enchaînements programmés, de robots. Il faut un sang bien riche pour animer un automate métallique ou pour le soumettre ! Il faut un sang féminin. Nous ne sourions produire une meilleure illustration de la confrontation entre le fer-animus et le sang-anima que celle que propose le septième scénario de Roland. Le fer, les barreaux, le robot, le sang, la femme et l'eau, y jouent chacun son rôle, sans équivoque :
« ... Je vois des barreaux... comme une échelle de fer posée horizontalement... donc les barreaux sont verticaux... en fait, c'est un parc d'enfant... peint en blanc... et je suis enfermé dans ce parc !... Je ne sais pas pourquoi, dessus, il y a du sang, très rouge... Là, il y a une lutte entre un roi, très violent, et un type... diabolique. Le roi coupe la tête du type qui hurle mais continue de se battre. Il a une résistance noire ! On dirait qu'il est en fer ! C'est une vipère... c'est peut-être le diable lui-même... Tout à coup, une femme est apparue, une femme en bleu... calmement, elle s'ouvre une veine, met du sang sur sa main et trace un trait sur le type métallique qui s'écroule, perd ses entrailles et devient une boule métallique... avec la boule de fer, on a forgé une hache... c'était il y a longtemps. Maintenant, des siècles après, cette hache est accrochée à un mur... un mur d'oubliette de château... depuis, personne n'a pu la décrocher... Si ! Maintenant une femme le peut ! Une femme aux cheveux blonds, peut-être une fée... elle essaie de faire fondre la hache dans le feu de la terre, mais rien n'y fait ! Même pas la magie ! On ne peut rien contre le démon... car c'est démoniaque ! La femme blonde, ça doit être moi... que faire de ce métal ? Peut-être un câble de fer, capable de relier deux continents qui s'éloigneraient l'un de l'autre ?... Je vois maintenant ce câble comme liaison entre les parents... mais un jour le câble cassera, parce qu'ils se sépareront quand même... voilà... c'est la mer qui va rouiller le câble et le détruire... »
La fée intervient souvent dans les rêves soumis à l'étude. Roland reconnaît, dans cette femme qui répand son sang pour vaincre le personnage de fer, sa propre composante féminine. Cet homme jeune dispose à la fois d'une grande force de raisonnement et d'une puissante intuition. Le câble de fer, tentative dérisoire pour relier les images parentales, dénonce le trouble provoqué chez l'enfant, dans son positionnement vis-à-vis de l'animus et de l'anima, par la séparation des parents.
Le sixième scénario de Suzanne, repris dans plusieurs articles, présente une séquence édifiante quant au rapport entre le fer et le sang. Au commencement de la séance, la rêveuse voit une femme enfermée dans un caveau de marbre gris. Elle est allongée, nue, sur une table, de marbre également : « ... Elle voit se dresser un guerrier antique, un peu comme les guerriers du Moyen Âge. Il est très effrayant... Son visage est masqué par un heaume... il est corseté de fer... il a les bras et les jambes trop musculeux, avec des bracelets de fer aux poignets et aux chevilles... c'est la violence ou la guerre personnifiées... on ne voit pas son visage... il s'approche lentement d'elle... il s'approche... il la saisit par le bras... il se penche... il va s'allonger sur elle et... à ce moment, elle se sent poignardée par les pointes qu'il y avait sur son corselet de fer... c'est un coup violent et aigu... elle crie... alors il s'éloigne d'elle et disparaît... mais elle est blessée... elle est blessée à la poitrine.. une large blessure béante, rouge, dont le sang coule, coule... et ne s'arrêt pas... c'est incroyable ce qu'il y a comme sang ! Il coule sans arrêt et recouvre le sol, même... c'est une espèce de marée rouge qui monte et elle voit cela et ne peut pas bouger... elle se sent devenir très légère, très légère... »
Dans la suite du scénario, les parois du caveau disparaissent, la femme regarde le ciel... son corps se dissout et son esprit monte rejoindre les étoiles. De là, il redescend sur la terre et renaît sous la forme d'une source, d'un torrent de montagne. la femme, le sang et l'eau, les trois figures qui s'opposent au fer, lequel, dans cet exemple, exerce aussi un rôle de fécondation. le rêve de Roland exposait clairement la superposition du concept d'animus à l'image paternelle et celui d'anima à l'image maternelle.
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Lorsque la relation à l'image de la mère est impossible, par exemple dans le cas d'un décès de celle-là au cours de la première année de l'enfant ou dans celui d'une relation fortement conflictuelle, la cure de rêve éveillé peut être jalonnée de nombreux scénarios où se mêlent des visions de fer et de sang sur fond de décors obscurs, anguleux, froids. Jean-Paul, orphelin de mère à quinze mois, produira plus de vingt rêves dans lesquels n'apparaît pas la moindre figure vivante. Lorsqu'il se donnera à voir les premières images qui laissent deviner une silhouette féminine, probablement maternelle, ce sera sous la forme d'une structure métallique. Le fer, dans bien des situations, peut être ainsi l'indice d'une insensibilité de façade, d'une sensibilité blessée qui se protège depuis i longtemps qu'elle ne connaît plus d'autre peau que l'armure dont elle s'est revêtue.
Il faudra beaucoup de persévérance, de foi, au patient comme au praticien, pour cheminer au fil des séances pesantes, parfois impressionnantes et dont les progrès thérapeutiques sont peu apparents. Que l'un et l'autre persévèrent : il n'est pas de fer qui ne finisse par être rongé par l'oxydation. Viendra le jour où, la souffrance reconnue, l'eau des larmes tolérées aura raison du masque de fer.
L'objectivité& oblige à considérer l'hypothèse où tout ce qui précède ne vaudrait que pour des psychismes à dominante féminine. La valeur agressive du fer, sa fore de résistance, sont peut-être les données positives naturelles d'une psychologie de type animus dominant. On ne peut écarter l'idée d'une telle personne éprouvera moins facilement que d'autres le besoin d'entreprendre une démarche reposant sur l'onirisme.
Dans la plupart des situations observées, le fer se présente comme l'un des termes de l'évolution vers l'équilibre animus / anima, comme une expression pervertie d'un mental qui utilise son aptitude à comprendre au service de la justification des résistances.
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Mythologie :
Selon Hésiode dans Les Travaux et les Jours (traduction http://remacle.org/), l'histoire de l'humanité peut être découpée en cinq âges, de l'âge d'or à l'âge du fer qui correspond à notre époque :
"Plût aux dieux que je ne vécusse pas au milieu de la cinquième génération ! Que ne suis-je mort avant ! que ne puis-je naître après ! C'est l'âge de fer (15) qui règne maintenant. Les hommes ne cesseront ni de travailler et de souffrir pendant le jour ni de se corrompre pendant la nuit ; les dieux leur enverront de terribles calamités. Toutefois quelques biens se mêleront à tant de maux. Jupiter détruira celte race d'hommes doués de la parole lorsque presque dès leur naissance leurs cheveux blanchiront. Le père ne sera plus uni à son fils, ni le fils à son père, ni l'hôte à son hôte, ni l'ami à son ami ; le frère, comme auparavant, ne sera plus chéri de son frère ; les enfants mépriseront la vieillesse de leurs parents. Les cruels ! ils les accableront d'injurieux reproches sans redouter la vengeance divine. Dans leur coupable brutalité, ils ne rendront pas à leurs pères les soins que leur enfance aura reçus : l'un ravagera la cité de l'autre ; on ne respectera ni la foi des serments, ni la justice, ni la vertu ; on honorera de préférence l'homme vicieux et insolent ; l'équité et la pudeur ne seront plus en usage ; le méchant outragera le mortel vertueux par des discours pleins d'astuce auxquels il joindra le parjure. L'Envie au visage odieux, ce monstre qui répand la calomnie et se réjouit du mal, poursuivra sans relâche les hommes infortunés. Alors, promptes à fuir la terre immense pour l'Olympe, la Pudeur et Némésis , enveloppant leurs corps gracieux de leurs robes blanches, s'envoleront vers les célestes tribus et abandonneront les humains ; il ne restera plus aux mortels que les chagrins dévorants, et leurs maux seront irrémédiables. "
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