François, le chamane chrétien :
Jean Monbourquette, auteur de Apprivoiser son ombre (Les Éditions Novalis inc...", 2010) relate l'épisode du loup de Gubbio afin d'illustrer le concept jungien d'ombre :
Le Loup de Gubbio
Dans le village de Gubbio, en Italie, résidaient des gens fiers, pour ne pas dire orgueilleux. Leur village était propre ; les rues, balayées ; les maisons, fraîchement blanchies à la chaux ; les tuiles orange des toits, bien lavées ; les vieillards, heureux ; les enfants, disciplinés ; les parents, travailleurs. Perchées sur le flanc de leur montagne, les gens de Gubbio jetaient un regard méprisant sur les villages de la plaine. Ils considéraient « les gens d'en bas » comme malpropres et peu fréquentables.
Or, voici qu'à la faveur de la nuit, une ombre se glissa dans Gubbio et dévora deux villageois. la consternation s'empara de la population. Deux jeunes braves s'offrirent pour aller tuer le monstre. Armés de leur épée, ils l'attendirent de pied ferme. mais au mtn, on retrouva leurs corps déchiquetés.
La panique fut totale. On apprit qu'il s'agissait d'un loup qui, la nuit, venait rôder dans les rues. Pour s'en débarrasser, le conseil du village décida de faire appel à un saint reconnu pour son pouvoir de parler aux animaux. Ce saint n'était autre que François d'Assise. une délégation partit donc rencontrer François pour l'implorer de venir chasser à tout jamais le loup de son paisible village.
Sur le chemin du retour, le saint quitta les délégués de Gubbio à un croisement et s'engagea dans la forêt avec pour objectif de parler au loup malfaisant.
Le lendemain matin, tous les villageois s'étaient rassemblés sur la place publique et s'inquiétaient du retard de François. en le voyant sortir enfin de la forêt, ils se mirent à crier de joie. A pas lents, le saint se fraya un chemin jusqu'à la fontaine, puis, montant sur la margelle, il apostropha son auditoire : « Gens de Gubbio, vous devez nourrir votre loup ! » Sans autre commentaire, il descendit de la fontaine et partit.
Au début, les gens de Gubbio prirent très mal la chose? Ils se fâchèrent contre saint François. Leur peur du loup fit place à la déception et à la colère contre ce saint inutile. mais, se ravisant, ils chargèrent un villageois de déposer, ce soir-là, un gigot d'agneau à sa porte. Et ils firent de même tous les autres soirs.
Depuis lors, personne à Gubbio ne mourut sous la dent du loup. La vie reprit son cours normal. par ailleurs, cette épreuve assagit les gens du village. Ils cessèrent d'afficher une attitude arrogante et méprisante envers les habitants des autres villages de la plaine la présence d'un loup dans leur beau village les avait rendus plus humbles.
Jung considérait la réintégration de l'ombre comme « le problème moral par excellence ». ce travail consiste à reconnaître son ombre, à l'accepter comme faisant partie de soi-même et à la réintégrer dans l'ensemble de sa personnalité. La personne qui parvient à « embrasser son ombre » devient un être complet et unique.
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En conclusion, reprenons la légende du loup de Gubbio. Saint François d'Assise personnifie le Soi. Il enjoint les villageois orgueilleux de ne pas combattre leur loup, c'est-à-dire leur ombre. Mais, bien au contraire, il les invite à accepter le loup comme un des leurs, à bien le traiter en le nourrissant. Ainsi, le loup, au lieu d'être une menace, deviendra une partie intégrante du village. Sa présence constante aidera les villageois à être moins méprisants, moins arrogants et, dès lors, plus humbles et plus vrais.
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Les Racines du Ciel : Saint François d'Assise avec Stan Rougier (19.04.2011) Stan Rougier, éducateur de jeunes délinquants, puis infirmier au Burkina-Faso. A 30 ans il devient prêtre et exerce en ce moment au diocèse d'Evry-Corbeil. Il parcourt le monde en animant des rencontres et des retraites. Son dernier livre : "Saint François d'Assise ou La puissance de l'amour" est paru en 2009 aux Editions Albin Michel. MUSIQUE : - Chanson : "Vieux pélerin qui vagabonde..." du disque "Montre-moi ton visage", variations de Stan Rougier sur les psaumes éditions DDB - « terra mea » : le chant : credo LECTURES : - Thomas de Celano, Vita Prima cité par Stan Rougier dans "Saint François d'Assise" (Albin Michel) - Prière attribuée à Saint François, cité dans Stan Rougier "Saint François d'Assise" (Albin Michel) - "Cantique du frère soleil ou des créateurs", cité dans Stéphane Barsaq, "François d'Assise, la joie parfaite" éditions du Seuil (voix spirituelles) - Joseph Goering, "La vierge et le Graal" éditions Les belles lettres.
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Littérature :
Pure merveille (qu'il faudrait citer de bout en bout) offerte par Marie-Claire : =>
Tony Hillerman, auteur de Les Clowns sacrés (1992, traduction française Éditions Payot et Rivages,1993) établit un lien entre les Clowns sacrés navajos et Saint François d'Assise :
Les koshares, tu sais ce que c'est. Je connaissais un Hopi qui était koshare à Moenkopi. il me disait : "Comparés à ce que notre Créateur voulait que nous soyons, tous les hommes sont des clowns. Et c'est ce que nous faisons, nous autres koshares. Nous nous livrons à des pitreries pour que les gens se souviennent. Pour qu'ils rient d'eux-mêmes. nous sommes les clowns sacrés," me disait-il. Il est mort maintenant, il y a longtemps, mais je me souviens de ça.
[...]
Leaphorn faisait du regard le tour de la pièce minuscule qui était à peine assez haute pour y tenir debout et pas beaucoup plus longue que la couchette qui était dépliée contre le mur opposé. Tout était rangé, tout était impeccable, rien de décontracté, rien de confortable. Une minuscule table, une seule chaise, une étroite banquette repliable avec un meuble de classement à son pied, un petit bureau. Au mur, une photographie de famille encadrée : la mère, le père, trois garçons et une fille. A côté, une autre photo encadrée représentant un jeune homme barbu aux longs cheveux noirs retenus par un bandeau. Un peu plus bas sur le mur, une image de Saint François d'Assise. Leaphorn arrêta son inspection pour lire le poème qui figurait dessous.
Il parlait avec les corneilles
Lui qui était un frère pour la lune
Il ne demandait au Seigneur
Que d'être le bouffon de Dieu.
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