Étymologie :
ARUM, subst. masc.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1389 aronc (Chasse de Gast. Feb. Maz. 514, fo 45bds Gdf. : Se les chiens ont les jambes enflees pour le mal pais d'aroncs ou de ronses, si face comme j'ai dit dessus) ; 1545 arum (Guil. Gueroult, Hist. des Plantes, 52 ds R. Hist. litt. Fr., t. 2, p. 262) ; 1669 aron (Menestrier, Tr. des tourn., Des noms et des devises, p. 240 ds Gdf.). Empr. au lat. aron ou arum « gouet, pied de veau » (Pline, 8, 129 ds TLL s.v. aros, 630, 25) et « colocase » (Id., 24, 142, ibid., 630, 16), lui-même empr. au gr. τ ο ̀ α ́ ρ ο ν de même sens.
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Arum maculatum - Arum tacheté - Chandelle - Cheval-Bayard - Chou-poivre - Gouet tacheté - Herbe à pain - Langue-de-bœuf - Manteau de la Sainte-Vierge - Pain de pourceau - Pied-de-bœuf - Pied-de-veau - Pilette - Poupâ - Poupou-lôlo (Wallonie) - Racine amidonnière - Vachotte - Vaquette -
Arum italicum - Arum d'Italie - Birette - Gouet d'Italie - Gouet gobe-mouches -
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Botanique :
Selon Stefano Mancuso et Alessandra Viola auteurs de L'Intelligence des plantes (édition originale 2013 ; traduction française Albin Michel, 2018),
"De nombreuses autres espèces [que l'orchidée] pratiquent l'art de l'enjôlement aux dépens d'insectes malchanceux. C'est par exemple le cas de l'Arum palestinum, cousin oriental de l'Arum italicum qui, en Europe, pousse souvent le long des routes et des fossés. Cette plante a pour pollinisateur la drosophile, une mouche très commune qu'elle prend au piège en exhalant une odeur irrésistible pour elle, à savoir celle d'un fruit en fermentation. Attiré par ces effluves, l'insecte s'introduit tout joyeux dans l'inflorescence qui se referme derrière son passage et le garde prisonnier en général pour une nuit entière.
Lors de ses vaines tentatives d'évasion, il continuera de voler de marcher, de s'agiter dans tous les sens et de se couvrir ainsi de pollen. Lorsque l'inflorescence se rouvrira, il pourra enfin s'échapper mais n'ira le plus souvent pas bien loin. De nouveau attiré par une odeur irrésistible de fruit en fermentation, il ne tardera pas à se glisser à l'intérieur d'une autre fleur d'Arum qui, après l'avoir à son tour gardé prisonnier, lui prendra le pollen dont elle a besoin pour se reproduire.
La plante a donc obtenu ce qu'elle voulait par la tromperie, puisque la drosophile n'a rien obtenu en échange du transport du pollen. Les exemple d'attraction olfactive des insectes ne manquent d'ailleurs pas, dans le monde végétal.
Un des cas les plus curieux, et que l'on peut à juste titre qualifier de macroscopique, est celui de l'Arum titanum (Amorphophallus titanum), la plante qui produit la plus grande inflorescence du monde. Véritable vedette des jardins botaniques, où sa floraison attire chaque année une foule de curieux, elle a choisi en la mouche carnivore un pollinisateur efficace mais peu sympathique. Et pour l'attirer, elle reproduit à la perfection l'odeur qui lui est le plus agréable, c'est-à-dire celle d'un cadavre en putréfaction."
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Angélique Quilichini & Marc Gibernau, "Leurre et chaleur : La pollinisation par duperie chez les Aracées"( In Stantari 31, nov. 2012 - janv. 2013) =>
Dans Plantes toxiques à usage médicinal du pourtour méditerranéen. (Springer Paris, 2013) Victoria Hammiche, Rachida Merad, Mohamed Azzouz, et al. s'interrogent sur la toxicité de l'Arum d'Italie :
Parties et principes toxiques : La plante est très acre, Ie suc extrêmement irritant par contact ; aucun animal n'y touche. Les fruits très toxiques sont d'autant plus dangereux que leur saveur est douceâtre et leur couleur attirante. Les principes toxiques des arums sont peu connus chimiquement. L'activité est rapportée à des saponosides, à un composé volatil et instable, l' aroyne ou aronine, et à des oxalates.
L'aroyne provoquerait une irritation locale importante au niveau de la peau et des muqueuses, aggravée par l'oxalate de calcium présent dans la sève sous forme d'aiguilles, de grande taille, qui scarifient littéralement les tissus. Elle aurait une action stimulante puis paralysante au niveau du système nerveux central.
Pour certains auteurs, la présence de ces composes n'est pas confirmée et seuls ont été identifiés des lignanes et des néolignanes.
L'oxalate de calcium, présent chez la plupart des Aracées, n'a pas fait l'objet d'investigations particulières.
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Dans La Vie sexuelle des Fleurs (Éditions E/P/A Hachette Livres, 2022), illustré par Loan Nguyen Thanh Lan, Simon Klein explicite les mécanismes de reproduction des fleurs :
Arum : Pour les amoureux des odeurs
Quelle étrange fleur, avec ce grand pétale entourant une massue érigée vers le ciel. Et encore plus étrange est son mode de pollinisation. Tout d'abord lorsque l'on rencontre une fleur d'arum tacheté en forêt dans un coin ombragé et humide, on en peut que remarquer cet étrange assemblage de cette grand-voile verdâtre en forme de cornet : c'est la spathe. Au milieu de cette spathe sort, fièrement, le spadice : ce gourdin rougeâtre ou jaunâtre. On pourrait penser que celui-ci porte le pollen, au vu et au su des pollinisateurs de passage ; ce n'est pas tout à fait exact.
En fait, pour se rendre compte de la réalité de la fleur, il faut aller fouiller, comme bien souvent, sous les pétales ou, ici, sous la spathe. En écartant le spathe, allons voir à la base du spadice. Ici se trouvent quatre régions clairement délimitées. On trouve d'abord une centaine de petits boutons blancs, ce sont les parties femelles : des centaines de pistils sortant d'ovaires, qui, après la fécondation, se transformeront en fruits. En remontant on trouve une première barrière faite de longs poils repoussés vers le bas. Ensuite, il y a un manchon de fleurs mâles, qui, à maturité, produisent du pollen. Enfin, juste au-dessus des fleurs mâles se trouvent encore une fois de longs poils, créant une seconde barrière.
Mais qui donc va plonger tout au fond de ces fleurs pour les polliniser ? En outre, il est à noter que les arums ne sont pas aussi généreux que d'autres fleurs : ils ne produisent pas de nectar ! Ils n'ont rien à offrir...
Le stratagème : A l'instar de nombreuses orchidées, les arums se jouent des besoins vitaux des insectes pour profiter de leur mobilité afin de véhiculer leur pollen. Ils profitent de l'instinct de reproduction de certains insectes, les mouches et les moucherons qui vont pondre dans des endroits peu recommandables : les excréments animaux ou les chairs en décomposition (comme chez l'arum du cheval mort ou arum tue-mouche présent en Corse et en Sardaigne). Voici pour la cible donc, assez spécifique on peut en convenir. Quant au mécanisme, il est encore plus machiavélique : les arums tendent un piège. Ils cherchent à bloquer, par les poils, les insectes le plus longtemps possible pour les forcer à recueillir ou à déposer du pollen.
Comment attirer une mouche dans le piège que l'on a tendu pour elle lorsqu'elle cherche à pondre dans des déjections ? Le meilleur moyen, comme souvent, c'est encore de se parer de l'odeur la plus caractéristique. A grand renfort d'éléments volatils les arums émettent de doux parfums d'urine, d'excréments ou encore de charogne. Afin de coller au mieux à la réalité et d'offrir un environnement douillet à ses prisonniers, les arums ont la capacité de créer de la chaleur à la base du spadice, avec des pics de chaleur de près de 15°C de différence avec l'environnement local ! Cette augmentation de chaleur permet aussi de diffuser au plus loin le doux fumet. Dans le cas d'un arum réputé, l'arum titan, qui est la fleur la plus grande du monde, atteignant trois mètres de haut, le gros spadice, ainsi chauffé, permet de diffuser des odeurs à près de huit cents mètres à la ronde.
Une fois attirées au centre de la spathe, les mouches descendent le long du spadice, passent les premières puis les deuxièmes barrières de poils (faites pour être passées dans un sens mais pas dans l'autre). Au début de la floraison, seules les parties femelles sont matures ; les moucherons qui auparavant ont visité des fleurs plus âgées et sont chargés de pollen vont pouvoir en déposer sur les fleurs et assurer la pollinisation. Durant quelques heures, voire une bonne journée, les moucherons sont bloqués à la base. Puis les fleurs femelles finissent d'être réceptives en même temps que la première barrière de poils se fane. Le passage est libre vers les parties mâles qui sont maintenant à maturité. Les moucherons se couvrent de pollen puis passent la seconde barrière qui ne tarde pas à se faner elle aussi. Les moucherons n'ont pas pu pondre ni se nourrir. Ils ont été bloqués, mais cela ne les empêche pas de se faire avoir de nouveau, en croyant aller pondre sur quelque chair en décomposition qui est une autre fleur d'arum. Arrivés tout en bas de la fleur, bloqués par les poils et cherchant à s'enfuir, ils transfèrent le pollen à ce nouvel arum, participant ainsi à la fécondation croisée !
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Usages traditionnels :
Pierre-Joseph Buchoz, médecin de Monsieur et auteur de Etrennes du printemps, aux habitans de la campagne, et aux herboristes, ou pharmacie champêtre, végétale & indigène, à l'usage des pauvres & des habitans de la campagne (Lamy libraire, Paris, 1781) recense les vertus médicinales des plantes :
Racine d'Arum. C'est un puissant hydragogue : le principe résineux que contient cette plante, la rend propre contre les obstructions & les maladies chroniques, qui procèdent de l'engorgement des humeurs. Elle convient, par conséquent, dans les pâles couleurs, la jaunisse, les embarras du foie & des autres viscères. On la prescrit aussi à ceux qui sont attaqués de l'asthme humoral ; mais on la corrige avec les carminatifs.
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques du Gouet :
Propriétés Physiques et Chimiques. — La racine mâchée paraît d'abord presque insipide ; il se développe bientôt une saveur âcre et brûlante, produisant des douleurs vives et lancinantes dans la bouche, le gonflement de la langue, des douleurs d'estomac et si la quantité ingérée est assez considérable, des vomissements, des coliques, des convulsions, des crampes et la mort. Orfila a constaté que cette racine fait périr les chiens en 30 heures environ en déterminant une vive inflammation du tube digestif. Les feuilles fraîches sont aussi âcres et peuvent déterminer les mêmes accidents. On les dit même plus actives que les racines . Des enfants sont morts pour en avoir mangé. Fraîches elles sont rubéfiantes et vésicantes ; sèches elles sont inertes par l'évaporation du principe âcre. La racine d'arum contient d'après Murray deux sucs différents, un laiteux et l'autre aqueux plus âcre que le précédent. L'analyse y a démontré la présence de l'eau, de la gomme, de l'albumine, d'une substance sucrée, d'un principe très âcre soluble dans l'eau, d'un acide végétal, du ligneux et de la fécule en très grande quantité.
Usages médicaux. — La racine d'asarum est vomitive lorsqu'elle est récente ; elle perd de sa violence en séchant et devient inerte par dessication complète. Cazin conseille de n'employer que la racine de l'année. Cette racine contient une fécule très abondante qui a été quelquefois employée pour remplacer le pain. On en a mangé en temps de famine en Dalmatie et en Suède. On s'en sert pour préparer dans l'île de Portland sur la côte orientale d'Angleterre une substance amylacée appelée Portland arrow-root ou Portland sago. En la soumettant à la torréfaction ou à des ébullitions répétées, on obtient une fécule blanche, très nourrissante avec laquelle on peut faire de bon pain (Cirillo). Pour les usages médicaux, la racine est dite incisive, résolutive, expectorante et purgative ; elle a été conseillée dans l'asthme, la bronchorrhée, la cachexie, l'hydropisie, les fièvres intermittentes, les affections rhumatismales ; on l'administre à la dose de 1 à 3 grammes en électuaire avec q. s. de miel, dans une tisane émolliente ou dans une solution mucilagineuse. A l'extérieur, les feuilles fraîches ou la racine peuvent être employées comme rubéfiantes et vésicantes ; le suc déterge promptement les ulcères atoniques, scorbutiques ou scrofuleux ; il en est de même de la décoction.
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Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :
Le bas prix du savon et des alcalins empêche la jeune génération de laver le linge avec la saponaire, saponaria officinalis, le V. de prêtre ou pied de veau, Arum maculatum, qu'emploient seules encore les vieilles matrones rebelles au progrès.
Suzanne Amigues, dans "Végétaux étranges ou remarquables du Maroc antique d'après Strabon et Pline l'Ancien." (In : Antiquités africaines, 38-39,2002. pp. 39-54) examine la flore méditerranéenne :
L'arum (Arum italicum Miller) et la serpentaire (Dracunculus vulgaris Schott [Arum dracunculus L.]) sont souvent associés par les auteurs anciens (1), qui avaient fort bien discerné en ces deux plantes de taille et d'aspect différents des caractères communs : tubercule globuleux, grandes feuilles étalées et parfois panachées, inflorescence composée d'une spathe enveloppant partiellement le spadice en forme de massue. Leur réunion sous l'étiquette de « légume » appelle certaines réserves. En effet l'usage alimentaire de l'arum a été général dans l'Antiquité ; Théophraste (2) le présente même comme une plante potagère dont on consommait avec plaisir le tubercule et les feuilles après ébullition dans du vinaigre (3). L'arum d'Italie abonde au Maroc, où, sans atteindre des dimensions spectaculaires, il a pu attirer l'attention des voyageurs antiques par l'opulence de ses feuilles brillantes et charnues, qui se développent en plein hiver. La consommation de ses tubercules et de ceux des Arisarum, autres Aracées de plus petite taille, a souvent sauvé de la famine les populations rurales marocaines. [...]
Il n'était donc pas absurde de citer l'arum et la serpentaire comme des légumes, et, qui plus est, de grandes dimensions.
Notes : 1) Théophraste, HP Vil, 12, 2 Dioscoride, II, 166-167 Galien, VI, 649-651 Kühn ; Pline, XXIV, 142-151 ; etc.
2) HPl, 6, 10 VII, 12, 2.
3) Le vinaigre bouillant diminuait l'âcreté et dissolvait les minuscules cristaux (raphides) d'oxalate de calcium, très irritants, présents dans ces parties de la plante.
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André-Julien Fabre, dans un article intitulé "Le cancer dans l’Antiquité." (Histoire des sciences médicales, vol. 42, n°1-2008, p. 63) évoque les vertus de l'arum dans le traitement de cette maladie :
2. Les vulnéraires : De nombreuses plantes médicinales étaient proposées par les Anciens à la fois comme traitement des plaies et des tumeurs : aloès, scrofulaire ou rue des prés. Citons surtout l’arum gouet (Dracunculus vulgaris, Araceae) qui a reçu au fil des âges des noms qui évoquent à la fois son aspect botanique et la force mystérieuse que lui prêtaient les Anciens : serpentaire, dragon, bistorte devenu chez les Anglo-saxons “dragon flower” et “vaudou lily”. En médecine antique, là encore les trois grands auteurs : Dioscoride (De materia medica, II. 195 et 196), Galien (Kühn XII. 865) comme Pline (H. N. XXV 175) s’accordent pour en faire le traitement de divers cancers, carcinomes et polypodes ce que retiendra aussi la médecine populaire de nos campagnes et des pays d’Orient (16). On notera que, de nos jours, diverses publications font état de l’activité anti-cancéreuse de plusieurs variétés d’arum et notamment de l’Arisaema tortuosum.
D'après les travaux de Victoria Hammiche, Rachida Merad, Mohamed Azzouz, et al .consignés dans Plantes toxiques à usage médicinal du pourtour méditerranéen. (Springer Paris, 2013) :
Autrefois, au Maghreb, la partie souterraine renflée en tubercule était torréfiée afin que la chaleur détruise les composes irritants ; elle constituait une farine alimentaire appelée « berbouga ». Chauffées et en cataplasmes, les feuilles avaient la réputation de calmer les douleurs rhumatismales.
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Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes :
Propriétés et utilisation : Dans la plupart des communautés enquêtées, cette plante n’est pas utilisée ni pour l’alimentation humaine ni comme nourriture pour les animaux. Seulement à Katundi/Greci, les femmes âgées nous ont parlé des propriétés presque miraculeuses des feuilles de cette espèce qui soigne les blessures et les plaies de la peau. L’effet lénitif et curatif est évident surtout dans le cas de blessures cutanées dues au diabète : en couvrant la partie blessée avec les feuilles du gouet pendant une journée, les effets positifs sont déjà visibles. En général, dans le sud de l’Italie le gouet est aussi utilisé avec les mêmes effets thérapeutiques ; en particulier, la secrétion sortant des feuilles est utilisée pour le traitement de blessures, plaies (Quave & Pieroni, 2007 : 214 ; Pieroni et al., 2004 : 375 ; Viegi et al., 2003 : 223), verrues, engelures, furoncles, hémorroïdes, arthrites, contusions et rhumatismes (Guarrera, 2006 : 60). L’utilisation des feuilles du gouet pour le traitement des affections cutanées produit ses effets bénéfiques également dans la phytothérapie populaire turque (Ertuğ, 1999 : 57). La toxicité de la plante est due à la présence de l’aroïne, un alcaloïde toxique présent dans les fruits et dans les tubercules de la plante qui provoque des troubles gastro-intestinaux, tandis que les baies peuvent causer des empoisonnements (Guarrera, 2006 : 61). Les croyances populaires liées au gouet lui donnent des pouvoirs magiques permettant de faire des pronostiques sur les récoltes et les productions agricoles ; en fait on a aussi le témoignage des pouvoirs magiques de cette plante à travers les dénominations qu’elle a en Basilicate et en Ligurie, respectivement bona annata et buna anná (année bonne) (Penzig, 1924 : 53 ; Beccaria, 95 : 220). Guarrera (2006 : 302) nous renseigne aussi à propos des indicateurs magiques de la plante, qui peuvent être aussi bien la tonalité de la couleur d’une des parties qui la composent, que la luxuriance de la spathe ou d’autres parties aériennes. En particulier, en Basilicate, on croit que si le gouet a une floraison et une fructification riches alors ces caractéristiques peuvent être interprétées comme un présage de bonnes récoltes parce que les fleurs et les fruits de cette espèce sont censés représenter des productions locales différentes : les fruits, le spadice, les feuilles et les bulbes représentent respectivement les récoltes de maïs, blé, légumes et pommes de terre (Guarrera, 2006 : 302).
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Données pharmacologiques :
Selon le site toxiplantes :
Composition : On note peu de présence d'acide oxalique ou de ses sels solubles. La teneur en oxalate soluble est de 0,4% dans les fruits verts et de 0,28% dans les fruits rouges. L'oxalate de calcium, cristallin insoluble le plus souvent, s'accumule sous forme de raphides (aiguilles très abondantes et reconnues comme rubéfiantes et très irritantes pour les muqueuses), ainsi que sous forme de druses ou du sable ou de grands cristaux prismatiques isolés. Remarque : les raphides acérées, munies à chaque extrémité de cannelures, se retrouvent par millions dans tous les organes et sont localisés parfois dans des cellules spécialisées. De plus, l'éjection rapide des raphides au niveau d'éléments anatomiques particuliers, appelés "biforines", facilitent la pénétration des principes toxiques comme une injection, engendrant à la fois une irritation mécanique et une perforation des muqueuses. Des laticifères existent également. Parmi les constituants chimiques, on a isolé des hétérosides cyanogènes, comme la triglochinine. Mais l'activité rubéfiante et toxique semble due à des principes irritants volatils, encore mal identifiés.
Symptômes : Après l'absorption de parties de plante fraîche, on observe une inflammation, une brûlure et un œdème de la langue et des lèvres, pouvant aller jusqu'à la formation de vésicules. D'autres symptômes apparaissent tels que la soif, l'enrouement, des vomissements, des diarrhées sanglantes avec une hypersalivation et une mydriase. Si l'ingestion dépasse 15 baies, l'intoxication est grave : on observe alors une hypothermie, des troubles cardiaques, des convulsions, un coma s'installe et le décès survient. Par contact cutané, on note des réactions allergiques de type "dermite de contact", caractérisée par des œdèmes, des rougeurs et des irritations avec sensation de brûlure notamment au niveau oculaire, qui régressent spontanément en quelques heures à quelques jours.
Confusions : Le Calla des Marais, l'Arum d'Italie, Chénopode bon-henri, épinards, Ail aux ours à l'état jeune.
Anciens usages thérapeutiques : Les racines et les feuilles ont été utilisées dans certaines toux, les douleurs rhumatismales, la détersion des ulcères, des plaies atoniques, scorbutiques ou scrofuleuses."
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme du Gouet gobe-mouches :
GOUET GOBE-MOUCHE - PIÈGE.
Le Gouet gobe mouche est un emblème bien naïf des pièges grossiers que le vice tend à l'imprudente jeunesse. Les mouches, attirées par la mauvaise odeur de cette plante, s'engagent dans ses fleurs et n'en peuvent plus sortir.
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Arum gobemouche - Piège.
Cette plante porte une fleur qui se referme en emprisonnant au fond de sa corolle l’insecte ailé qui vient y sucer la liqueur mielleuse qu’elle renferme.
Arum a feuilles en cœur - Ardeur.
Monsieur Hubert prétend avoir expérimenté à l'île Bourbon que cette espèce d'arum dégage à l’époque de la fécondation une si grande chaleur qu’on a de la peine à le tenir dans la main.
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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
ARUM COMMUN OU GOUET - ARDEUR.
C'est le Seigneur qui donne la vigueur aux bras affaiblis, qui remplit de force les infirmes ... Ceux qui espèrent en lui auront toujours une vigueur nouvelle , ils s'élèveront sur des ailes comme l'aigle ; ils courront et ne tomberont jamais en défaillance. Isaïe , X , 29-31.
Les fleurs des Arums sont très remarquables ; une sorte de cornet en oreille d'âne ou en capuchon selon les espèces enveloppe en partie leur axe ou rachis qu'on nomme encore spadice. C'est sur lui que sont placés en anneau sur plusieurs rangs des anthères sessiles et plus bas des ovaires dans la même situation. La partie supérieure du spadice est nue, renflée en massue ; dans quelques espèces il est entièrement recouvert par les organes de la reproduction. Ainsi la nature, en privant les plantes de calice et de corolle, semble avoir voulu les en dédommager par d'autres ornements .
DU GOUET.
Le Gouet commun, vulgairement connu sous le nom de Pied-de-Veau, est une plante qui se fait remarquer dans les bois, sur le bord des routes , le long des haies, dans les lieux humides en France, en Allemagne, en Suède et en Angleterre . La racine et les feuilles de cette plante contiennent un suc âcre, brûlant, vénéneux à un tel point qu'il suffit d'en mordre une feuille, même sans la macher, pour éprouver au palais et à l'orifice de la gorge une chaleur brûlante et très douloureuse. Il est à croire qu'il pourrait s'ensuivre de très graves accidents si l'on en avalait même une légère portion ; il n'y aurait, dans ce cas, d'autre moyen d'y remédier que les boissons huileuses. Mais l'industrie humaine est parvenue à découvrir la substance alimentaire, au milieu même des poisons les plus violents, à l'en séparer, à la convertir en une nourriture abondante et salutaire. Tel le manioc, dont la racine mangée crue serait un poison mortel, mais qui devient, étant préparée convenablement, presque le seul aliment de plusieurs peuplades indiennes. De même la racine du gouet, peut dans des années de disette, offrir de grandes ressources pour la nourriture de l'homme. L'acrimonie de ses racines diminue considérablement par la dessication . On la fait disparaitre entièrement par la torréfaction et surtout par des ébullitions répétées. A l'aide de ces derniers procédés on en obtient une fécule douce, blanche, nutritive et très -abondante, propre également à faire de la colle, de l'amidon, des pâtes domestiques, mais surtout de fort bons potages, des bouillies, même du pain en galette. Parmentier avait proposé d'en tirer parti pour la nourriture dans les temps de disette. « J'en ai fait usage, dit Bosc , pendant les orages de la révolution , lorsque j'étais réfugié dans la solitude de la foret de Montmorency. Cette plante est si abondante dans cette forêt et dans beaucoup d'autres lieux, qu'elle pouvait, à cette époque, assurer la subsistance de plusieurs milliers d'hommes si on eût connu sa propriété alimentaire : j'avais sérieusement compté sur les res sources qu'elle pouvait me procurer lorsque la mort de Robespierre mit fin à mes peines. »
On peut employer la racine du gouet comme la saponaire pour dégraisser le linge. Dans tout le bas Poitou, dit Tournefort, les femmes de la campagne blanchissent leur linge avec la pâte de pied-de-veau ; elles coupent en morceaux la tige de cette plante lorsqu'elle est en fleurs, la font macérer pendant trois semaines dans de l'eau qu'elles changent tous les jours et font sécher le marc après l'avoir réduit en pâte.
RÉFLEXION.
Un esprit qui a de la vivacité est une pierre qui a de l’éclat ; celui qui a de la vivacité et du jugement est un diamant qui a tout ce qu'il lui faut pour le rendre précieux.
(FLÉCHIER, Réflexions sur les caractères des hommes.)
ARUM GOBE- MOUCHE - PIÈGE.
N'introduisez pas tout homme en votre maison, car les pièges du trompeur sont en grand nombre. Comme l'haleine qui sort d'un estomac malade, ainsi est le cœur du superbe ; comme la perdrix dans un piège, comme le chevreuil dans des rets, il attire les misérables et il jette au loin les yeux pour voir la chute de son prochain.
- Ecclésiaste XI, 31- 32.
L'arum gobe-mouche est une plante vivace originaire de Minorque, dont la tige marbrée est haute de 30 à 40 centimètres. Ses grandes fleurs d'une couleur livide ont absolument la forme d'une nasse à prendre le poisson et répandent une odeur cadavéreuse. Les mouches, trompées par ce funeste appas, pénètrent dans cette cave en écartant les poils divergents, qui cèdent à leurs efforts. Parvenues sur le spadix, elles reconnaissent leur erreur, mais la sortie est impossible, car les poils résistant, et présentant leurs pointes roides, les retiennent dans cette espèce de piège empoisonné qui leur est tendu par le vice effronté et menteur.
MAXIME.
Toutes les vertus éclatantes nous doivent toujours être suspectes : il n'y a que l'amour de l'humiliation dont le démon ne peut jamais nous faire un piège. (Mme DE LA SABLIÈRE.)
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Le Dictionnaire Larousse en 2 volumes (1922) propose des pistes pour comprendre le langage emblématique des fleurs :
Nom Signification Couleur Langage emblématique
Arum Âme Jaune ou vert Écoutez votre âme ; mon âme aspire à vous
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), les Aroïdés a les caractéristiques suivantes :
Les Aroïdées Les Aroïdées sont des plantes amphibies qui poussent le pied dans l'eau. C'est à cette famille qu'appartient le richardia (Galla aethiopica), plante d'ornement très populaire et utilisée sous le nom impropre d'arum. Nous ne nous occuperons ici que des variétés sauvages, courantes dans les lieux marécageux, ou les sous-bois très sombres et humides :
Acore (Acorus calamus). Jonc odorant ; Lis des marais.
Arum (Arum maculatum). Gouet ; Pied-de-veau ; Calla moucheté.
Symplocarpe (Symplocarpus foetidus) est surtout répandu dans l'Amérique du Nord. Arum fétide ; Arum puant ; Chou des marais ; Chou des putois ; Herbe des putois ;
Genre : Féminin
Planète : Lune
Élément : Eau
Pouvoirs : Guérison ; Protection ; Affaires juridiques.
Utilisation magique : On emploie aux mêmes fins toutes les variétés d'Aroïdées sauvages. Les habitants se servent évidemment de l'espèce rencontrée dans leur région. En Nouvelle-Angleterre, on enfile des graines d'acore sur un long fil, employé par les guérisseuses pour venir à bout de certaines fièvres rebelles. La tige du lis des marais sert aussi à lier des bouquets magiques.
Cet exemple paraît unique. Partout ailleurs, c'est le fort rhizome, tubéreux et charnu, qui sert, seul ou en mélange, à composer des charmes. Les femmes de pionniers coupaient un rhizome de symplocarpe et disposaient les morceaux tout autour de leur cuisine : cette maison ne connaîtrait jamais la faim.
Le tubercule, séché et broyé, entre dans des sachets protecteurs. Vous pouvez économiser l'encens en l'étendant de poudre d'arum. Un paysan de Terracina, dans les marais Pontins, n'allait jamais voir un homme de loi sans avoir dans sa poche une rondelle d'arum, enveloppée dans une feuille de laurier.
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Dans L'Encyclopédie des symboles (Éditions Le Livre de Poche, 1999) dirigée par Michel Cazenave :
"Arum "aussi appelé gouet ; en botanique Arum maculatum). Cette plante bulbeuse, dont les fleurs présentent une forme phallique frappante, était autrefois communément appelée "pine de curé". Son bulbe était utilisé pour combattre l'engorgement et les maux d'estomac. Malgré la forme de ses fleurs, elle symbolisait au Moyen Âge la Vierge Marie, probablement en raison de son nom proche d'Aaron. On a également dit à propos de sa fleur qu'elle "se dresse vers le ciel tel un lys". On pensait que son tubercule aidait à combattre la mélancolie et "incitait" les sécrétions nuisibles du corps à s'échapper".
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Réputée chez les anciens Égyptiens comme plante alimentaire sous le nom d' "aron de Colocasia" - ce qui fit penser à certains que le mot arum pourrait venir du grand prêtre Aron - cette plante fut parfois confondue avec le moly, herbe magique qu'Hermès donna à Ulysse pour le préserver des poisons et enchantements de la redoutable Circée (L'Odyssée).
L'arum maculatum, appelé pied de veau (parce que ses feuilles ont la forme d'un pied de veau), ou gouet, plante ornementale très populaire, s'est vu attribuer de nombreuses propriétés par les médecins de l'Antiquité et du Moyen Âge : au XIIe siècle, sainte Hildegarde le recommandait pour remédier à "la paralysie de la langue et des membres" et à "a mélancolie qu'engendre la fureur". La racine de pied de veau, censée combattre la jaunisse et les maux d'intestin, était au XVIIIe siècle l'ingrédient principal d'une recette contre les hématomes : "La racine de toute la plante, fraîche ou verte, cuite ou adoucie dans du vinaigre, est diurétique et fait un excellent remède pour ceux qui sont tombés d'un lieu élevé, en dissolvant le sang grumelé".
Autrefois, les femmes faisaient préparer de l'eau distillé de racines d'arum, qui avait pour vertu de les embellir et de faire disparaître les rides du visage.
En raison de sa forme charnue et tubéreuse, la racine d'arum est supposée avoir un pouvoir aphrodisiaque ; ses feuilles tachetées de noir (parfois de blanc), rappelant la peau d'un reptile, neutralisent, dit-on, le venin, en cas de morsure de serpent.
On dit également qu' "un paysan de Terracina, dans les marais Pontins (Italie), n'allait jamais voir un homme de loi sans avoir dans sa poche une rondelle d'arum, enveloppée dans une feuille de laurier".
Malgré ses propriétés curatives, l'arum au Moyen Âge, avait parfois mauvaise réputation : "A cette époque, les imagiers la faisaient figurer dans leurs diableries comme l'attribut inséparable de la malice du Très Bas : nous en trouvons un exemple dans un chapiteau de la merveilleuse église de Saint-Nectaire, où l'on voit une curieuse effigie du démon dressant les oreilles comme un chat qui guette sa proie, il exhibe un masque grimaçant qui tient à la fois de l'homme, du lion et du dogue ; de sa gueule sortent deux épis dans lesquels il est facile de reconnaître ceux que forment, en se groupant, les baies du gouet".
Signalons également que le gouet est associé, dans le langage des fleurs, au mot "ardeur" : cela serait dû au fait que, lors de la fécondation, "le spadice jaunâtre de l'arum (plus) particulièrement l'arum italicum) acquiert un degré de chaleur très marqué et qui dure plusieurs heures".
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Selon le site Tout pour le jardin :
L’arum symbolise l’amour charnel, le désir d’aimer physiquement.
Arum blanc : âme, désir de relation d’amour charnelle (destiné à une personne âgée).
Arum jaune ou vert : âme, écoutez votre cœur.
Arum rose : âme, désir de relation d’amour charnelle (destiné à une personne jeune).
Arum rouge : âme, désir de relation d’amour charnelle (destiné à une personne adulte).
L’arum blanc est généralement envoyé à une personne de plus de 50 ans avec qui il existe déjà une relation amoureuse. Un bouquet exprime sans équivoque votre désir d’une relation d’amour charnelle avec cette personne.
L’arum rose est généralement envoyé à une personne jeune avec qui il existe déjà une relation amoureuse. Un bouquet exprime sans équivoque votre désir d’une relation d’amour charnelle avec cette personne.
L’arum rouge est généralement envoyé à une personne adulte avec qui il existe déjà une relation amoureuse. Un bouquet exprime sans équivoque votre désir d’une relation d’amour charnelle avec cette personne.
Le nombre de fleurs reflète la mesure ou la démesure de votre désir.
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Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe du Gouet d'Italie :
Analyse lexico-sémantique des désignations :
1- [veʃljˈɛpur] veshljepur est un composé de deux noms, dont le premier est l’arb. vesh- « oreille » et le deuxième est l’arb. -ljepur « lièvre » ; l’association de l’oreille du lièvre avec la forme de la spathe du gouet est évidente, mais elle ne suffit pas à expliquer cette désignation en raison du fait que les motivations se basant sur les traits morphologiques des plantes sont, en général, secondes. En zoonymie populaire, le lièvre représente l’un des animaux appelés par Riegler (1981a : 320) « suceurs de lait » démoniaques en raison du fait que l’on croit qu’il empêche aux vaches et aux chèvres de donner du lait, c’est-à-dire que la croyance populaire considère cet animal comme responsable des maladies frappant les bêtes. Tout en considérant la toxicité du gouet, il est possible que la métaphore zoonymique traduise cet aspect dangereux de la plante, tout comme le lièvre est dangereux pour certaines espèces d’animaux.
2- [məŋɡandrˈɛː] est aussi une désignation composée et sans doute formée à notre avis par l’union de deux noms propres, notamment l’it. Domenico (Dominique) et Andrea (André), ou bien de leurs diminutifs hypocoristiques dans leur forme arbëreshe, respectivement Ming [miŋɡ] et André/ ‘Ndré [andrˈɛː] / [ndrˈɛː]. Comme nous l’avons déjà anticipé, les locutrices de Katundi/Greci nous ont fourni une première clé d’accès pour cette désignation en évoquant les propriétés curatives des feuilles du gouet : les deux anthroponymes correspondent aux noms de deux saints et pourraient ainsi renvoyer aux effets miraculeux de l’emploi de la plante. Il est nécessaire aussi de préciser que Saint Dominique et Saint André sont considérés comme deux parmi les saints les plus importants de Katundi/Greci et ils sont très respectés et vénérés par toute la population ; par conséquent, nous croyons que cette désignation du gouet se réfère plutôt aux deux hagionymes et non pas à des noms propres. Dans les traditions populaires du sud de l’Italie, les deux saints font l’objet de deux cultes différents, mais ils ont en commun le fait d’être des saints protecteurs des hommes. Dans son ouvrage portant sur les traditions populaires du sud de l’Italie, Lombardi Satriani (1971 : 97, 205) illustre aussi les cultes liés à Saint Dominique à Cocullo dans les Abruzzes et à Saint André à Amalfi sur la côte amalfitaine. Chaque année à Cocullo, le premier jeudi de mai, on fête saint Dominique et le moment culminant de la fête est la récolte de nombreux serpents capturés pendant les jours précédents dans la campagne environnante. Pendant la fête, les serpents sont apportés dans l’église où ils sont jetés sur la statue du saint censé être doué du pouvoir de neutraliser n’importe quel danger dérivant de la morsure de ces reptiles. Lombardi Satriani (1971 : 97) fait remonter ce culte chrétien de Saint Dominique au culte païen de la déesse serpent Angita, ancienne divinité de la Marsica [1] ayant le pouvoir d’enchanter les serpents et de soigner les blessures qu’ils causent. Saint André, pêcheur et patron des marins, est enterré depuis 1208 dans la cathédrale d’Amalfi ; de son corps sort une manne miraculeuse que l’on conserve dans une ampoule en verre et qui fond chaque année pendant l’anniversaire du saint (30 novembre) ; les fidèles ont l’habitude de la prendre en trempant des petits tampons d’ouate à utiliser, en toute confiance, en cas de maladie ou de calamité (Lombardi Satriani, 1971 : 205). Il est clair que l’on se trouve en face d’hagionymes représentant la métaphore des vertus thérapeutiques de cette plante : comme Alinei (1984 : 56) le souligne, la présence de noms chrétiens en zoonymie et phytonymie peut être considérée comme une « superficiale trasformazione di credenze magico-religiose precristiane » [2], comme le témoigne en effet le culte païen de la déesse serpent Angita, remplacé par la suite par le culte chrétien de saint Dominique. En ce qui concerne saint André, nous n’avons aucune trace du culte païen qu’il a remplacé, mais la manne miraculeuse sortant du corps de ce personnage semble représenter les secrétions de la feuille du gouet qui permettent de soigner les affections cutanées. Ces considérations nous amènent, encore une fois, à ce que soutient Alinei (1984) à propos du choix des noms des saints pour les désignations en zoonymie et phytonymie : ce choix est tout à fait occasionnel parce qu’il dépend surtout du degré de familiarité avec des saints déterminés bien qu’il s’agisse toujours de figures très connues, de l’existence de traditions locales et de la possibilité d’opérer des liaisons avec certains attributs typiques de certains saints plutôt que d’autres (Alinei, 1984 : 76). Le concept de « sacré » doit donc être considéré comme une relation généralisée entre espèces animales ou végétales et hagionymes parce qu’il traduit tout simplement des relations sémantiques préexistantes selon une séquence évolutive rigoureuse allant de l’animal-parent, aux êtres magiques païens jusqu’à arriver aux êtres chrétiens et islamiques de la « dernière génération ». Il faut aussi lire avec la même perspective les autres désignations du gouet d’Italie que l’on verra ci-dessous et qui sont caractérisées par la présence de zoonymes, notamment le serpent, ce qui nous ramène à une phase de développement onomasiologique plus ancienne.
3- [onʣˈar] onxar est un nom dérivé dont la base lexicale onx- est empruntée au sic. onza « bouée flottante » (VS, III : 406) + le suffixe alb. -ar qui ajouté aux noms de base forme des « nomina agentis » ou des noms indiquant un « état » ou une condition (Ressuli, 1986 : 141). Dans ce cas, la désignation se fait par association entre la forme de la spathe de cette plante et celle de la bouée flottante. Tout comme les désignations de l’Agropyron repens (L.) Beauv. que l’on a déjà analysées, les motivations basées sur les traits morphologiques des plantes sont secondes parce qu’il s’agit de remotivations remplaçant le motif primaire qui a épuisé sa charge sémantique et a ainsi entraîné l’arbitrarité du signe linguistique en ouvrant les portes aux motivations secondes.
4- [vrokondˈɛː] vrokonde est une désignation opaque pour laquelle on ne peut formuler que des hypothèses sur l’interprétation. Il s’agit sans doute d’un emprunt au gr. a. broÚkouloj « sauterelle » (LG : 98 ; GEL : 331), à son tour rattaché au gr. broÚkoj « locuste » ou « larve de locuste », dont le continuateur est reconnu par Bigalke dans le mot luc. vrṓkuwə, ßrṓkuwə (DDB : 972) désignant effectivement la sauterelle en Basilicate, région à l’extrême sud de l’Italie qui accueille sur sa partie occidentale la communauté arbëreshe de Shën Kostandini/San Costantino où nous avons collecté ce phytonyme. Le processus d’intégration de l’emprunt a dû être réalisé avec l’ajout du suffixe alb. -é, déjà utilisé pour former des unités lexicales dénominales, qui à Shën Kostandini/San Costantino se trouve aussi employé pour la formation de la désignation du fragon (rruskullé) qui est une espèce botanique de la famille des Liliacées, dont le nom scientifique est Ruscus aculeatus L. Alinei (1999 : 229) et Caprini (1999 : 213) pensent, en revanche, que les formes gr. broÚkoj, broÚcoj « sauterelle, locuste » et leur continuateurs en lat. médiéval BRŪC(H)US/ BRŪC(H)ULUS « larve de sauterelle, sauterelle sans ailes, sauterelle ; insecte, chenille » sont tous des variantes issues du développement du lat. ERŪCA/ URŪCA « chenille ; Eruca sativa L. ». Ce dernier nom aurait subi, d’un côté, des transformations au niveau du signifiant avec le renforcement de r- > br- par rapport au type lat. URŪCA > B(U)RŪCA et, de l’autre, des contaminations possibles avec d’autre types lexicaux. En acceptant l’hypothèse interprétative de ces deux auteurs, il est évident que le nom de la chenille peut désigner aussi la sauterelle et, dans notre corpus, est employé même pour le gouet, ainsi que pour la roquette, selon les précisions d’Alinei et Caprini ci-dessus. Ce transfert entre les noms d’animaux et ceux des plantes indique, très souvent, l’existence de connections, de liaisons très anciennes (Caprini, 1999 : 216) qu’il faut interpréter en privilégiant une approche culturelle plutôt que naturelle (Caprini, 1999 : 222). Ainsi, à propos des croyances populaires, dans la région de l’extrême nord-est de l’Allemagne (all. Macklenburg), on croit que la sauterelle exerce une activité bénéfique pour l’homme puisqu’elle « mange les verrues » (Riegler, 1981b : 330). Cette caractéristique peut aisément rappeler les effets thérapeutiques du gouet pour le traitement des affections cutanées. En Angleterre, dans la région du Sussex, dans l’antiquité, on utilisait les chenilles à des fins homéopathiques pour le traitement des morsures des animaux venimeux (Riegler, 1999 : 208), tels que le serpent ; cet animal nous renvoie aux autres désignations arbëreshe du gouet et au culte de la déesse serpent Angita et de Saint Dominique, mais il rappelle également les propriétés toxiques des fruits de la plantes ainsi que ses vertus thérapeutiques. Il s’agit non seulement d’un processus de création lexicale faisant référence aux croyances ou aux propriétés et aux traits morphologiques des plantes, mais au fait que les noms des animaux puissent désigner différents aspects de la flore, des phénomènes naturels, des maladies, des conditions humaines particulières, des êtres magico-religieux chrétiens ou païens, ce qui pose enfin la question du rôle central des animaux dans les stades primitifs de la culture humaine (Alinei, 2004 : 249). Dans les sociétés primitives, le pouvoir illimité accordé aux animaux et le fait de considérer ces derniers, par conséquent, comme des êtres supérieurs même aux hommes peut s’expliquer par la dépendance directe de l’homme par rapport aux animaux, en tant que source primaire de subsistance (Alinei, 2004 : 249 ; Caprini, 2004 : 237). Il faut rappeler que le totémisme se base sur cette vision zoocentrique de l’univers et considère, ainsi, les animaux comme des êtres protecteurs qu’il faut vénérer afin de garantir la survie de l’espèce humaine : ce sont des totems pour les hommes et les créateurs du monde. Cela permet de comprendre la raison pour laquelle les zoomorphismes sont souvent des images motivantes pour les désignations d’aspects de la réalité importants pour la vie d’une communauté (Alinei, 2004 : 249).
5- [ʎˈuʎa e ɟˈaiprit] lulja e gjarprit est un syntagme composé par arb. lulja « fleur » et le spécificateur arb. e gjarprit « du serpent » qui sert, dans ce cas, à indiquer la qualité « sauvage » de la fleur en question, sans s’adresser ni à la forme des feuilles ni de la spathe. Notre opinion trouve sa confirmation dans les déclarations des informateurs : ils ont admis qu’ils voyaient la fleur dans les bois ou dans les champs, mais puisqu’ils ne savaient pas de quoi il s’agissait, ils ne l’ont jamais touchée. En revanche, la présence d’un nom générique peut cacher aussi un nom tabouisé dont on a perdu les traces mais qui était probablement motivé par les pouvoirs « magiques » de cette espèce.
6- [veʃaðjˈur] veshadhjuri est un autre syntagme composé dont le premier élément est l’arb. vesh- « oreille » et le deuxième est l’arb. -adhjuri « d’âne » ; dans ce cas aussi, comme dans le 1, l’association entre l’oreille de l’âne et la forme de la spathe du gouet ne suffit pas à expliquer cette désignation. Alinei nous (1984 : 100) invite aussi à réfléchir de manière plus profonde lorsqu’on rencontre cette typologie de zoomorphismes en phytonymie (partie du corps animal + animal) : il suggère, en effet, de prêter attention à une « double articulation » métaphorico-culturelle qui renvoie, d’un côté aux aspects magico-religieux concernant les plantes et, de l’autre, à l’utilisation spécifique que l’on fait des parties du corps des animaux (ou des saints) comme composante fondamentale pour le salut individuel (Alinei, 1984 : 101). Sur la base de ce concept, la motivation concernant veshadhjuri nous suggère qu’il s’agit d’une espèce « aux feuilles magiques » où la partie du corps animal renvoie métaphoriquement à la forme de la spathe du gouet pour que l’on puisse identifier, sans équivoque, cette espèce particulière parmi toutes les autres espèces botaniques existantes ; en revanche, le zoonyme spécifie l’une des qualités de la plante : le choix de l’âne nous renvoie directement aux animaux domestiques qui sont censés être magiques en tant qu’apparitions d’esprits différents (Riegler, 1981a : 308).
7- [rːˈuʃi ɟˈarprit] rrushi gjarprit est un syntagme composé par l’arb. rrushi « le raisin » et le spécificateur arb. gjarprit « du serpent ». Comme nous l’avons vu dans le 5, l’utilisation du mot « serpent » sert à indiquer la qualité « sauvage » de la plante en question. Contrairement à ce qu’on a vu dans le 5, dans ce cas l’association est faite entre la forme en grain des fruits rouges du gouet et celle de la grappe du raisin ; il s’agit, donc, d’une espèce de « raisin sauvage », mais la double articulation métaphorico-culturelle nous induit à voir la référence aux propriétés toxiques des fruits du gouet plutôt que l’indication de ses caractéristiques morphologiques.
Notes : 1) La Marsica est l’un des territoires faisant partie du Parc Interrégional du Matese qui s’étend sur trois régions de l’Italie du sud, notamment les Abruzzes, le Molise et le Latium. Cocullo est un petit village à la périphérie du territoire de la Marsica.
2) Transformation superficielle des croyances magico-religieuses préchrétiennes (N.T.)
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Symbolisme celte :
D'après Philip et Stephanie Carr-Gomm, auteurs de L'Oracle druidique des plantes, les mots clefs associés à la plante sont :
en "position droite : Union - Créativité - Harmonie
en position inversée : Disharmonie - Toxicité - Incapacité à se connecter.
Le pied-de-veau pousse en abondance en Grande-Bretagne dans des endroits ombragés - particulièrement dans les haies et les bois. Ses grandes feuilles luisantes sont parmi les premières à apparaître au printemps. Ses fleurs émergent d'une feuille en forme de cornet, une spathe, tachetée de noir et contenant un pédoncule appelé spadice, portant des fleurs mâles et femelles. En automne, les fleurs se fanent )à mesure que se forment des baies vertes toxiques, qui en mûrissant prennent une couleur rouge vif.
La carte montre un pied-de-veau au printemps. Les grandes feuilles luisantes présentent les éclaboussures noires caractéristiques et le spadice émerge avec élégance du calice de sa spathe. A côté pousse l'oseille sauvage, contenant la même toxine que le pied-de-veau, mais en moindre quantité. Un coucou se penche en avant sur un saule proche et on voit au loin les pierres de Men-An-Tol de Cornouailles, traditionnellement associées à la fertilité et à la guérison.
Sens en position droite : Le pied-de-veau présente une spathe et un limbe unis. Sur un certain plan, cela symbolise l'union de l'homme et de la femme. Sur un plan plus subtil, l'objectif du druide et de tous les chercheurs spirituels est l'union des aspects masculin et féminin de la psyché, parfois désignée par le terme "mariage mystique" ou "noces alchimiques". Tirer cette carte suggère une époque d'harmonie et d'union étroite avec la personne que vous aimez ou signale que le moment est favorable pour l'intégration future des deux aspects de votre nature. Le mariage du masculin et du féminin est souvent vu comme le reflet de l'union des deux forces primales d'où émerge toute la création. Ce peut être une époque de grande créativité et fertilité pour vous. Comme le personnage androgyne de la lame du Tarot "Le Monde", le pied-de-veau a des fleurs mâles et femelles. Les pouvoirs et les talents des deux sexes sont à votre disposition pour approfondir votre quête spirituelle et améliorer votre capacité créative.
Sens en position inversée. En cas de disharmonie, rien ne semble aller comme vous voulez. Si vous ne pouvez pas vous connecter à votre partenaire, à vos amis ou à vos collègues, vous ne serez ni créatif ni heureux - si favorables que soient les circonstances externes. Le choix de cette carte signale une période où la communication harmonieuse s'avère malaisée. Bien qu'il soit important de faire des efforts vers la connexion et l'union, ces objectifs sont parfois difficiles, même impossibles à atteindre, si des paroles envenimées ou des sentiments nuisibles ont été exprimés. L'organisme peut tolérer certaines doses de poison, parfois à effet curatif. Au-delà, l'effet est mortel. A chaque fois que vous rencontrez un moment de disharmonie, rappelez-vous que toute la vie est cyclique et qu'une période d'harmonie arrivera assurément tôt ou tard.
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La racine de vipère de Beltaine
L'idée symbolisée par le pied-de-veau est dépeinte par les pierres de Men-An-Tol de Cornouailles. Là, les bâtisseurs pré- ou proto-druidiques ont créé un symbole manifeste des deux principes, masculin et féminin. L'association des pierres avec la fertilité et la guérison était telle que jadis les enfants tuberculeux étaient passés trois fois à travers le trou,nus. Les adultes souffrant d'écrouelles ou de problèmes du dos le faisaient neuf fois. L'axe de la rangée de pierres est orienté selon les quatre fêtes celtes célébrées par les druides : le lever du soleil à Beltaine et à Lugnasad dans une direction, le coucher du soleil à Imbolc et Samain, dans l'autre.
La fête de Beltaine est particulièrement associée au pied-de-veau, qui fleurit à cette époque et symbolise l'union de l'homme et de la femme - principale caractéristique de cette fête du printemps. Actuellement, Beltaine est célébré comme le 1er mai les danses traditionnelles autour du mai rappellent le spadice vertical du pied-de-veau. Dans les îles Britanniques, cette plante a plus de 90 noms différents, la plupart évoquant les associations sexuelles liées à sa forme.
Le pied-de-veau est utilisé par les druides modernes pour rappeler les qualités associées à Beltaine : fertilité, harmonie de l'homme et de la femme, fierté pour la beauté de la sexualité."
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Mythes et légendes :
D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),
GOUET OU PIED DE VEAU (arum ; en allemand, Aronwurzel). — D’après les croyances populaires de l’Allemagne occidentale, lorsque le gouet pousse bien, il réjouit les génies de la forêt.
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Littérature :
Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque le pied-de-veau :
22 avril
(Fontaine-la-Verte)
Les arums tachetés (pourquoi « pieds-de-veau » ?) exposent leurs touffes de feuilles-fers de lances. Ils révèlent, à qui se met à genoux, l'étonnante structure de leurs sexes.
Leur spathe écailleuse ressemble à un papyrus antique : découpe égyptienne. Leur tige florale finit en massue rouge et violet : phallus. Mais l'arum est un hermaphrodite aux amours bizarres. Lorsqu'on entaille la partie enflée de sa spathe, on découvre la perversion de l'espèce. Zoophilie...
Dans le bas de la massue, une collerette de poils raides obture la chambre nuptiale : elle laisse entrer certaines mouches, mais les empêche de sortir. Les insectes piégés se frottent aux étamines, avant de tomber sur les pistils qu'ils barbouillent de pollen. La fécondation achevée, les poils qui retenaient les diptères mollissent, et la plante assouvie libère ses esclaves gluants de sécrétions amoureuses.
[...] 29 avril
(Près de Moricone)
Les arums d'Italie défilent dans la prairie comme des chevaliers teutoniques d'Eisenstein. Leur heaume est une spathe blanc crème. Ils pressent sur leur cœur la hallebarde de leur axe floral jaune. Leurs feuilles imitent celles du gouet vulgaire, mais en négatif. Où leurs homologues se ponctuent de pourpre noir, elles se maculent de vert pâle.
Arums d'Italie
Réalisme socialiste
Corrigé par Togliatti
[...] 12 août
(Fontaine-la-Verte)
Un arum chargé de fruits rouges jaillit d'une taupinière : lave vomie par un volcan.
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