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L'If, l'arbre des morts

Dernière mise à jour : 26 oct.



Étymologie :


  • IF, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 406) ; 2. 1834 « pièce de charpenterie de forme triangulaire pour les illuminations » (Boiste). Du gaul. *ivos (irl. eo, cymrique yv [le bret. ivin est peut-être empr. au fr., v. Dottin, p. 262]), le mot étant commun aux lang. celt. et germ. (a.h. all. îwa, all. Eibe ; ags. îw, angl. yew), v. Dottin, pp. 131, 262 ; Thurneysen, p. 65.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Taxus baccata - Aci - Asse - Bois d'aï - Bois de doigt - Bois d'Espagne - Bois de la Sainte-Baume - Bou d'i - Eche - Ifo - Ivié - Liéou - Liss - Lityë - Smilax de jardin - Téych - Téchéra - Tuey -

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Botanique :


Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt s'intéresse à la communication chez les animaux et chez les plantes, et en particulier à la toxicité des poisons qu'ils produisent :


L'if est un arbre surprenant à tous égards. Conifère, il possède cependant, comme le vrai sapin, des feuilles-aiguilles d'un vert sombre et de forme intermédiaire entre les aiguilles de l'épicéa et les feuilles étalées de la plupart des arbres. Mieux encore, il ne donne pas de cône ou de « pomme », mais des sortes de baies rouges, et il se transforme à maturité en une sorte de « sapin » couvert de mille petites boules écarlates du meilleur effet. Enfin, autre curiosité botanique, les pieds d'if sont tantôt mâles, tantôt femelles, jamais les deux. Les pieds de Monsieur If donnent au printemps un pollen jaune que le moindre choc transforme en un nuage de couleur soufre, tandis que les pieds de Madame If, en tous points identiques, se parent à l'automne de petites « baies » rouges. Il faut ici mettre le mot entre guillemets, car il ne s'agit nullement de baies, mais de graines vertes enfoncées à maturité dans de belles outres gonflées d'un rouge tirant parfois sur le rose. La nature, ici encore, est bonne mère, car elle a rendu l'arbre, mâle ou femelle, tout entier toxique, hormis justement ces petites urnes rouges, de sorte qu'un enfant ne s'intoxique que s'il croque et avale la graine, non s'il consomme ce pseudo-fruit rouge si attrayant et veille à bien cracher le pseudo-noyau (la graine, précisément). Une expérience que, bien entendu, nous ne conseillons toutefois à personne...

Arbre toxique, l'if était vénéré, comme le gui, par les Gaulois. La décoction de feuilles et de graines donnait un redoutable poison de flèche, d'où son nom latin, taxus, dérivant du grec toxon, signifiant « flèche empoisonnée ». Les notions de flèche et de poison étaient en effet si intimement mêlées qu'un seul nom servait à désigner l'une et l'autre. Il fallut attendre Dioscoride, au premier siècle de notre ère, pour que le radical « tox » soit réservé aux seuls poisons : les toxiques. La toxicité de l'if était à ce point redoutée que le même Dioscoride, célèbre médecin grec, chirurgien des armées de Néron, craignait d'être empoisonné s'il venait à s'endormir sous cet arbre. Plus tard, au Moyen Âge, des vignerons portugais eurent la fâcheuse idée d'utiliser des tonneaux en if pour y faire vieillir leur porto ; ce fut un porto empoisonné que ses consommateurs burent au point d'en mourir. Et il fallut encore du temps pour qu'on se rendît enfin compte que c'était au bois d'if qu'il convenait d'imputer ce genre d'accidents.

Cette fâcheuse réputation a entraîné une raréfaction de l'if, moins commun aujourd'hui qu'autrefois, car de nombreuses intoxications du bétail ont incité les agriculteurs à le bannir des prairies et forêts. L'if a pris sa revanche dans les parcs et les jardins : on le trouve partout, subissant avec complaisance les pires caprices des jardiniers. grâce à son extraordinaire faculté de bourgeonnement, cet arbre plastique ne redoute pas le sécateur et supporte d'être taillé au gré de toutes les fantaisies ; il affecte alors les formes les plus inattendues : haies, bancs, pyramides, colonnades, moulins à vent, animaux, etc.

L'if croît avec une extrême lenteur : il ne dépasse pas dix mètres de haut, mais peut vivre deux mille ans. Cette longévité exceptionnelle explique sa présence dans les cimetières où ce symbole de l'éternité décimait jadis le parc hippomobile des entreprises de pompes funèbres car les chevaux des corbillards, pour tuer le temps, se tuaient eux-mêmes en le broutant. La mécanisation de la mort est venue heureusement supprimer ce risque ; mais les ifs immobiles au feuillage toujours vert continuent à protéger, sentinelles vigilantes, le repos des défunts Et à le protéger longtemps ! Les spécimens croissant dans certains cimetières de Normandie (Estry, la Haye-de-Routot) approchent le bimilllénaire, ce qui en fait, avec leurs homologues anglais, plus vieux encore, les arbres les plus âgés d'Europe.

L'histoire de la découverte du Taxol, substance anticancéreuse et toxique de l'if, commence au début des années 60, lorsque le National Cancer Institute (NCI) organisa aux États-Unis un vaste programme d'évaluation de plante afin de recherche de nouvelles substances antitumorales. Trente cinq mille espèces végétales - soit environ le quinzième de toutes les espèces connues - furent passées au crible pour apprécier leurs éventuelle activité anticancéreuse.

C'est ainsi qu'un extrait brut d'if du Pacifique (Taxus brevifolia) donna une réponse positive sur certaines leucémies expérimentales. Les chercheurs américains en isolèrent alors le Taxol dont ils établirent la structure chimique en 1971. Étant donné sa structure encore inconnue, le Taxol présentait l'intérêt particulier d'ouvrir en chimiothérapie anticancéreuse une nouvelle tête de série sans relation aucune avec les médicaments déjà utilisés. D'emblée, son exploitation se heurta cependant à un grave inconvénient : le taxol s'extrait en effet de l'écorce du tronc des ifs, ce qui exigeait des écorçages entraînant la destruction massive de cette espèce sur la côte pacifique des États-Unis. Ne fallut-il pas, en 1988, abattre 12 000 ifs pour n'isoler que 2 kg de Taxol ? Naturellement, les écologistes réagirent violemment, et l'on dut se résigner à voir les recherches industrielles et thérapeutiques en cours se retrouver dans l'impasse, faute de matière première. L'if, de surcroît, est d'une croissance très lente, on l'a vu, et il était impossible d'envisager des plantations rentables à vue humaine. Quant à la synthèse du Taxol, elle se heurtait à des difficultés quasi insurmontables en raison de la structure complexe de sa molécule.


Comme toujours dans ce genre de situation, les chercheurs se tournèrent alors vers la mise au point d'« analogues » synthétiques du Taxol. L'une des directions de recherche consista à avoir recours à l'if européen (taxus baccata), et non plus cette fois à l'écorce des troncs, ce qui impliquait l'abattage des arbres, mais au feuillage. Il suffisait de prendre en compte l'extrême disposition de l'if à se laisser tailler pour récolter chaque années des contingents impressionnants de feuilles. On faisait ainsi coup double : on conservait les arbres et on assurait ainsi le renouvellement annuel de la matière première. De leur côté, les Italiens plantèrent 600 hectares d'ifs, et une équipe française de Clermont-Ferrand, animée par Jean-Yves Berthon, entreprit la culture de jeunes plants in vitro, ainsi que la sélection d'espèces riches en substances actives. Curieusement, ce sont les plants français qui se révélèrent les plus prometteurs ; ils devaient ensuite être cultivés dans les terres mises en jachère par la politique agricole commune de l'Union européenne.

Les recherches chimiques sur les feuilles ont simultanément progressé et de nombreux « analogues » structuraux du Taxol ont été mis au point. Une équipe de chercheurs français de l'Institut des Substances naturelles de Gif-sur-Yvette, conduite par Pierre Potier, a obtenu une substance voisine du Taxol, baptisée « Taxotère ». Cette molécule présente un effet thérapeutique plus marqué que celui du Taxol sur les cellules cancéreuses dont elle bloque la division. Son usage clinique a confirmé ces constatations : le Taxotère possède une activité antitumorale intéressante sur les cancers du sein, de l'ovaire et du poumon, et le médicament est entré sur le marché thérapeutique en 1994.

Si le Taxotère est aujourd'hui produit industriellement par synthèse, le Taxol ne l'est pas encore. Extrait des ifs, son prix est prohibitif. Aux États-Unis, la vente du Taxol est autorisée depuis janvier 1993 dans la lutte contre les tumeurs ovariennes. Elle vient d'être autorisée en France pour le traitement des cancers métastasés de l'ovaire, après échec du traitement classique. Certains travaux montrent, pour le Taxol et le Taxotère, des résultats encourageants dans les cancers du sein dont le nombre ne cesse d'augmenter. Récemment, Taxol, Taxotère et divers corps voisins ont manifesté des propriétés parasiticides, notamment contre l'agent responsable du paludisme, souvent résistant aux antipaludiques classiques et qui tue encore trois millions de personnes par an de par le monde.

L'histoire de l'if constitue donc une grande épopée médicale et industrielle à laquelle la France a pris une part essentielle. Elle illustre excellemment les nombreux processus à mettre en œuvre pour passer du toxique au médicament.

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de l'If :


Propriétés Physiques et Usages médicaux Toutes les parties de cette plante jouissaient autrefois d'une grande célébrité ; on la considérait comme possédant des qualités vénéneuses très puissantes. L'expérience moderne a beaucoup diminué l'influence délétère de cet arbre on allait jusqu'à dire que son ombre donnait la mort en reconnaissant toutefois qu'il est réellement vénéneux. Les feuilles sont âcres, amères, nauséeuses au goût; elles ont une odeur qui entête. Les fruits (sphalérocarpes) faussement désignés sous le nom de baies , sont dépourvus des qualités délétères des feuilles et des rameaux. Ils sont seulement purgatifs et encore à un faible degré (Percy, Richard) ; l'amande, blanchâtre, charnue, assez agréable à manger, contient de l'huile. Ces fruits sont adoucissants, béchiques, laxatifs ; Percy a obtenu un médicament de la capsule bacciforme des fruits ; il en a composé une gelée et un sirop qu'il a donnés contre la toux, les coliques, les douleurs hémorroïdaires et la gravelle à la dose d'une cuiller à bouche. On a voulu dans ces derniers temps se servir criminellement de l'if comme moyen abortif ; les résultats ont été mortels ; il se produisait d'abord une vive irritation de la muqueuse gastro- intestinale, puis une action narcotique et stupéfiante.

 

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Je me bornerai à rappeler que le bois de [...] l'if, Taxus baccata, est réputé dangereux et est rejeté de la fabrication des ustensiles de cuisine ; il sert à faire des piquets, des cloisons.

 

Selon C. Busser, auteur de "Baies, fruits et pseudo-fruits toxiques utilisés en médecine populaire ou en phytothérapie" (in Phytothérapie Numéro 1 : 31–3, 2007) l'If (Taxus baccata L. Taxaceae) est un :


Arbre à feuilles linéaires, aplaties, aiguës au sommet. Le pseudo-fruit, la partie charnue qui entoure la graine (l’arille ovoïde de 10-12 mm), présente un orifice laissant voir la graine. Arilles isolées à une graine brune visible.

L’arille est comestible, mais la graine qui s’y trouve est très toxique. Lorsque la graine n’est pas mâchée, en cas d’ingestion des arilles, il n’y a en général pas intoxication.

Il existe d’autres espèces, considérées par certains botanistes comme des sous-espèces de l’if occidental (l’if du Pacifique par exemple : Taxus brevifolia Nutt.).

L’if occidental est une source de déterpènes à noyau taxane, dont le taxol, actif sur les cancers de l’ovaire et du sein (commercialisation de paclitaxel (DCI) et de docétaxel – DCI). Floraison : avril-mai, fructification : août-septembre.


Signes cliniques de l’intoxication : On retrouve des troubles digestifs et vertiges et des troubles cardiaques et neurologiques graves. Les intoxications sont très fréquentes chez les animaux et en particulier chez les chevaux qui sont friands des feuilles.

Usages populaires : Selon Cazin, médecin célèbre du XIXe siècle ayant exerce´ dans le nord de la France vers 1850, les feuilles et parfois fruits étaient utilisés : les fruits comme sédatifs et contre les rhumatismes (présence de biflavonoïdes anti-spasmodiques et sédatifs).

Toute la plante est toxique (sauf l’arille, comestible) et fut utilisée comme poison de flèche, comme abortif, contre les rhumatismes, pour ses propriétés : antispasmodique, cardiotonique, emménagogue, expectorante, narcotique et purgative. Les laboratoires homéopathiques français préparent une teinture mère à base de rameaux feuillés et de pseudo-fruits.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Hiver - Février.

IF - TRISTESSE.

Il y a, dans les végétaux, quelque chose qui nous appelle, nous attire ou nous repousse. L'if est, chez tous les peuples, l'emblème de la tristesse : un tronc dépouillé d'écorce, une verdure sombre, sur laquelle contraste durement un fruit rouge semblable à des gouttes de sang, tout en lui avertit le voyageur de s'éloigner de son dangereux ombrage (1). Cet arbre fait périr les plantes et épuise la terre qui le nourrit. Nos aïeux, guidés par un sentiment naturel, aimaient à le voir croitre dans leurs cimetières ; ils destinaient son ombre à la mort et son bois à la guerre ; ce bois servait à faire des arcs, des lances et des arbalètes ; les Grecs l'employaient aux mêmes usages ; longtemps même il servit de parure à nos jardins, où on le tourmentait pour lui donner les formes les plus bizarres ; aujourd'hui sa culture est tout à fait abandonnée : en Suisse, où il croît mal, les paysans ont une grande vénération pour lui ; ils l'appellent l'arc à Guillaume, et il est défendu de le dépouiller de ses branches. En Hollande, dans des jardins qui doivent tout à l'art, où tout est symétrie, où le sable même des allées est rangé par compartiments, on voit souvent s'élever, aux quatre coins d'un carré parfait, des vases, des pyramides, ou d'immenses boules d'if, qui rappellent les chefs-d'œuvre de nos anciens jardiniers. Les Grecs, qui avaient des idées plus justes des véritables beautés de la nature, affectés, comme nous, du triste aspect de cet arbre, avaient imaginé que la malheureuse Smilax, qui vit son amour méprisé du jeune Crocus, était renfermée sous son écorce. Dans ces beaux climats, toutes les plantes parlaient aux hommes des héros, des dieux, ou de l'amour ; écoutons leurs voix ; elles nous parleront aussi de la Providence, qui, après les avoir prodiguées à nos besoins, en réserve quelques-unes à nos plaisirs ou à nos ennuis : cette mère attentive présente, parmi les végétaux, des hochets à notre enfance, des couronnes à notre jeunesse, à tous les âges des fruits exquis, des lits commodes et de délicieux ombrages. Sommes-nous mélancoliques, le saule nous appelle par de doux murmures ; amoureux, le myrte nous offre ses fleurs ; riches, le marronnier nous donne ses fastueux ombrages ; tristes, l'if vient s'offrir, il semble nous dire : Fuyez le chagrin, il dévaste le cœur comme je dévaste le terrain qui me nourrit ; la tristesse est aussi dangereuse à l'homme que mon ombre l'est aux voyageurs.


Note : 1) si on dort a l'ombre d'un if, la tête s'embarrasse, devient lourde, et bientôt fait éprouver de violentes douleurs. Les branches d'if empoisonnent les ânes et les chevaux ; son suc est dangereux pour l'homme, et cependant ses fruits ne sont pas malfaisants, car les enfants en mangent impunément.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


IF – TRISTESSE.

Ayez pitié de votre âme en vous rendant agréables à Dieu et modérez-vous ; rassemblez les forces de votre cœur dans la sainteté de Dieu, et chassez loin de vous la tristesse : car la tristesse en a tué plusieurs et il n'y a rien de bon en elle. —

Ecclesiaste. XXX, 24, 25 .

L'if est un arbre robuste toujours vert, s'élevant à la hauteur de 15 à 20 mètres et plus. Ses feuilles sont coriaces, étroites, d'un beau vert foncé et luisant ; ses rameaux sont nombreux, sa verdure sombre, perpétuelle, d'une teinte uniforme et mélancolique, Dans tous les temps cet arbre a été regardé comme lugubre ; on l'associe même quelquefois au cyprès dans le séjour des morts et dans les cérémonies funèbres. Dans leur mythologie pleine d'allégories ingénieuses, les anciens prétendaient que les rives du Styx et de l'Achéron en étaient ombragées. On voit dans la Thebaïde de Stace une furie portant à la main un rameau d'if enflammé, aller à la rencontre des âmes qui descendent au séjour des ombres, pour leur en éclairer la route ténébreuse.- Le bois de cet arbre est excellent pour tous les ouvrages qui exigent de la force et de la durée. On en fait différents meubles, des tables, des jambages de pont, des essieux, des dents de roue, de très beaux vases, des tabatières, des étuis, etc. On a vu dans des églises et d'anciens châteaux, des ouvrages de marqueterie, de sculpture, de vieilles armes parfaitement conservées, quoique fabriquées depuis plus de cinq cents ans. Les anciens fabriquaient des arcs avec les branches, douées d'une grande élasticité.

RÉFLEXION.

Tout ce que l'on aime le plus légitimement ici-bas nous prépare une sensible douleur, parce qu'il est de nature à nous être bientôt enlevé.

(FÉNELON, Pensées.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


IF - AFFLICTION.

Arbre toujours vert, à feuilles étroites, qui porte un fruit rond et rouge. Les traditions attribuent à l'if les propriétés les plus malfaisantes : ses feuilles tuent les chevaux qui les mangent. Leur suc servait aux Gaulois pour empoisonner leurs flèches. Les émanations de cet arbre sont fatales aux abeilles. Des expériences récemment faites ont démontré que ces traditions n'étaient pas complétement dénuées de fondement. (BESCHERELLE)

Nous saluons le temple , et l'if religieux

Qui protège la tombe où dorment nos aïeux . (CHENEDOLLÉ)


 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :

If – Tristesse - Chagrin - Deuil.

Cet arbre à bois très dur, incorruptible, à feuilles d'un vert noirâtre et vénéneuses, présente un aspect sombre et mélancolique. Les anciens croyaient que l'if donnait la mort à ceux qui s'endormaient sous ses rameaux : cette croyance est exagérée ; mais, ce qu'il y a de certain, c'est que son ombrage est nuisible aux plantes, et que son voisinage peut causer de violents maux de tête, soit à ceux qui restent longtemps exposés à ses émanations, soit aux jardiniers qui taillent ses branches. Ses fruits rouges sont agréables au goût, mais il faut s'en défier.

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Édouard Grimard, auteur de L'esprit des plantes, silhouettes végétales. (Éditions Mame, 1875) propose sa propre vision des plantes :


L'If est un arbre robuste d'une quinzaine de mètres environ, et qui d'un bout à l'autre de l'année conserve son feuillage d'un vert sombre, serré, massif et immobile. Il croît spontanément sur les montagnes de l'Europe, dans l'Asie et l'Amérique septentrionale. L'If est remarquable par son extrême longévité. Il croît avec une telle lenteur, que des années se passent sans qu'on s'aperçoive d'aucun changement dans sa taille ; et cependant l'on en trouve d'énormes : témoin celui d'Écosse, dont parlent les historiens, et qui mesure cinquante trois pieds anglais de tour. Qu'on juge du nombre prodigieux d'années qu'il a fallu à ce végétal de croissance si lente pour acquérir une telle circonférence.

L'If ne produit pas de sucs résineux, aussi ne possède-t-il point l'arome de la plupart des Conifères. Son feuillage lugubre, vénéneux, et les sucs délétères que renferme son bois contribuèrent à le faire regarder, ainsi que le Cyprès, comme l'attribut du séjour des morts. Tout cela n'empêche pas le bois de l'If d'avoir des veines élégamment dessinées, d'être susceptible du plus admirable poli et de durer presque indéfiniment.

J'éprouve le besoin d'être pour cet arbre d'une grande bienveillance, afin de le consoler, s'il est possible, de tous les outrages que lui ont fait, que lui font et que lui feront, dans tous les siècles, les prétendus décorateurs de jardins. Abusant de la docilité touchante avec la quelle l'If se prête à toutes les mutilations du ciseau, ils donnent libre carrière à leur horrible mauvais goût, et nous offrent, à titre de curiosités ou d'ouvres d'art, ces innombrables et grotesques figures de dieux de la Fable ou d'animaux qui abondent dans certains parcs : heureux quand ils ne font pas de ces infortunés confiés à leurs soins des tables, des cuvettes, des auges ou des tabourets.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'If (Taxus buccata) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Saturne

Élément : Eau

Pouvoirs : Mauvais œil.

Parties toxiques : Surtout les feuilles ; à un degré moindre, les fruits.


Utilisation magique : Sa couleur est celle des anciens voiles des veuves. Arbre sacré des Anciens, l'If a été associé un peu partout aux rites funéraires. Les magiciens l'utilisent dans certains rites « noirs », pour invoquer les esprits chthoniens.

Bien que cet arbre ait un prestigieux passé mythique, il a été peu à peu abandonné à cause des accidents dus à sa toxicité.

Horrible boutade anti-magique sortie d'un cerveau désespérément rationaliste : si on trouve traditionnellement des Ifs dans les cimetières, cela n'a rien à voir avec les anciens mythes ; c'est tout simplement parce que les cimetières étaient, en campagne, les rares endroits clos où le bétail ne pouvait pénétrer (les bêtes ne pouvaient pas s'empoisonner en broutant les feuilles toxiques).

Ne terminons surtout pas sur cette note : l'If est, effectivement, l'arbre consacré dans les cimetières anglo-saxons, où d'ordinaire il n'y en a qu'un ; on dit qu'il pousse une racine dans la bouche de chaque mort...

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Arbre funéraire dans le monde celtique, considéré depuis des siècles comme gardien de la mort, l'if symbolise l'immortalité, car il est doté d'une longévité exceptionnelle : il vivrait plus de neuf siècles. Son bois est si dur qu'il servit à fabriquer boucliers et lances et fut utilisé même dans la construction des églises. On dit de cet arbre, très familier des cimetières, « qu'il en pousse une racine dans la bouche de chaque mort ».

En vérité, la présence des ifs dans les cimetières s'expliquerait par la toxicité de leurs feuilles : on en plantait de préférence dans les cimetières pour éviter que le bétail, qui ne pouvait pénétrer en ces lieux, n'en broute les feuilles.

Les lits fabriqués avec le bois d'if sont à déconseiller : y dormir fait mourir. Il est nocif également de sommeiller sous son ombrage, car le dormeur, à son réveil, n'aura plus aucun souvenir de ce qu'il devait faire. Pline, déjà, avait évoqué son influence malfaisante, expliquant qu'on peut empoisonner quelqu'un en le faisant boire dans un vase en bois d'if. Dioscoride parle de personnes tombées gravement malades ou qui moururent pour s'être assises au pied d'ifs de la région de Narbonne. Plus près de nous, un auteur du XIXe siècle cite l'existence, en Normandie, d'un if enchanté ensorcelant tous ceux qui se risquaient à s'asseoir sous ses branches. Les imprudents se trouvaient incapables de poursuivre leur chemin et se montraient particulièrement violents envers quiconque tentait de les déloger ; le témoin de ce curieux spectacle avait un moyen de rompre le charme : retourner un de ses vêtements.

On dit également que quelques branches d'if dans un fourrage suffisent à terrasser le bétail et que les émanations de ses boules en train de se consumer sont littéralement envoûtantes.

En dépit de ses propriétés maléfiques, l'if était consacré par les Latins à Cérès, en tant que divinité de la Fertilité ; il doit inspirer notre respect, et en couper une branche ou l'abattre porte malheur.

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Diana Cooper, auteure du Guide des archanges dans le monde animal (édition originale 2007 ; traduction française : Éditions Contre-dires, 2018) nous délivre un :


Message des arbres :

Nous venons du cœur de Dieu. Nous n'avons rien

à apprendre et beaucoup à offrir. Nous avons été ensemencés

sur la Terre pour le bien du règne humain et animal, incluant

les oiseaux et les insectes, et pour nourrir la planète elle-même,

physiquement, émotionnellement et spirituellement. Nous

diffusons l'amour et la guérison pour vous.


Les conifères - pins, épicéas et sapins : Les sapins et les pins élèvent votre fréquence vibratoire et vous permettent de guérir et de vous régénérer. Il n'y a rien de mieux qu'une promenade dans une forêt de sapins ou de pins pour vous remonter le moral et vous aider à vous sentir bien. Ils guérissent littéralement le corps et l'esprit. ces arbres aident les gens à atteindre la cinquième dimension.

Ce n'est pas par hasard que de nombreux centres de ressourcement et complexes de balnéothérapie sont construits dans des forêts de sapins et de pins, car ces arbres vous aident à retrouver l'équilibre et la santé.

Dans les grandes forêts, ces arbres conservent une grande sagesse ancienne ainsi que la technologie spirituelle du futur apportée par les êtres d'autres systèmes stellaires. Ils les gardent jusqu'à ce que nous soyons prêts à y accéder.

Les ifs symbolisent la transformation et la renaissance. Ils ont été plantés dans des cimetières parce qu'ils sont également très protecteurs des esprits qui s'y attardent, et une partie de leur tâche divine est e leur offrir de l'énergie pour les aider à aller vers la lumière.


VISUALISATION POUR AIDER LES ARBRES

  1. Aménagez un espace où vous pourrez vous détendre sans être dérangé.

  2. Faites appel à l'archange Purlimiek, l'ange de la nature, et sentez sa belle énergie vert-bleu.

  3. Permettez à n'importe quel arbre d'apparaître dans votre esprit.

  4. Bénissez-le et remerciez-le d'être venu vers vous.

  5. Demandez au rayon doré du Christ de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.

  6. Demandez au feu lilas de la Source de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.

  7. Demandez à l'énergie protectrice bleu foncé de l'archange Michaël de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.

  8. Demandez à la lumière aigue-marine de la sagesse féminine divine de l'ange Marie de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.

  9. Demandez à la lumière argentée de l'archange Sandalphon de l'équilibre et de l'harmonie de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.

  10. Prenez un moment pour invoquer toutes les énergies qui vous attirent et voyez-les se déverser dans l'arbre.

  11. Imaginez les couleurs qui s'écoulent d'une racine à l'autre en connectant le réseau d'arbres et en dynamisant les lignes ley.

  12. Ouvrez les yeux en sachant que vous avez aidé les arbres.

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Dans Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013), Michel Pastoureau nous apprend que :


"Tout verger est construit comme un espace symbolique, et [que] chaque plante qui s'y trouve possède sa signification propre. Celle des fleurs varie beaucoup selon les époques et les régions et prend en compte plusieurs particularités : la couleur, le parfum, le nombre de pétales, l'aspect des feuilles, les dimensions des unes et des autres, l'époque de la floraison, etc. Quelques idées peuvent néanmoins être dégagées pour le Moyen Âge central : Le lis est symbole de pureté et de chasteté, [...] De même, les arbres sont toujours signifiants. [...] La plupart des arbres sont bénéfiques ; quelques-uns sont ambivalents (le peuplier, le cyprès, le noisetier) ; mais seuls l'if, l'aulne et le noyer sont fortement maléfiques : l'if parce qu'il est vénéneux et, planté dans les cimetières, associé à la mort..."

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Liz Marvin, autrice de Grand Sage comme un Arbre (Michael O’Mara Books Ltd, 2019 ; First Éditions, 2021 pour la traduction française) transmet les messages qu’elle a pu capter en se reconnectant aux arbres :

La patience est mère de toutes les vertus : l’If

Se montrer patient et prendre le temps d’apprendre de nos expériences constituent des étapes importantes pour découvrir ce que l’ont veut vraiment. L’If est la sage grand-mère de la famille des arbres. La tradition l’associe à la magie et on pense qu’un If peut vivre 2 000 ans. Cependant il est difficile d’en être certain, car les Ifs ne révèlent pas aisement leur âge : les plus vieux spécimens étant creux, on ne peut plus compter leurs anneaux ! Le secret de leur longévité est qu’ils grandissent lentement tout en développant un système racinaire imposant, qui leur permet de stocker des nutriments en cas de dégâts importants. Comme l’If, prenez votre temps et entourez-vous d’un léger mystère.

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Symbolisme celte :


D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"L'if est dans le monde celtique un arbre funéraire et l'Irlande l'utilise quelquefois comme support de l'écriture oghamique. Mais il est surtout dans la tradition insulaire le plus ancien des arbres. Le bois d'if est quelquefois encore utilisé pour sa dureté dans la fabrication de boucliers et de lances, ce qui dénote aussi un symbolisme militaire. Ibarsciath, bouclier d'if, est le nom d'un jeune guerrier irlandais et quelques noms ethniques gaulois (Eburovices "combattants par l'if", aujourd'hui Evreux) confirment cette impression. Néanmoins la propriété essentielle qui semble avoir été retenue à la base du symbolisme de l'arbre est la toxicité de ses fruits. César cite l'exemple de deux rois gaulois des Éburons qui, vaincus, se donnent la mort avec de l'if. La roue du druide mythique Mog Ruith (serviteur de la roue) qui est une roue d'Apocalypse, est elle aussi en bois d'if. Eochaid (Ivocatus "qui combat l'if") est enfin un des noms traditionnels du roi suprême d'Irlande.")

 

Marc-Louis Questin, dans La Tradition Magique des Celtes (1993, réed. 2016), nous apprend que :


"Le saumon est l'animal de la Science sacrée ; il est un des symboles de la sagesse secrète et de la nourriture spirituelle. Il symbolise la connaissance, la liberté et la souplesse. Il remonte à la source et s'y nourrit des fruits qui tombent de l'If de Mugna, l'If du Saumon, l'Arbre primordial... Il nage au sein de la Mère et ne fait qu'un avec elle.

L'If de Mugna porte des fruits merveilleux qui tombent dans une source où ils sont mangés par un saumon.

L'if, arbre solidement planté à l'écorce rude au feuillage toujours vert, représente l'éveil du Feu Primordial. C'est Uranus, le dieu du Ciel, dont l'ambition première est de se dégager de l'indifférencié, de l'océanique et , par suite, de monter, de s'élever, de se tendre en hauteur, comme pour s'individualiser au maximum. Il est associé au rouge, couleur de feu et de sang, qui image l'énergie vitale, sa pulsation et sa puissance. Initiatique, l'Arbre du dieu des druides revêt nécessairement une signification funèbre et chtonienne. L'if est l'arbre des Morts, dont le vert éternelle symbolise l'éternité de la vie spirituelle. Il est aussi l'arbre des Ovates.

Créé dans les abîmes de l'Océan, l'If (I-Inbar) émergea des Eaux Mères. Le monde sorti du chaos s'ordonna autour de son axe. Cet arbre primordial engendra tous les êtres vivants. Il est la cause première de toute chose manifestée. Menvo le Vieux (l'Homme Primordial), dernier fruit de l'arbre, entendit le premier les trois sons et fut appelé pour cela "Fils des Trois Cris". Après lui, Einigan le Géant fit de ces trois sons les aspects et instruments du discours. De leurs divisions et subdivisions, il fit quatre signes différents selon leur place. Ainsi furent obtenues treize lettres. Il prit trois lettres, qui sont les formes et les signes de toutes les sciences. C'est par le moyen de ces dix lettres qu'on enseigna toutes les sciences, sauf le Nom de Dieu qui fut gardé secret.

L'if servait fréquemment aux incantations divinatoires et, en ce qui les concerne, les Irlandais semblent avoir utilisé plus volontiers le sorbier et le coudrier dans leurs opérations magiques. Presque chaque fois qu'un file ou un druide irlandais grave des ogams divinatoires ou magiques sur une baguette de bois, le bois est de l'if.

Sachez que les Arilles, petits fruits rouge vif et charnus de l'if, dont la forme évoque une clochette, sont sucrés te tout à fait comestibles en petite quantité. Par contre les graines dures de ses fruits, comme les aiguilles molles de son feuillage, renferment un principe très toxique, la Taxine, mortelle pour le bétail et les chevaux, qui le broutent volontiers.

Le taxotère qui bloque la multiplication des cellules cancéreuses est extrait des aiguilles d'if. Il s'agit d'un équivalent semi-synthétique du taxol, fabriqué non plus à partir de l'écorce mais des aiguilles de l'if qui, elles, se renouvellent constamment.

Anciennement on accordait à l'if des pouvoirs d'assainissement, le parfum de son feuillage chassant les rats et protégeant de la diffusion de la peste.

Le rituel de Samain est placé sous le signe de l'if. Séché et poli, son bois offre une extraordinaire résistance à la corruption.

L'un des cinq arbres magiques d'Irlande, l'arbre de Ross, était un if. Il est décrit comme "une ferme et droite divinité". On l'appelle encore "la renommée de Bamba" (l'aspect de mort de la Triple Déesse Irlandaise), le Charme Magique de la Connaissance et la Roue du Roi, c'est-à-dire la lettre de mort présente au début et à la fin du cercle complet de la roue de l'existence. Comme pour se rappeler sa destinée, chaque roi irlandais portait une broche en forme de roue qui était léguée à son successeur.


"L'if , le plus noble arbre des bois,

Encor mince, on le nomme roi"

(Aided Chloinne Tuirend)


Bien d'autres raisons que ses qualités techniques ou économiques vaudront à l'if l'aura particulière que lui accorderont les Celtes. Arbre au feuillage toujours vert, couleur de la végétation croissante, au développement particulièrement lent, l'if surprendra surtout par sa longévité considérable. On connait en Écosse un if deux fois millénaire et le petit village de Fortingall en Tayside en possède un qui atteindrait plus de trois mille ans ! Son origine immémoriale, sa fin indiscernable, feront aisément situer l'if comme hors du temps ; de là, les notions conjointes d'immortalité, d'éternité comme de contemporanéité de la naissance du Monde qui lui seront attribuées.

En tant qu'ancêtre présumé de la sylve celtique, c'est à partir de ses baies, confiées aux Irlandais par un géant au nom de Trafuilngid Tre-Eochair, sorte de Charpentier de l'Univers, épithète sous laquelle se dissimulerait la grande divinité panceltique Lugus, que prendront curieusement les principaux arbres symboliques d'Irlande, dont la diversité des essences et des fruits marquera le partage de l'Univers, c'est-à-dire de l'Irlande, dans les cinq directions (Quatre Orients, plus le Centre, telle est la division mythico-historique de l'île en cinq grandes provinces)."

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* Selon Sabine Heinz auteure des Symboles des Celtes (1997, traduction française : Guy Trédaniel Éditeur, 1998),


"De nos jours, en Europe, l'if est en voie de disparition ; il aime les sols ombreux, humides qui sont de plus en plus rares. Toutes les parties de l'arbre sont toxiques, ce qui l'a rendu très tôt intéressant, aussi bien du point de vue médical que pour la fabrication des armes. Son bois souple peut également être utilisé dans de nombreux domaines ; comme le chêne, il ne pousse que lentement et devient très vieux.

Étant donné que les émanations de l'if sont elles aussi toxiques, elles peuvent, quand il fait chaud et qu'on approche l'arbre de trop près, nous envoyer dans un monde onirique dont on affirme qu'il est le médiateur entre l'ici-bas et l'au-delà. En Irlande, l'if semble, avec d'autres arbres, avoir joui d'une plus grande importance que le chêne.

Dans le Livre de Leinster (XIIe siècle), on trouve trente-trois titres pour l'if, l'arbre de Ross, qui regroupent de nombreuses significations (fortement agrémentées d'images chrétiennes).

Sous nos latitudes, beaucoup de noms prouvent également qu'il y avait autrefois de grandes forêts d'ifs : Ibersheim, Iba, Ibach.

Arbre de Ross

une roue royale

un droit princier...

meilleure des créatures

un dieu fort

porte du ciel

qualité d'une maison

bon compagnon

homme de parole

plein de génréosité

possède la Trinité...

fils de Marie

une mer féconde

diadème de l'ange

puissance de la victoire

sévère tribunal

gloire de Leinster

force vitale et

miracle de la connaissance

arbre de Ross

(extrait)."

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D'après Jean Markale, auteur du Nouveau Dictionnaire de Mythologie celtique (Éditions Pygmalion - Gérard Watelet, 1999),


L'if (en gaélique *iur) est un "arbre sacré chez les Celtes et dont les druides utilisaient les branches pour des opérations magiques ainsi que pour y graver des inscriptions, généralement des formules d'exécration, en caractère oghamiques. Dans la tradition irlandaise, il y a deux ifs célèbres, l'If de Ross, arbre primordial dont les fruits donnaient la science et la sagesse à qui en mangeait, et l'"If de Mugna. Ce dernier, localisé près de Moone, dans le comté de Kildare, était également un arbre primordial dont les fruits tombaient dans une fontaine et servaient de nourriture à un saumon en lequel étaient rassemblées toutes les connaissances du monde. Mugna signifie précisément "saumon" et le mot se prononce Moone. Plusieurs peuples gaulois et bretons ont des appellations qui rappellent le nom celtique ancien de l'if (evor), tels les Eburones de Belgique et les Aulerci Eburovices de la région d'Evreux. Les noms d'Evreux et de York viennent de là."

 

Selon Thierry Jolif auteur de B. A.- BA Mythologie celtique, (Éditions Pardès, 2000),


"Nous savons, par le biais des textes irlandais, que les baguettes d 'if étaient utilisées pour graver les ogam qui servaient à la divination. En ce qui concerne la Gaule, nous ne possédons aucune mention de l'if dans les incantations à notre disposition, et seul un court passage du De Bello Gallico nous apprend que le roi Catuvolcus fut empoisonné en en absorbant. L'if était utilisé à la fois par la magie druidique et pour fabriquer des armes, hampes de lance et boucliers. Son symbolisme est donc double, à la fois sacerdotal et guerrier, ce que confirme l'un des noms du Dagda : Eochaid, qui signifie "qui combat par l'if". On peut donc voir dans ce bois un symbole de la Souveraineté dont il sert les deux aspects.

L'if de Mugna était un arbre primordial dont les fruits, en tombant dans une source, nourrissaient un saumon (animal qui symbolise la science). Nous retrouvons ici la conception traditionnelle de l'arbre de la connaissance et du pilier cosmique. L'if a peut-être remplacé le chêne pour les Celtes insulaires."

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Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000) :


Nous avons oublié que, à l'instar des samouraïs, les guerriers celtes qui n'avaient pas été à la hauteur de leur mission, dont l'honneur était mis en cause - ou tout simplement pour défendre jusqu'au bout leurs croyances et convictions -, se donnaient la mort en s'empalant sur leurs épées plantées dans le sol, sous l'if sacré, consacré au royaume des morts. Car l'if était un symbole d'immortalité chez les Celtes. C'est peut-être parce que nos ancêtres utilisaient son bois pour confectionner leurs boucliers, qu'ils lui attribuèrent de telles vertus protectrices contre la mort. Les Romains surnommaient les Celtes du nord-ouest de la France, de Bretagne et d'Irlande, Eburovices, c'est-à-dire les combattants par l'if. Les actuels habitants de la ville d'Evreux, en Normandie, les Ébroïciens, portent le même nom. Selon la mythologie celtique, Hu-Ar-Bras, le premier des druides, et plus tard son disciple Mog-Ruth, interrogeaient l'oracle et les dieux sur une roue en bois d'if, qui était considérée comme la roue des renaissances, des destinées humaines et de la fin des temps. Mais au Moyen Âge, de la notion d'immortalité attribuée à l'f par les Celtes, on n'a conservé que le rôle d'arbre funéraire qu'il jouait. Ainsi, on croyait qu'il ne fallait jamais s'asseoir ni s'endormir sous un if, au risque d'être emporté par une maladie mortelle ou dans l'éternel sommeil..."

*

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Pascal Lamour, auteur de L'Herbier secret du Druide, des plantes pour les hommes et les esprits (Éditions Ouest-France, 2017) fait le point sur ses recherches :


Nom gaulois : Iuos ; Eburo -, qui est aussi un terme de nom propre, que l'on trouve dans l'irlandais ibar, dans le breton evor ou ivo qui signifie aujourd'hui « bourdaine ». La racine indo-européenne proposée est *ivo-.


Nom breton : Ivinen, dont le pluriel du collectif est ivin. Il existait des forêts d'ifs dans l'Ouest, qui ont disparu.


Saisonnalité Samain : Depuis la nuit des temps, l'if est un symbole de la mort chez les Celtes, ce qui le relie directement à Samain. Mais il est très ambivalent, comme peut l'être Samain où, pendant trois nuits, nul ne sait faire la différence entre les aspects des vivants et ceux des morts, car ils se promènent sur les terres du même pays.

Oui, c'est un symbole de mort et, pour cela, on le rencontre dans les cimetières. sa toxicité, son utilisation pour fabriquer le poison des flèches, pour provoquer la mort rapide, ont fait que cet arbre magique a été entouré de méfiance. Il représente la mort elle-même, en lien direct avec l'Autre Monde.

Mais il est aussi symbole de vie. Il symbolise l'immortalité et il vit si longtemps que dans les cimetières, de mémoire, personne n'a pu voir mourir un if. mais la roue tourne ! Un tour supplémentaire chaque année, et peut-être que la roue de la divination du druide Mog Ruith, en Irlande, aurait été en if, suggérant l'attribut de Taranis, dieu gaulois, qui possédait lui aussi la roue des temps. ce n'est pas étonnant que son nom ivos apparaisse si souvent dans le calendrier gaulois de Coligny, suprême observateur du mouvement. A cause de ses feuilles persistantes et du rouge de ses baies, il représente celui qui a réussi à vaincre la mort et le temps. C'est aussi un symbole de vie éternelle, de résistance à cause de son exceptionnelle longévité. Finalement, il relie le monde des morts à celui des vivants, il est le gardien des défunts.

En Irlande, les ogams sont gravés sur des baguettes d'if, éternelles.


Son installation dans le Nemeton : Dernière partie de Samain.

Son caractère Samain : Son action anticancéreuse.

Propriétés dans les trois mondes :

Dans le premier monde : la santé du corps

Dans la tradition celtique : Poison de chasse, bis des boucliers et des arcs, cloison des habitations, meubles et instruments, des forêts d'ifs entières ont été détruites pour l'exploitation des bois et des feuilles de l'if.

Les aiguilles avaient la réputation de soigner les morsures der serpent et de traiter la rage.

D'après César, dans La Guerre des Gaules : « Catuvolcos, roi de la moitié du pays des Eburons, et qui s'était rallié à Ambiorix, vieillard accablé par l'âge, et également incapable de supporter les fatigues de la guerre ou de la fuite... s'empoisonna par l'if, qui croît en abondance dans la Gaule et dans la Germanie... »

[...]

Dans le deuxième monde : la santé de l'esprit, les propriétés ésotériques

Même si l'if avait la propriété d'éloigner les insectes et ainsi protéger les esprits des plantes environnantes, ce lien avec les esprits est peu présent dans la tradition : c'est réellement une plante du troisième monde, même si le saumon reçoit sa connaissance des fruits de l'if. Mais il traverse sans encombre le deuxième monde de l'eau et rejoint le monde des âmes.


Dans le troisième monde : la médecine magique de l'autre monde

Par sa longévité, le plus ancien des arbres, support de l'écriture ogamique, suggère l'immortalité. L'if a toutes les propriétés nécessaires pour atteindre les âmes et st donc par essence l'arbre du troisième monde, situé en Samain.

L'if de Mugna, en Irlande, est un des arbres sacrés ; c'est l'if au saumon, aux fruits de science qui tombent dans l'eau d'une source et sont avalés par le saumon de la connaissance. L'if de Ross, en Irlande également, est l'arbre primordial, qui est immortel.

En Gaule, il est protecteur du peuple des Eburons et transmetteur de leurs âmes.

Pour retrouver l'épouse du roi Eochaid, la reine Etain, enlevée par l'un des dieux de l'Autre Monde, le druide Dalian fit quatre baguettes d'if et il y écrivit des ogams, il retrouvera la reine.

Des baguettes d'if étaient utilisées pour graver les ogams, alphabet sacré des Celtes d'Irlande qui servait à la divination.

En Bretagne, un conte : un sabotier fabrique des récipients en bois d'if pour conserver son hydromel. Chaque nuit les korrigans (poulpikans) boivent un peu d'hydromel e toutes les nuits le bol rétrécit, jusqu'à devenir invisible. Et jamais plus le sabotier ne but d'hydromel. Collectage personnel, Baud (56), 2015.

Par la magie des druides, le symbolisme de l'if est à la fois sacerdotal, royal et guerrier. Arbre de la connaissance, transmise à tous, grâce au saumon qui franchit toutes les eaux du second monde pour aller encore plus loin apporter les plus belles des sagesses accumulées par les hommes. C'est un pilier cosmique nocturne, qui pourrait venir en complément du chêne, diurne, et de cette façon illustrer la mort des ténèbres vaincue par la vie éternelle du jour, diurne et divin. C'est aussi le lien entre tous les mondes. Dans ce conte de Bretagne, on voit l'if (c'est-à-dire les ténèbres) rétrécir une nuit après l'autre pour ne plus être que la lumière blanche du jour, plaçant les ténèbres dans le pays de l'oubli.

*

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


THAPSUS (Taxus baccata). — Arbre funéraire, consacré aux Furies par les anciens. Les flambeaux des Euménides étaient en bois de thapsus, qui poussait, disait-on, en abondance dans les régions infernales. La feuille sombre du thapsus a peut-être donné lieu à cette conception ; peut-être aussi, à cause de son poison, était-il redouté et relégué aux enfers par l’imagination des Hellènes. Enfin, doué d’une longue vie, il pouvait, comme tant d’autres plantes funéraires, promettre l’immortalité et une espèce de résurrection dans l’autre monde. C’est pourquoi les prêtres d’Éleusis se couronnaient de myrthe et de thapsus. Sans doute ils ne craignaient point les effets sinistres attribués par Lucrèce, évidemment d’après la tradition populaire, à certains arbres, et surtout à l’ombre des feuilles de thapsus :

Arboribus primum certis gravis umbra tributa est,

Usque adeo capitis faciant ut saepe dolores

Si quis eas subter jacuit prostratus in herbis.


Les paysans de la Lombardie pensent encore que l’on gagne une grosse fièvre si on dort sous un thapsus. Au siècle passé, selon le naturaliste Giovanni Tarzioni Tozzetti, les paysans de Volterre attribuaient aux feuilles de thapsus la propriété de faire mourir les ânes (Relazione d’alcuni viaggi in Toscana).

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