Étymologie :
OTARIE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1810 (Péron ds Ann. du Muséum national d'hist. nat., t. 15, p. 300). Empr. au gr. ω ̓τα'ριον « petite oreille », dimin. de ο υ ̃ ς, ω ̓ τ ο ́ ς « oreille ». Péron a ainsi appelé cet animal pour le caractériser par rapport à l'ensemble des Phocacés par le trait distinctif : présence d'auricules (lat. sc. auricula « pavillon externe de l'oreille »), et il a choisi le gr. ω ̓ τ α ́ ρ ι ο ν, correspondant du lat. auricula. Voir É. Benveniste ds B. Soc. Ling. t.61, 1, 1966, pp. 87-89.
Lire aussi la définition du nom pour amorcer les premières pistes d'interprétation symbolique.
Autres noms : Lion de mer.
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Symbolisme :
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Mythologie :
Bernard Sergent, auteur d'un article intitulé "Un mythe lithuano-amérindien." (In : Dialogues d'histoire ancienne, vol. 25, n°2, 1999. pp. 9-39) établit un parallèle très intéressant entre le mythe d'Eglé et trois autres mythologies :
Et deux d'entre elles pratiquement aux antipodes de la Lithuanie et de l'Europe : la première est celle des Wayàpi de l'intérieur de la Guyane Française, la seconde est celle des Yahgan ou Yamana, peuple disparu du sud de la Terre de Feu. Une troisième est celle des Coos, d'Amérique du Nord.
[Voici la version yahgane] :
« Deux sœurs des frères Yoalox (on ne connaît pas leurs noms) ont l'habitude de se baigner ensemble. L'aînée se laisse faire la cour et finit par s'éprendre d'un lion de mer (Otaria byronia ou jubata). Celui-ci surgit chaque fois qu'elles se baignent. Il fait l'amour avec l'aînée au-dessous de la surface de l'eau, sans que la plus jeune s'en rende compte. Un jour cependant, elle interroge sa sœur au sujet de l'ombre noire qu'elle la voit essayer de dissimuler sous son propre corps, avec inquiétude. La sœur aînée répond que ce doit être son ombre, mais l'autre dit qu'elle n'en croit rien. L'aînée finit par devenir enceinte. Quand sa grossesse devient visible, le lion marin l'emmène sur son dos jusqu'à la caverne où il la cache et lui donne à manger. Un petit garçon naît. Le lion de mer est inquiet car il sait que les frères de sa femme le tueront s'ils apprennent que leur sœur vit avec lui.
Elle décide d'aller chez ses frères et leur demande si son mari, le lion de mer, peut aller vivre avec eux. Ils acceptent. Le lion marin est admis dans la hutte familiale où il ne pénètre qu'avec difficulté car il est trop gros, et on doit enlever quelques lattes de bois pour lui faciliter le passage. Il rapporte chaque jour beaucoup de poissons et de coquillages pour la famille.
Un jour les frères Yoalox trouvent un prétexte pour éloigner leur femme, Makuxipa, et leur sœur. Le lion de mer recommande à sa femme de revenir immédiatement si elle l'entend crier. Les Yoalox de leur côté confient à Makuxipa qu'ils vont tuer leur beau-frère et ils lui recommandent de calmer les appréhensions de leur sœur si elle entend des cris. Ils consultent leur mère avant de mettre leur projet à exécution : celle-ci déconseille la mise à mort du lion marin qui lui rapporte tous les poissons qu'elle préfère. Les Yoalox lui promettent beaucoup de viande et elle finit par acquiescer. L'heure est chaude, le lion de mer s'est assoupi sur la plage et ronfle très fort. Les deux frères le transpercent de leur harpon et il se met à hurler. De loin, les deux femmes entendent ses cris et la sœur des Yoalox, fidèle à sa promesse, rentre à toutes jambes. Mais le chemin est long. Ses frères ont déjà écorché, coupé en morceaux et mis à rôtir le lion de mer. Son fils, qui joue devant la hutte, reçoit sa part de viande. Quand sa mère le voit manger, elle devine que l'enfant mange son propre père. Enragée de chagrin et de colère, elle lui jette un oursin à la tête et le petit garçon se transforme en poisson suna avec les piquants de l'oursin plantés sur son dos. C'est le poisson que personne n'a le droit de manger.
L'indienne pleure amèrement son mari ; ses frères et Makuxipa font comme si de rien n'était. Lorsqu'ils apprennent que le petit garçon s'est transformé en suna, ils se mettent en colère et jettent à leur sœur, en se moquant d'elle, les diverses parties du corps de son mari : la tête d'abord, puis les nageoires, l'épine dorsale, le sexe. La femme du lion de mer ne dit rien. Elle ne mange pas, mais après avoir résisté pendant longtemps, elle a tellement faim qu'elle s'aventure à goûter un petit morceau, puis un autre. Peu à peu, elle oublie son mari et mange avec délice la chair et la graisse de lion marin ».
[...]
[Autre version du même mythe] :
Wujyasima, « le seuil dans l'eau », est une plage où campent volontiers les Yahgan. « Une jeune fille de Wujyasima quitte ses parents et va seule jusqu'à la plage où elle se met à jouer, courant derrière les vagues. Un vieux lion de mer amoureux la guette sans qu'elle s'en doute. Il profite du moment où une grosse vague soulève la jeune fille pour surgir près d'elle. Comme toutes les filles yahgan, elle est une nageuse experte et tente de lui échapper. Mais il l'empêche de reprendre pied et la force peu à peu du côté du large. Épuisée, la jeune fille accepte de poser sa main sur son encolure.
« Maintenant que sa vie dépend de lui, elle ne tarde pas à ressentir de la sympathie pour son bizarre compagnon. Ils nagent pendant des kilomètres et finissent par atteindre un grand rocher dans lequel il y a une caverne. La jeune fille sait qu'elle ne peut rentrer chez elle et accepte son sort. Le lion de mer lui rapporte beaucoup de poissons qu'elle mange crus parce qu'ils n'ont pas de feu ».
Ils ont bientôt un enfant, de forme humaine mais poilu comme son père. Il peut assez vite parler avec sa mère. « Le vieux lion de mer ne peut parler, lui, mais il est si bon que la jeune femme s'attache beaucoup à lui. Elle languit cependant de voir sa famille et après s'être confiée au vieux lion, part avec lui et leur fils pour Wujyasima....
« Parvenu à la plage, le lion de mer s'étend au soleil pour se reposer. Sa femme prend son fils par la main et gagne Wujyasima. Elle y revoit sa parenté qui la tenait pour morte depuis longtemps ». On organise un repas. Les femmes vont chercher des oursins et des moules, pendant que les enfants jouent, et les hommes de leur côté vont à la recherche de viande. Ils découvrent ainsi l'otarie, rampent jusqu'à elle, la tuent. « Chargés de viande, ils retournent au camp et la mettent à rôtir. Les enfants hument la délicieuse odeur du rôti et se rassemblent autour du feu. Le petit garçon reçoit sa part de viande comme les autres ». Dès que sa mère comprend ce qui arrive, elle jette sur l'enfant un oursin, l'enfant tombe à l'eau, et se transforme en syuna. « Les femmes se régalent de phoque rôti, seule la femme du vieux lion de mer refuse de manger, pleurant la perte de son petit garçon et de son vieil époux. Elle ne s'est pas remariée avec un homme de son groupe ».
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Littérature :
Robert Louis Stevenson, dans L'Île au trésor (1881-1882) décrit des otaries impressionnantes :
Ce n'était pas tout : j'aperçus en effet, rampant sur des plates-formes rocheuses ou se laissant tomber bruyamment à l'eau, d'énormes monstres visqueux, ressemblant à des limaçons gigantesques, groupés par quarante ou soixante et dont les aboiements répercutaient leurs échos contre le mur de falaises.
J'appris ultérieurement qu'il s'agissait d'otaries inoffensives. Mais sur le moment leur présence, cumulée avec les périls des brisants et les côtes inhospitalières, me dégoûta d'un débarquement en cet endroit. J'aurais préféré mourir de faim en mer plutôt que d'affronter ces animaux.
L ‘OTARIE
L ‘otarie
s‘en réjouit
c ‘est un mot
qui rit rit
aussitôt
qu‘on le dit
Joël SADELER, "L'Otarie" in Les Animaux font leur cirque, Gallimard Jeunesse, 2000.
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