Étymologie :
CANARD, subst. masc. et adj.
Étymol. et Hist. 1. 1199 « surnom d'homme » (Cart. de Montiéramey, p. 168, Lalore ds Gdf. Compl. : Hugo Canart) ; xiiies. quanart « oiseau palmipède (ds Gdf. Suppl. d'apr. DG) ; fin xive s. id. (Gloss. gall.-lat., B.N. 1. 7684 ds Gdf. Compl.) ; 1487 canard (Vocab. lat. fr., Genève, Loys Garbin d'apr. FEW t. 2, 1, s.v. kan, p. 164b) ; av. 1696 mouillé comme un canard (Sév., 163 ds Littré) ; 2. a) 1834 p. anal. (Boiste : Canard [...] son rauque, hors du ton, produit par les instruments à anche) ; b) 1840 « morceau de sucre plongé dans le café, le rhum [trempé comme un canard] » (Carmouche, Vanderbuch, La Grisette romantique, XVIII ds Quem.) ; 3. a) 1584 bailler un canard à moitié « tromper quelqu'un » (François d'Ambroise, Les Neapolitaines, III, 12 ds Hug.) ; d'où b) ca 1750 « fausse nouvelle lancée par la presse pour abuser le public » (Pt Rob.) ; cf. 1839 (Balzac, Un grand homme de province à Paris [éd. Antoine Adam, Paris, Garnier, 1956] t. 2, pp. 395-396 ds St. néophilol., t. 36, p. 318) ; d'où c) 1842 « journal » (E. de La Bédollière, Les industriels, 222 ds Quem.). Prob. dér. du même rad. onomat. que l'a. fr. caner « caqueter » (1204, Reclus de Molliens, Charité, 21, 5 ds T.-L.), avec le suff. -art que l'on retrouve dans malard (ca 1200, Hervis, Richel. 1244, fo6dds Gdf.) la plus ancienne désignation du canard mâle ; l'hyp. d'une dér. de cane* qui serait en ce cas issu du croisement entre l'a. fr. ane (1175, Chr. de Troyes, Cliges, 3854 ds T.-L., du lat. anas -atis) et le rad. de l'a. fr. caner (Marchot ds Romania, t. 47, 1921, pp. 217-221 ; DG ; DIEZ3 ; REW3, no4671a ; EWFS2) semble moins probable du point de vue chronologique.
Lire aussi la définition du nom pour explorer les premières pistes symboliques.
*
*
Expressions populaires :
Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expressions populaires bien connues :
Un canard boiteux : Comme tous les canards sont plus ou moins boiteux de par leur démarche naturelle, on se demande pourquoi une quelconque vindicte s'attacherait à l'un d'eux en particulier. L'expression est curieusement absente de tous les dictionnaires. Si Littré l'ignore c'est probablement que le canard boiteux s'est répandu après lui, c'est-à-dire vers la fin du XIXe siècle ou le début du XXe.
A mon avis le mot est venu de l'anglais a lame duck dont l représente la traduction littérale. A lame duck est une expression qui a son origine dans la finance britannique, plus précisément dans le monde de la Bourse où elle désigne un marchand de titres incapable de payer ses dettes, et par extension tout spéculateur insolvable. Cela, paraît-il, et sous toute réserve, à cause de la démarche vacillante d'un tel individu obligé de quitter le Stock Exchange honteusement dépouillé, sous les regards de glace de ses impitoyables collègues.
La locution est commune Outre-Manche et le romancier Thackeray l'emploie déjà en 1847 dans La Foire aux vanités : « Les affaires de M. Sadley ont une allure qui ne me plaît guère, et tant que je n'aurai pas vu de mes yeux les dix millions d'Amélia, tu ne l'épouseras pas », signale à son fils un père soupçonneux qui ajoute : « Je ne veux pas d'une fille de canard boiteux dans ma famille. » C'est sans doute dans ce contexte implacable de la finance qu'il faut comprendre le célèbre adage : « Pas de pitié pour les canards boiteux ! »
Cela dit il faut remarquer qu'en anglais le mot lame a plutôt le sens de « boiteux par accident » ; un autre mot désigne la démarche ordinaire et dandinante du canard : « blessé, éclopé ». L'image prend vraisemblablement sa source non dans l'animal de basse-cour, mais dans les fameuses chasses au canard sauvage, fort goûtées justement par l'aristocratie britannique du portefeuille. C'est en passant au français que l'expression aura pris, par le hasard d'une traduction littérale, cette redondance à effet cocasse qui a assuré, si j'ose dire, sa fortune. Il est possible aussi qu'un croisement se soit produit avec la notion, semble-t-il traditionnelle, de « cheval boiteux ». G. Esnault signale pour 1881 « pas de pitié pour les chevaux boiteux ». L'influence de ce dernier a peut-être favorisé l'extension du sens à tous les traînards, les malhabiles et les malchanceux de toutes sortes que la vie, en effet, n'épargne guère.
Parenthèse : un « canard », désignant un journal, vient du sens de « fausse nouvelle » qu'il avait au XVIIIe siècle : « Conte absurde et par lequel on veut se moquer de la crédulité des auditeurs. Cette nouvelle n'est qu'un canard » dit Littré qui rend compte du passage à la presse par l'acception suivante : « Se dit ironiquement de faits, de nouvelles, de bruits plus ou moins suspects qui se mettent dans les journaux. »
Pourquoi cette mauvaise réputation ? Il existait préalablement et depuis le XVIe siècle l'expression « vendre un canard », « Il est clair, précise Littré, que vendre un canard à moitié, ce n'est pas le vendre du tout, de là le sens de attraper, moquer. »
Caner, faire la cane : Pour en finir avec cet oiseau j'ajoute qu'il a fourni également la vieille expression faire la cane : « dérober à propos, faire le plongeon à l'approche du danger », laquelle a donné plus simplement le verbe caner : « reculer, fuir », que Littré signale comme étant un « mot très familier ». Effectivement dans la prose de Marc Stéphane les gens du trimard causent ainsi : « A l'audience, et pis à l'taule, je fis l'cane, naturlic, car de tels matous ne se prennent pas sans mitaines ». (Ceux du trimard). Mais c'est encore Furetière qui explique le plus délicatement l'origine de l'expression : « On dit aussi qu'un homme fait la cane ; pour dire qu'il recule par lâcheté dans les entreprises périlleuses, ou qu'il manque à ce qu'il s'étoit vanté de faire, à cause que les canes sont si timides, qu'elles baissent la tête en passant par une porte, quelque haute qu'elle soit. » Pratique internationale sans doute, car les Anglais disent to duck dans le même sens.
Quant à caner, mourir, il semble venir d'un renforcement argotique du précédent par jeu de mots avec canner, s'en aller, quitter les lieu, c'est-à-dire, « jouer des cannes » : jouer des jambes.
*
*
Croyances populaires :
Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :
MACREUSES. Dans quelques contrées du Nord, et particulièrement sur les côtes d'Irlande et d'Ecosse, on croit encore aujourd'hui que la macreuse, qui est de la famille des canards, ne provient pas d'un ouf comme les autres oiseaux , mais bien d'une sorte de pourriture des végétaux ; et celle croyance, qui était généralement répandue au moyen âge, se trouve affirmée par un grand nombre d'auteurs. Au dire de Maïerus, par exemple, il existe, sur les côtes d'Hibernie, de certains arbres dont les feuilles, en tombant, se changent en oiseaux et en poissons. Celles qui tombent dans la mer se métamorphosent en poissons, celles qui tombent par terre deviennent des macreuses. Selon d'autres érudits de la même trempe, ce ne sont pas les feuilles de ces arbres, mais bien les fruits auxquels on doit la génération en question ; et lorsqu'on les cueille, au lieu de trouver une pulpe à leur intérieur, on y voit une macreuse.
Jonstonius n'admet pas que les macreuses soient le produit ni de feuilles, ni de noix, nais il affirme, dans sa Thaumatographie, qu'elles se forment au fond de la mer, dans des morceaux de bois pourris ; et entre autres preuves qu'il en donne, il rapporte ce fait qu'il emprunte à Boëthius. En 1490, on pêcha sur les côtes d'Ecosse une pièce de bois pourri qu'on fendit en présence du seigneur du lieu, et l'on y trouva une grande quantité de vers, ce qui n'avait rien de bien surprenant. Mais ce qui rendit stupéfaits tous les assistants, c'est qu'au milieu de ces vers s'en montraient un certain nombre qui commençaient à prendre la forme d'un oiseau, les uns ayant déjà des plumes, les autres étant encore tout rouges. D'un autre côté, un certain chevalier Robert Murray déclare également avoir vu des vers rouges donnant naissance à des macreuses. Au surplus, les amateurs du merveilleux pourront consulter à ce sujet les écrits de Maïerus, Jonstonius, Hector Boëthius, Maïo!us, Olaüs Magnus, Orthelius, Turnerus, Odorius, Gessnerus, Aldrovandus et tous les savants en us du moyen âge.
Vers 1807, un journal de Normandie publia, et toutes les gazettes de Paris reproduisirent un article, dans lequel il était dit qu'un mât de navire qui séjournait depuis vingt ans dans la vase, à Granville, en ayant été retiré, on le trouva enveloppé d'un corps marin que les gens du pays nomment bernacle, et qu'au bout de ce corps, sorte de boyau, était une coquille renfermant une macreuse. Voy. CHAMPIGNON.
Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des croyances liées aux cycles de la vie :
A l'endroit où l'on a fait une autopsie, une cane vient toutes les nuits à la même heure se reposer.
*
Symbolisme :
Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,
"Le canard, et plus précisément le couple de canards mandarins (japonais oshidori) est, dans tout l'Extrême-Orient, le symbole de l’union de la félicité conjugale. La raison en est que le mâle et la femelle nagent toujours de concert. Ce symbole est fréquemment utilisé dans l'iconographie [...] ainsi que dans l'imagerie populaire, destinée à l'expression des vœux. Diverses légendes confirment l'explication du symbole. L'image d'un couple de canards est placée dans la chambre nuptiale.
Pour les Indiens de la Prairie, en Amérique, le canard est le guide infaillible, aussi à l'aise dans l'eau que dans le ciel. d'où l'emploi des plumes de canard dans certaines cérémonies rituelles.
Il n'est jamais fait mention du canard dans les textes mythologiques ou épiques, irlandais et gallois. Il a été confondu avec le cygne, dont il diffère cependant, ne fût-ce que par la taille et la couleur. Il serait malaisé de lui attribuer un symbolisme particulier. On trouve cependant des canards représentés sur des objets celtiques de l'époque de la Tène. On serait enclin à donner de ces images, dans le monde celtique, une interprétation analogue à celle du cygne."
"En général représenté en couple, car le mâle et la femelle nagent toujours ensemble et vivent sans changer de partenaire. On offre fréquemment des représentations de canards mandarins lors de cérémonies de mariage pour exprimer des vœux de réussite et de bonheur."
http://www.bouddharieur.fr/chine_chinois/symbole_chinois_asiatique/
*
Mots clefs : la Fidélité, l’Initiation.
"À l’origine, les Canards étaient des animaux sauvages que l’homme chassait. Les Égyptiens commencèrent à les domestiquer vers 1500 avant J. C. et les firent figurer dans leurs élevages. Chez les Gaulois, le Canard était l’animal sacré de la tribu des Sequanes et de leur déesse Sequana. En Chine, il aurait existé une secte dite du Canard et de l’Œuf, dont les membres étaient végétariens et mangeaient des œufs de canes.
En Extrême-Orient, le Canard mandarin Yüan-Yang est le symbole du mariage heureux et de la fidélité, car celui-ci vit toujours en couple (en Chine, il est parfois offert en cadeau aux jeunes mariés). Les plumes de Canard sont utilisées lors de cérémonies initiatiques, que cela soit pour indiquer le passage de l’adolescence à l’âge adulte, lorsque le récipiendaire devient capable de trouver sa propre voie, ou lors des initiations chamaniques."
https://regisliber.files.wordpress.com/2015/03/ttm12.pdf
*
*
Selon Ted Andrews, auteur de Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (Édition originale, 1993 ; traduction française, Éditions Dervy, 2017), le canard répond aux caractéristiques suivantes :
Points clés : Confort émotionnel et protection.
Cycle de puissance : Printemps et été.
Le canard est probablement le plus commun des oiseaux d'eau douce. Du fait de sa connexion avec l'eau, il est lié aux énergies féminines, au plan astral et aux états émotionnels des humains. L'eau est nécessaire à toute vie sur terre. rien en peut vivre sans elle. Les canards nous rappellent de boire les eaux de la vie mais aussi de nourrir nos natures émotionnelles.
Toutes les espèces de canard nagent. Certaines peuvent même plonger jusqu'à 30 mètres (cent pieds). D'autres se nourrissent en plongeant sous l'eau, ce qui nous invite à aller chercher notre subsistance dans nos émotions. Tous les canards vivent près de l'eau ou dessus, sauf le canard des bois (ou canard carolin). Sur terre, ils ne se déplacent pas aussi bien. Pour ceux qui ont un canard pour totem, cela peut refléter une inaptitude à se sentir à l'aise avec la plupart des gens croisés dans leur vie. Et, corrélativement, cela peut traduire un besoin de trouver son confort au sein de son propre « élément » et avec ceux qui ont le même état d'esprit qu'eux. Les canards peuvent nous indiquer que nous sommes sur le point d'avoir une telle opportunité.
Les canards ont joué des rôles importants dans d'autres pays et cultures, ce qui peut attirer notre attention vers des connexions avec des vies passées. Les Égyptiens ont été les premiers à domestiquer des canards. Les Chinois ont eux aussi été des pionniers dans l'art de l'élevage du canard. Voilà deux exemples tout simples que l'on peut explorer.
Les couleurs des canards vont aussi pouvoir nous aider à déterminer le rôle spécifique qu'ils vont jouer dans votre existence. La plupart d'entre eux arborent toute une variété de coloris, allant du blanc à la riche irisation bleu-vert des colverts et des canards des bois.
Le colvert est l'un des canards les plus prolifiques. Il est bon qu'il en soit ainsi, car il est aussi l'un des plus chassés. Ils peuvent être très affables et manifester une grande palette d'émotions. Ils s'acclimatent très aisément (les éthologues parleraient d'empreinte). Pendant plusieurs années, j'ai participé au programme « Adopte un canard » (Adopt-a-duck) organisé lors de chaque fête de Pâques par le musée d'Histoire naturelle de Dayton. Les colverts étaient élevés jusqu'à un âge suffisant pour être relâchés dans la nature afin de repeupler certaines zones.
Les canards me suivaient partout dans la maison et le jardin. A tous points de vue, j'étais à la fois leur père et leur mère. Ces oiseaux montrent une grande disposition à faire preuve d'affection et à vivre en communauté. Ils aiment être entourés. Ils retourneront aussi toujours vers les endroits où ils se sentent en sécurité et dans une situation confortable. Les canards peuvent parfois nous rappeler de retourner dans ces parties de nous-mêmes ou dans des activités où nous nous sentons pareillement en sûreté et à l'aise.
Au cours de l'été, la plupart des colverts traversent une phase d' « éclipse » - une période où ils ne s'envolent pas. Au cours de cette période, ils revêtent le plumage gris-vert des femelles qui leur offre une protection supplémentaire, le temps d'élever les canetons. Même les petits vont à l'eau facilement, ce qui nous incite à ne pas nous fermer à nos émotions. Nous devons chercher à explorer celles-ci autant que tous les autres aspects de nos vies.
Le canard des bois est un autre canard très coloré. L'irisation de ses ailes traduit une sorte de spiritualité qui va s'ouvrir à vous dès que vous allez commencer à évoluer dans votre élément. Les canards des bois se perchent tous dans les arbres et leurs pattes palmées présentent des doigts qui les aident à y grimper. Ils font leur nid bien au-dessus de l'eau dans des branches creuses ou de grands trous - du type de ceux que percent les pics.
Il est difficile de dire comment les petits quittent leur nid et vont à l'eau mais il est généralement admis que les canetons peuvent sauter tout seuls de l'arbre et que c'est bien ce qu'ils font. En général, les canards des bois ont quantité d'habitudes étranges - bien plus qu'il n'est possible d'évoquer dans ce livre. En les étudiant, vous allez trouver bien des manières d'appliquer ces habitudes dans votre propre vie.
Tous les canards évoluent avec grâce sur l'eau. Ainsi, en tant que totem, ils vont vous montrer comment mieux gérer vos émotions, avec grâce et aise. Ils vous apprennent à évoluer dans les différentes eaux de la vie. De nombreux psychologues et thérapeutes ne pourraient faire mieux que d'avoir un canard pour totem afin de les assister dans l'aide qu'ils apportent à leurs patients pour dénouer leurs écheveaux émotionnels.
Note : Le canard carolin ou canard des bois (wood duck) est une espèce unique parmi les canards en ce qu'il peut monter aux arbres. A dire vrai, il vit même dedans. Mais comme tous les canards, il peut nous aider à nous connecter avec les énergies archétypales capables de nous permettre de développer dans nos vies une plus grande sensation de confort émotionnel et de protection.
*
*
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante sur le canard :
Le canard, capable de nager et de voler très haut dans les cieux, se situe "au carrefour de trois éléments sacrés fondamentaux : la terre, l'eau et l'air". Dans la mythologie indienne, il joue un rôle essentiel : c'est lui qui, avec le cygne ou l'oie, a couvé l'Œuf cosmique, cet œuf d'où le monde est sorti. Les anciens Grecs, qui l'avaient associé aux cultes d'Aphrodite, déesse de l'Amour et de la Fécondité, et d’Éros, autre divinité de l'Amour, faisaient toute confiance à sa chair comme stimulant sexuel. Ce qui explique pourquoi les femmes portaient souvent des bijoux en forme de canard. Il était considéré comme particulièrement bénéfique et bienveillant, comme l'évoque un passage de l'Odyssée : Pénélope, désespérée par l'annonce (fausse) de la mort d'Ulysse, se jette à la mer ; elle est sauvée par des canards. Le mot canard se traduit d'ailleurs en grec par penelope.
On remarquera que, comme la femme d'Ulysse, le canard, que l'on voit toujours en compagnie de sa femelle, symbolise la fidélité conjugale. Il est également l'emblème du bonheur du couple : c'est la signification qu'a, par exemple, une tête de lit en bronze de la forme de l'oiseau, retrouvée à Pompéi. Dans les croyances modernes, l'emploi d'un traversin en duvet de canard favorise la sérénité conjugale ; par ailleurs, si une de ses plumes se trouve sous l'oreiller d'un malade, elle prolonge son agonie autant de temps qu'elle y reste.
Selon une croyance du Morvan, faire plusieurs cercles en courant avec, sous le bras gauche, un canard tout blanc mort mais "encore chaud" remédie aux crises d'épilepsie. En Écosse, "les amis d'un malade demandent à un homme doué de seconde vue de venir le matin, de fermer les yeux, et de ne les ouvrir que lorsqu'il sera parvenu au bout de la maison : s'il voit des canards avec la tête sous leurs ailes, le malade mourra à bref délai".
On doit s'inquiéter quand une cane pond des œufs grisâtres ou brun foncé : ils sont de mauvais augure. Les Anglais remédient à ce coup du sort en la tuant et en la suspendant la tête en bas afin que les mauvais esprits qui l’habitent s'éloignent.
Le comportement des canards es riche en indications météorologiques, comme l'avaient déjà observé Aristote et Pline. Quand ils restent silencieux, gare au tonnerre et quand ils sont bavards ou se lissent les plumes, gare au vent. Sil es canards crient et volent à basse altitude au-dessus de l'eau, ou plongent et replongent, s'agitent dans l'eau, la pluie menace. A l'automne, l'examen du sternum ou bréchet des premiers canards sauvages tués renseigne sur la saison à venir : s'il est entièrement rouge, l'hiver sera rigoureux.
Au XVIe siècle, on pratiquait en France une divination par l'examen des entrailles d'un canard domestique :
Prenez la poitrine d'un canard en automne ou après, et regardez bien. Si elle est partout du long blanche, il signifie que nous aurons un hiver chaud. et si elle est au commencement rouge, et après blanche, signifie que nous arons l'hiver au commencement ; et si elle est devant et derrière blanche et au milieu rouge, signifie grand froid au milieu de l'hiver. Si elle est rouge vers le bout derrière signifie que nous aurons l'hiver à la fin.
Chez les Indiens d'Amérique, qui utilisent ses plumes dans certaines cérémonies rituelles, « le canard est le guide infaillible, aussi à l'aise dans l'eau que dans le ciel ». Avant de partie à la chasse au canard, certaines tribus se livraient à de véritables duck dance, soit en imitant le vol de l'oiseau (les Koutchin), soit en émettant des « coins-coins » (les Iroquois).
*
*
Selon le site http://www.signification-reves.fr/, spécialisé dans l'interprétation des rêves :
"Quelle est la signification d’un rêve de canard ? L’interprétation d’un rêve de canard, pour une femme en particulier, est fortement lié à la démarche pénible du canard, à son inaptitude à se déplacer sur terre.
Le vilain petit canard
Une cane découvre un gros œuf prometteur, il est abandonné, elle le couve avec les siens. C’est ainsi que va naître le vilain petit canard, rejeté immédiatement par tous en fonction de sa différence physiologique : il est gros et maladroit, détesté en raison de sa couleur, de sa laideur.
A la solitude succède l’exil : le vilain petit canard est contraint de quitter la collectivité dans laquelle il est né. Un jour, dans le reflet de l’eau, il se voit et constate les modifications de son corps : il est un cygne, magnifique, un cygne comme ceux qu’il a vus récemment, il fait partie de cette communauté qu’il a croisé récemment.
Le vilain petit canard a découvert sa véritable nature et son appartenance à un groupe. C’est grâce à l’acceptation de sa différence d’une part et à son appartenance à une famille d’autre part que le vilain accède à sa véritable personnalité et à la liberté.
Le canard dans les rêves
Le vilain petit canard était un cygne. Un signe ? Un symbole dans tous les cas.
La symbolique du canard vu dans le rêve découle de ce conte d’Andersen. Un Homme doit s’accepter tel qu’il est, savoir à quel groupe il appartient, pour devenir réellement lui-même. Plus exactement, un homme comme une femme doit pouvoir s’identifier et accepter sa différence pour devenir homme ou femme.
Le canard, comme le cygne, a un long coup, ce qui en fait un symbole phallique. C’est sa différence sexuelle que l’Homme doit intégrer, son appartenance à un sexe. Le canard apparaît dans les rêves de castration, et symbolise l’angoisse de castration chez l’homme et le sentiment de castration chez la femme."
*
*
Selon Didier Colin, Auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Larousse Livre, 2000) :
Qui ne connaît cet oiseau aquatique et migrateur au bec aplati et aux pattes palmées que Donald Duck, le personnage imaginé par Walt Disney, a rendu célèbre dans le monde entier ? Très gourmand, il s'adapte aisément à toutes les conditions climatiques. Mais bien sûr, il aime séjourner dans les régions humides et vivre près des étangs. La cane est prolifique, puisqu'elle peut pondre jusqu'à 80 œufs par an ! Il existe de nombreuses races de canards de par le monde, dont certaines sont très prisées pour l'élevage, mais aussi pour le gibier.
Il semble que, de tout temps, le caquetage si particulier de cet oiseau ait été un objet de raillerie pour les hommes, puisque son nom dériverait d'un diminutifs que l'on attribuait d'abord à un homme bavard Ainsi, il est fort probable que "canard" soit issu d'une contraction des mots "cane" du verbe caner qui signifiait caqueter et "malard", qui désignait un homme bavard puis un canard mâle, et même d' "âne", comme c'est le cas dans l'expression "ne pas casser trois pattes à un canard", qui fait ici allusion non à l'oiseau, mais à un cheval, c'est-à-dire au canasson ou mauvais cheval, ou au mulet et donc, indirectement, à l'âne.
Par ailleurs, si le canard fut souvent considéré comme le symbole de la fidélité conjugale, c'est que cet oiseau aime bien nager en couple sur les étangs ou les lacs. C'est surtout le cas en Chine où, depuis des temps immémoriaux et de nos jours encore, on offrait et on offre donc toujours un couple de canards en guise de porte-bonheur aux jeunes mariés. Oiseau bavard et fidèle, le canard fut toujours perçu sous un jour plutôt sympathique par nos ancêtres."
*
*
Diana Cooper, auteure du Guide des archanges dans le monde animal (édition originale 2007 ; traduction française : Éditions Contre-dires, 2018) nous délivre un :
Message des oiseaux aquatiques :
L'eau transporte la force d'amour unificatrice
du monde, et nous baignons dedans et nous vous la transmettons.
L'amour veut que vous soyez heureux et en paix. Il veut
que vos visions et vos rêves se manifestent pour votre plus
grand bien. Quand vous voyez l'un d'entre nous, nous vous
rappelons d'ignorer le drame extérieur et de plutôt prendre
conscience que l'amour est l'essence de chaque personne et de
chaque animal. Concentrez-vous sur le désir de votre
cœur pour que vous l'attiriez dans votre vie. laissez-le
enrichir vos jours et répandre la joie dans le monde.
L'eau renferme l'énergie d'amour de l'univers et, de ce fait, c'est le ciment qui relie le cosmos et tous les êtres humains. Cette énergie préserve la pureté des oiseaux aquatiques et ils transportent et répandent l'amour dans leurs auras. Ils ont tous des messages spéciaux à nous transmettre et des leçons à nous apprendre.
Les oiseaux de cette section sont tous de la troisième dimension et viennent de Sirius.
Les canards, les poules d'eau et les foulques : Ces oiseaux travaillent tous avec les anges de la paix. J'aime penser aux enfants qui prennent du pain pour nourrir les canards, sans savoir que ces oiseaux leur apportent des messages leur disant de rester calmes, paisibles et en harmonie.
Parfois, les oiseaux relient l'enfant directement aux anges de la paix. Il n'est donc pas étonnant que les enfants aiment nourrir les canards.
Les canards, les poules d'eau et les foulques tirent sur les algues pour libérer les racines et aérer la boue, afin qu'une nouvelle croissance puisse s'établir.
A mesure que le nouvel âge d'or approche et que le monde devient plus harmonieux, nous reconnaissons ces oiseaux pour ce qu'ils sont réellement.
VISUALISATION POUR SE CONNECTER AUX OISEAUX AQUATIQUES
Aménagez un espace où vous pourrez vous détendre sans être dérangé.
Prenez le temps qu'il vous faut pour vous relaxer.
Visualisez que vous êtes près d'une belle étendue s'eau et respirez l'énergie de vote scène intérieure.
Pensez à votre vision, quelque chose que vous voulez vraiment créer dans votre vie.
Prenez conscience qu'un oiseau à longues pattes se trouve dans l'eau et qu'il fixe intensément l'eau limpide et pure.
Pendant que vous l'observez, renforcez votre concentration sur votre vision. L'énergie collective de cet oiseau est avec vous.
Décidez quelle action vous allez entreprendre.
Soudain, dans un éclair bleu-vert, un martin-pêcheur passe près de vous avec un poisson dans son bec.
Prenez conscience qu'un arc-en-ciel se forme dans le ciel et sachez qu'une porte s'ouvre pour vous.
Imaginez que vous passez le pas de la porte et que vous pénétrez dans la scène que vous avez visionnée.
Remerciez l'énergie des oiseaux qui vous aide encore.
*
*
Dans Rencontre avec votre animal totem (édition originale 2010, traduction française 2015), Phillip Kansa et Elke Kirchner nous proposent la fiche suivante sur le canard :
"Caractéristiques positives : Aide à prendre un nouveau départ - Équilibre, espoir et sérénité.
En quoi cet animal m'aide : Généralement, le canard fait son apparition au printemps et annonce un recommencement. Il t'aide à oser prendre un nouveau départ. Ta tâche consiste maintenant à créer un équilibre entre activité et mouvement, et détente et repos. Cet animal totem se déplace dans l'air, dans l'eau et sur la terre. Il te montre ainsi que tu peux avancer de différentes façons. Il est toujours porteur d'espoir.
Comment le canard me protège : En t'offrant la diversité de ses talents, le canard te protège de l'unilatéralité. Il te préserve de la stagnation et te donne espoir. Il propose toujours différentes possibilité d'avancer. Il t'incite à trouver ton propre rythme de vie, et t'alerte lorsqu'un nouveau départ est possible, pour que tu ne passe pas à côté de l'opportunité ou te réveilles trop tard.
Exercice pour me relier à cet animal : Ferme les yeux et imagine que tu es assis au bord d'une rivière paisible. Tu trempes nonchalamment tes pieds dans l'eau tiède. Tu te sens bien. Tu aperçois une famille de canards. Ils se sont rassemblés au bord de la rivière et te regardent avec une curiosité bienveillante. Regarde-les à ton tour et prie-les de te conférer leur force. La joie remplit ton cœur. Si tu le souhaites, invoque des images ou des mots intérieurs qui te montrent la prochaine étape à suivre. Demande à ton moi supérieur de te guider. Note par écrit toutes tes découvertes. Remercie les canards. Respire profondément en ton cœur, et retrouve la sensation de ton corps. Bienvenue dans l'ici et maintenant !
*
*
Selon Annie Pazzogna, auteure de Totem, Animaux, arbres et pierres, mes frères, Enseignement des Indiens des Plaines, (Le Mercure Dauphinois, 2008, 2012, 2015), dans le cercle des animaux, le Canard (Maga ksica) fait partie, au même titre que le Bison, l'Oie, la Moufette, La Perdrix, l'Hermine et l’Élan , des Animaux qui se situent au Nord, symbolisé par le rouge, l'Étoile du Matin, l'élément air et l'intellect.
Mots-clés : "(en négatif) : Indifférence -Détachement.
(en positif) : Guide par excellence - Redonne un souffle de vie et d'espérance.
Il est le guide par excellence. Il marche sur la Terre Mère, vole dans l'air du Ciel et nage sur l'eau qui purifie.
Plus ou moins migrateur, Maga Ksica symbolise aussi quand il arrive de sa région tempérée, un renouveau qui vient vous surprendre alors qu'on ne l'attendait plus. Il redonne un souffle de vie et d'espérance.
Si la cane est brune, le mâle possède de beaux coloris verts sur la tête avec un ruban blanc au cou. "C'est un jeune guerrier qui, aimant jouer avec sa palette de couleurs, le peignit à sa demande". Le couple renoue chaque année sa relation au cours de longues parades compliquées où le lissage de plumes tient une place importante.
Madame "cancane" et pond huit à dix œufs dans un nid édifié au sol ; elle les couvera une lune environ. Monsieur quitte son "épouse" dès qu'elle commence à se poser sur sa progéniture et s'envole pour subir sa mue annuelle avec les autres mâles.
Canard pêche le derrière en l'air en eau peu profonde ; il se nourrit de pousses, bourgeons, baies, vers, mollusques, crustacés... Les bords de son bec sont munis d'indentations qui permettent de retenir les proies ; la respiration cesse lorsqu'il est mouillé.
Le cou de colvert et ses plumes mordorées, ornent le bout du tuyau de la Pipe sacrée afin que la pure fumée soit guidée vers le divin."
*
*
Pour Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique (LLewellyn Publications, 2017 ; traduction française Éditions Véga, 2017), le Canard est défini par les caractéristiques suivantes :
Traits : Le Canard symbolise la maison, la famille et le changement. Le canard est constamment en train de bouger, mais il a tendance à rester dans son groupe ou sa cellule familiale. Il a un fort instinct pour la nichée, ce qui symbolise la maison et la famille, et il prend excellemment soin de ses petits. Une mère canard va les emmener à plus de huit cents mètres de leur nid pour trouver de l'eau et de la nourriture et pour qu'ils nagent. Les plumes du canard sont imperméables : elles sont recouvertes d'une couche cireuse qui permet que tout son corps reste sec même s'il plonge sous l'eau. Cela veut dire que vous êtes quelqu'un qui a fortement la fibre familiale, que vous bougez beaucoup et que vous protégez votre intériorité par une apparence extérieure résistante. Rien ne peut vraiment froisser vos plumes, vous laissez les choses lisser sur vous comme l'eau sur le plumage du canard.
Talents : Adaptable - Équilibre - Changement - Réconfortant - Créativité - Extraverti - Égalité d'humeur - Souple - Liberté - Gracieux - Activités de groupe - Sait gérer le stress - Équilibre mental / corps / esprit - Nouvelles occasions - Sociable - Forts liens familiaux.
Défis : S'envole pour échapper aux situations difficiles - Incohérent - Suiveur plutôt que leader - Cède à la pression de ses pairs.
Élément : Air - Terre - Eau.
Couleurs primaires : Brun - Vert - Rouge - Blanc - Jaune - Mélange de couleurs et de motifs différents.
Apparitions : Lorsque le Canard apparaît, cela veut dire que vous devez trouver une meilleure façon de gérer votre niveau de stress. Lorsque vous êtes trop crispé, énervé ou prompt à vous mettre en colère, c'est en général à cause du stress. Le canard peut vous montrer comment trouver l'équilibre entre l'eau, la terre et l'air pour lâcher ce qui vous agite, laisser partir vos soucis et retrouver l'équilibre. Lorsque vous retrouvez l'équilibre, vous pouvez vous connecter à ces trois éléments et à l'énergie du canard pour revenir rapidement en vous-même, si vous vous sentez décalé. Le canard se sent à l'aise dans toutes les situations et il peut vous prêter sa nature extravertie pour vous aider à vous sentir à l'aise vous aussi. Les canards se rassemblent en grands groupes, ce qui veut dire que vous connaissez beaucoup de personnes. Cela dit, vous n'avez que quelques amis proches en qui vous pouvez avoir toute confiance. Si vous découvrez que vous êtes trop inflexible dans un domaine de votre vie, le canard peut vous montrer comment assouplir les choses et êre plus souple en considérant des façons différentes de faire les choses au lieu de vous en tenir aux méthodes qui ont votre préférence. Le canard peut vous aider à être solide émotionnellement, et, lorsque vos émotions sont fortes, à les comprendre. Le canard vous encourage à vivre dans l'instant au lieu de rester dans le passé ou de vous inquiéter pour l'avenir.
Aide : Vous avez besoin de vous sortir d'une situation où vous vous êtes englué. Le canard aime prendre un chemin facile et migrer vers d'autres eaux s'il se sent en danger, mais il peut aussi vous aider à affronter des situations difficiles ou à vous adapter à de nouvelles personnes et de nouveaux lieux. Il vous donne la capacité de gérer les situations sans vous énerver. Si vous êtes en train de démarrer un nouveau projet ou une nouvelle entreprise, le canard peut contribuer à ce que vos projets prennent leur envol tr s'élèvent vers le succès. Il peut aussi vous aider à libérer les émotions que vous retenez en vous, surtout les rancunes, pour vous sentir sans souci et détendu. Comme le canard, vous n'avez pas peur d'entre en désaccord avec quelqu'un d'autre, mais, lorsque c'est passé, c'est passé - et vous allez de l'avant au lieu de vous tracasser à ce sujet.
Fréquence : L'énergie du canard est solide, légère et complètement équilibrée. Elle ressemble à un écho qui résonne dan la forêt ou au mouvement lente de votre main dans l'eau. Elle est fraîche et rafraîchissante, et vous remplit de bonheur et de joie.
Imaginez...
Vous êtes dans votre jardin en train de nettoyer l'intérieur de votre voiture. Soudain, un canard vole vers vous et se pose sur le siège du passager. Il n'a pas peur de vous et arpente le siège, vérifie le dossier et vous regarde. Est-ce que vous devez lui crier de sortir ? Ou le prendre pour l’enlever de là ? Le canard s'avance vers vos genoux et s'y installe comme dans un nid. c'est un comportement si peu normal que vous pensez qu'il a une signification d'importance. Peut-être que le canard est votre guide. Alors que vous êtes en train de penser cela, il lève les yeux vers vous et caquette "D'accord". Vous faites le calme en vous, lui caressez le dos, et laissez le canard rester niché là aussi longtemps qu'il le veut. Vous lui envoyez des pensées positives et recevez de lui plusieurs messages télépathiques. Au bout d'un moment, le canard descend de vos genoux et s'envole : il vous a délivré ses messages.
*
*
*
*
*
Symbolisme onirique :
Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),
Étrange situation que celle d'un symbole qui occupe une place éminente dans l'imaginaire mais dont le sens paraît avoir échappé aux investigations des auteurs les plus qualifiés. Les ouvrages consacré au symbolisme n'accordent au canard qu'un nombre restreint de lignes, nourries par des thèmes d'une surprenante fadeur. Mêlant interprétation et emblématique, certains rappellent qu'au Japon le canard est un signe de fidélité conjugale en raison du fait que ces animaux forment des couples qui restent généralement unis. D'autres vont jusqu'à s'appuyer sur l'aphonie du canard mâle pour affirme que ce dernier représente l'homme qui subit la domination de sa compagne. Tout se présente comme si de telles considérations avaient pour but de masquer l'insuccès de l'investigation. C. G. Jung lui-même, dans ses principaux ouvrages, ne dit pas un mot sur ce symbole. Le regard des analystes semble glisser sur les plumes du palmipède comme ces gouttes d'eau incapables de les pénétrer.
En suivant le canard du rêve, présent dans plus de 5% des scénarios, le chercheur sera pourtant guidé jusqu'à l'une de ses significations psychologiques les plus fortes qui soient, l'une des plus solidement établies aussi ! Mais avant de s'envoler à la suite de l'oiseau aquatique, il convient d'inventorier les principales images du canard et de s'interroger sur les traces qu'elles ont imprimées dans le langage usuel.
De quel canard parle l'imaginaire ? Du lourd volatile de basse-cour, dit de Barbarie ? Du canard sauvage, par exemple de type colvert ? S'agirait-il d'aventure de ces petites jouets en celluloïd en compagnie desquels tant de rêveurs ont pris leurs premiers bains ? La silhouette cocasse de Donald se profile-t-elle, ici ou là, au fil des séquences oniriques ?
Au terme de l'investigation, il est possible d'affirmer que la seule image presque totalement absente est celle du canard de basse-cour. La signification du symbole subira-t-elle un affaiblissement en raison de la dispersion des représentations du volatile ? Il sera facile de montrer que celles-là contribuent toutes à la formation d'une symbolique commune. Il serait sans intérêt d'énumérer les nombreuses races de canards, pilets, soufflets et autres tadornes, la plupart des patients ignorant ces classifications et l'imaginaire les négligeant toutes. La référence aux expressions usuelles qui se sont forgées dans le langage, autour du palmipède sera beaucoup plus déterminante pour l'accès au sens.
En musique ou en chant, le "canard" désigne la fausse note, un son qui sort de l'harmonie codifiée. Dans le domaine de l’information, c'est la fausse nouvelle. Celui qui, dans un groupe, se distingue par un comportement différent des normes admises sera qualifié de canard boiteux. C'est cette profonde vocation de l'image à représenter des agissements incongrus que le génie de Walt Disney a merveilleusement exploitée en créant le personnage de Donald. L'idée trouve un prolongement – peut-être aussi son origine – dans le qualificatif de vilain petit canard, dont on affuble aisément celui ou celle dont les caractéristiques personnelles diffèrent de celles des autres membres du groupe.
L'évidence s'impose : l'évocation du canard entre en résonance avec l'inconfort de la différence. Plus que la tonalité péjorative se dégageant de chacune de ces expressions, c'est leur fondement commun, c'est-à-dire la non-conformité qui doit retenir l'attention.
Les rêves montrent que le canard imaginé renvoie systématiquement à la plus fondamentale des différences ressenties par tout enfant, la première différence qui l'implique en totalité et qui peut engendrer d'incurables séquelles : celle de la découverte de la différence des sexes !
Depuis de longues années, à l'écoute des scénarios produits par tels rêveurs ou rêveuses, nous avions acquis la conviction que le canard, dans l'imaginaire, est en corrélation avec des aspects sexuels de la problématique. Nous avions surtout pris conscience du fait que l'évocation du palmipède par une femme est une représentation substitutive du pénis, compensatoire ou révélatrice du sentiment de castration. Au fil de la recherche, menée à travers un nombre important de rêves, nous avons franchi quatre phases. Une phase de confirmation, justifiée par le contenu des premiers rêves de femmes examinés. Une phase de doute, lorsque la disparité des thèmes de tous les scénarios nous est apparue. Une phase de surprise quand il est devenu évident que les rêves émis par les hommes étaient encore plus sûrement liés à l'angoisse de castration. Une phase de certitude, enfin, légitimée par le tableau comparatif des corrélations émergeant de l'ensemble des scénarios analysés.
Les associations les plus fortes qu'on relève à proximité de l'image du canard sont l’œil ou les yeux, le regard pénétrant, le jouet, le cygne, le cou, le V et le clown. L’œil, les yeux exorbités, le regard pénétrant sont incontestablement des images qui – parmi d'autres sens très différents – se proposent comme des substituts phalliques. Le jouet, y compris les très modernes jeux électroniques, est reproduction artificielle, en dimensions réduites, de personnages, animaux, ou situations existant dans la réalité ou dans les contes, cette autre réalité des enfants. Cette nature de substitut, nous serions tenté d'écrire de prothèse, convient parfaitement au rôle fantasmatique requis pour exprimer le sentiment ou l'angoisse de castration.
Plusieurs auteurs reconnaissent une parenté symbolique entre le canard et le cygne, parenté déduite de plusieurs mythes rapprochant les deux oiseaux. En dehors de leur commune fréquentation des lieux aquatiques, on voit mal ce qui pourrait justifier l’association des deux volatiles si ce n'est leur cou long et flexible. Celui-là s'offre comme une image substitutive du pénis. Doit-on rappeler que lorsque Jupiter voulut séduire Léda et la pénétrer, c'est en se métamorphosant en cygne qu'il réalisa son intention ?
Il sera certainement judicieux de décrire sommairement les mécanismes psychologiques qui engendrent, lors de la découverte de la différence des sexes, le sentiment de castration chez la fille et l'angoisse de castration chez le garçon. Il nous paraît cependant souhaitable de placer auparavant le canard dans son décor onirique. Deux illustrations vont montrer que le symbole est parfois clairement associé à des évocations phalliques.
Le seizième scénario de Diane est particulièrement édifiant, lorsqu'on sait que cette patiente a subi des viols incestueux alors qu'elle n’était encore qu'une toute petite fille. Sa sœur a connu le même sort : « … je vois des chevaux sauvages... il y a une impression de grande vitesse... ils forment un V... là, je vois un sphinx et... un œil... et puis un cœur de lumière... il y a un aigle immense, posé au-dessus d'un globe.. là, je vois une fleur qui s'ouvre et se referme... et puis... une chambre, ma chambre bleue de petite fille... un petit ourson ou un lapin blanc... et puis... un canard jaune.. c'est vraiment confus aujourd'hui hein ?... Je vois un bras de fauteuil... on dirait qu'il a la forme d'un phallus... là, je vois une ou deux petites filles... on dirait moi et ma sœur... oui... je la prends par la main... [ici la respiration de Diane prend un rythme saccadé] ... il y a une fente... un canard qui entre dans la fente... »
A ce stade de la cure, Diane vit les derniers soubresauts de séquelles de sa douloureuse aventure. Quelques semaines plus tôt elle avait revécu, au cours d'une séance pathétique, la première atteinte. Ce rêve avait commencé par l'image d'un cygne qui entrait également dans une fente.
Ludovic propose à son tour des images on ne peut plus claires. C'est aussi sa seizième séance : « Maintenant, je vois un colvert... un canard, en plein vol... je le vois de profil, de gauche à droite... il avance très vite mais je ne vos pas le battement de ses ailes. Il a le cou très allongé... c'est marrant, je crois qu'il va vite mais je ne vois pas l’effort sur ses plumes... là, une ombre de pénis s'est superposée au cou et à la tête du canard... et là, j'ai cru voir un chardon et en fait je me demande si ce n'est pas un sexe de femme... et le canard est tout petit et entre dedans... le canard est tout petit et à l'intérieur c'est une grotte... impression maintenant de voir le sexe de l'extérieur et les poils pubiens seraient des serpents en agitation... je vois des pinces d'araignée de mer … de yeux... une carapace... un œil... un œil mort... y a une bille transparente qui est sortie de l’œil... c'est un peu le bordel aujourd'hui ! .. Je vois un ver... un ver dont l'extrémité s'ouvre comme une gueule de crocodile.
L'angoisse de castration apparaît en toutes évidence à travers cette séquence de Ludovic. Ce type d'images n'est pas rare à proximité du canard imaginé. Celles de Jérôme résonnent comme un écho aux visions de Ludovic mais elles vont déplacer l'attention vers une autre caractéristique du canard : la démarche et les pattes palmées. Jérôme commence son vingt-deuxième scénario : "C'est dans une cave... y a une momie... un squelette... peut-être d'une femme encore vivante... il y a un homosexuel aussi, que je connais. Je mets mon index dans le sexe de la momie... qui brûle mon doigt ! Je n'ai plus qu'un bot d'index... je suis devenu androgyne... je suis enceinte... j'accouche d'un sexe masculin... mon accouchement a fait de moi un homme ! Maintenant, je vois Osiris... c'est moi ! Je suis Osiris... un dieu-aigle égyptien... je marche … mes pieds sont des palmes ! Osiris est ridicule avec ses palmes... c'est des palmes de canard... on ne peut imaginer un aigle à palmes de canard ! Des pieds palmés et orange ! Il est hué par tout le monde... il reçoit des crachats... »
Quelques lignes d'un rêve d'Anne-Marie confirmeront qu'une traduction du symbole ne peut négliger la particularité de la démarche du palmipède : « … je me sus coupé les jambes... je suis devenue cul-de-jatte... je m'arrête au tronc... et , maintenant, je me vois en barboteuse... une barboteuse très gonflée.. je crie, parce que j'ai les jambes bloquées... je suis une petite fille aux yeux bleus. J'ai une démarche terriblement maladroite, comme un canard... » Dans l'avant-dernier rêve de sa cure, qui s'achèvera sur des visions définitivement résolutoires de sa problématique, Anne-Marie se verra marcher le long d'une allée de la maison familiale, un cobra dressé entre les jambes, avançant de ce fait « en canard » ! On ne saurait souhaiter meilleure démonstration de la relation entre le canard et le sentiment ou l'angoisse de castration. C'est ici l'opportunité de rappeler en termes simplifiés ce que désignent ces expressions. Lorsque la petite fille s'aperçoit pour la première fois qu'elle n'est pas physiquement semblable au garçon, elle constate en tout premier lieu qu'il lui manque quelque chose. Cette découverte engendre un double sentiment d'infériorité et d'injustice. Cette réaction engendre à son tout l'hypothèse suivant laquelle un tel manque pourrait résulter d'une ablation. C'est la naissance du sentiment de castration, aussitôt refoulé mais qui demeurera très actif dans l'inconscient. Ce sentiment trouvera sa confirmation brutale à l'apparition des premières règles et se trouvera réactivé à chaque manifestation périodique. Intolérable, le sentiment de castration se prolonge par l'espérance, inconsciente elle aussi, que l'organe supposé disparu pourrait repousser et provoque des attitudes et des images compensatoires substitutives de cet organe. La prise de conscience de ces mécanismes est l'une des acquisitions les plus libératrices que puisse offrir une cure reposant sur la mise en œuvre de la dynamique imaginaire. Elle est aussi l'une des phases les plus délicates de la reconnaissance de soi.
Lors de la découverte de la différence sexuelle, le petit garçon éprouve d'abord un sentiment inverse de celui de la petite fille. Dans ce monde imprégné par les valeurs de possession, le fait d'avoir quelque chose de plus engendre chez lui un sentiment de supériorité. Mais le constat de la différence déclenche une interrogation : et si la fille avait possédé le même organe et que celui-ci lui avait été enlevé ? Cette simple hypothèse content le germe d'une terrible menace ! Ce qui est arrivé à la petite fille pourrait concerner le petit garçon ! C'est la naissance de l'angoisse de castration qui va s'installer dans l'inconscient de l'enfant et se renforcera lors des premières érections. Lorsque le garçon prendra conscience de la destination sexuelle du pénis la menace deviendra redoutable, l'objet étant devenu plus précieux. Le canard, dans les rêves de femmes comme dans ceux des hommes, traduit toujours quelque peu ce que nous venons d'exposer.
Dans l'article consacré au clown, nous montrons que ce personnage grotesque permet à l'enfant la projection de son authenticité brimée par les attentes de son entourage. Les comportements inadaptés de l'enfant, dont il trouve le reflet dans la figure du clown, résultent du conflit entre ses pulsions naturelles et les exigences du milieu. De ce point de vue, Donald est un digne représentant de la confrérie clownesque. Comme le canard, le clown milite pour le droit à la différence. Ainsi, toutes les corrélations observées autour du canard renvoient à l'aptitude de ce symbole à dire a différence et très spécifiquement la différence sexuelle. Toutes, sauf une, celle qui associe le V au volatile. Le V, c'est gonos, l'angle générateur, l'origine. Le V est vie, il est mère ! Le début d'un rêve de Solange rappelle, s'il en est besoin, le lien évident entre le V et le canard : « Je vois un grand canard sauvage, très gros, qui dirige un triangle en vol d'autres canards vers une terre qui a la même forme de triangle... »
L'association de formes révèle ici sa genèse naturelle. Celle-là ne permet cependant pas d'éluder le lien à l'image maternelle, tel que nous le développons dans l'article consacré au V.
Adrien était affligé, à l'époque où il fit son treizième scénario, d'une impuissance sexuelle totale. Sa cure dénonçait aussi une souffrance ancienne, profonde, liée au ressenti d'abandon par sa mère. Au cours d'un précédent rêve, Adrien a vu dans le ciel un V immense, qu'il traduisit par le mot « Vierge » d'abord, puis par « Vagin ». Le troisième rêve se déroule entièrement sur le thème de l'abandon. Adrien évoque longuement l'aventure de moïse, confié par sa mère aux eaux du Nil, puis il enchaîne : « … J'ai l'image du vilain petit canard qui est refusé par ses parents parce qu'il n'est pas identique aux autres de la portée... peut-être pas refusé, mais pas traité de la même façon... un peu brimé en fait, parce qu'il est noir ! Je pense que j'étais un peu le vilain petit canard quand j'étais petit.... un petit peu abandonné... dont on ne s'occupe pas... il en souffrait ! Je pense à ma grand-mère... c'est elle qui a joué le rôle de maman...
La problématique d'Adrien amalgame la souffrance résultant de la frustration d'amour maternel, le sentiment de différence et la sexualité.
Le canard du rêve, qu'il trace dans le ciel, avec ses congénères, le V d'un vol rapide, qu'il étire son cou pour provoquer une évocation phallique, qu'il affiche une démarche maladroite à laquelle le contraignent ses palmes, sera reçu comme l'indice certain d'un inconfortable sentiment de différence. D'une manière ou d'une autre, un lien existe toujours avec la perception de la différence sexuelle.
Cela vaut également pour les hommes et pour les femmes. Si l'on tient compte les différentes corrélations dont s'entoure le canard imaginé, le tableau récapitulatif de tous les rêves pris en référence montre qu'ils portent, à 100%, la marque du sentiment ou de l'angoisse de castration.
Derrière la drôlerie clownesque de Donald, derrière un bec ou une palme de canard, il y a toujours un inconfort qui remonte à la prise de conscience de la différence des sexes. Il y a, aussi, toutes les inadaptations résultant du conflit entre l'authenticité d'être et le besoin de répondre au regard des autres.
Le canard du rêve agit comme une clef qui peut ouvrir un vaste champ d'attitudes nouvelles, dans les relations en général et plus particulièrement par rapport au partenaire sexuel.
*
*
Symbolisme alimentaire :
Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :
Le caractère du canard est comparable à une grande roue, de grande envergure et riche de potentialités, un peu comme une antenne parabolique circulaire, mais alors une antenne qui saurait que tout se trouve en elle, qu'elle n'a pas à se remplir en aspirant les éléments qui pourraient venir à elle de l'extérieur. Le canard t'invite à prendre conscience du fait qu'il y a réellement tant de possibilités en toi. Comme dans le réseau d'un système informatique, si compliqué et en même temps si simple, tout est contenu en lui, le Canard, mais de façon bien plus riche encore chez l'être humain, bien que ce dernier n'en aie pas conscience.
Un "système" de la vie qui fonctionne merveilleusement bien, sans que nous devions tout comprendre, régler, étudier. Tout comme nous nous basons sur le fonctionnement de notre corps, sans devoir tout éplucher en détails : cela fonctionne bien et c'est magnifique. Ainsi, le Canard nous montre combien il est important de se "rendre compte" de ceci, car plus nous avons connaissance de ces potentialités incommensurables dans notre esprit, dans le corps, plus nous croirons que tout se déroulera bien, que la santé, pour autant qu'on ne la détraque pas en jouant avec elle et qu'on ne doute pas d'elle, est en fait l'état naturel fondamental de l'être humain.
L'être humain lui-même ajoute à ceci que, lorsque de surcroît il dirigera sa vie consciemment, tous ces éléments incorporés en lui se mettront au service de la Vie, de la joie et de la santé.
Le Canard représente en même temps la belle délimitation structurelle ou la protection et l'enveloppement ou l'encadrement d'un contenu. Qu'il s'agisse de métal, de bois ou de quoi que ce soit d'autre : la manière dont une donnée, une maison par exemple, ou le contenu d'un être humain, est placé à l'intérieur d'une structure esthétiquement merveilleuse. Pensons ici aux pignons à redans de certaines habitations, à un empilement de poutres de bois dans un ordre déterminé, mais toujours avec l'intention de servir le contenu. Le Canard est semblable au pupitre qui porte la partition de musique à jouer ; il connaît la valeur des choses et contribue à donner corps ou forme à certaines choses importantes pour la vie.
La personne qui a très envie de manger du Canard dispose en elle de réserves, de potentiel ou de matériaux de production en abondance, mais il lui appartient de se mettre au travail avec ces données, d'en faire quelque chose. Comme la fileuse qui se trouve devant un amas de laine accroché à son fuseau et le regarde... "Commence donc", dit le Canard. "fais quelque chose avec ces matières premières, aussi bien avec les réserves en toi-même qu'avec les produits bruts à l'extérieur. Commence à filer et fais-en quelque chose d'authentique. Ne laisse pas traîner ça là, inutilisé. Mobilise maintenant à fond ces capacités que tu portes en toi de donner corps aux choses, fais tourner la machine et crée !"
D'abord tu ne voyais qu'une bobine de coton informe, puis l'instant suivant tu en fais une splendide pièce de dentelle. Et cela vaut aussi pour ce qui est de te créer, de te faire, de te développer toi-même. Ceci vaut pour ton travail, pour ton passe-temps mais aussi pour les relations auxquelles tu donnes une forme. Pour la vie qui elle aussi prend corps ; pour le plus beau des champs d'énergie qui est contenu dans la matière, la forme, les structures.
La personne qui a envie de Canard a donc besoin de parvenir à une prise de conscience et à une force d'action, de savoir qu'elle porte en elle un réseau de possibilités, que le nombre de combinaisons entre les éléments est sans fin, qu'il ne dépend que de son initiative et de son esprit créatif, de son sentiment et de sa bonne volonté, qu'elle réalise de brillantes créations à partir de là. C'est l'être humain qui puise avec aisance dans son riche sous-sol, qui sait relier les composants entre eux avec souplesse et facilité, qui ainsi confère une forme à une potentialité de façon merveilleusement architecturale, exactement comme ces forces au sein d'un être servent à faire de la vie quelque chose de magnifique. C'est l'existence toujours plus vivante et forte, s'agençant suivant des formes et des structures, grâce à l'Être Humain vivant en tant que créateur, en tant qu'agent, en tant qu'entrepreneur actif.
*
*
Mythes et légendes :
Dans son ouvrage intitulé Les Oiseaux messagers des dieux (Coll. Les Chemins de l'impossible, Éditions Albin Michel, 1975) Christine Dequerlor évoque la cosmogonie finnoise qui met à l'honneur le canard :
Naissance du monde d'après le Kalevala
D'après les poèmes épiques du Kalevala, reconstitués près des paysans finlandais qui se les racontaient encore au XIXe siècle, la vierge Luonotar, déesse des eaux, vit dans les mondes supérieurs éthérés, hors du temps, et languit dans la solitude. Un jour, elle descend du Ciel et se jette dans l'écume primordiale, où elle se laisse bercer par les flots. Pendant des siècles, elle cherche en vain un endroit pour se reposer.
Le canard, dieu des airs, en quête d'une place pour construire son nid, aperçoit le genou de la déesse qui dépasse au-dessus des eaux et, là, il pond sept œufs. Alors qu'il les couve, la déesse sent sur son genou une forte chaleur ; surprise, elle sursaute, les œufs tombent et se cassent. Les coquilles brisées se métamorphosent en éléments cosmiques dont le Soleil, le Ciel, la Terre. Les débris foncés des coquilles se transforment en nuages, et les mouchetés en étoiles brillant au firmament.
Ensuite, la déesse des eaux perfectionne cette œuvre, en faisant émerger de la mer primordiale les continents, les montagnes majestueuses, les hauts plateaux, les vastes plaines, creusant les baies et les golfes... Ainsi, la Terre commença à prendre la forme qu'on lui connaît. Dans une autre version, la déesse, est remplacée par Vaïnamoïnen un des trois héros du Kalevala, et le canard, par un aigle qui ne pond qu'un œuf unique sur le genou du héros. Le résultat cosmique est le même.
*
*
Le conte qui a bercé mon enfance et qui a nourri mes premières projections, peut-être... :
Le Vilain Petit Canard d'Andersen.
Philippe Walter, dans Ma Mère l'Oie, Mythologie et folklore dans les contes de fées (Éditions Imago, 2017), nous invite à un jeu de l'oie et de la cane dont
"la case départ : Montfort-sur-Meu (en Ille-et-Vilaine) dans l'arrondissement de Rennes, en lisière de la forêt de Brocéliande. Là, on raconte encore une curieuse histoire de cane immortalisée par le vicomte de Chateaubriand. Quoique fort bref, le récit est un bel exemple de "survivance", c'est-à-dire de persistance d'une tradition orale ancienne et qui, malgré des altérations de surface, conserve un étonnant caractère surannée, pour ne pas dire mythique. Une question se pose d'emblée : serait-il possible que des récits folkloriques (ceux de ma mère l'oie ou de la cane de Montfort) puissent dériver d'anciens mythes, uniquement par tradition orale ? Pour le savoir, il faut partir d'un de ces récits et remonter dans le temps pour suivre ses éventuelles traces aux époques antérieures. Ces récits, on le verra, ne forment pas une chaîne continue scandée par le plagiat de copieurs successifs. Ils n'ont pas été transmis uniquement par la "littérature". leurs traces écrites renvoient plutôt à un même noyau mythique qui a commandé diverses variations tout en se conservant au fil du temps. La modeste cane de Montfort livrera, d'entrée de jeu, une piste inattendue menant vers une déesse oie nommée Némésis, sur la dernière case du jeu.
Une cane de plusieurs siècles (du XIXe au XVIe siècle) : Chateaubriand évoque un air traditionnel que lui chantait sa mère lorsqu'il était enfant. L'histoire se déroule à Montfort-sur-Meu, près de Saint-Malo. Une jeune file est sur le point d'être violée par des soldats ; implorant saint Nicolas dont l'église se trouve à proximité, elle obtient la faveur 'être transformée en cane. La chanson se termine ainsi :
"Cane la belle est devenue,
Cane la belle est devenue,
Et s'envola par une grille,
Dans un étang plein de lentilles."
Cette complainte du XIXe siècle n'est pas pure invention folklorique. Elle relève d'une longue tradition orale dont on retrouve des témoins, en France, sur une période d'au moins trois siècles. Un texte de 1652 en donnait une version édifiante. Il n'y était question ni du viol ni de la métamorphose, au point que Chateaubriand qui s'en tenait aux seuls écrits croyait que sa mère suivait une "fausse tradition". En réalité, la version orale que connaissait Madame de Chateaubriand était la bonne. Ce n'est pas celle qui suit et que le vicomte tenait pour authentique :
"Certain seigneur avait renfermé une jeune fille d'une grande beauté dans le château de Montfort à dessein de lui ravir l'honneur. A travers une lucarne, elle apercevait l'église de Saint-Nicolas ; elle pria le saint avec des yeux pleins de larmes, et elle fut miraculeusement transportée hors du château ; mais elle tomba entre les mains des serviteurs du félon, qui voulurent en user avec elle comme ils supposaient qu'en avait fait leur maître. La pauvre fille éperdue, regardant de tous côtés pour chercher quelque secours, n'aperçut que des canes sauvages sur l'étang du château. Renouvelant sa prière à saint Nicolas, elle le supplia de permettre à ces animaux d'être témoins de son innocence, afin que si elle devait perdre la vie, et qu'elle ne pût accomplir les vœux qu'elle avait faits à saint Nicolas, les oiseaux les remplissent eux-mêmes à leur façon, en son nom et pour sa personne.
La fille mourut dans l'année : voici qu'à la translation des os de saint Nicolas, le 9 de mai, une cane sauvage accompagne de ses petits canetons vint à l'église de saint Nicolas. Elle y entra et voltigea devant l'image du bienheureux libérateur, pour lui applaudir par le battement de ses ailes ; après quoi, elle retourna à l'étang, ayant laissé un de ses petits en offrande. Quelque temps après, le caneton s'en retourna sans qu'on s'en aperçut. Pendant deux vents ans et plus, la cane, toujours la même cane, est revenue à jour fixe, avec sa couvée, dans l'église du grand saint Nicolas, à Montfort."
Le bel effort de rationalisation (la jeune femme est "transportée" mais non métamorphosée) trahit la tradition. Il est vrai qu'un prieur de l'abbaye de Montfort s'était chargé de réécrire l'histoire pour en gommer toute trace de merveilleux. Le vicomte le croit sur parole : il a tort. Il est vrai aussi que, presque deux siècles avant lui, la légende était déjà quelque peu brouillée. dans sa lettre du 30 octobre 1656, Madame de Sévigné entretenait la Grande Mademoiselle au sujet de la cane de Montfort :
"Je m'assure aussi que vous n'aurez jamais ouï parler de la cane de Montfort, laquelle tous les ans, au jour Saint-Nicolas, sort d'un étang avec ses canetons, passe au travers de la foule du peuple, en canetant, vient à l'église et y laisse un de ses petits en offrande.
Cette cane jadis fut une demoiselle
Qui n'alloit point à la procession,
Qui jamais à ce saint ne porta de chandelle ;
Tous ses enfants, aussi bien qu'elle,
N'avoient pour lui nulle dévotion,
Et ce fut par punition
Qu'ils furent tous changés en canetons et canes,
Pour servir d'exemple aux profanes."
Cette version pieuse et moralisée de l'histoire veut inciter les jeunes filles à participer aux processions en l'honneur des saints catholiques, à une époque où la Réforme les discrédite. Pourtant, Madame de Sévigné conclut fort judicieusement son évocation de la cane en ces termes :
"Et si, Mademoiselle, afin que vous le sachiez, ce n'est pas un conte de ma mère l'oie,
Mais de la cane de Montfort
Qui, ma foi, lui ressemble fort."
La cane de Montfort serait ainsi une parent mythique de la mère Oie. Le jugement de Madame de Sévigné ne saurait surprendre ; elle a senti l'affinité mythique profonde qui unit canes et oies dans les récits traditionnels et dans le récit de Montfort en particulier.
Un siècle et demi avant Madame de Sévigné, à la fin du XVe siècle, un doge de Gênes congédié en 1483, puis exilé à Fréjus, publie en 1509 un recueil d'anecdotes et d'éphémérides où se glisse l'histoire de la cane bretonne :
"Dans cette partie de la Gaule qui autrefois devait le cens aux Vénètes et aux Morins qu'aujourd'hui on appelle la Bretagne, proche de la ville de Rennes, il y a une petite ville du nom de Montfort, où, au mois de décembre, lors de la fête de saint Nicolas, venant d'un étang non loin de la ville, soit à l'heure de la messe, soit à l'heure des vêpres, une cane pénètre dans l'église avec treize poussins, puis, après avoir fait le tour de l'autel, retourne dans le même étang, un des poussins qu'elle avait amenés avec elle manquant toujours, sans que l'on remarquât réellement où il s'était retiré. Si quelqu'un, pour faire preuve de la chose, tentait, soit parce qu'il n'y croit pas, de l'attraper, soit de le tuer, il serait saisi de la rage ou mourrait, ou serait immédiatement frappé d'une maladie grave."
Le récit est visiblement tronqué : il manque la métamorphose, épisode sans doute jugé trop invraisemblable. Toutefois, la localisation en Bretagne tout comme le lien de la cane avec saint Nicolas montrent que la légende de Montfort est parfaitement connue à cette époque. Nous sommes environ trois siècles et demi avant Chateaubriand et l'histoire est déjà bien implantée.
Au XVIe siècle toujours, un autre témoignage plaçait la métamorphose de la cane au cœur du récit. En 1576, Jean Rioche, gardien du couvent des cordeliers de Saint-Brieuc, exposait par écrit la légende avec ses deux épisodes clés. Il note d'abord l'arrivée périodique de la cane autour de la fête de saint Nicolas avec l'offrande supposée d'un de ses canetons et ajoute : "[...] on ne sait où, quoique ce ne soit pas certain." Jean Rioche relate ensuite l'origine supposée du miracle de la cane en rappelant le calvaire de la "jeune fille dévote et honnête" qui fut "enlevée pour être violée par ses ravisseurs et emmenée au bord de l'étang."
"Apercevant des oiseaux, elle implore de ses larmes la sainte troupe des saint et particulièrement saint Nicolas, en vue de son église, qu'ils recommandassent u Seigneur qu'elle souhaitait et suppliait d'être plutôt changée en oiseau et s'envola vers l'étang. Et, en attestation du miracle, elle-même ou d'autres de sa progéniture visite le lieu où il s'est produit."
Ainsi les témoignages, christianisés ou non, de la légende prouvent son étonnante permanence pendant au moins trois siècles. Son noyau narratif est la métamorphose ornithomorphe d'une dame pour échapper au viol.
L'apparition de saint Nicolas dans le récit s'explique par une double spécialité du saint. Sa légende rapporte qu'il a sauvé trois jeunes filles pauvres de la prostitution. En offrant de l'argent à leur père, Nicolas fournit la dot qui permettra de marier dignement les trois filles. En outre, saint Nicolas est le protecteur des navires et le patron des mariniers : il évite la noyade. La meilleure façon de sauver la jeune femme n'est-elle pas de la transformer elle-même en une sorte de navire, c'est-à-dire en oiseau capable de "nager" (en ancien français, le verbe nager vient du latin navigare et gardera le sens de "naviguer" jusqu'au XVe siècle).
Mais avec Nicolas, une autre sainte veille également sur la cane ; il s'agit de Brigitte, l'abbesse irlandaise de Kildare également implantée en Armorique. On comprendra bientôt l'importance de cette figure :
"Il était une fois une princesse que poursuivait un méchant capitaine qui en voulait à son honneur. Sur le point d'être atteinte par lui, elle se jeta à la mer, et elle allait périr quand elle invoqua saint Brigitte sa patronne. Sa prière fut exaucée, et elle fut à l'instant changée en cane, de sorte qu'"il lui fut facile de s'éloigner en nageant.
La sainte ne borna pas là sa protection : un peu plus loin la princesse rencontra un génie des eaux, qui la recueillit dans son palais sous-marin ; elle y redevint femme et plus tard l'épousa.
En reconnaissance de cette miraculeuse intervention, chaque année, le jour anniversaire de celui où elle avait été sauvée, la princesse venait avec ses enfants remercier sainte Brigitte en sa chapelle. Mais pour éviter toute relation avec les hommes, elle se montrait alors sous la forme de cane, que la sainte lui avait donnée quand elle était en danger de se noyer, et ses enfants devenaient pareillement des canetons."
Sainte Brigitte est la patronne de la cane qui porte donc le même prénom. En fait, malgré le dédoublement (la sainte et sa protégée), les deux Brigitte n'en font qu'une sur le plan mythique. Il semble même assez clair que, dans l'esprit populaire, la cane était sainte Brigitte elle-même ou tout au moins un de ses doubles. On verra plus loin les liens étroits que cette sainte entretient avec les oiseaux.
Selon Paul Sébillot, cette légende se rattache à la chapelle de Merdrignac en Haute-Bretagne, mais il existe d'autres lieux où Brigitte est honorée. Brigitte est réputée donner du lait aux nourrices : difficile de trouver figure plus maternelle que celle-là. On plonge également dans la fontaine de Sainte-Brigitte, à Carnac, les enfants qui ont les jambes trop faibles pour marcher. Cette croyance est la preuve d'une assimilation implicite de Brigitte à la cane ou à l'oie : le palmipède boiteux (alias Brigitte) guérit la difficulté de marcher, exactement comme sainte Odile d'Alsace qui était aveugle guérit elle-même les aveugles : "le même guérit le même" (en latin similia similibus), prétend la médecine populaire, et l'idée moderne du vaccin est fondée sur le même principe."
*
*
Littérature :
Farid Al-Din Attar, poète persan auteur de La Conférence des oiseaux (1177 ; Diane de Selliers, 2012, remaniée par Jacques Prévost) évoque le canard :
CHAPITRE 6. LE CANARD. Le canard sortit craintivement hors de l'eau ; il se rendit à l'assemblée des oiseaux, vêtu de sa plus belle robe, et dit : « Personne, dans les deux mondes, n'a parlé d'une jolie créature plus pure que moi. Je fais régulièrement, et à toute heure, l'ablution légale ; puis j'étends sur l'eau le lapis de la prière. Qui est-ce qui se tient sur l'eau comme moi ? car c'est certainement un pouvoir merveilleux que je possède. Je suis, parmi les oiseaux, un pénitent aux vues pures, au vêtement pur, à l'habitation toujours pure. Rien ne me paraît profitable, si ce if est l'eau, car ma nourriture et ma demeure sont dans l'eau. Quelque grand que soit le chagrin que j'éprouve, je le lave tout de suite dans l'eau, que je ne quitte jamais. Il faut que l'eau alimente toujours le ruisseau où je me tiens, car je n'aime pas la terre sèche. Ce n'est qu'avec l'eau que j'ai affaire ; comment la quitterais-je ? Tout ce qui vil, vit par l'eau et ne peut absolument s'en passer. Comment pourrais-je traverser les vallées et voler jusqu'au Simorg ? Comment celui qui se contente, comme moi, de la surface de l'eau, peut-il éprouver le désir de voir le Simorg. »
La huppe lui répondit : « O toi qui te complais dans l'eau ! toi dont l'eau entoure la vie comme il en serait du feu ! tu t'endors mollement sur l'eau, mais une vague vient et t'emporte ; l'eau n'est bonne que pour ceux qui n'ont pas le visage net. Si tu es ainsi, tu fais bien de rechercher l'eau ; mais combien de temps seras-tu aussi pur que l'eau, puisqu'il te faut voir le visage de tous ceux qui n'ont pas le visage net et qui viennent se baigner ? »
*
*
Dans ses Histoires naturelles (1874), Jules Renard brosse des portraits étonnants des animaux que nous connaissons bien : Canards
I
C'est la cane qui va la première, boitant des deux pattes, barboter au trou qu'elle connaît. Le canard la suit. Les pointes de ses ailes croisées sur le dos, il boite aussi des deux pattes. Et cane et canard marchent taciturnes comme à un rendez-vous d'affaires. La cane d'abord se laisse glisser dans l'eau boueuse où flottent des plumes, des fientes, une feuille de vigne, et de la paille. Elle a presque disparu. Elle attend. Elle est prête. Et le canard entre à son tour. Il noie ses riches couleurs. On ne voit que sa tête verte et l’accroche-cœur du derrière. Tous deux se trouvent bien là. L'eau chauffe. Jamais on ne la vide et elle ne se renouvelle que les jours d'orage. Le canard, de son bec aplati, mordille et serre la nuque de la cane. Un instant il s'agite et l'eau est si épaisse qu'elle en frissonne à peine. Et vite calmée, plate, elle réfléchit, en noir, un coin de ciel pur. La cane et le canard ne bougent plus. Le soleil les cuit et les endort. On passerait près d'eux sans les remarquer. Ils ne se dénoncent que par les rares bulles d'air qui viennent crever sur l'eau croupie.
II
Devant la porte fermée, ils dorment tous deux, joints et posés à plat, comme la paire de sabots d'une voisine chez un malade.
*
*
Dans La Citrouille a besoin de vous (Anatolia Editions, 1994 pour la traduction française) P. G. Wodehouse dépeint un Lord anglais particulièrement naïf :
"Clarence !
- Oui, Oui, ma chère ?"
L'expression de lady constance s'était durcie considérablement, et cela parce qu'elle venait subitement de se rappeler qu'à son entrée dans la pièce, son frère avait eu l'air d'un canard en proie aux affres de la mort. Or les honnêtes gens, se disait-elle, n'ont pas cet air. Le seul homme qu'un observateur impartial risque e moins du monde de confondre avec un volatile à toute extrémité est l'homme dont la conscience est chargée du plus noir des crimes.
[...]
Lord Emsworth émit un sourd gargouillis, très proche du dernier râle de ce canard à l'article de la mort auquel sa sœur l'avait intérieurement comparé.
*
*
Un couple d'eiders prend les eaux en face du cap. Quand deux plaques de glace à la dérive menacent de le prendre en étau, il décolle vers un autre plan libre. Une allégorie de l'exil.
Parfois mon regard s'attarde sur un plan d'eau vide où deux canards se posent soudain comme si une prémonition trouvait son exaucement. Comme lorsque l’œil découvre dans un livre la phrase que l'esprit attendait depuis longtemps sans réussir à la formuler."
Sylvain Tesson, Dans les Forêts de Sibérie,
Éditions Gallimard, 2011.
*
*
*