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L'Arc-en-ciel

Dernière mise à jour : 20 avr.




Étymologie :

  • ARC-EN-CIEL, subst. masc. et adj. inv.

ÉTYMOL. ET HIST. − 1150-70 arc del ciel (Mystere d'Adam, p. 160 ds Gdf. Compl. : Lors descendra del ciel la cengle Que nos apelum arc del ciel) ; ca 1275 arc en ciel (Roman de la Rose, éd. Langlois, 18036). Composé de arc*, de en* et de ciel*.


Lire également la définition du nom arc-en-ciel pour amorcer la réflexion symbolique.




Histoire :


Pour commencer cette exploration, voici un dossier pédagogique conçu par le Centre National d'Histoire des Sciences asbl. à Bruxelles (téléchargeable sur http://www.astrolabium.be) :


 

Selon Michel Pastoureau auteur de Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013),


"Pour l'exégèse biblique, l'arc-en-ciel est un arc d'alliance entre Dieu et les hommes. Celui que l'on voit ici [sur une miniature de la Genèse de Vienne (Syrie, première moitié du VIe siècle, Vienne Österreichische Nationalbibliothek Theol. Gr. 31, fol. 3] fait suite au déluge : il est protecteur et pacificateur. dans les images médiévales, l'arc ne ressemble jamais à celui que nous connaissons : non seulement il ne possède pas sept couleurs, seulement deux, trois ou quatre, mais ces couleurs ne forment pas une séquence ordonnée comme dans le spectre. Dans les arcs-en-ciel du haut Moyen Âge, le vert est souvent présent, le bleu, jamais."

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Symbolisme :


Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition Robert Laffont, 1969 ; Edition revue et corrigée 1982), rédigé par Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"L'arc-en-ciel est chemin et médiation entre l'ici-bas et l'au-dessus. Il est le pont qu'empruntent dieux et héros entre l'autre monde et le nôtre. Cette fonction quasi universelle est attestée aussi bien chez les Pygmées qu'en Polynésie, en Indonésie, en Mélanésie, au Japon, pour ne parler que des cultures extra-européennes.

C'est en Scandinavie le pont de Byfrost ; au Japon le pont flottant du Ciel ; l'escalier aux sept couleurs, par lequel le Bouddha redescend du ciel, est un arc-en-ciel. La même idée se retrouve de l'Iran à l'Afrique et de l'Amérique du Nord à la Chine. Au Tibet, l'arc-en-ciel n'est pas le pont lui-même, mais l'âme des souverains qui s'élève vers le ciel : ce qui ramène indirectement à la notion de Pontifex, le lieu de passage. IL existe un lien étymologique et symbolique entre l'arc-en-ciel et le ciel dont le nom breton kanevedenn suppose un prototype vieux-celtique kambonemos, courbe céleste. Le symbolisme rejoindrait alors à la fois celui du ciel et celui du pont.

Les rubans utilisés par les chamans bouriates portent le nom d'arc-en-ciel, ils symbolisent en général l'ascension du Chaman au ciel. Les Pygmées d'Afrique centrale croient que Dieu leur montre son désir d'entrer en rapport avec eux par l'arc-en-ciel.

L'arc-en-ciel est un exemple de transfert des attributs du dieu ouranien à la divinité solaire : L'arc-en-ciel, tenu en tant d'endroits pour une épiphanie ouranienne, est associé au soleil et devient chez les Fuégiens le frère du soleil.

Chez les Dogons, l'arc-en-ciel est considéré comme le chemin permettant au Bélier céleste, qui féconde le soleil et urine les pluies, de descendre sur la terre. Le caméléon, qui porte ses couleurs, lui est apparenté. L'arc-en-ciel, toujours selon les croyances Dogon, a quatre couleurs, le noir, le rouge, le jaune et le vert ; elles sont la trace laissée par les sabots du Bélier céleste, quand il court.

En Grèce, l'arc-en-ciel est Iris, la messagère rapide des dieux. Il symbolise aussi de façon générale des relations entre le ciel et la terre, entre les dieux et les hommes : il est un langage divin.

En Chine, l'union des cinq couleurs prêtées à l'arc-en-ciel est celle du yin et du yang, le signe de l'harmonie de l'univers et celui de sa fécondité. Si l'arc de Shiva est semblable à l'arc-en-ciel, celui d'Indra lui est expressément attribué (arc d'Indra, cinthna, est encore le nom qu'on lui donne aujourd'hui au Cambodge). Or Indra dispense à la terre la pluie et la foudre, qui sont les symboles de l'Activité céleste.

Les sept et non cinq couleurs de l'arc-en-ciel figurent, dans l'ésotérisme islamique, l'image des qualités divines reflétées dans l'univers, car l'arc-en-ciel est l'image inverse du soleil sur le voile inconsistant de la pluie (Jili). Les sept couleurs de l'Arc sont assimilées aux sept cieux en Inde et en Mésopotamie. Selon le bouddhisme tibétain, nuages et arc-en-ciel symbolisent le Samboha-kâya (corps de ravissement spirituel), et leur résolution en pluie le Nirmâna-kâya (corps de transformation).

L'union des contraires, c'est aussi la réunion des moitiés séparées, la résolution. Ainsi, suggère Guénon, l'arc-en-ciel apparaissant au-dessus de l'Arche réunit-il les eaux inférieures et les eaux supérieures, moitiés de l’œuf du monde comme signe de la restauration de l'ordre cosmique et de la gestation d'un cycle neuf. De façon plus explicite la Bible fait de l'arc-en-ciel la matérialisation de l'alliance. Et Dieu dit : Voici le signe de l'alliance que je mets entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à venir : je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d'alliance entre moi et la terre (Genèse, 9, 12-17).

De Champeaux reconduit la même image dans le Nouveau Testament, la barque de Pierre relayant l'Arche de Noé : A l'intérieur de cette coquille est circonscrit le mystère de l'Eglise qui est par vocation coextensif de l'univers symbolisé par le carré. Avec Noé, Dieu a inscrit préfigurativement le carré du Nouveau Cosmos dans le Cercle irisé de la bienveillance divine. Il a esquissé le schéma de la Jérusalem des derniers temps. Cette alliance est déjà un accomplissement, une assomption, car Dieu est fidèle. Les Christ en gloire, byzantins ou romans, trônent souvent au milieu d'un arc-en-ciel.

L'association Pluie-Arc-en-ciel fait qu'en de nombreuses traditions celui-ci évoque l'image d'un serpent mythique. C'est en Asie orientale, le Naga, issu du monde souterrain. Ce symbolisme qu'on retrouve en Afrique et peut-être note Guénon, en Grèce, car l'arc était figuré sur la cuirasse d'Agamemnon par trois serpents, est en rapport avec les courants cosmiques, qui se développent entre le ciel et la terre. L'escalier arc-en-ciel du Bouddha a deux nâga pour montants. On retrouve le même symbolisme à Angko (Angkor-Thom, Prah Khan, Banteai Chamr) où les chaussées à nâga-balustrades sont des images de l'arc-en-ciel : ce que confirme, à Angkor-Thom, la présence d'Indra à leur extrémité. Il faut ajouter qu'à Angkor la même idée paraît bien s'exprimer au linteau des portes - portes du ciel, bien sûr - où l'on retrouve Indra et le makara crachant deux nâga. L'arc à makara symbolise très généralement l'arc-en-ciel et la pluie céleste. Les légendes chinoises content la métamorphose d'un Immortel en arc-en-ciel enroulé comme un serpent. Signalons encore à ce propos qu'il existe au moins cinq caractères désignant l'arc-en-ciel et qui, tous, contiennent le radical boel, celui du serpent.

Ajoutons que, si l'arc-en-ciel est généralement annonciateur d'heureux événements, liés à la rénovation cyclique (c'est ainsi, encore, qu'un arc-en-ciel apparut à la naissance de Fou-hi), il peut aussi préluder à des troubles dans l'harmonie de l'univers et même prendre une signification redoutable : c'est l'autre face, gauche ou nocturne, du même complexe symbolique : Quand un Etat est en danger de périr, écrit Houai Nan-tseu, l'aspect du ciel change... un arc-en-ciel se montre... Chez les montagnards du Sud Viêt-Nam, les rapports ciel-terre par l'intermédiaire de l'arc-en-ciel comportent un aspect néfaste, en relation avec la maladie et la mort. L'arc-en-ciel Börlang-Kang est d'origine sinistre ; le montrer du doigt peut provoquer la lèpre. Chez les Pygmées, il est le dangereux serpent du ciel, comme un arc solaire formé de deux serpents soudés ensemble. Chez les Negrito Seman, l'arc-en-ciel est un serpent python. De temps à autre, il se glisse au firmament pour y prendre un bain. Il brille alors de toutes les couleurs. Quand il verse l'eau de son bain, c'est sur la terre la pluie du soleil une eau extrêmement dangereuse pour les humains.

Il est maléfique chez les Negrito Andaman : il est le tam-tam de l'Esprit de la Forêt ; son apparition annonce la maladie et la mort. Chez les Chibcha de Colombie, l'arc-en-ciel était au contraire une divinité protectrice des femmes enceintes.

Pour les Incas, c'est la couronne de plumes d'Illapa, Dieu du Tonnerre et des Pluies. Illapa est considéré comme un homme cruel et intraitable, et, de ce fait, les anciens Péruviens n'osaient regarder l'arc-en-ciel, ils se fermaient la bouche de la main s'ils l'apercevaient. Son nom est donnée à l'échelle permettant l'accès à l'intérieur des temples souterrains des Indiens Pueblo et donc symboliquement l'accès au domaine des forces chtoniennes.

Néfaste également chez les Incas. L'arc-en-ciel est un serpent céleste. Recueilli par les hommes quand il n'était qu'un vermisseau, à force de manger il prit des proportions gigantesques. Les hommes furent contraints de le tuer parce qu'il exigeait des cœurs humains pour sa nourriture. Les oiseaux se trempèrent dans son sang et leur plumage se teinta des couleurs vives de l'arc-en-ciel.

En Asie centrale, une conception assez courante veut que l'arc-en-ciel aspire ou boive l'eau des fleuves et des lacs. Les Yakoutes croient qu'il peut même enlever des hommes sur la terre. Dans le Caucase, on exhorte les enfants à faire attention à ce que l'arc-en-ciel ne les emporte pas dans les nuages."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Selon une tradition quasi universelle, l'arc-en-ciel, à l'instar du pont, permet la communication entre la terre et le ciel et conduit les dieux au royaume des morts. Dans la mythologie scandinave, le pont ou l'arc-en-ciel de Byfrost mène dans la contrée d'Odin (le Walhalla) où les Walkyries accueillent les cendres des héros morts au combat. C'est sr la vision des dieux s'avançant sur ce pont que s'achève L'Or du Rhin de Wagner. L'idée que l'arc-en-ciel relie l'autre monde et celui des vivants se retrouve en Iran, en Chine et en Afrique. Au Japon, on l'appelle « le pont flottant du Ciel » ; pour les Bouddhistes, l'arc-en-ciel est l'escalier aux sept couleurs qu'utilise Bouddha pour redescendre du ciel. Au Tibet, il illustre la montée aux cieux de l'âme des souverains et, pour certains peuples océaniens, il passe pour « un filet destiné à prendre leurs âmes ».

Les croyances occidentales ne disent pas autre chose : en Scandinavie, en Allemagne ou en Autriche, les âmes des enfants, guidées par leur ange gardien, l'empruntent pou rejoindre les dieux et c'est pourquoi la formation de ce météore annonce la mort d'un enfant des environs. En Belgique, dans la région de Liège, un « pont des âmes » se forme toujours au-dessus de la maison où une personne vient de mourir, tandis qu'en Sicile et au Portugal, l'arc-en-ciel est aussi un chemin aboutissant chez les défunts. On dit encore que le comte de Warwick, amiral d'Angleterre et le premier médecin de Jacques Ier (XVIIe siècle), en revenant d'une visite chez le fils aîné du roi atteint de la maladie qui allait l'emporter, virent, dans la nuit peu après minuit, un arc-en-ciel au-dessus du palais Saint-james : l'une de ces extrémités était justement dirigée vers la chambre du malade. Outre-Manche, la présence d'un arc-en-ciel au-dessus d'une maison passe pour présager une mort : celle d'un des habitants ou celle d'un parent.

L'arc-en-ciel, qui, dans la mythologie grecque, est personnifié par Iris, messagère des dieux et des bonnes nouvelles - d'où son surnom d'« écharpe d'Iris » -, figure l'alliance dans la Bible : « Et Dieu dit : Voici le signe de l'alliance que je mets entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à venir : je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d'alliance entre moi et la terre » (Genèse, 9, 12-17). L'arc-en-ciel est le signe de Dieu à Noé après le déluge : une croyance veut qu'il n'y ait pas eu d'arc-en-ciel au cours des mille six cents ans précédant l'épisode de Noé ; il n'y en aura pas non plus pendant les quarante années avant la fin du monde parce qu'une grande sécheresse « précédera l'embrasement de l'univers ».

Aux Caraïbes, et chez certaines tribus australiennes, l'arc-en-ciel passe pour le phallus du dieu du ciel qui frôle la terre en passant.

Les Anciens avaient supposé que l'arc-en-ciel descendait du ciel pour se désaltérer. Dans la Pharsale le poète latin Lucain (1er siècle) écrivait ) ce sujet : « De là, l'arc embrasse les airs d'un cercle imparfait ; coloré de faibles nuances, il boit l'océan, apporte aux nuages les flots qu'il ravit et rend au ciel cette mer qui en tombe sans cesse ». Les traditions contemporaines font toujours mention de cette croyance : au pays de Galles, par exemple, on prétend que l'arc-en-ciel aspire l'eau des rivières pour nourrir les nuages. En Russie, les enfants s'adressent au météore en ces termes : « Arc-en-ciel, arc-en-ciel, ne bois pas notre eau ! » Une tradition russe affirme encore que c'est Dieu ou le prophète Elie qui envoie l'arc-en-ciel appelé « la ceinture (ou écharpe) de la Vierge » aspirer « l'eau terrestre et la porter au ciel, sans quoi la terre serait submergée et nous verrions un second déluge ». C'est pourquoi d'ailleurs, aux yeux des Bulgares, il faudrait redouter un nouveau déluge si aucun arc-en-ciel ne survenait pendant trois ans. Aux États-Unis, l'arc-en-ciel passe aussi pour un signe de Dieu signifiant qu'il n'y aura pas d'inondations.

Selon une idée très répandue, commune aux Peaux-Rouges du Nevada, aux Bororos d'Amérique du Sud et signalée également en Afrique du Sud, en Inde, en Roumanie, en Albanie et même en France, l'arc-en-ciel est identifié à un serpent qui boit l'eau de la mer, des étangs, des rivières et des ruisseaux. En Bretagne, « quelques personnes qui prétendent l'avoir vu de près, affirment qu'il avait une énorme tête de serpent avec des yeux flamboyants ».

En Bretagne toujours, on accusait l'arc-en-ciel de provoquer, en pompant l'eau, des rafales et des coups de vent soudains et on prétendait que, là où il s'abreuvait « on ne vo[yai]t pas l'arc-en-ciel sur l'eau mais on le vo[yai]t dans le ciel au-dessus et l'eau bouillonn[ait] à l'endroit où il l'aspir[ait] ». Du point de vue des marins de la Manche, « si un navire passait par un de ses bouts au moment où il aspir[ait] l'eau, il pou[v]ait être enlevé avec elle ». En Auvergne, le météore plonge toujours une de ses extrémités dans une fontaine et en empoisonne l'eau.

En Corse, la formation du météore est attribuée au fait que « le diable va boire à la grande mer ou au fleuve ». Cette association avec le génie du mal concerne plus généralement l'arc-en-ciel imparfait, « aux couleurs prétendument nocives à contempler », et qui est parfois surnommé l'« arc du diable » ou la « jarretière du diable ». Lorsque l'arc-en-ciel est double, le moins brillant et le moins bien dessiné est celui du diable qui tente d'imiter l'œuvre de Dieu. Selon la légende, « lorsque Dieu eut créé un arc-en-ciel splendide, le diable essaya de surpasser celui du divin architecte ; il porta encore plus loin les deux piliers d'une arcade immense qui devait embrasser dans son cintre de feu l'arc-en-ciel du bon dieu. mais Satan avait trop présumé de ses forces. Non seulement les deux piliers s'élevèrent ternes, mais ils ne purent pas être réunis ; c'est-à-dire qu'il ne put jamais enfermer complètement sa voûte. C'est pourquoi on dit d'un ouvrage dont on ne voit pas la fin : "c'est comme l'arc-en-ciel du diable" ».

L'arc-en-ciel peut avoir des effets nuisibles : si ses deux piliers touchent un arbre, il le fait périr (Alpes-Maritimes), le dessèche et lui fait perdre ses fruits (Lot, Haute-Garonne). S'ils reposent dans un champ, il détruit sa récolte. En Bohême, la pluie qui descend à travers l'arc flétrit tout ce qu'elle touche. Au Pérou, quand il se formait, on recommandait de fermer la bouche pour ne pas avoir les dents gâtées.

Une curieuse croyance veut également que la personne, notamment l'enfant, qui passe sous un arc-en-ciel change de sexe (France, Yougoslavie, Liban). Dans la région de Belfort, une jeune fille qui parvient à lancer son bonnet par-dessus peut devenir garçon.

Dans la Grèce antique, l'arc-en-ciel n'était guère apprécié et présageait une bataille. Dans toute l'Europe toutefois, il est de bon augure (ne promet-il pas le retour du soleil après un orage ou de la pluie en période de sécheresse ?) et constitue un signe de prospérité qui favorise tout projet financier. Il convient d'ailleurs de faire un vœu quand il s'en forme un. Pour les Américains, un arc-en-ciel complet en période de trouble international éloigne tout risque de guerre ; en même temps, la vue du météore peut annoncer une séparation. Signalons encore qu'en Transylvanie, en voir un en décembre n'annonce rien de bon.

Rêver d'un arc-en-ciel es de mauvais augure : s'il se trouve au-dessus de votre tête, il annonce un danger, un changement de fortune et même un décès dans votre famille.

L'arc-en-ciel apporte ou permet de découvrir des richesses : là où il a touché terre se trouve un trésor, une perle magique apportée par une fée, un panier plein d'argent (Auvergne), un quarteron de louis d'or (Lot), un plat d'argent (Wallonie), des vases ou des clefs en or (Allemagne, Russie). Dans les Vosges, « lorsque ses piliers reposent sur des hauteurs, celui qui parviendrait à placer un panier sous l'un d'eux le relèverait rempli d'or ». En Alsace, à chaque fois qu'l y a un arc-en-ciel, un plat d'or tombe du ciel mais seul l'enfant né le dimanche peut le trouver. Chez les Anglo-Saxons également, on peut trouver un pot rempli d'or à une des extrémités du météore tandis que les Yougoslaves prétendent que « le tireur assez adroit pour jeter quelque objet sans valeur par-dessus ce pont céleste le retrouverait de l'autre côté changé en or ! ».

Selon une tradition anglaise, des taches d'huile (qui sont irisées) sur une route mouillée sont des traces laissées par l'arc-en-ciel : qui marche dessus ne peut plus, pendant un temps, faire d'addition sans se tromper. certains, cependant, y posaient le pied en disant : « Arc-en-ciel, arc-en-ciel, porte-moi bonheur. »

L'arc-en-ciel annonce de bonnes récoltes selon l'intensité de ses couleurs, le rouge pour le vin, le vert pour le blé, le jaune pour l'huile (sud de la France). Les années de bonnes moissons sont celles où l'on voit fréquemment un arc-en-ciel après la pluie (Bulgarie, Géorgie, Caucase).

Dans les pays arabes, où les sept couleurs de l'arc-en-ciel sont associées aux « qualités divines reflétées dans l'univers », il est surnommé « le petit tapis de Fatima » et celui qui se forme au printemps annonce une heureuse année. Si, quelque soit la saison cette fois, le rouge du météore domine, il faut redouter que du sang soit versé mais, si c'est le vert, on peut s'attendre à un événement joyeux. L'arc-en-ciel est de bon augure en Chine car « l'union des cinq couleurs prêtées à l'arc-en-ciel est celle du yin et du yang, le signe de l'harmonie de l'univers et celui de la fécondité. »

Dans toute l'Europe, montrer du doigt un arc-en-ciel porte malheur et fait revenir la pluie. En outre sur le doigt ayant servi à ce geste, il poussera un panaris (Vosges, Wallonie) ou un ver (Autriche). Il risque également d'être coupé et de tomber (Picardie) ou encore d'être foudroyé car il tonne aussitôt que l'on montre du doigt un arc-en-ciel (Tchécoslovaquie). Une autre croyance, assez courante en Allemagne notamment, affirme qu'on crève ainsi les yeux des anges.

Il est possible, aux dires de certains, de couper un arc-en-ciel en crachant dans sa main gauche et en y plaçant le tranchant de l'autre main en disant : « Petit arc-en-ciel, coupé ru seras, et goutte de pluie aucune ne jetteras ». On peut aussi tourner en rond la salive projetée sur la paume avec le doigt puis couper le rond avec ces mots : « Je te couperai net comme une sonnette ». Cet usage de faire disparaître un arc-en-ciel daterait des païens : il vient peut-être de l'ancienne croyance lui attribuant une réputation maléfique et aussi du fait de son assimilation avec le monde des morts. Dans le folklore actuel il s'agit plutôt d'un jeu enfantin. Pour le faire disparaître, les enfants du nord de l'Angleterre font des croix de paille sur le sol en plaçant une pierre au bout de chaque bâton. En Finlande, on crie : « Arc, disparais, le forgeron viendra avec sa faucille et il te coupera le cou. »

Il faut néanmoins le traiter avec respect : en Italie (Abruzzes), qui urine devant un arc-en-ciel contracte une jaunisse ; en Slavonie, dans les mêmes circonstances, « ce qui sort du corps peut se changer en serpent ».

Un arc-en-ciel le matin est signe de pluie alors que celui qui se forme dans la soirée promet le beau tmpes, d'où le dicton :

Arc-en-ciel le matin,

C'est la pluie en chemin ;

Arc-en-ciel du soir,

Bon espoir.


Outre-Atlantique, on dit également : « Arc-en-ciel le matin, avertissement du marin [ou du berger] ; arc-en-ciel le soir, délice du marin [ou du berger]. »

En Angleterre, où celui du matin annonce un lendemain variable et celui de l'après-midi signifie que le lendemain sera beau, un arc-en-ciel brisé dans un ciel nuageux précède un temps orageux et menaçant : ce météore qui n'apparaît pas entier est connu sous l'appellation de wind dogs (chiens de vent) ou de weather galls (fils du temps).

Les Irlandais s'attendent à une semaine pluvieuse lorsqu'ils voient un arc-en-ciel le samedi.

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Maghnia Abdelgahani propose un article intitulé "Le symbolisme de l'arc-en-ciel chez les gnawa d'Essaouira".

(In : Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, N°42, 2000. Les couleurs de l’échange du Maroc à l’Orient. Les sensibilités dans l’espace euroméditerranéen. pp. 165-173) : =>

 

Selon Fabiano Gontijo, auteur de "Quand Momus passe sous l’arc-en-ciel... La construction sociale des images identitaires homosexuelles dans le Carnaval de Rio de Janeiro." ( In : VIBRANT-Vibrant Virtual Brazilian Anthropology, 2008, vol. 5, no 2, pp. 304-337) :


[...] Une légende portugaise dit que quiconque réussit à passer sous l’arc-en-ciel aura son sexe/genre modifié immédiatement (1). Le Carnaval, fête gouverné par le mythologique roi romain Momus, paraît fonctionner comme un arc-en-ciel (de situations d’interactions) qui, non seulement aurait un pouvoir rituel (ou une efficacité symbolique ?) sur la sexualité, le genre et l’apparence corporelle, mais créerait de l’expérience sociale – identitaire – réelle et permanente…


Notes : 1) N’oublions pas que l’arc-en-ciel est aussi le symbole presque universel de la lutte des homosexuels pour l’égalité des droits. Par ailleurs, l’arc-en-ciel, dans la mythologie et la cosmogonie bantoues (Oxumaré, dans les religions afro-brésiliennes), mais aussi pour la plupart des indiens du continent américain, est le serpent créateur de la forme arrondie de la planète (Câmara Cascudo 1985).

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Voici le résumé d'un article de François Jacquesson, intitulé "Dieu, Jésus et l’arc-en-ciel. Représentations chromatiques de la profondeur." (In : A. Dubois, J.-B. Eczet, A. Grand-Clément, Ch. Ribeyrol. Arcs-en-ciel & couleurs, CNRS Editions, pp. 219-244, 2018) :


L'arc-en-ciel au Moyen âge est surtout représenté quand il s'agit d'illustrer l'histoire de Noé, lorsque Dieu décide de lui assigner le rôle de signe d'alliance entre lui et les humains. Mais en fait, il fait partie d'un groupe de représentations de la divinité, tant pour les capsules colorées qui entourent Dieu en haut des images, que Jésus dans la scène de la transfiguration, ou plus généralement dans le cas des orbes et mandorles qui désignent les personnages divinisés. A chaque fois, la membrane colorée qui entoure les sujets désignés est faite d'une juxtaposition de couleurs, comme dans l'arc-en-ciel. Nous allons montrer qu'il s'agit en réalité de cas de la représentation tardo-antique et médiévale de la profondeur dans l'image.

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Symbolisme celte :


Chez les Celtes, l'arc-en-ciel désigne les roues vibrantes que la tradition indienne nomme chakras. Voir à ce sujet l'article sur le Dragon arc-en-ciel.

 

Mario Alinei, dans "L’étude historique des êtres imaginaires des Alpes dans le cadre de la théorie de la continuité". (In : Actes de la conférence annuelle sur l’activité scientifique du Centre d’Etudes Franco-provencales : Les Etres imaginaires dans les récits des Alpes. 1997. pp. 103-110) explique la rationalisation du mythe initial :


L’arc-en-ciel qui boit en latin et dans les traditions orales européennes :


Je le montrerai avec l’illustration d’un autre exemple, celui d’un des plus fréquents parmi les êtres imaginaires des Alpes, qui peut se manifester, entre autres, comme arc-en-ciel, et en particulier comme arc qui boit (Alinei 1983, 1984b). Il faut d’abord se souvenir que la conception de l’arc-en-ciel, comme être qui boit les eaux de la terre pour les reproduire sous forme de pluie, s’étend bien au-delà de la région des Alpes. Heureusement pour nous. Car dans plusieurs aires européennes on a conservé la forme complète du mythe, où l’arc-en-ciel est un animal gigantesque, le plus souvent un serpent-dragon, qui boit l’eau et la fait tomber sur la terre, en respectant les lois de la physiologie réelle. Or, le mythe de l’arc-en-ciel qui boit est aussi attesté en latin. Mais comment ? Plaute, dans une de ses comédies, fait prononcer les mots bibit arcus » ‘voilà l’arc-en-ciel qui boit’ à l’un de ses personnages, qui voit une vieille femme en train d’engloutir une grande quantité de vin, se courbant en arrière en prenant la position d’un arc. Il n’y a donc aucun indice d’une conception zoomorphique de ce phénomène. Dans mon analyse de ce passage de Plaute (Alinei 1992a) j’ai suggéré qu’il pourrait cacher une allusion à la figure bien connue de la ‘vieille’, un être imaginaire qui se manifeste dans toute une série de phénomènes atmosphériques et naturels (Alinei 1988), et qui paraît aussi dans le nom dialectal portugais de l’arc-enciel : ‘arc de la vieille’. On peut conclure que les latins au temps de Plaute avaient déjà perdu le mythe zoomorphe de l’arc-en-ciel, en le remplaçant par un mythe anthropomorphique plus approprié au rationalisme de leur nouveau panthéon. Il faut donc se garder de donner une primauté obligatoire aux documents tirés du latin, et de considérer la tradition orale des Alpes ou de n’importe quelle autre région comme nécessairement plus récente. Au contraire, il faut profiter de la leçon des savants qui ont étudié plus en profondeur les traditions orales de l’Europe et du monde, et qui sur la base d’études fort originales ont pu conclure que les mythes de la tradition orale vivante peuvent être beaucoup plus anciens que les mythes dits anciens (e.g. Propp 1972).

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Symbolisme onirique :


Pour Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),


"D'un geste grandiose, Dieu reproduit l'antique signe de Son Alliance avec la multitude des hommes. L'arc-en-ciel jette un pont immense et solennel reliant une origine inaccessible à l'imprévisible destination.

Les couleurs irisées, ordonnées dans un arc parfait, à la fois distinctes et fondues, témoignent du pouvoir infini de la Source. Des ténèbres, le Créateur a séparé la lumière blanche, de celle-là,. Il a fait jaillir les couleurs.

L'arc-en-ciel onirique semble reproduire, à l'échelle de chaque rêveur, cette aptitude créatrice qui permet le passage de l'unique au multiple, de la solitude à la relation, de la prison du paraître à la liberté de l'être. Signe de passage, signe d'alliance, l'arc-en-ciel du rêve s'inscrit parmi les agents médiateurs qui conduisent la réalisation du processus d'union des contraires. La lecture des scénarios démontre que cette dynamique médiatrice s'applique à des besoins très divers de réhabilitation des opposés. Dans le rêve, un arc-en-ciel se proposera pour relier animus et anima, permanence et évolution, violence et douceur, solitude et communication, ombre et lumière, gloire et humilité, esprit et matière, etc.

Lors de la constitution de la base de données, nous avons spontanément classé l'arc-en-ciel dans la famille des couleurs. Quand le mental évoque un arc-en-ciel, c'est d'abord le spectre des couleurs qu'il se représente. L'arc, cette portion gigantesque d'un cercle capable d'embrasser la terre, n'est présent que secondairement dans la pensée consciente. Les dispositions inconscientes se nourrissent en des zones plus profondes de la symbolique. Elles ne retiennent pas seulement les effets visibles, c'est-à-dire la prodigieuse manifestation des couleurs dans un arc aux dimensions du ciel, elle s'intéressent aux conditions )indispensables. L'inconscient sait que l'arc-en-ciel naît dans l'humide, que sans la présence de l'eau, la lumière solaire resterait entière. SI le soleil apparaît dans 75% des scénarios où se déploie l'arc-en-ciel, c'est, dans la moitié de ceux-là, un demi-soleil qui est mentionné, comme si le rêveur se donnait à comprendre que l'astre ne joue qu'un rôle partiel. Par contre, l'eau est présente dans la totalité des rêves soumis à l'étude. Dans la moitié des rêves, l'imaginaire suit un itinéraire qui conduit de l'arc-en-ciel à la nuit étoilée. Le dix-septième arcane majeur du tarot, intitulé "les étoiles" présente une jeune femme nue versant de l'eau vivifiante de deux urnes dans une mare d'une part et sur la terre de l'autre. Huit étoiles, placées au-dessus de cette figure féminine, composent avec elle et l'eau des deux urnes, l'harmonie suprême dans l'humide : l'acceptation de la destinée dans l'abandon des crispations de la volonté individuelle.

L'eau, l'étoile, l'anima... l'arc-en-ciel déployé dans le rêve conduit du soleil à l'étoile, du feu à l'eau, de l'esprit à l'âme, de la volonté à l'espérance. Il signe l'avènement du règne de l'anima, l'intégration des valeurs d'accomplissement dans la voie humide. L'arc-en-ciel est une manifestation éphémère dont l'origine et l'aboutissement se confondent dans le mystère d'inaccessibles horizons. Il est, en cela, une splendide représentation de la vie, mystérieuse par sa cause, éblouissante par ses potentialités, limitée dans sa durée, énigmatique par sa destination.

Ainsi, l'arc-en-ciel onirique est-il un pont jeté entre le monde de la terre et l'autre monde. Les couleurs déployées dans l'arc sont fréquemment associées aux cercles concentriques de la pupille d'un œil. Deux séquences de rêves vont illustrer à la fois cette corrélation et l'aptitude de l'arc-en-ciel à établir une relation entre les deux mondes.

Le troisième scénario de Suzanne commence sur des images très évocatrices, ici condensées en quelques phrases : "Je vois une sorte d'arc-en-ciel... ou un arc-en-ciel, mettons des couleurs.... une sorte de prisme de couleurs.... une colonne de couleurs, parce qu'un arc-en-ciel, c'est un arc ! Mais là, maintenant, je vois plutôt une colonne qui s'élève de la mer, une trombe, mais de couleurs... ça s'élève dans le ciel, droit, pas comme un arc-en-ciel, mais ça décompose les couleurs comme un arc-en-ciel ! Je suis sur une plage, ça me rappelle une plage du Portugal, avec des bateaux, très beaux, très colorés... et ils avaient tous un œil peint sur la coque, à l'avant... et, de l'autre côté, quand on était sur la mer, il y avait des vagues d'une violence extraordinaire. Je me vois très bien au milieu de cette colonne de couleurs et peut-être que, comme cela, je pourrais partir au ciel ou ailleurs, je ne sais pas où... sur une autre planète... là, il y aurait des couleurs très atténuées, passées, très passées, très douces d'ailleurs, des couleurs très très douces... ce n'st pas les tons de la terre. Là, il y a des êtres transparents, ils ne m'entendent pas, ne me voeint pas... il n'y a pas d'animaux sur cette planète, seulement des papillons, aux couleurs très atténuées aux aussi..."

Cette séquence réunit presque toutes les caractéristiques de l'arc-en-ciel imaginé : le rôle de passeur entre les mondes, l'association avec l’œil mais aussi la fonction de réhabilitation des opposés. De la violence des vagues exprimant les pulsions dominatrices qui rendent tumultueuse l'existence quotidienne de Suzanne, l'arc-en-ciel donne accès à la grande douceur d'un monde aux couleurs très atténuées. Du monde des passions à la paix de l'âme, un pont immatériel se propose pour rétablir un équilibre depuis longtemps détruit.

La structure du quinzième rêve de Véronique, rêve particulièrement long, mène la jeune patiente de la solitude dans laquelle elle s'est peu à peu repliée à la relation vivante avec les principaux acteurs de son entourage. La séquence qui suit constitue une charnière entre les images exprimant l'enfermement et celles qui conduiront la rêveuse au sein d'une foule accueillante :

"... J'ai des ailes d'hirondelle... je fais un super-vol dans le ciel et je vais me poser sur un arbre. Cet arbre est violemment agité... mais je sens que si je me calme moi-même, tout se calmera... en effet tout se calme. Il y a des champs, verts, une rivière, des cascades, un torrent... une grande tempête se lève... le fleuve est agité... il pleut d'énormes gouttes, c'est comme si j'étais dans un pays de géants un peu... y a un orage et une grande tempête... c'est marrant, parce que c'est un peu une tempête... ensoleillée ! Parce qu'il y a des éclairs, de la pluie et, en même temps, il y a un arc-en-ciel... alors, c'est qu'il y a un peu de soleil... et ça n'arrête pas de changer... et le soleil transperce toujours plus ou moins la pluie et ça fait super-joli et, tout à coup, je vois un arc-en-ciel enfin, plutôt deux, dont un à l'envers, qui se croisent, bien symétriquement, et en fait... ça fait un œil, enfin un œil vivant, qui s'ouvre et... tout à coup je me sens comme aspirée jusqu'à la pupille de l’œil, que je pénètre et je me retrouve dans une espèce d'autre monde, de l'autre côté de l’œil en fait ! Derrière la pupille... j'ai l'impression d'être dans les couleurs de l'arc-en-ciel, très irisées, mais pas dans un cercle ou dans quelque chose de fermé, mais de me trouver devant un monde... et c'est un monde d'eau, de ciel, enfin, de matière un peu mélangée... je nage dans l'eau d'arc-en-ciel accompagnée d'une libellule... je débouche dans une nuit noire mais très claire avec plein d'astres, de lumières, de bougies, d'étoiles..."

Fils du soleil et de la pluie, l'arc-en-ciel naît dans l'orage. Il n'est pas un indice de transformation paisible. Il mène à la paix de l'âme, mais c'est dans la tempête qu'il puise sa force médiatrice. Comme l'étoile, il est l'agent d'une croissance continue, du rétablissement de la fonction d'évolution permanente. Mais pour réaliser son œuvre, il lui faut briser les digues établies par le système de défense du mental. Il est le produit de psychologies tumultueuses, riches en pulsions contradictoires. On ne peut éviter d'observer que les femmes qui ont accueilli le symbole dans le ciel de leur rêve ont toutes une nature impétueuse, portée à l'exaltation imaginative et animée par de puissantes oppositions.

Une séquence du vingt-septième rêve d'Oliver, dont toute la cure s'est structurée autour de la réhabilitation de l'anima, montrera que les thèmes liés à l'arc-en-ciel sont les mêmes pour les hommes et pour les femmes. Olivier a connu pendant de nombreuses années de grandes difficultés dans sa relation aux autres, génératrices d'un isolement presque total. A ce stade de la cure, les dernières barrières tombent et le rêveur a retrouvé, dans sa vie quotidienne, la joie d'une communication partagée.

"Je vois du bleu... et puis, là, un robinet en cuivre, ancien, usagé... des gouttes d'eau tombent régulièrement. Elles tombent sur une eau calme, paisible, mais qui a les couleurs de l'arc-en-ciel !... Hum... malgré les couleurs de l'arc-en-ciel, c'est aussi une eau très transparente... il n'y a aucun mouvement à part celui des gouttes d'eau... on sent quand même un léger vent qui pousse les nuages de la droite vers la gauche... Des oiseaux passent, chacun à son rythme... ils ont l'air content... ce qui domine dans le paysage, après la tempête du dernier rêve, c'est la paisibilité ! C'est une solitude encore mais qui est agréable... en fait, j'ai dit "solitude" mais je suis au milieu de gens sympathiques... ils paraissent contents... je ne les avais pas remarqués... je décide d'aller en face, de changer de rive, d'aller de l'autre côté de cette pièce d'eau... il y a des coquelicots, des libellules... la nuit tombe, une nuit très noire, avec beaucoup d'étoiles... et la lune... maintenant le jour se lève... je n'y accorde plus d'importance... je ne me sens pas différent le jour de la nuit... j'ai fait le plein d'énergie aux étoiles..."

Une patiente ira jusqu'à placer l'arc-en-ciel de son rêve dans un ciel de nuit et s'exclamera : "C'est beau, un arc-en-ciel, dans un ciel plein d'étoiles !"

*

Hommes et femmes déploient l'arc-en-ciel imaginé à l'heure où la réhabilitation de l'anima s'accomplit dans une dynamique irréversible. Symbole de croissance continue, l'arc-en-ciel dissout les alibis de la raison et délivre les énergies qui s'épuisaient en luttes stérilisantes.

La reconnaissance de l'humide correspond au rétablissement d'un flux vital. retour à la Source, elle renvoie à l'eau ainsi qu'à l'image maternelle. Rêveurs et rêveuses, à travers une vision d'arc-en-ciel, aspirent à la dissolution des conflits altérant la relation à la mère.

De la solitude à la relation, de l'agitation à la paix, de la volonté de maîtrise du destin à l'acceptation de l'imprévisible devenir, la distance psychologique est à la fois nulle et grande à l'infini. C'est un chemin éternel comme le flux d'une eau qui coule, impalpable comme la lumière d'une étoile. L'imaginaire propose un pont capable de mener le rêveur d'une rive à l'autre de son être, un pont de lumière te d'au, un pont aux couleurs de la création : l'arc-en-ciel !"

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Mythologie :


Jean-Baptiste Eczet propose un article intitulé "L’arc-en-ciel mursi (Éthiopie) Réservoir des couleurs et des

personnes" : =>




 

Claudie Haxaire, auteur de « La folie de l’arc-en-ciel ou la longue errance de Bwila », (In : Revue d’ethnoécologie [En ligne], 1 | 2012) relate un rituel de guérison lié à l'arc-en-ciel :


[...] Cet ami, Gbo, était le fils de Gonin-bi-Zre. Il accourut, lorsque, pour venir à bout d’une nouvelle crise de « folie » (gwée) d’un jeune homme du village voisin, l’on fit appel à son père, grand spécialiste des maladies de la tête, que l’on donnait pour puissant féticheur. Le vieil homme, aveugle, avait délégué son fils unique, initié à son art.

Je pris alors l’habitude de rendre visite à ce vieux guérisseur (lia-kle-zan) réputé qui, n’ayant plus rien à prouver à ses pairs, se sentait libre de transmettre son enseignement à l’étrangère que j’étais. Parfois accueillie dans sa chambre, au milieu des objets puissants, je n’ignorais pas ses qualités de féticheurs (yu-kle-zan), mais ceci était affaire d’homme ; un jour, me promettait-il, je connaîtrai la composition de certaines préparations puissantes … un jour … Une relation à plaisanterie, empreinte de tendresse, nous unissait.

Sans doute lui avait-on décrit mon matériel d’enregistrement et ses usages, il savait que je possédais une caméra. Il m’invita un jour à ne pas oublier celle-ci lors de la visite suivante, fixée un dimanche, car, me dit-il, son « apprentie » devait s’exercer publiquement à la danse dawa. Il souhaitait que je la filme. Nous découvrîmes alors tous que Zre était également zu-zan, devin-médium, puisque dawa est une des danses de divination gouro. Dans mon entourage Wagye se dansait un autre rituel qu’il m’avait toujours été strictement interdit de photographier.


Histoire de Bwila et analyse du rituel dawa : Réunir la somme nécessaire à l’achat du mouton sacrificiel ne fut pas facile car Bwila, « l’apprentie » (initiante) en question, réfugiée en cette tribu étrangère auprès de son thérapeute Zre, ne pouvait compter que sur la vente des produits du petit champ qu’elle cultivait seule ; nous dûmes l’aider. Notre participation à la danse consista, en outre, à l’approvisionnement de l’assistance en vin de palme. Bwila fournit par ailleurs le riz et l’huile rouge pour cuisiner la viande. Ce sont en effet les produits qu’exigent les zu, dieux tutélaires, avec lesquels Bwila, devra tenter d’entrer en communication dans la danse. « Souffles des ancêtres », intercesseurs auprès du principe créateur, bali, pour l’attribution du souffle de vie donné à la naissance, les zu accompagnent le double invisible de tout être (lei) ; ils président à sa destinée. Selon leur nature, noirs (protecteurs) ou rouges (agités, dangereux), ils induisent des comportements posés et bénéfiques, la maîtrise d’arts ou de compétences, la fécondité, ou suscitent l’infortune par le désordre des conduites. Mais on comprend que ces ancêtres retirent leur protection à celui qui néglige de les honorer et, pire, transgresse les lois qu’ils ont édictées. Toute maladie, tout malheur, valent comme rappel à l’ordre ; ils invitent à déterminer la faute commise, par le recours aux oracles ou, plus directement, en faisant appel à ceux qui sont susceptibles d’entendre leurs voix : les zu-zan. Les ancêtres du consultant passent par l’intermédiaire des ancêtres du médium pour faire part de leurs desiderata à leurs descendants. Les zu-zan sont ainsi capables d’entrer en communication avec leurs propres ancêtres, ce que les humains ordinaires vivent parfois en rêve, ou dans des circonstances exceptionnelles et dramatiques. Se situer ainsi aux marges de deux mondes sans en perdre la vie ou la raison n’est donné qu’à ceux qui ont hérité de puissances protectrices par leurs pères ou à ceux qui les ont acquises au cours de longues errances, esquivant par la fuite les ordres inhumains de leurs zu. Les zu-zan qui résistent, sans en être brisés, aux épreuves traversées par ceux qui affrontent leur destin, reviennent chargés de la puissance des mondes où les zu les ont précipités, ceux de la brousse, des génies, des ancêtres. Ainsi Zre paya d’un mariage tardif et d’une maigre descendance l’exil de presque vingt ans que lui imposèrent ses zu, mais Gbo, le fils qu’il a initié, semble jusqu’à présent épargné.

Bwila, selon Zre, expie une faute commise autrefois par sa mère et sa sœur, toutes deux emportées avant d’avoir offert réparation. Le sort (les zu) s’en est pris à Bwila, ayant épuisé le reste de sa famille. Persécutée par les voix de ses zu, seule désormais, elle errait de guérisseurs en féticheurs lorsque la réputation de Zre parvint jusqu’à elle, qui appartenait à une autre unité territoriale, lointaine. Les habitants du village se souviennent encore des crises fréquentes qui la faisaient se rouler à terre, criant et délirant. Le diagnostic du guérisseur cependant était qu’il ne s’agissait pas là de folie ordinaire (gwèe), mais de la « folie de l’arc-en-ciel » (bomlin gwèe), lequel, comme chaque Gouro le sait, est l’émanation d’un puissant être de la brousse en forme de serpent python, logé dans certaines termitières. On reconstitua la faute originelle. La mère et la sœur de la malade, parties récolter les délicieux champignons de termitières [Termitomyces], avaient par hasard découvert des objets fétiches, tout en cuir ouvragé, au sommet d’un de ces monticules. Elles les ont ramassés comme le veut la tradition, car il se peut qu’un des ancêtres se manifeste ainsi (il intervient ensuite en rêve pour préciser le rôle de l’objet et les interdits afférents). Mais rien de ceci ne se produisit. Il s’agissait en fait des propres objets puissants de l’arc-en-ciel, que celui-ci avait déposés au soleil pour les faire sécher. Il convenait de les rapporter bien vite. Pour d’obscures raisons, les deux femmes n’en firent rien. Cette négligence leur fut fatale. Bwila n’avait pas d’autre issue, pour survivre, que d’acquérir elle-même une puissance capable de soutenir celle du serpent arc-en-ciel, d’apprivoiser cette puissance de la brousse, en devenant elle-même zu-zan. Le traitement fut long et il fallut tout le talent de Zre pour en venir à bout.

Dans un premier temps, les remèdes visaient à la soustraire au pouvoir de ses persécuteurs avant de la renforcer pour qu’elle puisse les côtoyer sans risques. Mais ceci ne fut pas suffisant car la maîtrise requise devait lui permettre d’initier elle-même la communication. Il fallait ensuite entendre (car seules leurs voix sont perçues), et oser restituer aux consultants la teneur du message. Bwila n’avait pas encore réussi à mener de danse à ce terme.

Zre allait l’orienter dans cette nouvelle tentative, mais, vieux et aveugle, il avait sollicité l’aide d’autres zu-zan, outre son propre fils et son neveu. Une fois l’orchestre de tam-tam accompagné de la cloche métallique et du chœur des chanteuses en place, le maître de cérémonie disposa au centre de l’espace une poterie sans fond emplie d’eau, mais qui ne fuyait pas, signe de sa puissance. Sur cette poterie que son neveu entoura d’un cercle de cendre, il plaça le fétiche hérité de ses ancêtres après les avoir priés en déroulant la litanie de leur histoire. On lui apporta ensuite les statuettes de bois représentant ses zu, les objets puissants qu’il allait porter (ceinture, bonnet à grelots), ou tenir d’une main tandis que, de l’autre, il agiterait un bouquet de branchage de plantes « qui appellent les zu ». Il restait d’autres fétiches, laissés dans un van à disposition des danseurs. Bwila, tant qu’elle l’accompagnait au début de la danse, tenait à la main une petite pince de forgeron miniature, celle des ancêtres dont elle sollicitait la protection. Elle évolua désormais autour du cercle de cendre sans jamais y pénétrer, dans le demi arc de cercle que dessinaient orchestre et assistance, parfois rejointe par les autres zu-zan qui, eux, parcouraient plutôt l’espace laissé libre, scrutant l’horizon qui n’était vide que pour les yeux profanes (« non retournés », non clairvoyants [yüe-zi-zan]).

Après quelques chants de louanges, Zre, d’une danse maîtrisée, retenue, accompagna les chanteuses, puis se rasseyant, délivra la parole oraculaire. Un jeune homme avait été ramené au village très malade, fils d’un autre féticheur et zu-zan, décédé récemment, dont il n’aurait pas perpétué la fonction. La maladie, interprétée comme manifestation du courroux du père, aurait dû être annoncée par l’apparition en rêve du vieil homme. La mère partie interroger son fils alité, on alla chercher l’oncle, lui-même guérisseur, aveugle et clairvoyant, pour conduire l’interrogation des médiums tandis que commençait le sacrifice, le vin de palme circulant à la ronde. À l’issue de cette première consommation Zre laissa la conduite du rituel à Bwila, qui désormais devait chercher, par sa danse malhabile, à entrer en contact avec ses zu. Bien qu’ayant troqué la pince de forgeron pour une queue-fétiche plus puissante confiée par l’oncle dès son arrivée, on la vit rechercher l’accolade avec Gbo et les assistants, qui lui crachotaient sur la tête ou sous la plante des pieds. Les objets qu’elle tenait, ainsi que les accolades et projection de salive mêlée de souffle d’hommes puissants, visaient à renforcer sa force vitale (nyale), attribut de son double invisible. Le souffle est en effet support de cette force vitale : souffle vital (kaa-beli-fuu ou bali-le-fuu) et force vitale (nyale) étant le double (lei) selon les exégètes (Haxaire 2003). Après des phases de piétinements denses devant l’orchestre, elle s’élança en pas rapides et amples vers l’espace extérieur où la suivirent les assistants. Le son de l’orchestre, singulièrement celui de la cloche métallique, avait attiré dans l’espace-temps ainsi délimité les zu, ancêtres invisibles, de chacun des membres de l’assistance. Ceux du malade s’adressèrent aux zu de l’officiante qui revint porteuse d’oracles restitués d’une voix oppressée à la famille. Aucun des assistants ne participa à cette communication, bien qu’ils en eussent le pouvoir. Leur rôle ici semblait d’accompagner l’initiante qui s’aventurait dans le monde des zu en la protégeant de leur puissance17 : elle restait sans doute encore trop fragile pour affronter seule l’espace dégagé. Ainsi soutenue, Bwila put explorer l’ensemble des manquements reprochés ; la famille, épuisée financièrement par les funérailles de cet homme chargé de fonctions et de cultes, avait en effet négligé certains sacrifices qu’elle considérait comme mineurs, dont celui des zu. Ceci transmis, Bwila pu s’entendre confier les reproches d’ancêtres d’autres personnes de l’assemblée, venues dans ce but, puis la cérémonie prit fin. Les tam-tams se turent, on rapporta les objets dans la chambre de Zre, Gbo souleva la poterie, laissant se répandre l’eau qu’elle contenait. Chacun reprit sa place, les ancêtres se retirèrent dans leur monde laissant aux vivants l’espace du village.

Maîtrisant la communication avec ses zu, Bwila a pu repousser sa folie (gwée). Donnée comme « faisant tourner les yeux et la tête au point où, ne reconnaissant ni famille ni amis, alors en butte à une violence qui peut être meurtrière, le fou s’en va errer « en brousse », l’aliénation, peut n’être qu’un signe de l’élection par les zu. Du moins est-ce l’espoir des familles de certains de ces malheureux vagabonds ; elles restent à l’affût des moindres prémonitions formulées par leur enfant, amorce d’une véritable fonction oraculaire. [...]

*

*

Annamâria Lammel


« Le dieu de l'eau, des rivières, des lacs et de la mer c'est l'arc-en-ciel (cha 'macxculi't). Là où l'arc-en-ciel se forme, on peut voir un bébé, un bébé qui pleure, qui porte la couleur préférée des Totonaques (bleu-vert : spu'pu'cu stakni'nqui'). Nous voyons un bébé qui pleure à l'intérieur de l'eau, là où l'arc-en-ciel se forme, là où il se construit. L'arc-en-ciel est un arc et cet enfant se lève à l'intérieur de l'eau et sort. monte vers le ciel, c'est ainsi que se forme l'arc-en-ciel et le bébé tombe sur l'autre côté. Quand on voit un enfant qui pleure, c'est l'arc-en-ciel, le dieu des eaux, et la lumière du soleil (chichini) illumine le bébé. C'est ainsi que les couleurs de l'enfant se reflètent à travers les gouttes de pluie. C'est l'arc-en-ciel. Mais l'eau peut faire du mal à l'homme. Il faut la respecter, elle est sacrée (1) ».


Les Totonaques, qui vivent actuellement au nord de l'état de Veracruz et dans l'état de Puebla au Mexique, doivent faire face aux difficultés d'un climat tropical souvent violent. L'importance du vent et de l'arc-en-ciel (qui apparaît fréquemment après la pluie apportée par les vents du nord) peut être expliquée par certaines caractéristiques du climat de cette région. Près du Golfe du Mexique, contrairement à d'autres régions de ce pays4, les précipitations sont importantes, même pendant la saison sèche, et permettent ainsi deux récoltes annuelles. Mais en contrepartie, ce climat "généreux" soumet les habitants à rude épreuve, car les précipitations sont très intenses au cours de la saison des pluies• Pendant les mois de septembre, octobre et novembre, les cyclones et les ouragans menacent les terres. Pendant l'hiver, les vents du nord provoquent des oscillations thermiques, avec des pluies considérables et des températures pouvant descendre au-dessous de 0°C.6 L'environnement physique justifie l'importance accordée aux phénomènes météorologiques mais, comme les deux citations ci-dessus le montrent, les connaissances empiriques des Totonaques sont intrinsèquement liées à des connaissances culturel1es.

Comment les Totonaques entendent-ils la voix de l'arc-en-ciel et perçoivent-ils les couleurs du vent ? Quels sont les processus cognitifs qui contribuent à construire ces représentations ? Comment s'établit la connaissance sur le climat et sur les phénomènes météorologiques d'un point de vue psychologique? S'agit-il ici d'un rapport entre l'individu et les propriétés percevables des phénomènes physiques ou bien de l'intégration d'une connaissance construite par les lois implicites de la création socio-culturelle et acquise, en tant que partie de la réalité extérieure, par l'apprentissage culturel? Cet article étudie les processus cognitifs mis en jeu au cours de la construction des représentations du climat. Nous présenterons les étapes de la construction de la connaissance climatique et météorologique en fonction des contraintes de l'environnement physique et de la connaissance culturelle.

[...]

Quand la pluie ou l'orage disparaissent, c'est l'arc-en-ciel (cha'macxculi't), être surnaturel et naturel, toujours maléfique, qui arrive. Dans la représentation des Totonaques des deux régions, l'arc-en-ciel, en tant que phénomène physique, n'est jamais séparé de sa composante animique. La définition catégorielle de ce phénomène intègre toujours une relation causale entre le directement perçu (couleur, forme, origine) et l'explication animique. Alors que les informateurs des deux régions ont une représentation catégorielle stable de la pluie à l'âge de 14/15 ans, ils ont des représentations diverses et parallèles de l'arc-en-ciel, y compris pour une même personne. Selon les habitants de Coahuitlan, l'arc-en-ciel peut être un enfant qui pleure, comme le montre le texte cité au début de cet article. Il faut faire attention quand on entend les pleurs d'un enfant abandonné, car c'est peut-être l'arc-en-ciel qui boit le sang des êtres humains. Selon d'autres informateurs, l'arcen-ciel est une femme très mauvaise. Ce phénomène physique peut être également associé au serpent à plumes (lua), en raison de sa position : il se forme entre les nuages. Quand les serpents deviennent très vieux, l'éclair se charge de les emmener de la terre vers la mer: les éclairs sont comme les serpents. Plusieurs informateurs disent que le serpent est un animal gigantesque : quand ses ailes sortent, le tonnerre, son mari, l'emmène avec lui vers le ciel, puis le laisse tomber dans la mer. Le serpent vit dans les hautes montagnes. Ils racontent que quand il est vieux, il reste tranquille, sans bouger et aspire des animaux (chiens, poulets, cochons, veaux). Il accompagne le tonnerre. On entend quand il arrive, puisqu'il apporte de l'eau, crée le tonnerre, amène l'averse. Quelques informateurs ont précisé que cet animal est le masacuate18 • D'autres informateurs disent que le serpent et l'arc-en-ciel sont les mêmes êtres, puisque tous les deux sucent le sang. Cha'macxculi'ttwuan lua, "l'arc-en-ciel se transforme en serpent", s'évapore de l'eau, puis "met des couleurs" et poursuit les êtres humains, en particulier les femmes: "L'arc-en-ciel les contamine et leur met un bébé dans le ventre". Le tonnerre, l'arc-en-ciel, le serpent et la pluie sont ainsi des phénomènes interdépendants.

[...]

Conclusion : Les données présentées montrent que les connaissances verbalement transmissibles sur le climat et les phénomènes météorologiques ont des points communs avec le rite du Volador. Ensemble ils forment un corpus de connaissances accumulées et transmises de génération en génération. Une partie de ces connaissances est connue de toute la population, une autre est accessible seulement après un certains âge (14/15 ans) et une autre encore est le domaine des spécialistes. Ces connaissances possèdent déjà des structures logiques internes et sont acquises par l'apprentissage culturel. Les jeunes apprennent que lorsqu'un bébé pleure, il s'agit de l'arc-en-ciel et que le vent peut avoir des couleurs. Les représentations catégorielles sur les phénomènes physiques de l'atmosphère sont constituées d'une part par la reproduction de connaissances existantes (représentations reproductives) et d'autre part par les représentations réflexives (représentations élaborées par les propres facultés mentales de l'individu à partir de ses propres expériences et 106 interprétations originales). De l'union de ces deux types de représentations naissent les "représentations bimétriques", autour de 14/15 ans. A partir de 14/15 ans, les représentations conceptuelles s'organisent en modèles complexes qui ont une utilité dans la vie quotidienne : ils permettent l'organisation du travail agraire. Les modèles de l'ordre climatique et du chaos offrent des instructions pratiques pour entrer en contact avec la nature. Les rites eux-mêmes donnent le sentiment de pouvoir intervenir sur ce monde climatique extrêmement complexe.


Note : 1) . Le récit en langue totonaque (1985, Coahuitlan) a été raconté par Antonio Jiménez (70 ans, analphabète).

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Contes et légendes :


Maurice Meuleau, dans son ouvrage intitulé Sur les traces des Celtes en Europe (Éditions Ouest-France, 2010) nous rapporte cette croyance populaire :


"Depuis des siècles, les paysans d'Europe centrale ont ramassé des pièces d'or qui brillaient dans leurs champs après la pluie. Pour les archéologues, elles sont les témoins des monnayages celtes qui utilisaient les gisements aurifères de la région. Frappées de façon dissymétrique, avec une face convexe et l'autre concave (c'est-à-dire creuse), elles se présentent comme des coupelles. Persuadés de leur origine surnaturelle et de leurs vertus magiques, les paysans d'autrefois les ont nommées "petites coupes de l'arc-en-ciel" (Regenbogenschüsselchen), parce qu'elles ne pouvaient naître que de l'arc-en-ciel qui succède à la pluie."

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