Étymologie
GUI, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1347 (Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, t. 4, p. 180 : un guy a deus viroles d'argent pendant a la dicte bourse) ; 1372 guy de chesne (Compte du testam. de la royne Jehanne d'Evreux ds Laborde). Du lat. viscum, d'où sont issus directement le rouergat mod. et l'a. prov. vesc (xiie-xive s. Lévy, Rayn.) ; les formes en i (visc, vist, vif, viz fin xive, Les livres du Roy Modus, 83, 23 ds T.-L.) sont prob. dues à l'infl. des représentants de hibiscus (cf. guimauve, v. FEW t. 14, p. 524b). Le passage à l'initiale de v à g révèle l'infl. de l'a. frq. *wihsila (cf. griotte) d'apr. la ressemblance des fruits de ces deux plantes.
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique sur cette plante extraordinaire, plante qui pousse en boule, c'est-à-dire dans toutes les directions à la fois...
Autres noms : Viscum album - Blondeau - Bois de la Sainte-Croix - Bouchon - Gillon - Glu - Gui blanc - Gui commun - gui de chêne - Gui des feuillus - Gui parasite - Haumustai (Wallonie) - Pomme hémorroïdale - Vergnet - Verquet - Vert de pommier -
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Botanique :
Dans le Bulletin de liaison de la Fédération mycologique et botanique Dauphiné-Savoie (septembre 2009, n°3, pp. 34-35), Louis Girard propose un article intitulé "Propos sexiste sur le gui" dans lequel il évoque quelques curiosités botaniques :
Quelques surprises botaniques :
des baies à deux embryons : On peut observer fréquemment des graines de gui germées (à partir du mois de mai) sur les branches des arbres porte-gui ; ces graines sont tombées là avec la fiente d’une grive draine ou bien ont été abandonnées là par une fauvette à tête noire. De ces graines émergent un hypocotyle vert, prémices d’une plantule de gui qui va tenter de s’installer et de survivre. Mais certaines de ces germinations révèlent un fait étonnant en émettant deux hypocotyles, comme deux «tentacules» émergent de la tête d’un escargot! Donc des graines possèdent deux, voire trois ou quatre embryons : des vrais jumeaux (ou triplés ou quadruplés !), c’est-à-dire issus d’une seule fécondation et donc d’un embryon qui s’est partagé en deux ou en trois ou quatre ? Ou bien des faux jumeaux, c’est à dire des embryons issus de plusieurs fécondations simultanées ? Qui peut répondre à cette question ? Personnellement, je penche pour la première hypothèse. Qui me dira si les deux plantules issues d’une seule graine de gui sont ou ne sont pas du même sexe ?
des baies géantes : Le fruit du gui est classiquement appelé une baie (même si les puristes la nomment pseudo-baie). Elle porte en surface des traces ressemblant au 5 d’un dé à jouer : les 4 traces des tépales (minuscules pièces florales faisant office de sépales et de pétales) et au centre le pistil. Parfois, on découvre des fruits plus gros que la moyenne et dotés de 2 voire 3 « dés à jouer » ! Nouveau mystère qui doit pouvoir s’expliquer par la fusion de deux fruits contigus (fait que l’on voit parfois dans les arbres fruitiers). Donc probablement ni jumeaux, ni siamois. Et pas forcément du même sexe.
du gui sur du gui ? En regardant bien les touffes de gui (en mai/juin), il est possible, mais rare, d’observer des graines de gui germées sur du gui ! Supposons simplement que la grive gloutonne ait eu une envie pressante en plein repas ! Mais d’autres hypothèses sont possibles ! Encore plus rare, l’observation de gui implanté sur du gui, c’est-à-dire du gui parasite du gui ! La photo cidessous montre pourtant clairement une touffe de gui mâle fixée sur une touffe de gui femelle, cas sans doute assez unique dans le monde vivant d’autoparasitisme. Donc, si le botaniste observe (en mars) des fleurs mâles et femelles sur une même touffe, il faudra en déduire que nous sommes dans cette situation rarissime de touffe de gui bisexué et monoïque. Pour clore ces propos sexistes, dans cette situation, on pourrait imaginer que ce mâle parasite fécondât sa propre mère nourrice ! Incestueuse nature !
Clemens G. Arvay, biologiste autrichien qui s'intéresse particulièrement au concept de biophilie, nous demande dans L'Effet guérisseur de l'arbre (Éditions Le Courrier du Livre, 2016) :
Saviez-vous qu'il existe en Australie un gui qui se transforme tellement que ses feuilles ressemblent aux feuilles de la plante sur laquelle il pousse ? Les botanistes ne savent toujours pas vraiment comment le gui fait pour savoir à quoi ressemblent les feuilles de la plante-hôte. Probablement qu'il existe un mécanisme inconnu qui fait que le gui peut accéder au code génétique de la plante afin de lui ressembler.
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Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques du Gui :
Propriétés Physiques. - L'écorce fraîche et les feuilles ont une odeur particulière, désagréable, et une saveur nauséeuse, douceâtre et en même temps âcre et amère. Les fruits sont douceâtres, assez semblables aux groseilles blanches. La plante entière, mais principalement les baies et la seconde écorce, contiennent un suc visqueux, très tenace, connu sous le nom de glu, et en outre de la cire, de la gomme, de la chlorophylle et des sels.
Usages médicaux. - Cette plante sacrée autrefois en Gaule et dans la Germanie était usitée dans les cérémonies religieuses des druides et ne se recueillait qu'avec un cérémonial particulier ; le peuple lui attribuait des vertus merveilleuses ; l'eau de gui passait pour rendre les femmes fécondes et comme un préservatif contre les poisons. Elle a été très estimée dans le traitement de l'épilepsie (Gordon, Bayle), des convulsions (Boerhaave), et d'autres maladies nerveuses. Dumont et Dubois la croient efficace dans les toux convulsives. On a dit les baies vomitives et purgatives ; Cazin en a avalé 15 sans obtenir aucun effet. Il ne faudrait cependant pas trop se fier à l'innocuité de ces fruits, car Gambert rapporte un cas d'empoisonnement chez un enfant où l'on a constaté le refroidissement des extrémités, des vomissements et des convulsions. La glu qu'on extrait du gui est moins abondante et moins adhésive que celle qui s'obtient de l'écorce du houx ; on la donne en Italie comme résolutive.
Formes et doses. - Poudre : 1 à 10 grammes. - Décoction, 30 à 60 grammes par kilogramme d'eau. - Extrait 1 à 6 grammes.
Pour en savoir davantage sur l’utilisation du gui contre le cancer en médecine anthroposophique, vous pouvez lire cette plaquette sur la clinique d'Arlesheim.
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D'après Marc Questin, auteur de La Médecine druidique (1990, nouvelle édition inchangée 1997),
"Le gui est apporté par les oiseaux du ciel sur l'arbre dont il exprime la survie après la mort apparente qui suit la chute des feuilles et des fruits. Il représente la survie de l'âme après la mort, son travail pour préparer la Vie Future (au sein du Gwenved) et tend vers la lumière jusqu'au renouveau printanier qui exprime cette renaissance dans une même souche (la race, la famille, le sol de son développement). En révérant le gui cueilli en un jour faste, c'est l'Âme immortelle que révéraient les druides. On recueillait le gui dans un linge banc. La cueillette terminée, on sacrifiait de jeunes taureaux blancs. Le rituel décrit par Pline se rapporte très probablement à la fête de novembre qui marque le début de l'année celtique et cela correspond au symbolisme d'immortalité et de régénération du gui. Parce qu'il est en complet épanouissement au solstice d'hiver, quand la Nature sommeille sous la neige, le druide considérait le gui comme une manifestation végétale exceptionnelle et digne d'honorer son dieu.
Ses feuilles fraîches sont riches en alcaloïdes, en viscols L et B, en cholines, en amyrines (triterpène) et en viscotoxines. En tisanes ou en macérations préparées avec soin et à faibles doses, elles agissent comme diurétique, hypertenseur, tonicardiaque et vasodilatateur périphérique. Les druides n'ignoraient pas que cette "plante-animal" freine et parfois guérit certaines tumeurs. La cancérologie moderne reconnaît ce pouvoir et parfois n'hésite pas à recourir à des injections intra-musculaires à base de certains Viscum album.
D'après Pline, "les Gaulois croient que le gui pris en boisson (ou eau de chêne) donne la fécondité et constitue un remède contre tous les poisons." Le gui était considéré comme l'eau de chêne. Étant son parasite, il suce la sève nourricière et féconde l'arbre en condensant ses vertus. Il est vraiment un concentré, un extrait de chêne.
De nos jours, le gui est à l'honneur dans les prescriptions homéopathiques sous son nom latin de viscum album. Les chercheurs pharmaciens ont découvert ses principes anticancéreux actifs contre certains carcinomes et papillomes (verrues).
"La reproduction du gui se fait différemment de celle des autres plantes. Si la graine tombe à terre, elle ne germera pas. Il faut que la baie soit mangée par un oiseau pour que se termine la formation organique de la substance fécondante. Elle est évacuée après la digestion qui ne dure que huit à dix minutes et, si elle tombe sur une branche, elle enfonce son style dans l'écorce et donne naissance à une nouvelle plante. Le gui réalise ainsi à un haut degré la continuité de la vie qui caractérise l'animal et ignore le dépérissement par lequel doit passer toute plante à graine avant d'engendrer une vie nouvelle" (Jean Palaiseul, Enquête sur une thérapeutique du cancer).
Ainsi, le gui de chêne rouvre, cueilli solennellement le sixième jour de la lune par le druide vêtu de blanc, montant lui-même sur l'arbre pour le cueillir à l'aide d'une serpe d'or, est-il traditionnellement considéré comme une "plante-animal" de l'ancienne lune. Sa croissance dans l'espace et le temps échappe, en effet, à l'attraction de la terre minérale à laquelle obéissent toutes les autres plantes.
Il existe une polarité entre le gui d'été et le gui d'hiver. Rudolf Steiner a indiqué comment utiliser les forces astrales très puissantes du gui. cette préparation est nommée iscador. L'iscador est connu en France sous le nom de Viscum album fermenté. Ce médicament préparé à partir du gui (Viscum album) est dépourvu de toxicité et peut être injecté pendant des années sans inconvénients. Il existe de nombreuses études pharmacologiques et chimiques sur le gui. Vester et Nienhaus ont découvert dans le suc frais du gui, obtenu par pression, une structure particulière de la composition des aminoacides.
Une quinzaine d'années avant la Seconde Guerre mondiale, Rudolf Steiner a préconisé l'utilisation d'une centrifugeuse d'un mètre de diamètre, tournant à 12 000 tours par minute, pour "dynamiser" cette préparation, c'est-à-dire lui rendre le mouvement, la dynamique qui sont synonymes des forces de vie. Des résultats intéressants, dépassant statistiquement toutes les autres thérapeutiques du cancer, ont été acquis avec une préparation obtenue grâce à une centrifugeuse tournant à 6 000 tours par minute.
Les propriétés anticancéreuses du gui varient assez, selon l'arbre-support. Comme le précise le Pr Raymond Lautié, "le gui du pommier (viscum mali) convient plutôt aux tumeurs génitales du sexe féminin ; le gui de chêne (viscum quercus) aux tumeurs génitales du sexe masculin ; le gui du pin (viscum pini) au cancer du sein et de la peau ; le gui du sapin (viscum abietis) au cancer de la région thoracique et cervicale."
Le gui est inséparable du monde des oiseaux. C'est en se nourrissant de ses baies que la grive draine, transporte ses graines entourées d'ne pulpe extrêmement visqueuse, qui leur permet de se coller à la branche d'un arbre et d'y germer.
Les feuilles et les rameaux, préparés en infusion, ont en particulier des propriétés hypotensives.
Contrairement aux substances chimiques généralement utilisées pour détruire les métastases et qui ont le gros inconvénient de paralyser la faculté de défense de l'organisme, il semble que le gui possède, parallèlement à une efficacité marquée contre les cellules cancéreuses, la propriété de stimuler le système de défense dans son ensemble, en agissant en particulier sur le thymus.
Conformément aux prescriptions des ovates, pour qui le gui était un remède à des troubles que nous rattacherions aujourd'hui à l'hypertension artérielle, la phytothérapie en utilise les propriétés hypotensives, vasodilatatrices et ; elle l'emploie aussi, en usage externe, contre certaines tumeurs sur lesquelles le gui exerce une action inhibitrice et nécrosante, ce que savaient les ovates qui guérissaient ainsi les ulcères.
"Certains pensent que le gui est plus efficace cueilli sur le robur (le chêne) au commencement de la lune, sans fer et sans qu'il ait touché la terre ; qu'il guérit de l'épilepsie, fait concevoir les femmes qui en portent sur elles ; que, mâché et appliqué sur les ulcères, il les guérit tout à fait" (Pline, Histoire naturelle).
La cérémonie du gui avait lieu, en Gaule, près de Chartres, le sixième jour de la lune de notre mois de décembre : elle était la fête symbolique de l'immortalité de l'âme. La plante adorée représentait la survie : fleurie, verte, agrippée à l'écorce du chêne, seule resplendissante dans la nature hivernale. Outre sa vitalité singulière dans le monde végétal réduit à l'apparence de la mort, le gui, dont les feuilles poussent généralement par bouquets de trois, répondait au symbolisme du nombre druidique. Le dogme voulait que le nombre 3 embrassât l'Univers ; il considérait 3 cercles d'existence, 3 ordres de hiérarchie sociale, 3 classes dans la nation gauloise, 3 rangs dans la chevalerie.
Le Rameau d'Or, ce gui panacée que les druides appelaient plante-qui-guérit-tous-les-maux, était plongé dans une eau lustrale, qui, charmée par les vertus magiques de la plante, guérissait les malades et déjouait les sortilèges.
De nos jours, des recherches menées en dehors du cercle de l’École d'Arlesheim pour déceler les principes actifs du gui ont prouvé par l'expérimentation sur l'animal qu'il existe dans le suc de cette plante des substances albuminoïques qui comptent parmi les plus énergiques des anti-cancérigènes connus aujourd'hui. Bien qu'aucune teinture commerciale ne rivalise en efficacité avec celle que les druides préparaient canoniquement, l'alcoolat de gui judicieusement dosé donne des résultats souvent remarquables (affections du cœur, troubles vasomoteurs et congestifs, hypertensions, etc.). employé en simples tisanes, il est un bon adjuvant hypotenseur et un dépuratif du sang. Celui du chêne, préparé comme il convient et administré à la 7° C.H. ou à la 200° homéopathique a dans certains troubles, tels que la paralysie des muscles oculaires, une efficacité parfois étonnante.
Le gui n'est autre que l'authentique Sôma, que l'Inde ne sait plus préparer et qu'elle a remplacé depuis bien des siècles par un substitut local. Les éloges adressés à Sôma (dont la mythologie a fait un dieu-lune, de même qu'elle a assimilé l'amrita aux rayons lunaires) s'adressent tantôt à la teinture, "remède universel", tantôt à l'élixir, breuvage magique des Initiés, tantôt, enfin, à la forme supérieure du symbole où le chêne est l"homme et le Gui ou Sôma la Sagesse divine, la Lumière du Verbe."
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Selon C. Busser, auteur de "Baies, fruits et pseudo-fruits toxiques utilisés en médecine populaire ou en phytothérapie" (in Phytothérapie Numéro 1 : 31–3, 2007) le Gui (Viscum album L. Viscaceae) :
C’est un parasite particulièrement fréquent sur les pommiers et les peupliers, mais il peut être présent sur la majorité des essences forestières européennes. Il est en revanche rare sur le chêne.
Il forme des touffes arrondies de 40 a` 50 cm de hauteur. Perchée sur les arbres, la tige s’enfonce dans le bois en formant un suçoir. Les feuilles oblongues, épaisses, charnues, d’un vert jaunâtre, sont opposées par deux. Les fleurs, en groupes de 3 a` 6, mâles et femelles, se développent à la fin de l’hiver et donnent naissance à des baies blanches et transparentes vers août-septembre qui mûrissent en novembre-décembre.
Le gui contient des flavonoïdes, des amines biogènes, des acides phénols et des lignanes, des lectines glycoprotéiques (viscumines cytostatiques, surtout dans les suçoirs) et des viscotoxines (protéines spécifiques cytolytiques et hypotensives : seulement dans les feuilles).
Le gui est utilise´ contre le cancer sous forme de préparations injectables d’extraits fermentés de gui d’hiver et d’été (feuilles, suçoirs et fruits), riches en lectines et autres substances.
Toxicité : Les signes dépendent de la quantité´ prise. Pour certains auteurs, ce sont les jeunes feuilles, plus que les fruits qui provoqueraient des troubles digestifs et hypotension du fait de la présence de viscotoxine, absente des fruits.
Bien que mangées par les poules, les grives, les ramiers, les fauvettes et les mésanges, les baies sont toxiques. Cette toxicité varie en fonction de l’arbre parasité. Ainsi, le gui du peuplier serait moins toxique que celui du pommier ou du sapin.
Les symptômes d’empoisonnement (ingestion d’au moins 3 à 5 baies) sont : des vomissements par irritation des muqueuses digestives, des diarrhées, la soif, une dilatation pupillaire, une hypotension et des paralysies allant jusqu'à` l’arrêt cardiaque et/ou l’asphyxie, parfois une atteinte hépatique ou des signes neurologiques. L’évolution est le plus souvent favorable en moins de quarante-huit heures.
Voici l’expérience du centre antipoison de Lille : quatre enfants ayant avalé des baies de gui ont présenté des vomissements et l’un d’entre eux a souffert également de diarrhées. Dans toutes ces situations, la quantité de baies avalées a été estimée à plus de quatre. La majorité des intoxications sont asymptomatiques mais les quantités ingérées, difficiles à apprécier, sont cependant généralement très faibles (de 1 à 3 baies). Les doses toxiques ont été déterminées chez l’animal.
Usages populaires : Bézanger cite l’utilisation traditionnelle de rameaux feuillus au moment de la fructification, ou des feuilles entières. Les fruits furent utilisés comme vomitif et purgatif, mais semblent sans intérêt. Les laboratoires homéopathiques français préparent une teinture mère à visée hypotensive à base de rameaux feuillés frais au moment de la fructification, sur des pommiers. Gélules de feuilles de gui, ou infusion de gui (feuilles), sont toujours employées en association avec l’aubépine et la mélisse en vue d’un effet hypotensif. En résumé, les feuilles de gui qui figurent encore dans la VIIIe édition de la Pharmacopée sont hypotensives et ne semblent pas provoquer (sous toutes réserves) d’effet toxique a` long terme selon Bruneton, Weiss et Fintelmann (Com E). Les extraits fermentés de gui à visée immunostimulante représentent un cas particulier, dans la mesure où la fermentation de gui d’hiver et de gui d’été mélangés permet l’apparition de lectines à effet cytotoxique sélectif in vitro et de diverses autres substances polysaccharidiques entre autres à effet immunomodulant. Divers laboratoires européens ont développé des techniques de fabrication, dont les indications varient en fonction des concentrations.
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Usages traditionnels :
Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102, 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :
kabarë, m. = « cabaret » / levi, m. / = gui = Viscum album.
Croyances populaires :
Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des croyances liées aux cycles de la vie et de la nature :
On dit que le gui de chêne guérit ceux qui tombent du haut mal.
Alfred Chabert dans De l'emploi populaire des plantes sauvages en Savoie (in Bulletin de l'Herbier Boissier, Vol. III, nʻ5-6-7, sous la direction de Eugène Autran, Genève, 1895) évoque le gui :
Enfin il existe certainement dans les populations d'une partie de nos campagnes un préjugé au sujet du guy, Viscum album. Quelles que soient la beauté et la fécondité de l'arbre fruitier sur lequel ce parasite se développe, jamais nos paysans ne le détruisent. Ils le laissent croître et multiplier à l'aise et tuer peu à peu le support, chez eux aussi bien que chez les propriétaires. Les ordres donnés à ce sujet restent lettre morte. Fermiers et journaliers ont toujours un prétexte pour renvoyer à plus tard leur exécution ; ils ne refusent pas d'obéir, mais ils font force d'inertie. Lorsqu'on leur en demande la raison, ils répondent qu'ils ont oublié. Si l'on veut que le guy soit détruit en notre présence, ils affirment que l'arbre fruiter crèvera, si l'on n'attend pas telle ou telle autre saison, et je le répète, ils laissent le guy prospérer aussi bien sur les arbres qui leur appartiennent que sur les autres. Jamais je n'ai pu avoir d'explication à ce sujet. Il y a là évidemment un mystère. Est-ce un reste des superstitions druidiques ?
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D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012) : le gui est "un bon parasite".
Toujours vert : Admirant la verdure et la vitalité inépuisable du gui en plein en hiver, les druides vouaient un respect sans borne à la plante poussant sur de rares branches de chênes. A leurs yeux, "l'eau du chêne", comprenez la sève associée à l'âme de l'arbre, tout à la fois emplie de sagesse et de force, trouvait refuge dans le gui, en période hivernale. Cette présence conférait au végétal en boule des pouvoirs exceptionnels mais fragiles. Seule une cueillette rituelle pouvait empêcher la disparition de ces bienfaits. La récolte devait s'effectuer au sixième jour après la nouvelle lune, lors du solstice d'hiver. Vêtu d'une robe blanche, un druide grimpait au chêne et prélevait une houppe de gui avec une faucille d'or tout en prononçant la formule rituelle O ghel an heu (Que le blé germe). Cette expression, glorifiant le renouveau de la nature symbolisée par le blé, fut déformée dans le temps et devint au cours du Moyen Âge "au gui, l'an neuf". L'assistance placée sous le chêne, déployait un drap blanc, afin que le gui ne perde ses vertus en touchant terre. Découpée en morceaux, la précieuse plante aux vertus jugées protectrices était distribuée à l'assistance.
La consommation de gui offrait en effet l'invincibilité tandis que le fait d'en porter sur soi ou de l'accrocher dans les maisons et les étables protégeait des sortilèges, des maléfices et des voleurs. Au siècle dernier, la plante merveilleuse placée dans un wagon empêchait même le train de dérailler. Et une seule branche de gui suspendue au-dessus d'un berceau suffisait pour dissuader les fées d'enlever le nouveau-né. Accrochez du gui dans une maison est donc synonyme de chance et de protection pour les habitants, tout le monde sait cela. Pensez toutefois à ajouter une branche de houx dans vos rameaux de gui, le bonheur des autres ne pourra ainsi vous causer aucun tort.
"Suspendu au plafond de la salle commune, mis à la tête du lit des époux, le gui a tenu durant de longs siècles sa place de plante hautement protectrice : foudre, maladie, malchance, infidélité, incendie, épidémie, mauvaise récolte, inondation... Il n'est guère de malheurs contre lequel le gui se soit révélé inefficace." (Cunningham)
Cueillette du gui : Les druides procédaient à la récolte du gui en utilisant exclusivement une serpe en or, tout autre métal aurait nui aux vertus de la plante. Mais près de Rennes, les habitants croyaient que la soupe de la plante, quel que soit le métal utilisé, portait irrémédiablement malheur. Aussi préféraient-ils arracher le gui. N'hésitons pas enfin à dénoncer les habitants de Velorcey (Haute-Saône) qui dérobaient le gui chez autrui puisque seul un rameau volé avait valeur de porte-bonheur à leurs yeux. Comme vous pouvez le constater, les avis divergent et nous vous laissons libre de faire votre propre choix, quitte à vous arranger avec votre conscience... Sachez que plus les touffes de gui seront fournies et chargées en baies, plus la chance sera au rendez-vous.
Pas si parasite que ça : Le gui est un semi-parasite. il prélève à l'arbre une partie de sa sève brute mais effectue lui-même sa photosynthèse. Il semblerait même qu'il restitue en hiver quelques produits de son activité à celui qui le porte. Le gui n'est en fait nuisible que s'il pousse en abondance, responsabilité qui incombe alors aux grives et fauvettes, friandes de ses baies blanches et qui dissémineront les graines après digestion.
S'embrasser sous le gui : L'échange traditionnel de baiser sous le gui, célébrant l'amitié et l'amour, avait déjà cours au IIe siècle. Mais connaissez-vous les conditions intransigeantes qui doivent être respectées pour ne pas souffrir de désagréments. Le gui doit absolument être cueilli avant Noël et brûlé durant la nuit du 6 janvier. Sans quoi, les couples s'étant embrassés sous les rameaux de verdure pendant le réveillon du jour de l'an ne cesseront de se disputer les douze mois à venir !
Aucune précaution n'est en revanche nécessaire pour échanger un baiser sous un arbre porteur de gui. Il paraît même que c'est un stratagème bien plus efficace que de s'embrasser bien au chaud chez soi. Enfilez néanmoins vos gants et votre bonnet, ce ne serait vraiment pas de chance si vous attrapiez un rhume à cette occasion !
Source de revenu : Une superstition l'affirme : celui qui marche sous le gui suspendu au plafond sans en avoir conscience profitera bientôt d'une rentrée d'argent. Il est en revanche attesté que le gui a permis à certains de récolter quelques sous
Le gui porte-malheur, ça existe : Il ne faut jamais enlever toutes les boules de gui d'un arbre, cela porte malheur. De même, aux alentours de Valence, et comme le rapporte l'écrivain Éloïse Mozzani, "passer sous un pommier portant du gui ou manger une pomme provenant de cet arbre, c'est courir le risque d'être ensorcelé."
Vente : "Au gui nouveau ! Au gui l'an neuf !, Au gui nouveau ! Au gui l'an fleuri !", telles étaient les formules des vendeurs ambulants qui haranguaient les passants en portant des touffes de gui suspendues à un bâton de frêne ou de bouleau. Au début du siècle dernier, de nombreuses boules de verdure provenant essentiellement de Bretagne et de Normandie envahissaient les rues de Paris et de Londres où les habitants chérissaient particulièrement le gui.
Médecine : "Celui qui guérit tout" comme on le nomma, fut prescrit pour soigner les maux les plus divers : les boutons, les tumeurs, la stérilité féminine, l'empoisonnement, l'épilepsie et même la danse de Saint-Guy ! De nos jours, les propriétés antispasmodiques, sédatives, hypotensives du gui sont reconnues par la médecine.
Étrennes : Au XIXe et au début du XXe siècle, les Bretons de peu de biens présentaient leurs vœux de bonheur de maison en maison. En échange de leurs souhaits et de rameaux de gui, ils recevaient quelques victuailles et parfois des pièces améliorant leur quotidien. Le 31 décembre, les salariés faisaient de même envers leurs directeurs et recevaient un présent en retour."
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Symbolisme :
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Gui - Parasite.
Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
GUI - LIAISON DANGEREUSE.
Plante parasite de la famille des chèvrefeuilles, dont la semence s'attache à l'écorce de certains arbres tels que le chêne, le pommier, l'aubépine, etc., et dont les feuilles ont une saveur amère et mucilagineuse.
Ainsi, lorsque l'hiver attriste la nature,
Le gui sur un vieux chêne étale sa verdure,
Et l'arbre, enorgueilli d'un éclat emprunté,
Se couronne d'un fruit qu'il n'a point enfanté. CASTEL.
« C'était grande cérémonie chez les Gaulois, dit M. Bescherelle, quand on devait cueillir le gui de chêne qu'ils regardaient comme sacré. Leur chef montait sur le chêne, coupait le gui avec une faucille d'or, et le premier jour de l'an on le distribuait au peuple comme une chose sainte, en criant : Au gui, l'an neuf, pour annoncer la nouvelle année. Suivant eux, l'eau du gui fécondait les animaux stériles, et offrait un préservatif contre toutes sortes de poisons :
Sur un chêne orgueilleux, des peuples adoré,
Les druides sanglants cueillaient le gui sacré ;
Les autels exposaient au culte du vulgaire
De la faveur des dieux, ce gage imaginaire. ROSSET.
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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Gui - Je surmonte tous les obstacles.
Le gui se nourrissant uniquement de la sève des arbres sur lesquels il s'attache, on conçoit qu'il devient un para site très nuisible, aussi les arboriculteurs soigneux ne manquent pas de l'extirper de leurs vergers. Cependant, comme ses racines sont fortes, il est difficile de détruire le gui : souvent alors de beaux arbres fruitiers meurent pour être trop aimés de ce faux ami. C'est de l'écorce du gui que l'on tire la glu dont on se sert pour prendre les oiseaux.
Dans le Glossaire théosophique (1892) d'Héléna Blavatsky, on peut lire la notice suivante :
GUI. Cette curieuse plante qui croît uniquement comme parasite sur d'autres arbres, tels le pommier et le chêne, était une plante mystique dans plusieurs religions anciennes, notamment celle des Druides de Celtide ; leurs prêtres coupaient le gui, en grande pompe, en certaines saisons, mais alors seulement avec une faucille en or spécialement consacrée. Hislop fait la suggestion, à titre d'explication religieuse, que le Gui, étant une branchette qui se développait depuis un arbre-Mère, était adoré comme Branche Divine sortie d'un Arbre Terrestre, union de la divinité et de l'humanité. En allemand, le nom signifie "ce qui guérit tout". Comparez le Rameau Doré de l'Enéide de Virgile, VI., 126 ; et Pline, Histoire Naturelle XVII., 44 : "Sacerdos candida veste cultus arborem scandit, falce aurea demetit". (w.w.w.).
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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Gui (Viscum album) a les caractéristiques suivantes :
Genre : Masculin
Planète : Soleil
Élément : Air
Divinités : Apollon-phoïbos (le brillant) - Apollon-argurotoxos (à l'arc d'argent) - Apollon-iatromantis (le médecin devin) - Apollon-sôter (le sauveur) - Diane-Artémis - Vénus-Aphrodite « Ourania » - Odin et son épouse Frigg.
Pouvoirs : Protection - Amour divin - Fécondité - Créativité - Guérison - Chance - Exorcisme.
Utilisation rituelle : Très commun sur le pommier, le peuplier, le Gui se fixe rarement sur le chêne et le châtaignier; c'est pourquoi celui qui provenait de ces deux derniers arbres était si recherché : ce Gui inhabituel ne pouvait être qu'un phénomène d'origine divine, donc une plante miraculeuse...
Le culte de ce parasite éternellement vert et prospère remonte à la nuit des temps. Le Gui de chêne ou de châtaignier était vénéré chez les Celtes, les Germains, les Grecs, les Romains. Partout la plante se trouvait associée à une multitude de légendes et de traditions populaires. Pour certains chercheurs, son nom scientifique, viscum, désignerait la pulpe collante, visqueuse et translucide contenue dans les drupes ; pour d'autres, ce serait une corruption de l'ancien allemand wiz (weiss : blanc).
La cueillette du Gui était, dans le culte druidique, l'objet de grandes solennités. Elle se faisait quand la lune est dans son sixième Jour de croissance. Il fallait le couper par brassées, avec, dit-on, une serpe d'or, et les rameaux ne devaient surtout pas tomber par terre. Des vestiges de cet usage ont longtemps subsisté en Europe. L'expression au Gui l'An neuf rappelle cette cérémonie de la récolte chez les Gaulois. Dans plusieurs provinces françaises, on a longtemps donné le nom d'aguignettes aux étrennes du jour de l'An. En Espagne, les fêtes qui marquaient le passage d'une année à l'autre s'appelaient aguinaldos. En plein épanouissement au milieu des hivers les plus rudes, c'est par exemple la plante du solstice d'hiver.
Un bouquet de Glue de chêne mis à la fenêtre d'une femme indique symboliquement qu'elle colle aux hommes et ne cherche à en épouser un que pour le sucer.
Utilisation magique : Suspendu au plafond de la salle commune, mis à la tête du lit des époux, le Gui a tenu durant de longs siècles sa place de plante hautement protectrice : foudre, maladie, malchance, infidélité, incendie, épidémie, mauvaise récolte, inondation... Il n'est guère de malheur contre lequel le Gui se soit révélé inefficace. Dans beaucoup de campagnes, d'ailleurs, encore de nos jours, on refuse d'admettre la toxicité des drupes.
On suspend une touffe au-dessus du berceau pour empêcher les fées de jouer leur tour favori : la substitution d'enfants.
Le Gui porte chance aux chasseurs. Il protège contre les attaques des brigands et des bêtes sauvages. Il cicatrise les blessures - on ne sait pas très bien comment, car il ne faut surtout pas mettre les feuilles ou les drupes directement sur une plaie.
Il procure des rêves extraordinaires ; il rend fécondes les femmes stériles ; il fait rentrer au bercail les enfants prodigues et les épouses volages.
Pour se procurer un bon numéro à la conscription, il fallait cueillir, la nuit qui précédait le tirage, un rameau de Gui sur une épine blanche.
Dans le Jura suisse, pour se rendre propice la « tante Arie » - une fée locale -, les filles déposaient des couronnes de Gui devant la grotte où elle était censée demeurer
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
Les Germains, qui le cueillaient avec les mêmes cérémonies que les Gaulois, lui attribuaient la propriété de protéger des blessures le guerrier qui en portait et de lui donner l'invincibilité. Ils le dotaient également de vertus contre l'épilepsie. A cause de ses pouvoirs, les peuples du Holstein et les Alsaciens ont surnommé le gui marentakein ou "rameau des spectres".
Selon une légende germanico-scandinave, Balder, fils d'Odin (Wotan) et de Frija, déesse de la Fécondité et de l'Amour, avait rêvé de sa propre mort. a mère implora alors tous les éléments ( le feu, les métaux, les maladies, l'eau, les animaux, les serpents) de ne pas porter atteinte à son fils, en oubliant de conjurer le gui. Balder fut atteint mortellement par une lance en bois de gui lancée par un aveugle sur ordre de Loki, son ennemi : "Les divinités, toutefois, apitoyées par le chagrin de le mère, ranimèrent l'enfant mort, et la plante, dont la bonne foi avait été surprise, promit qu'elle ne servirait jamais plus les puissances du mal à condition qu'on ne lui fit plus toucher la terre". Les dieux placèrent également la plante sous la dépendance de Frija. Les Scandinaves considèrent le gui comme un symbole d'espoir, de paix et d'harmonie.
Si les Grecs en faisaient également une plante vénérée (Perséphone utilisait un rameau de gui pour descendre chaque année aux Enfers et en revenir ; le rameau d'or, évoqué par Virgile dans L’Énéide, qui ouvrit l'entrée des Enfers à Énée, prince troyen serait également du gui). Les Romains semblent lui avoir attribué essentiellement une fonction décorative : pendant les Saturnales et la fête du dieu solaire Mithra, le gui ornait les maisons des patriciens et des plébéiens. Lorsqu'au Ive siècle, les Pères de l’Église imposèrent Noël (qui prit la place de la fête de Mithra), ils condamnèrent l'usage du gui, assimilé aux rites païens et encouragèrent celui du houx. Tout au long du Moyen Âge, l'Église continua de proscrire le gui aux fêtes de la Nativité. Aujourd'hui encore, "des églises anglaises [...] interdisent le port de parures de gui pendant les services religieux".
La tradition de s'embrasser sous le gui porte-bonheur à Noël, ou au nouvel an, n'en est pas moins populaire. Pour certains, cette coutume provient de son association avec la déesse de l'Amour Frîja ; d'autres invoquent une légende grecque, selon laquelle le gui, ayant un jour offensé les dieux, fut condamné à observer les baisers des jeunes gens. Chez nous l'origine est probablement celte.
Qui passe sans le faire exprès sous le gui suspendu au plafond attire les libéralités de la fortune. Il faut toujours enlever ou brûler le gui de Noël douze nuits après la fête, au risque de se quereller avant la fin de l'année.
En Angleterre, où celle qui n'a pas été embrassée sous du gui avant son mariage risque la stérilité, on prétend qu'en suspendre un rameau dans la cheminée pendant la nuit de Noël éloigne de la maison les génies malfaisants. Les bateaux anglais portaient souvent un bouquet de gui à l'extrémité du grand mât, qui y avait été déposé par le petit mousse, la nuit de la Nativité, pour porter chance à l'équipage. Toujours outre-Manche, si on donne du gui à la vache qui vient de mettre bas juste après la Nativité, toute l'étable sera à l'abri des épizooties.
Le gui, qui dans le langage des plantes signifie "je surmonte tout", protège de la foudre (en jeter dans le feu au premier coup de tonnerre), des incendies, des maladies, de la malchance, de l'infidélité, des inondations et promet de bonnes récoltes. En suspendre au-dessus du berceau d'un nouveau-né empêche les fées de s'en emparer pour le remplacer par un des leurs ("enfant de fée"). Il porte chance au chasseur et met à l'abri des attaques des brigands et des animaux sauvages. Il fait même "rentrer au bercail les enfants prodigues et les épouses volages" et procure "des rêves extraordinaires".
La jeune fille qui place du gui sous son oreiller rêvera de son futur mari (pays de Galles). Les Gallois disent aussi "pas de gui, pas de chance". Un rameau accroché à la porte de la chambre procure des nuits paisibles et chasse les cauchemars (Autriche). En avaler sans mâcher attire la chance (Belgique) et faire porter autour du cou des enfants des amulettes composées de morceaux de la plante les protège des sorciers (Allemagne).
En France, certains attribuaient au gui le pouvoir d'empêcher un train de dérailler, comme le signale la Revue des traditions populaires (1895) : "Un de nos amis se trouvant dernièrement dans un train de chemin de fer, vit entrer dans son compartiment une personne qui portait un énorme bouquet de gui et qui dit aux voyageurs présents que lorsqu'on avait une branche de cet arbuste on n'avait rien à craindre en chemin de fer".
Du gui sur un chêne indique la proximité d'une mandragore (plante qui assure la richesse). D'où sans doute la croyance que trouver du gui (quel que soit l'arbre qui le porte) amène la fortune (Albret). La présence d'un rameau de la plante au-dessus de la porte des écuries et des étables protège les animaux (dans le Finistère, cela empêche les vaches d'avoir des dartres). La plante fait fuir les insectes (Normandie). Dans certaines régions, on prétend que du gui attaché à un arbre avec une aile d'hirondelle attire de nombreux oiseaux. Signalons encore que certaines jeunes filles redoutant d'avoir à "coiffer Sainte-Catherine" portaient dans leurs vêtements un sachet contenant les cendres d'une branche de gui. Rêver de la plante est en outre un excellent présage d'amour. Toutefois, en Savoie, où le gui passe pour l'emblème des "liaisons dangereuses", il faut éviter d'en offrir un rameau. Selon une croyance des Alpes, ses baies "contiennent le dernier adieu d'un amant mourant". Dans la région de Valence, passer sous un pommier portant du gui ou manger une pomme provenant de cet arbre, c'est courir le risque d'être ensorcelé.
Le gui protecteur, dont on peut faire des chapelets ou qu'on peut placer dans des médailles d'argent, a servi de thème à de nombreuses amulettes. Les boucles d'oreilles en forme de gui firent fureur en France en l'an XIII tout comme, à la fin du siècle dernier, les épingles à cheveux portant une branche de faux gui. On a même vu, en 1893, les chapeaux de femmes se couvrir de rameaux artificiels de la plante. Vers la même époque, on signale l'utilisation de menus ornés de ses feuilles. A partir de 1900 et de l'époque de l'Art nouveau, il fut représenté sur les gobelets de mariage et divers accessoires de toilette.
Le gui de chêne est abortif : "Aussi, dans nos campagnes, n'aime-t-on point parler du gui de chêne. Les femmes surtout détournent alors la conversation et rougissent".
Le gui de pommier ou d'aubépine servait les vaches à mettre bas (Normandie, Maine-et-Loire).
Contre la jaunisse, on pose sur la tête du malade des boules de gui qui ont trempé dans l'urine d'un petit garçon ou on se contente de suspendre à la crémaillère ou à la cheminée celui que l'on a trouvé dans un buisson d'épines noires ; le gui provenant d'aubépines remédie aux coliques et aux états fébriles (Normandie).
Le gui passe pour très efficace contre l'épilepsie : c'est pour cela que les enfants en portaient sous forme de chapelet, qui les protégeait en outre des convulsions. Des décoctions de gui viennent à bout de la coqueluche. Le breuvage de gui de chêne, appliqué sur l'estomac, guérit toutes piqûres ou morsures d'animal venimeux (Tarn). Baies et feuilles étaient employées en cataplasme contre les douleurs de la goutte, les œdèmes, les engorgements lymphatiques.
Les vertus curatives du gui étaient si réputées qu'à la fin du XIXe siècle, "certains droguistes interlopes en vend[ai]ent à des prix inouïs".
La science médicale a d'ailleurs rejoint les croyances populaires : le gui est reconnu comme hypotenseur, antispasmodique et sédatif (il pourrait donc avoir une efficacité pour calmer convulsions et crises épileptiques, comme le veut la médecine magique), légèrement cardiotonique et diurétique.
Selon Pline, le gui était employé dans le traitement des tumeurs. Citons encore Jean-Marie Pelt : "Le gui se propage sous l'écorce comme un cancer par ses cordons sournois qui circulent dans le corps des arbres, provoquant des métastases, c'est-à-dire, ici ou là, de nouvelles touffes de gui. Les Gaulois considéraient ces touffes comme des tumeurs surgissant de l'arbre porteur. De fait, ce dernier peut lui-même produire des tumeurs lorsqu'il est infesté par le gui. L'érable, en particulier, peut manifester alors des déformations très importantes. La plupart des espèces forment autour du point où le gui s'implante une sorte d'enflure, de bourrelet, bref, une sorte de tumeur [...]. Tumeurs, métastases, proliférations : trois signes traditionnels du cancer". Des laboratoires pharmaceutiques suisse et allemand ont expérimenté des médicaments avec du gui "inhibant les divisions cellulaires et stimulant les réactions de défense de l'organisme". Le gui poussant sur l'aubépine serait le plus efficace contre les cancers.
Suivant la tradition, pour profiter des propriétés du gui, il faut le récolter avec une lame en or, ou, à défaut, l'arracher avec les mains.
Enlever tout le gui d'un arbre porte malheur. En dépouiller complètement un arbre fruitier le fait périr.
En ouvrant des baies de gui le 29 septembre, jour de la Saint-Michel, on peut prédire le temps de l'année à venir. Bien remplies, elles annoncent une année abondante mais des baies maigres et sèches présagent une année sèche et chaude. Vides et humides, l'été sera humide et froid. Si le gui est couvert de nombreuses baies, l'hiver risque d'être précoce et très enneigé (Ardennes).
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