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L’Églantier

Dernière mise à jour : 6 oct.



Étymologie :


  • ÉGLANTIER, subst. masc.

Étymol. et Hist. [Fin du xie s. aiglantier (Raschi Blondh., p. 3 n°14)] ; ca 1100 eglenter (Chanson de Roland, éd. J. Bédier, 114). Dér. de l'a. fr. aiglant « églantier » (1er tiers du xiiie s. [Audefroy le Bastard] ds T.-L.) issu d'un lat. vulg. *aquilentum, dér. irrég. de aculeus « épine, piquant » peut-être neutre substantivé d'un adj. signifiant « muni d'épines », cf. piscilentus « poissonneux », spinulentus « épineux », suff. -ier* sur le modèle des noms d'arbres régulièrement dér. de noms de fruits (type pomme/pommier) ; cf., de formation analogue à églantier et postérieurs, coudrier, genévrier, peuplier.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Rosa canina - Églantier des chiens - Rose des chiens - Rosier des haies - Rosier sauvage -

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Botanique :


Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description de l'Eglantier des chiens :


Nom scientifique : Le binôme scientifique linnéen est formé par un premier élément lat. ROSA, -AE « rose, rosier » (OLD : 1661) et par son spécificateur, l’adjectif lat. CANĪNUS, -A, -UM « canin » (OLD : 265). Le nom lat. ROSA montre une relation de dérivation avec le gr. ... « buisson de roses » et des convergences avec l’ir. wr̥d- « rose », le pers. gul « rose » et l’arm. vard « rose » (DELL : 577). Il s’agit, selon toute probabilité, d’un mot emprunté à une civilisation méditerranéenne en raison du fait que cette plante était fort répandue dans les pays méditerranéens; en effet, les tablettes mycéniennes témoignent déjà de la présence d’un mot myc. wo-do-we désignant l’huile à la rose, qui était l’un des produits issus de la fabrication des parfums à l’époque mycénienne (Wylock, 1970). La forme gr. #rÒdon est considérée pré-grecque et empruntée de l’Orient tout comme le mot arm. vard ou l’ir.a. u̯r̥da-, mais la source reste inconnue (EDG : 1289).


Description botanique : Dans les communautés albanophones, l’églantier est classé comme gjëmb, c’est-à-dire une « épine » en raison de la présence des aiguillons forts et crochus qui caractérisent ses rameaux. C’est un arbrisseau qui peut atteindre 3 m et son port est caractérisé par des rameaux verdâtres, robustes et dressés. Les feuilles se composent de 5-7 folioles ovales et glabres. Les fleurs peuvent être blanches ou roses et peuvent se développer solitaires ou en corymbes et elles fleurissent entre mai et juillet. Les fruits (fig. en bas ci-dessus) sont de grosses capsules ovoïdes, allongées et lisses qui peuvent être rouges ou orangées (Pignatti, 1982, I : 563)

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de l'Églantier sauvage :


Propriétés Physiques et Usages médicaux. - Le nom de rosier de chien donné à cette plante provient de la vertu antirabique qu'on lui a attribuée depuis les temps les plus reculés et qui n'est pas plus réelle que celle d'un si grand nombre de plantes incessamment présentées à la crédulité vulgaire dans nos feuilles politiques. Les pétales ont été trouvés purgatifs à la dose de 1 à 4 grammes par Loiseleur et par Cazin. Les fruits (gratte-cul, cynorrhodon) sont assez gros, ovales, lisses, d'un rouge de corail, pourvus d'un parenchyme jaune et ferme. Ils sont acidules et astringents. On les utilise en médecine ; on rejette les semences, les poils, les débris de pistils qui garnissent l'intérieur et l'on ne conserve que la partie charnue du calice. Les cynorrhodons contiennent de l'acide malique, de l'acide citrique, du sucre, une matière astringente, de la myricine, une résine rouge et de l'albumine. Les Allemands les mettent dans les sauces et emploient leur suc à l'instar du jus de citron. On en fait des conserves administrées dans les diarrhées rebelles résultant d'inflammation du tube digestif. Le duvet intérieur de ces fruits appliqué sur la peau y cause une démangeaison insupportable, suivie d'un léger gonflement et d'une irritation assez vive. Ce duvet s'administre à la dose de 15 à 30 grammes avec un peu de miel comme anthelminthique.

 

Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


La gale a été traitée autrefois par une pommade faite de poudre de gratte-culs, fruits de l'églantier sauvage, d'huile d'olive et de vinaigre.

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Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes de l'Églantier :


Propriétés et utilisation : L’églantier est l’une des espèces les plus utilisées en médecine populaire. En effet, ses propriétés laxatives, digestives, vermifuges, diurétiques, tonifiantes, reconstituantes et sédatives sont largement connues sur le territoire italien et balkanique. La décoction de fruits est utilisée, en particulier, pour le traitement des troubles gastro-intestinaux, pour soulager les intestins, pour soigner la toux, la grippe, le rhume et les infections à la gorge ; elle est tout particulièrement indiquée pour éliminer les calculs rénaux et vésicaux et les infections urinaires (Guarrera, 2006 : 177). Cette espèce est aussi utilisée pour le traitement du diabète, de l’hypertension, des bouffées de chaleur dues à la ménopause, des stomatites, des problèmes de dentition des enfants (Guarrera, 2006 : 177). Les propriétés vulnéraires de l’églantier agissent sur les eczémas, les blessures, les infections cutanées, les brûlures, les furoncles et les morsures de serpents (Guarrera, 2006: 177); la poudre des fleurs séchées est utilisée en particulier en Sicile pour rafraîchir la peau irritée (sic. incotto) des enfants, tandis que l’eau aromatisée avec les pétales (eau de rose) soigne la croûte de lait (Gatto Trocchi, 1982 : 82). Pieroni et ses collaborateurs affirment que les Arbëreshë du Vulture, utilisent la décoction des fruits d’églantier parce qu’elle est diurétique, antidiarrhéique, antidépressive, qu’elle apaise les piqûres d’insectes et protège du mauvais œil (Pieroni & Quave, 2005 : 265 ; Quave & Pieroni, 2007 : 217). En revanche, les informateurs de Katundi/Greci (P 8) nous ont raconté que, dans le passé, les pétales de l’églantier étaient utilisés pour la fabrication des parfums, grâce à un processus d’extraction de l’essence parfumée se basant sur une infusion de pétales et d’eau chaude. Dans les Balkans, on utilise surtout l’infusion de fruits d’églantier qui sert par exemple en Macédoine à traiter le rhume, la fièvre et la toux (Pieroni et al., 2013 : 9), tandis que la décoction de fleurs et de fruits est utilisée pour le traitement des bronchites, de la toux et pour soigner les blessures (Rexhepi et al., 2013 : 2066). Au Kosovo, on consomme la décoction de fruits pour renforcer le système immunitaire (Mustafa et al., 2012b : 9), tandis que l’infusion des fruits permet de faire disparaître les calculs rénaux, de soigner les douleurs rénales, les maux de gorge, la toux et la diarrhée (Mustafa et al., 2012a : 749). En médecine vétérinaire, on croit que si l’on donne à manger les galles31 d’églantier aux poules et aux vaches après la mise bas, cela leur permettra d’expulser plus facilement le placenta (Viegi et al., 2003 : 230 ; Guarrera, 2006 : 177). Viegi et al. (2003 : 237) nous renseignent aussi sur une autre croyance populaire, selon laquelle lorsqu’un animal est mordu par un serpent il est nécessaire d’envelopper la morsure avec des tiges d’églantier pour en expulser le venin. En Sardaigne, il existait la tradition de mettre sous l’oreiller ou sous le matelas une galle d’églantier pour favoriser le sommeil, parce qu’on croyait qu’elle garantissait un sommeil tranquille pendant au moins sept heures et que, si en revanche on l’enlevait, on se réveillait (Atzei, 2003 : 389). Cette vertu de « somnifère puissant » attribuée aux galles est témoignée aussi par les dénominations populaires que l’églantier prend en Europe, telles que l’all. Schlafsapfel « pomme du sommeil » ; le tch. spánek « sommeil » (Beccaria, 1995 : 146) ; le fr. pome du Bô-Dju « pomme du Bon-Dieu », bâbe do bon Dju « barbe du Bon-Dieu », cossinè dè Christ « coussin du Christ » (Rolland, 1967, V : 245), en Italie, l’abr. pajjònichə « paillasse » (DAM, III : 1398 ; Penzig, 1924 : 414) et le sar. ninniéri « églantier » < sar. ninniàre « bercer » les enfants pour les faire endormir (Atzei, 2003 : 389). La galle était, en effet, mise sous l’oreiller ou sous la paillasse parce qu’on croyait que le somnifère qu’elle contient et que les sorcières lui avaient donné, permettait de dormir profondément (Beccaria, 1995 : 146).

C’était donc toute la plante et ses organes et non pas seulement les galles qui étaient dotés d’un pouvoir « magique » capable d’éloigner de la maison les influences nuisibles et on estime que cette conviction est due au caractère épineux de la plante, en raison de la croyance populaire selon laquelle les épines de cette espèce ont le pouvoir de crever les yeux du jeteur de sort (Atzei, 2003 : 389). Toujours en Sardaigne, existe la croyance superstitieuse selon laquelle il faut mettre dans le poulailler une tige d’églantier, cueillie la nuit de la fête de Saint Jean-Baptiste, pour éviter que les poules attrapent des poux (Atzei, 2003 : 389).

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de l'églantier :


ÉGLANTIER - POÉSIE.

L'Églantine est la fleur des poëtes ; dans les jeux floraux elle est le prix d'une pièce qui doit célébrer les charmes de l'étude et ceux de l’éloquence.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Églantine - Poésie.

Ses épines sont l’emblème des difficultés que doit surmonter le poète; et ses Heurs, à l’odeur si suave, au rose si tendre et si pur, l’emblème de la sublimité de la langue des dieux. Une églantine d'or est le prix de poésie que donne l’Académie des jeux floraux à Toulouse.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


ÉGLANTINE - AMOUR FILIAL.

L'homme qui honore sa mère est comme celui qui s'amasse un trésor. Celui qui honore son père sera lui-même comblé de joie dans ses enfants et Dieu prêtera l'oreille à sa prière ...... L'homme qui abandonne son père se voue à l'ignominie , et celui qui excite la colère de sa mère encourt la malédiction du Seigneur.

Ecclésiaste. III, 5, 6, 18. -

Ne dédaignez pas votre père et votre mère lorsque vous siégerez parmi les grands.

Ecclésiaste. - XXIII, 18.

Dans certaines contrées de la France et particulièrement en Lorraine , la rose églantine est le sujet d'une poétique légende que nous nous plaisons à reproduire ici :

Une jeune fille venait de mourir ; son âme errait autour de la demeure paternelle ; elle ne pouvait se décider à quitter même pour le ciel, les champs et les riants bocages qu'elle avait tant aimés. Touché des regrets de cette âme si pure, son ange gardien lui apparût, heureux de combler ses désirs, et lui demanda en quelle fleur elle voulait être transformée. Choisis, lui dit -il, tu habiteras les jardins, les bois ou la prairie ; et passant en revue toutes les fleurs de la contrée : « Veux-tu être une tulipe ? —Non ; lui dit -elle, car la tulipe est sans parfum. Un lys ? — Il s'élève trop au-dessus des autres fleurs. Une brillante rose ? — Non, non, reprit soudainement la jeune fille, et, s'il m'était permis de choisir, je voudrais être une simple églantine. Quoi! lui dit l'ange étonné, tu choisis une fleur sauvage, qui nait dans les buissons, vit et meurt sans être admirée ? - Soit, dit la jeune fille, je vivrai inconnue, mais j'ornerai la haie de l'enclos qui borde la maison de mon père ; mon parfum embaumera l'air qu'il respire et mes douces couleurs caresseront ses yeux ; chaque soir j'entendrai sa voix ; et je serai l'emblème du seul amour que le temps et l'absence ne détruisent pas. »


DE L'ÉGLANTIER.

La Rose églantine commence à fleurir dans les premiers jours du mois de mai, mois, sans contredit, le plus beau et le plus délicieux de l'année. Si donc nous voulons assister au brillant épanouissement de la reine des fleurs, supposons que nous sommes au milieu de ces beaux jours. —Toute la nature a pris alors une parure nouvelle: ; les fleurs se multiplient dans la campagne, et , pour quelques-unes dont les graines mûrissent déjà à l'ombre des guirlandes, et dans une atmosphère toute parfumée combien de plantes ouvrent à peine leur délicate corolle et ne se répandent encore qu'avec timidité ?

Nous sommes au période le plus vivant de l'année. Tout brille, tout se développe, tout produit. Les haies sont tapissées de sureau et de ronces, et toutes entrelacées de fleurs charmantes et variées. La sauge couvre la pelouse de ses teintes violettes et se distingue entre les labiées par l'organisation de ses deux étamines. L'hyèble en trouve ses feuilles nombreuses, pour annoncer le bouquet blanc qui va fleurir ; la vipérine, le caille-lait, la campanule, le joli miroir de Vénus qui borde avec tant de grâce les champs de blé ; l'odorant mélilot, le triste velar, l'hypocrite renoncule dont les corolles satinées s'élancent au premier zéphir, et ne se replient qu'aux sévères aquilons ; tout paraît en habits de fête : plus de lieux arides ; Flore a tout jonché de ses dons, et le tapis de serpolet couvre le sol sablonneux, pendant que le bouillon blanc nourrit ses feuilles et sa tige grasse au bord des terrains cultivés.

Les nymphes sont rassemblées , leur reine peut paraître et la Rose des buissons vient de couronner tous les vœux.

La rose des buissons, c'est la rose sauvage, la rose toute simple, la rose de l'homme des champs, du chasseur fatigué, de la jeune fille, des enfants et des petits oiseaux ; c'est le sourire de l'innocence, le premier fard de la pudeur ; son parfum est fugitif et doux comme les rêves d'une tranquille nuit. Ce n'est point la rose dont Anacreon ornait ses cheveux blancs, ni la rose que tous les poètes ont chantée ; ce n'est pas non plus la rose que les Romains et autres peuples amollis par le luxe ont profanée dans leurs repas, dans leurs débauches. Notre rose ne recherche ni la pompe, ni les grandes fêtes, ni les boudoirs ; moins belle, moins brillante que sa sœur, la rose des jardins, elle charme l'ail, recrée l'esprit sans enivrer le cœur.

Notre simple rose se plaît au bord des eaux , sous la pâle verdure des saules , mais elle ne craint pas d'éclore dans un désert , et de s'y parer de ses fraîches guirlandes ; elle aime surtout le chant des oiseaux ; elle mûrit pour leur servir de pâture et lorsque ses fruits de viennent sucrés et vermeils, elle les appelle, elle convie leur nombreuse famille qui se rafraichit, se délecte et gazouille au milieu des buissons.

Salut ! ô fleur charmante qui ne dédaignez pas d'éclore dans un désert ! Le voyageur vous contemple avec un sentiment de plaisir, dans le plus raboteux sentier ; le pauvre, dans le plus petit verger, entremêle vos fraiches guirlandes. Digne de tous les hommages, vous n'en cherchez aucun ; belle pour vous-même, vous l'êtes de votre essence ; et pour qui veut un repos, et à sa vue et à son cœur, vous êtes le doux symbole de l'angélique consolation.

Le rosier églantier se reconnaît facilement à ses tiges hautes, lisses, divisées en rameaux allongés, flexibles, armés d'aiguillons épars, crochus, à ses feuilles composées de cinq ou sept folioles, ovales, finement dentées d'un vert brillant en dessus, d'une teinte plus pâle en dessous. Les fleurs sont d'un blanc rose, terminales, solitaires, portées sur des pédoncules courts et glabres. Les calices offrent cinq de coupures. Les fruits sont ovoïdes, d'un goût sucré et en même temps un peu acide ou austère. On lui donne différents noms : Rosier sauvage, Rosier des haies, et même Rosier de chien parce qu'on lui croyait le pouvoir de guérir la rage, maladie dont cet animal est souvent atteint.

RÉFLEXION.

Dieu en nous donnant ce précepte « honore ton père et ta mère » n'a pas prétendu nous astreindre seulement à rendre des honneurs stériles à nos parents ; il faut que ce respect que nous avons pour eux se manifeste par des actions ; il faut qu'en toute occasion nous nous empressions de leur témoigner toute l'étendue de notre reconnaissance.

(St DIDYME D'ALEXANDRIE.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


ÉGLANTIER - VOUS PARLEZ BIEN.

Genre de rosacées, fondé sur un arbrisseau défendu par des épines fortes et recourbées, qui pousse dans les bois , sur le bord des chemins, dans les haies ; il couronne de ses fleurs blanches ou d'un rose pâle les buissons au milieu desquels ses branches croissent éparses, et dont les tiges greffées portent les variétés infinies de roses, qui égaient nos jardins. Les fruits de l'églantier sont employés en Allemagne à faire d'excellentes confitures.

 

Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


ÉGLANTINE OU ROSE DE CHIEN : Poésie.

C'est la fleur des poètes ; l'églantine d'or sert de prix aux jeux floraux.


Églantine, humble fleur, comme moi solitaire,

Ne crains pas que sur toi j'ose étendre la main :

Sans en être arrachée, orne un moment la terre,

Et comme un doux rayon console mon chemin.


Mais ton front humecté par le froid crépuscule

Se penche tristement pour éviter ses pleurs ;

Tes parfums sont enclos dans leur blanche cellule,

Et le soir a changé ta forme et tes couleurs.


Rose, console-toi ! le jour qui va paraître

Rouvrira ton calice, à ses feux ranimé ;

Ta brillante auréole, il la fera renaître,

Et ton front reprendra son éclat embaumé.


Fleur au monde étrangère, ainsi que toi, dans l'ombre ;

Je me cache et je cède à l'abandon du jour ;

Mais un rayon d'espoir enchante ma nuit sombre :

Il vient de l'autre rive... Et j'attends son retour ! Mme Desbordes Valmore.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Surnommé « rosier du diable », l'églantier a été maudit depuis que Judas s'y pendit ; ses graines sont d'ailleurs appelées « baies de Judas ». Le folklore breton le considère comme une création du diable qui tentait d'imiter le rosier.

Selon une légende allemande, lorsque le démon, tombé du ciel, tenta de se faire une échelle avec les épines de l'églantier, Dieu souffla sur l'arbrisseau pour l'empêcher de s'élever et Satan, furieux, abaissa vers le sol la pointe des épines : « Examinez les églantiers : le souffle de Dieu y a fait éclore des fleurs aussi roses et aussi délicates que des baisers sur des joues d'enfant, les longs rameaux s'inclinent toujours vers la terre, et les épines ont la pointe tournée vers le sol [...] crochues comme dents de brochets [...] c'est leur seule ressemblance avec le diable ».

Qui se pique à ses épines doit se garder d'injurier l'arbrisseau sous peine de tomber malade jusqu'à ce qu'on lui ait présenté des excuses. Une jeune fille qui en touche une branche risque, elle, de contracter une maladie mortelle (Drôme), tandis que si elle cueille une églantine, son mariage sera retardé d'un an (Vienne). Dans cette même région, placer des fleurs de rosier sauvage sur une tombe porte malheur à la famille du défunt. Pour qu'ils ne touchent pas ces fleurs, on dit encore aux enfants qu'ils risqueraient d'être frappées parla foudre ou d'attraper des poux (Bretagne). Enfin, se servir d'une branche d'églantier pour frapper ou conduire les bêtes attire sur elles l'attention du démon (Cher).

Une décoction, réalisée à la pleine lune, de l'écorce, des fleurs et de la sève du « rosier du diable » constitue un puissant envoûtement d'amour. Dans tout le sud de la France, les sorciers utilisent ses racines, cueillies également à la pleine lune, pour lancer leurs maléfices.

En même temps, une feuille d'églantier suspendue au-dessus de la porte d'entrée protège non seulement des sorciers mais aussi de la fièvre, des verrues et des maux de dents. Pour faire disparaître une verrue, on recommande également dans les Alpes d'introduire le jour de l'Ascension une mèche de cheveux du patient dans une branche de l'arbrisseau ; pour soulager une douleur dentaire, on peut aussi avoir dans sa poche quelques fruits d'églantier. En Belgique, ces fruits étaient portés en collier par les jeunes enfants pour les mettre à l'abri des maladies.

De la bourre d'églantier, portée par une personne à son insu, calme les douleurs hémorroïdales ; ses fleurs, consommées quotidiennement, soignent les poitrinaires (Tarn-et-Garonne) et trois de ses branches, placées en triangle (une à la tête du lit, une au-dessus de la porte d'entrée et la dernière sur la cheminée) guérissent les dartres (Normandie). Pour les animaux qui souffrent de ce mal, il faut leur accrocher sur la tête une pousse d'églantier de l'année (bas Maine).

Dans le Languedoc, une tige d'églantier tordue neuf fois et placée sous une pierre avant le lever du jour chasse les chenilles des arbres.

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Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000), la fleur d'églantier a les caractéristiques suivantes :


"Mot-clef : La Poésie.


Savez-vous ? : L'autre nom commun donné à l'églantine est la rose des chiens. L'églantine est l'ancêtre de notre belle rose. Au Moyen Âge, on la consommait en gelée ou en confiture. De nos jours, elle est très utilisée par l'industrie pharmaceutique pour sa grande teneur en vitamine C. L'églantine est la fleur des poètes. Ils la portent encore de nos jours à la boutonnière. Elle est également l'emblème de l'académie de poésie.


Usages : En Afrique du Nord, l'églantier est une plante très précieuse pour les paysans. Ses fruits sont réduits en bouillie et donnés aux moutons, aux vaches et aux chiens atteints de la rage.


Message : Vous êtes ma muse."

 

Dans un courriel daté du 6 janvier 2020, Yves Buisson (le bien nommé) partage avec nous une intuition qui ouvre des perspectives symboliques très intéressantes :


« à la suite d'un rêve où il était question d'églantier, j'en suis venu à questionner par la langue des oiseaux l'aigle entier. »

 

Selon Guy Ducourthial, auteur de la Flore médicale des signatures XVIe - XVIIe siècles (Éditions L'Harmattan, 2016) :


Le plus souvent, les dieux passaient pour avoir utilisé les songes quand ils avaient décidé d'informer un heureux mortel des vertus de certaines plantes. En voici un exemple parmi de nombreux autres rapporté par Pline qui concerne le cynorhodon :

"Jusqu'à ces dernières années, la morsure du chien enragé qui provoque la crainte de l'eau et l'aversion pour toute boisson était incurable. Récemment, la mère d'un homme servant dans les prétoriens reçut en songe l'avis d'envoyer à son fils, pour qu'il la prit en boisson, la racine du rosier sauvage appelé cynorhodon, dont la vue l'avait agréablement frappée la veille dans un buisson. Ceci se passait en Lacétanie, province d'Espagne la plus proche, et le hasard fit que ce soldat, mordu par un chien, commençait à éprouver de l'horreur pour l'eau, lorsqu'il reçut la lettre où sa mère le priait de suivre l'avertissement divin ; il fut sauvé contre toute espérance, ainsi que tous ceux qui depuis ont eu recours à ce même remède (H.N., XXV, 17).

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Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe de l'Églantier :


Analyse lexico-sémantique des désignations :

1- [piʦakˈɔʦ] est un nom composé de deux substantifs : arb. pic [piʦ] « pénis » et arb. kocë [kɔʦ] « tête » ; les deux composantes du phytonyme en question sont très répandues dans tous les parlers de la Calabre et de la Basilicate sans aucune variation formelle, tandis que dans les parlers septentrionales de l’Arbëria (notamment au Molise), on trouve arb. pip [pip] (= pic) « pénis » et koçë [kˈɔʧ] (= kocë) « tête ». Ce syntagme représente l’une des structures les plus communes dans la phytonymie populaire et, comme nous l’avons déjà expliqué pour d’autres espèces, les éléments de ces désignations composées métaphorisent l’image de la partie de la plante utilisée, en médecine populaire pour ses propriétés, notamment les fruits de l’églantier qui ressemble, de par sa forme et sa couleur, à une « tête de pénis ».


2- [kromumbˈiθe] est un type lexical répandu dans les dialectes tosques de l’Albanie du sud et il se présente, en général, comme un nom composé de deux éléments, dont le premier est alb. kromë < alb. kruaj, arb. kruanj « gratter » et le deuxième est le nom alb. bythë, arb. bithë « cul » (Trumper, 2010 : 388). Ce type lexical, en particulier « gratte-cul », est très répandu dans le domaine roman en raison de l’effet de constipation causé par l’ingestion des baies que l’on connaît en médecine populaire (cfr. catal. gratacul ; lan. gratatiolier ; it. grattaculo ; lig. grattacü, grataquèu ; piém. gratacul, grattacui ; ven. stropacul ; fri. forècul ; abr. sforzancùlo, torzancùlo, indiqués dans Penzig, 1924). Comme on peut le voir dans la phytonymie de l’arc alpin, ce type lexical peut se trouver seul, gratte-cul (Signorini, 2005 : 1003, 1004) ou comme faisant partie de différents types de syntagmes où le premier élément peut être représenté par les mots suivants : buisson (buisson de gratte-cul, Signorini : 996, 1002), épine (épine de gratte-cul, Signorini : 1000, 1003), petite nourriture (petite nourriture de gratte-cul, Signorini : 1002, 1004), fleur (fleur de gratte-cul, Signorini : 1002), plante (plante de gratte-cul, Signorini : 1003) et rose (rose de gratte-cul, Signorini : 1003). On retrouve également le témoignage de ce même type lexical en roumain, bien qu’il y soit moins répandu ; en effet, parmi les nombreux types lexicaux désignant l’églantier seulement deux sont construits sur le syntagme « creuse-cul » : [skobikˈur] et [skwˈɒbjeŋkur] < roum. scobi « creuser » + cur « cul » (Scarlat, 2008 : 294).


3- [trondofˈiʎe e ˈɛɡər] est un syntagme composé du phytonyme arb. trondofile « rose » et de son spécificateur, notamment l’adjectif arb. e egër « sauvage » ; la désignation résulte être, pourtant, à motivation transparente en raison du fait qu’elle indique une espèce de rose non cultivée par opposition à d’autres espèces cultivées, non sauvages.


4- [biθcˈɛn] est un nom composé par les deux éléments suivants : arb. bithë « cul » + arb. qen « chien » ; tout comme les autres structures motivationnelles de cette typologie, le zoomorphisme « cul de chien » traduit l’image de la partie de la plante utilisée en médecine populaire pour ses propriétés thérapeutiques: les fruits rouges de l’églantier sont doués de nombreuses vertus, qui étaient déjà associées à l’un des animaux sacrés dans l’ancienne Égypte, comme nous l’avons illustré pour l’une des désignation de l’Anthemis cotula L.

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Symbolisme celte :


Selon Sylvie Honore, dans son article pour Le Menhir, revue francophone de l'OBOD, de mai 2017,


La rose sauvage est à l'honneur pour fêter Beltaine. Symbole de la féminité et de l'amour par excellence, on la retrouve dans de nombreuses traditions. Mais elle fut mal-aimé dans la tradition occidentale car si la rose fut considérée comme l'oeuvre de Dieu, l'églantier est celle du diable, d'où son nom vernaculaire de "rose du diable" ou "rose sorcière". Au moyen-âge, l'églantine représentait les aspirations de l'âme humaine à l'accomplissement. Son nom latin de rose canine lui vient du fait qu'on utilisait sa racine comme remède contre la rage. L'églantier pousse un peu partout en Europe, dans l'ouest de l'Asie et le nord de l'Afrique dans les haies, les lisières de bois et les pelouses à condition que le sol ne soit pas trop acide. Il sert de protection à l'entrée des forêts. Dans toutes les dimensions de l'églantier on retrouve cette notion de protection... Jusque dans un dessin animé de Walt Disney où la princesse Aurore va se faire appeler Églantine pour se protéger de la malédiction d'une sorcière ! Ses fleurs rose pâle ont cinq pétales qui forment un calice. Est-ce la forme de cette fleur ? Sa couleur ? Son parfum ? Son aspect fragile et délicat ? Ses pétales en forme de cœur ?... Probablement tout cela qui en a fait depuis tout temps un des plus beaux symboles du sentiment amoureux. Dès l'automne, les baies apparaissent, rouge vif, qui renferment des graines entourées de poils durs. Ce sont les cynorrhodons, autrement appelés gratte- cul. Après les premières gelées, ces baies se ramollissent et leur pulpe est très riche en vitamine C. Cependant, il faut prendre soin de ne pas consommer les graines et leurs poils au risque de bien comprendre l'origine de leur surnom !

Le cynorrhodon est comestible, riche en vitamine C, astringent, il agit sur les saignements des gencives et des muqueuses digestives et peut se consommer :


  • séché, à faire infuser.

  • séché puis réduit en poudre à incorporer à de la farine pour préparer des pains ou des gâteaux ou à ajouter dans du vin blanc.

  • en confitures.

  • ou simplement à consommer lors de vos balades : cueillez le cynorrhodon un peu ramolli, pressez-le délicatement entre vos doigts pour en faire sortir le pulpe sans les graines et dégustez.

Le bourgeon d'églantier est utilisé en gemmothérapie pour protéger la sphère ORL notamment chez l'enfant. Il donne à l'individu la force de se protéger physiquement contre les affections hivernales et mentalement contre un environnement difficile. Les feuilles de l'églantier peuvent être consommées en tisanes, elles sont antispasmodiques et permettent d'atténuer les angoisses, la nervosité et l'agitation nocturne. Les pétales de roses (dans ce cas, on peut utiliser n'importe quelles roses odorantes) peuvent être utilisées en préparations alimentaires :


  • Alcool de rose

  • Vin de rose

  • Tisane de rose : effet laxatif

  • Confiture de pétales de rose

Les roses sont aussi utilisées pour leur parfum en cosmétique :

  • L'eau de rose (hydrolat de rose) rafraîchit le teint et raffermit la peau. Elle est fabriquée par distillation à la vapeur des pétales de rose.

  • L'Huile Essentielle de rose (Rosa damascena) est diluée dans une huile végétale pour équilibrer et raffermir la peau. En diffusion, ou simplement à respirer au dessus du flacon, elle est ré-équilibrante émotionnelle et sexuelle. En ce sens, elle agira sur la tristesse, la mélancolie, les séparations affectives, et le passage de fin de vie. Attention à son prix qui est très élevé puisqu'il faut plus de 600 Kg de pétales pour faire 100g d'huile essentielle de rose.

Beltaine : L'églantier (ou la rose) est souvent associé à la célébration du soir de Beltaine (le 30 avril). On peut donc en mettre une fleur sur la table du repas ce soir là. Le lendemain matin, ce sera le muguet qui sera à l'honneur.


Solstice d'été : Arrêtez-vous devant un Églantier riche en fleurs à midi, le jour du solstice d'été. Fermez les yeux, respirez son délicat parfum et associez-vous aux louanges pour la Terre."

*

*




Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. Il est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; l’Églantine raconte la sienne dans un conte venu d'Espagne et intitulé tout naturellement "Marie-Églantine" :


"L'une des jeunes filles dansait avec plus de passion que les autres. elle riait aux éclats et sa longue chevelure ornée d'une couronne d'églantine flottait autour de sa tête comme un nuage scintillant. "Églantine," appela la Reine Rose, "raconte-nous plutôt ton histoire." Tous se mirent à l'écouter dans un profond silence.


Il était une fois un roi qui aimait gouverner son pas du fond de son lit. ce lit avait un baldaquin tissé en fils d'or arachnéens et ployait sous des roses sauvages, au point qu'il ressemblait à un buisson d'églantine en fleurs. un jour, ce roi fainéant eut une idée.

"Je vais me marier, confia-t-il à ses conseillers. Je vais épouser celle qui saura sauter à pieds joints par-dessus ma couche royale. toutefois, elle ne devra pas toucher une seule épine, faire tomber un seul bouton de rose. Telle est ma volonté."

Il ordonna sans plus tarder qu'on le portât avec son lit jusqu'à la grand-place de la capitale du royaume. Dès que la nouvelle se répandit, des femmes en mal de mari affluèrent de toutes parts. Des beautés et des laiderons, des petites et des grandes, des brunes et des blondes, des filles aux yeux bleus et des filles aux yeux noirs, toutes célibataires et ne voulant pas rester filles. Le chahut et le désordre s'installèrent sur la grand-place.

La première sauta, puis la seconde et la troisième. Les tentatives n'en finissaient pas. La première déchira sa jupe, la seconde s'enfonça des épines dans le pied, la troisième perdit son jupon, la quatrième faillit se tuer, mais aucune ne réussit à sauter comme il fallait. Les badauds riaient aux éclats. Tout à coup, une pauvre veuve apparut sur la place. Elle n'était plus très jeune, mais pas vieille non plus. Elle était pour ainsi dire, tout juste comme il faut. Le roi la dévorait des yeux.

"Allons, saute, mignonne. N'attends pas ", l'encouragea-t-il.

La veuve ne se fit pas prier. Elle retroussa ses jupes, fit une révérence, et hop ! Elle vola, légère comme une plume, par-dessus le lit du roi. Hélas ! elle le toucha tout de même un peu avec le pied et fit tomber un petit bouton qui poussait tout en haut. Habile, la veuve l'attrapa prestement au vol et l'avala. Le roi, quant à lui, ne vit rien.

"En voilà une qui me plaît ! se félicita-t-il. Elle sautera comme je sifflerai." Mais elle ne sauta point. Le roi eut à peine le temps d'essuyer les larmes que le rire avait fait jaillir ; la fringante veuve avait disparu comme si la terre l'avait engloutie. Pendant que les messagers du roi la cherchaient dans tout le pays, elle vivait comme auparavant dans sa petite maison, tout au bout de la ville. mais voilà : une année ne s'était pas écoulée qu'elle mit au monde une petite fille. La petite grandissait à vue d’œil. Dans sa première année, ce n'était qu'un petit bouton qui devint, dans sa seconde année, une gentille petite fille qui, à son tour, se transforma, dans sa troisième année, en une jeune fille, charmante comme les contes que sa mère lui narrait. La veuve l'appela Marie-Églantine, car sa chevelure était rose. Et lorsque ses cheveux poussèrent au point de toucher le sol, sa mère l'envoya en ville pour qu'elle y apprenne à broder. Désormais, Marie-Églantine passait ses journées à broder inlassablement, assise avec les autres apprenties sous le tilleul de la grand-place. Et que pensez-vous qu'elle brodât ? Uniquement des boutons de rose. Quiconque lui achetait un petit mouchoir blanc, voyait le bouton qui l'ornait s'épanouir en une rose odorante. Pendant ce temps, le roi se désespérait, se languissant de la charmante veuve. Dévoré par le chagrin, il ordonna qu'on attelât à la couche royale sept couples de chevaux blancs et qu'on le conduisît en promenade. Il circulait ainsi, étendu sur les coussins, bâillant sans cesse et s'ennuyant ferme. Tout d'un coup, il aperçut un groupe de jeunes beautés rieuses, assises sous le vieux tilleul. Marie-Églantine était la plus belle d'entre elles. Les jeunes filles brodaient à qui mieux mieux, bavardaient, babillaient, sans reprendre leur souffle une seule seconde. Le roi ne les quittait pas des yeux, surtout Marie-Églantine. il parla avec elles, et comme leur compagnie lui plaisait, il promit de revenir les voir et d'apporter à chacune un tabouret en or en guise de présent. Marie-Églantine revint chez elle, folle de joie. Elle confia à sa mère combien elle avait hâte de recevoir le cadeau royal. Sa mère, cependant, l'arrêta :

" Tu ne dois pas accepter le cadeau du roi. Je vais t'offrir moi-même un tabouret en or que tout le monde t'enviera. Et si le roi te demande qui tu es et où tu habites, voici ce que tu lui répondras." Et la veuve chuchota quelque chose à l'oreille de Marie-Églantine.

Le lendemain, le roi distribua aux jeunes filles des tabourets en or, et seule Marie-Églantine refusa son présent. Elle lui montra celui que sa mère lui avait offert, et qui était bien plus beau. Le monarque se vexa : "Qui es-tu et où habites-tu ? " interrogea-t-il sévèrement. Marie-Églantine répondit :

" Je suis Marie-Églantine,

Ma mère est une rose,

Mon père un églantier,

Je vis sous un toit de plumes,

Dans une maison rose,

Sur une colline printanière."


Le roi n'apprécia pas sa réponse mais, distrait par le bavardage de tant de jeunes filles, il retrouva rapidement sa bonne humeur. Il promit de revenir et d'offrir à chacune un coussin en or. Mais la veuve offrit à Marie-Églantine un coussin bien plus beau encore que celui du roi, de sorte que la jeune fille refusa de nouveau le présent du roi. Et il en fut toujours ainsi. Le roi apporta des fils d'or, des dés en or, des franges d'or, mais Marie-Églantine avait déjà tout et refusait obstinément tous les présents. Un jour, le roi vint avec des porte-aiguilles en or et, comme à l'accoutumée, Marie-Églantine le dédaigna. Cette fois-ci le roi se fâcha pour de bon. "Comment oses-tu refuser les présents du roi ? cria-t-il. Tiens !" Et il jeta le porte-aiguilles à la tête de Marie-Églantine. Hélas, quel malheur ! Imaginez la douleur de la pauvre Marie-Églantine qui, avec un peigne, retira une à une les aiguilles d'or de ses longs cheveux roses. Cela lui prit toute une journée et encore, elle en oublia une. Lorsqu'elle rentra le soir en pleurant, elle rencontra une vieille femme étrange. Elle avait trois yeux de serpent et trois langues de lézard. C'était une sorcière. "Où vas-tu, mignonne, avec cette aiguille dans les cheveux ? Attends, je vais te la retirer ", dit gentiment la vieille.

Marie-Églantine pencha sagement la tête et la sorcière lui enfonça profondément l'aiguille dans la nuque. La jeune fille se transforma aussitôt en une colombe rose. Elle laissa échapper un sanglot, décrivit un cercle au-dessus de la vieille femme et, sans savoir pourquoi, se dirigea vers le palais royal. Là, elle se percha tristement sur une branche d'églantier, sur la couche du roi. Celui-ci s'étonna, mais comme la colombe était douce et familière, il la prit en affection et passa son temps à la caresser. la colombe ne s'éloignait pas d'un pas de son lit.

Un jour le monarque dit à ses conseillers : " Je ne trouverai plus jamais la belle veuve. J'ai pris la décision de naviguer jusqu'aux îles des Belles Femmes pour y chercher une autre fiancée."

Il ordonna que l'on transportât son lit jusqu'au port et on larguât les amarres. Hélas ! Son navire de fortune, traîné par sept couples de poissons blancs et mû par sept voiles blanches, ne s'éloigna pas d'un pouce de la jetée.

" N'avez-vous pas oublié quelque chose, Majesté ? " s'enquirent les conseillers. Le roi se frappa le front et, sans plus attendre, il dépêcha un messager à son palais pour demander à sa chère colombe e qu'elle désirait qu'il lui rapportât de son lointain voyage. la colombe lui fit dire :


" Je voudrais une larme de pierre

Qui apporte le réconfort,

Ainsi qu'une fleur de fougère

Qui adoucit la mort."


A peine le messager eut-il le temps de transmettre au roi les paroles de la colombe que le vent se mit à souffler, et le lit s'élança sur la mer comme une flèche. Après des jours et des jours de navigation, ils accostèrent les îles des Belles femmes, mais aucune des beautés locales ne trouva grâce aux yeux du roi. Il donna l'ordre de mettre le cap sur les îles des Femmes encore Plus Belles, avec aussi peu de succès. Le pauvre roi n'avait plus qu'à entreprendre un très long voyage jusqu'au bout du monde où se trouvaient les îles des Plus Belles Femmes.

"Si cette fois je n'ai pas plus de chance, je rentrerai immédiatement à la maison. Je me languis déjà de ma petite colombe ", décida le roi, fort ennuyé. Hélas ! La chance n'était pas de son côté. Les jeunes filles des îles étaient toutes plus belles les unes que les autres, et le roi n'arrivait pas à choisir. Déçu, il donna l'ordre de mettre le cap sur son royaume. Les matelots eurent beau faire, le lit ne s'éloigna pas d'un pouce de la jetée. "Sa Majesté a peut-être oublié quelque chose ", suggérèrent les conseillers. Le roi se rappela alors le message de sa colombe. " Où vais-je chercher une larme de pierre ? Et où pourrais-je bien trouver une fleur de fougère ? D'ailleurs, a-t-on jamais entendu parler d'une fougère qui fleurit ? " se disait-il. A ce moment, une vieille femme l'interpella du port pour lui demander la charité. Le roi lui jeta une pièce d'or avec, en plus, un bouton de rose de sa couche.

Après l'avoir remercié, la vieille lui confia : " Tu as bien fait de ne pas me chasser. Je vais te dire où trouver ce que tu cherches. Au milieu de l'île se dresse une montagne escarpée. A son sommet, on trouve les larmes transformées en pierre d'une jeune fille qui y pleura jadis son amour perdu. A côté pousse une fougère verte qui porte une seule fleur blanche. Cueille cette fleur et porte-la à ta rose colombe." Le roi fit aussitôt hisser son lit sur le rivage et, comme on ne connaissait pas de chevaux sur ces îles, il demanda qu'on le fit traîner par sept coules de souris blanches. En dépit de cela, le lit n'avanças pas d'un pouce. Bon gré mal gré, le roi dut quitter ses moelleux coussins et aller à pied. Et figurez-vous qu'il y prit goût et que sa couche royale ne lui manqua pas dut tout. Au terme de longues tribulations, il finit par escalader la montagne. A son sommet, il trouva tout ce qu'il cherchait, comme l'avait prédit la vieille mendiante. Il enveloppa une larme de pierre dans un mouchoir, mit dans ses cheveux la fleur de fougère, puis entreprit la descente, le cœur léger. Au retour, le lit fila sur l'eau comme une flèche, mettant le cap sur le royaume par le chemin le plus court.

Après avoir savouré leurs retrouvailles, le roi remit à la colombe ce qu'elle lui avait demandé. Il eut l'impression alors que le petite oiseau souriait tristement? Après son retour, il n'eut plus envie de passer ses journées à paresser au lit. Il errait seul dans les prés et les forêts, et cherchait une consolation dans la chasse et dans la fabrication de fragiles embarcations d'écorce et d'herbes que le ruisseau emportait vers la mer. Cependant, sa mélancolie ne le quittait pas. un jour, rentrant à l'improviste, il entendit une voix douce et plaintive :


" Donne-moi, larme de pierre chérie,

La consolation qui me guérit.

Fleur de fougère, adoucis ma peine,

Sinon, ôte-moi plutôt la vie ! "


Le roi regarda autour de lui, mais ne vit personne d'autre que sa chère colombe rose. Il la prit dans ses mains et gonfla tendrement ses plumes. Quelque chose y brilla. C'était une petite aiguille d'or. Le roi l'arracha de la nuque de l'oiseau et, aussitôt, la belle Marie-Églantine apparut devant lui, remerciant son sauveur avec effusion. Ensuite, elle raconta tout au roi sr sa mère et sur elle-même. Le roi la prit par la main et ils s'en allèrent tous les deux vers la maison roser, juchée au sommet d'une colline. Cependant, ils n'y trouvèrent par la mère de Marie-Églantine, mais une petite colombe rose, posée sur la console de la cheminée. On aurait dit qu'elle souriait. tout à coup, elle se mit à parler d'une voix humaine :

" Maintenant, il ne vous reste plus qu'à vivre l'un pour l'autre. Moi, je dois partir.

- Pour aller où ? murmura Marie-Églantine.

- Au Ciel ", répondit la colombe et elle vola vers les nues.

Ainsi, le roi épousa Marie-Églantine et ils vécurent heureux. Qu'advint-il de la couche du roi, me demanderez-vous ? Un petit enfant y vit le jour, rose t parfumé comme un bouton de rose."

*

*

Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des Fées et des autres esprits de la nature (Éditions Plume de Carotte, 2014), l'églantier est une "plante à tourments".


Coups protecteurs : La mise au monde d'un enfant s'accompagnait fréquemment de rituels tels que l'enterrement du cordon ombilical visant à protéger le nourrisson du sinistre appétit de créatures maléfiques. En Mongolie et Sibérie, le placenta était mis sous terre derrière le foyer de la yourte car le feu offrait une protection supplémentaire contre ce type d'êtres. Certains Bouriates recouvraient le cordon ombilical d'éléments portés en horreur par ces esprits : des flocons de laine, des grains de blé et des fleurs ou feuilles d'églantier. Le tout était ensuite abrité par une petite cabane que l'on finissait par brûler. Les cendres laissées à même le sol constituaient le dernier rempart contre les forces du mal. Trois mois plus tard, une précaution supplémentaire recommandait de frapper très légèrement l'enfant avec un petit balai composé de neuf rameaux d'églantier. Après avoir opéré ce rituel, le chaman divisait son ustensile pour fixer sept rameaux de la plante au-dessus de la porte tandis que les deux derniers étaient accrochés séparément, de chaque côté du petit lit.

En République tchèque, dans la région de Moravie plus précisément, ce ne sont pas les nourrissons humains qui sont battus avec la plante épineuse mais les changelins. Il n'y aurait rien de tel pour pousser les intrus à pousser des cris déchirants qui ne manquent pas d'alerter leur mère féerique. Indignées par les mauvais traitements infligés à leur enfant, elles échangent leur petit avec le nouveau-né qu'elles avaient enlevé.


Rien ne se perd ! Les hayettes sont des petites fées cachées dans les haies qui se plaisent à s'amuser avec les jeunes enfants. Elles entretiennent d'excellents rapports avec les muscardins, ces petits rongeurs qui aiment à faire leurs nids dans les broussailles. Rien ne leur fait plus plaisir que de trouver un nid abandonné de cet animal au milieu d'un églantier touffu à souhait. Elles en font aussitôt leur demeure.


Gratte-cul : La plupart des lutins adorent faire des farces et, comme nous le confie Pierre Dubois, nombre d'entre eux sont devenus experts dans l'utilisation des graines séchées d'églantier pour en faire du poil à gratter. Savez-vous ainsi qui a soufflé la méthode à l'oreille des petits écoliers turbulents ? Ce sont les Cra-Cras vivant dans les préaux. Taquins, les lutins préfèrent généralement user de cette poudre par eux-mêmes. en Italie, le lubrique Massariol ne manque pas une occasion pour déverser une pincée de cette redoutable poudre dans le corsage d'une belle. Il plonge alors ses mains entre les seins pour soulager prétendument la jeune femme de ses tourments.

Si étrange que cela puisse paraître, les églises et cathédrales sont le terrain de jeu favori d'êtres de la même famille. Leur nom change en fonction des pays : Church Grims en Scandinavie, Kyrkogrims en Suisse, ArC'Houskezik en Bretagne... Ce n'est pas la foi qui les a motivés, bien au contraire, puisqu'ils passent leur temps à profaner ces lieux sacrés et à tourmenter les fidèles comme les prêtres.

Un peu de poil à gratter dans la soutane de ces religieux avant la messe et les voilà pris par un fou rire qui durera le temps de la cérémonie.

Avant que le terrible poil à gratter des fruits en tombe dans les mains farceuses des mauvais lutins, les délicates fleurs font le bonheur des fées, bien plus gentilles."

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Littérature :


Dans Les Vrilles de la Vigne (1908) Colette exalte la beauté du monde. Dans "Nuit blanche", seconde nouvelle du recueil, elle célèbre l'amour charnel :


Je ne savais que rire et crier, en foulant la longue herbe juteuse qui tachait ma robe... Ta tranquille joie veillait sur ma folie, et quand j'ai tendu la main pour atteindre ces églantines, tu sais, d'un rose si ému, - la tienne a rompu la branche avant moi, et tu as enlevé, une à une, les petites épines courbes, couleur de corail, en forme de griffes... Tu m'as donné les fleurs désarmées...

Tu m'as donné les fleurs désarmées...

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L’Églantier est en fleur


Que d'autres vers le sud longuement s'abandonnent

A la langueur dans les jardins de paradis

Ici c'est pleinement le nord et c'est l'automne

C'est lui que j'ai choisi cette année pour ami.


Elle est comme étrangère et je l'aurais rêvée

La maison où je vis et suis peut-être morte

Où les miroirs gardent pour eux dans la journée

Quelque chose d'étrange que les nuits apportent.


Je marche ici parmi les sapins noirs et bas

Il y a la bruyère qui ressemble au vent

La lueur d'un débris de lune terne et las

On dirait un couteau grignoté par les ans.


J'ai porté jusqu'ici la mémoire bénie

De ce qui ne fut pas le rendez-vous prochain

Et la flamme toujours pure, froide, hardie

Qui signifie ma victoire sur le destin.


Anna Akhmatova, "L’Églantier est en fleur" in (traduit par Eugène Guillevic).

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L’Églantine, l’Aubépine et la Glycine


Églantine, aubépine,

L’oiseau vole en chantant.


Églantine, aubépine,

Bouge, bouge, bouge et vlan !

L’oiseau vole en chantant.

Et vlan, vlan, vlan !


Robert Desnos, "L’Églantine, l’Aubépine et la Glycine" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque lui aussi l'Églantier :

3 décembre

(Mont Leuze)


L'églantier défeuillé se constelle de fruits ovoïdes à bec pentagone. Tous les tons de rouge y paraissent : vermillon vif, pourpre clair, pourpre sombre, vieux carmin, bourgogne, avec des lavis fauves, des macules orange et des reflets de corail rose.

Sur le fond gris-vert de la vallée, le buisson de rosier sauvage ressemble à une écriture orientale. J'ignore le sens de ce texte de nature. C'est un message chiffré à l'usage des oiseaux migrateurs.

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