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Le Bœuf

Dernière mise à jour : 20 août



Étymologie :


  • BŒUF, subst. masc.

Étymol. ET HIST. I.− Subst. 1. a) début xiie s. buef « taureau châtré » (Lois de Guill., 6 dans Gdf. Compl.) ; mil. xve s. beuf (Villon, 90, 22 dans IGLF Litt.) ; 1534 bœuf (Rabelais, Gargantua 6, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 26) ; b) fin xiie s. « viande de bœuf » (Renart, éd. Méon, 10209 dans T.-L.) ; spéc. 1651 art culin. bœuf à la mode (Cuisinier fr., p. 50 d'apr. Rouvier dans Fr. mod., t. 23, p. 307) ; c) loc. proverbiale 1579 mettre la charrue devant les bœufs (H. Estienne, La Précellence du lang. fr., 136 dans IGLF Litt.) ; 2. fig. et fam. a) 1547 « personne acharnée au travail » spéc. dans l'expr. travailler comme un bœuf (Noël du Fail, Propos rustiques, p. 68, ibid.) ; b) 1661 « personne stupide et hébétée » (Molière, Éc. des maris, éd. du Seuil, II, 2, 1962, p. 148). II.− Adj. 1861 fig. arg., Éc. de Saint-Cyr (Larch. : C'est bœuf [...] est un des nombreux synonymes de C'est chic). Du lat. bos, bovis « bœuf mâle (opposé à vache) » dep. Plaute (ds TLL s.v., 2136, 21 ); appliqué à l'homme p. iron. (Plaute, ibid., 2141, 22).


Lire également la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

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Expressions populaires :


Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expression populaires bien connue :


On n'est pas des bœufs : « On fait ce qu'on peut, on n'est pas des bœufs » est une formulette que l'on prononce pour protester gentiment contre un travail excessif, une occupation un peu longuette. Le bout rimé se dit aussi en inversant les deux éléments :  « On n'est pas des bœufs, etc. ». L'idée étant : il ne faut pas nous prendre pour des bêtes de somme.

On n'est pas des bœufs est le titre d'un livre d'Alphonse Allais paru en 1896 - mais l'usage de la locution est beaucoup plus tardif - les années 1920-1930 probablement, grâce à la diffusion qu'en firent les Surréalistes dans les milieux littéraires. L'expression n'est passée dans un large public qu'après la Seconde Guerre mondiale.


Mettre la charrue avant les bœufs : Je ne cite cette expression que pour mémoire et parce qu'elle paraît être la seule à venir plus ou moins directement du monde du travail - encore que par l'absurde, ou peut-être justement à cause de son absurdité. Il faut dire aussi que la charrue est tellement chargée de symboles (la paix, le travail, et même le phallus qui fertilise la terre femelle), outil à la fois virgilien et biblique, qu'elle a toujours eu sans peine droit de cité dans le langage. « Ils forgeront leurs épées en socs de charrue, et leurs lances en faucilles », dit Isaïe, pronostiquant un monde meilleur.

La charrue harmonieusement tirée par les bœufs est depuis toujours l'image même de la logique, de la cause avec son effet ; inverser les éléments engendre l'absurde. Car la forme originale de la locution est mettre la charrue devant les bœufs. C'est ainsi que l'emploie Tavelais en transformant la charrue en « charrette », dans l'enfance de Gargantua, lequel, entre autres incohérences, « mettoyt la charrette devant les boeufz ».

C'est à cause de l'ambiguïté de devant, qui pendant longtemps a voulu dire soit « avant », comme dans « ci-devant », soit devant, « en face », que l'on a fini par interpréter « avant les bœufs », et donner à l'expression le sens de faire les choses dans le mauvais ordre, généralement pour vouloir trop se presser. L'idée d'incohérence semble plus forte dans cette phrase d'un Arrêt d'amour du XVe siècle : « tournant à chaque propos la charrue contre les bœufs. »

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Croyances populaires :


Selon Jacques Albin Simon Collin de Plancy, auteur du Dictionnaire infernal, ou bibliothèque universelle, sur les êtres, les personnages, les livres, les faits et les choses: qui tiennent aux apparitions, à la magie, au commerce de l'enfer, aux divinations, aux sciences secrètes, aux grimoires, aux prodiges, aux erreurs et aux préjugés, aux traditions et aux contes populaires, aux superstitions diverses, et généralement à toutes les croyants merveilleuses, surprenantes, mystérieuses et surnaturelles. (Tome troisième. La librairie universelle de P. Mongie aîné, 1826) :


FIENTES. [..] De la fiente de bœuf et de vache. La fiente de bœuf ou de vache, récente et nouvelle, enveloppée dans des feuilles de vigne ou de chou, et chauffée dans les cendres, guérit les inflammations causées par les plaies. La même fiente apaise la sciatique. Si on la mêle avec du vinaigre, elle a la propriété de faire suppurer les glandes scrofuleuses et écrouelles ; c'est encore un très bon spécifique pour les tumeurs des testicules. On fera frire une bouse de vache nouvelle dans une poële, avec des fleurs de camomille, des roses, du mélilot, et on appliquera cette composition sur les testicules, lesquels seront guéris le second jour. Gallien dit qu'un médecin de Misie guérissait toutes sortes d'hydropisies en mettant sur l'enflure de la fienté chaude de vache. Cette fiente, aussi appliquée sur la piqûre des mouches à miel, frêlons et autres, en enlève aussitôt la douleur.




Symbolisme :


Sur le site http://artifexinopere.com/ on trouve un rappel de l'analyse du tableau La Chute de l'Homme de Albrecht Dürer, inspirée des travaux de Panofsky qui montre l'association du bœuf et de la théorie médiévale des humeurs (en l'occurrence le bœuf symbolise l'apathie flegmatique) au même titre que le lapin, le chat et l'élan.

 

Dans le Dictionnaire des symboles (1969, édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982), Jean Chevalier et Alain Gheerbrant nous informe que :


"Contrairement au taureau, le bœuf est un symbole de bonté, de calme, de force paisible ; de puissance du travail et du sacrifice, écrit Decouvoux à propos du bœuf de la vision d’Ézéchiel et de l'Apocalypse. Encore ce bœuf peut-il être en fait un taureau. Ce sont certains aspects symboliques et leurs interprétations qui les distinguent. La tête de bœuf de l'empereur Chennong, inventeur de l'agriculture, celle de Tche-yeou paraissent être aussi bien des têtes de taureau (le même caractère niu désigne l'un et l'autre animal). Le bœuf Apis de Memphis, hypostase de Ptah et d'Osiris, n'est-il pas lui-même un taureau ? Le même mot désignait tous les bovidés. son caractère lunaire n'est pas déterminant à cet égard.

Le bœuf, et plus encore le buffle, auxiliaires précieux de l'homme, sont respectés dans toute l'Asie orientale. Ils servent de monture aux sages, particulièrement à Lao-tseu dan son voyage vers les marches de l'ouest. Il y a en effet, dans l'attitude de ces animaux, un aspect de douceur et de détachement, qui évoque la contemplation. Les bœufs statufiés sont fréquents dans les temples de Shîntô. Mais dans la Chine ancienne, un bœuf de terre figurait le froid, qu'on expulsait au printemps, en vue de favoriser le renouveau de la nature ; c'est un emblème typiquement yin.

[excursus sur le buffle]

Chez les Grecs le bœuf est un animal sacré. Il est souvent immolé en sacrifice : l'hécatombe désigne le sacrifice de cent bœufs. Il est consacré à certains dieux ; Apollon avait ses bœufs qu'Hermès lui déroba ; celui-ci ne put se faire pardonner son larcin, ce sacrilège, qu'ne donnant à Apollon la lyre qu'il avait inventée, faite d'une peau et de nerfs de bœuf, tendus sur une carapace de tortue. Le Soleil a ses bœufs, d'une blancheur immaculée et aux cornes dorées ; si les compagnons d'Ulysse affamés en mangent dans l'île de Thrinacie, malgré les interdictions de leur chef, ils périssent tous ; seul Ulysse, qui s'était abstenu, échappe à la mort.

Des bœufs sacrés étaient entretenus par la famille des Bouzyges ; ils étaient destinés à commémorer le labour initial de Triptolème, lors des rites de labourage sacré qui se célébraient aux mystères d'Eleusis. Dans toute l'Afrique du Nord, encore, le bœuf est un animal sacré, offert en sacrifice, lié à tous les rites de labour et de fécondation de la terre.

En raison sans doute de ce caractère sacré, de ses relations avec la plupart des rites religieux, comme victime ou comme sacrificateur (quand il ouvre par exemple, le sillon dans la terre) le bœuf a été aussi le symbole du prêtre. Par exemple, suivant une interprétation incertaine, les bœufs de Géryon, le géant à trois têtes, seraient les prêtres du delphisme primitif, dont Géryon est le pontife suprême ; il aurait été vaincu et tué par Héraclès ; le culte delphique aurait été ensuite renouvelé.

Le Pseudo-Denys l'Aréopagite résume en ces termes la symbolique mystique du bœuf : la figure du bœuf marque la force et la puissance, le pouvoir de creuser des sillons intellectuels pour recevoir les fécondes pluies du ciel, tandis que les cornes symbolisent la force conservatrice et invincible."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Le bœuf, symbole de « bonté, de calme, de force paisible », dont la puissance au travail est précieuse à l'homme, a suscité le respecte voire l'adoration dans la plupart des civilisations, Animal sacré chez les grecs, où il était souvent offert en sacrifice de même qu'en Afrique du Nord où il se trouve « lié à tous les rites de labour et de fécondation de la terre », il est considéré dans les civilisations chrétiennes comme un animal plutôt bénéfique, d'autant plus qu'il a assisté à la naissance du Christ dans l'étable de Bethléem. En outre, le bœuf de Moïse est un des dix animaux que Mahomet a admis dans son paradis. Signalons également que, selon une croyance de Macédoine, quatre bœufs supportent la Terre : « C'est lorsque l'un d'entre eux secoue ses oreilles que se produisent les tremblements de terre ».

Certains auteurs citent des cas où ce mammifère aurait parlé. Avant la mort de César, à son maître qui l'entraînait vivement au labour, un bœuf se défendit en disant : « Les hommes manqueront aux moissons avant que la moisson manque aux hommes ». Tite-Live et Valère-Maxime rapportent que pendant la deuxième guerre punique, un bœuf cria en place publique : « Rome prends garde à toi. » En France, une croyance fort ancienne lui attribuait le don de parole et de clairvoyance pendant la célébration de la messe de minuit, ces dons apparaissant dans l'imagination populaire comme un signe de la reconnaissance divine. Cependant, il est inutile et dangereux, de vouloir surprendre la conversation du bœuf : cela entraîne la mort, sauf si on tient dans les bras un nouveau-né, dit-on dans le Berry. En plein XIXe siècle, on racontait que, dans une commune des Vosges (Cornimont), un fermier surprit, au minuit de Noël, un de ses bœufs qui demandait le programme du lendemain à son voisin. Le curieux entendant qu'ils mèneraient leur maître au cimetière en fut si affolé qu'il mourut. Une aventure semblable survint à une autre femme (de Raon-aux--Bois) qui apprit de source bovine l'imminence de sa mort. A des centaines de kilomètres des Vosges, à la même époque, dans le Morbihan (à Noyal), un paysan ivre s'endormit dans son étable la nuit de Noël. Comme de coutume, un bœuf s'enquérit auprès d'un autre bœuf du déroulement de la journée du lendemain. « Nous traînerons notre maître en terre » fut la réponse, assez alarmante pour tirer ledit maître de son sommeil enivré. Furieux, il saisit une hache et, criant au mensonge, tenta de faire taire une fois pour toutes les médisances de l'animal. Hélas, les brumes de l'alcool aidant, il trébucha et se donna la mort. Moins dangereuse est l'observation de la position des bœufs la nuit de Noël : s'ils sont allongés du même côté, on prévoit dans le Poitou le prochain mariage d'un enfant de la maison.

Dans le même ordre d'idée, on dit que les bœufs s'agenouillent pendant toute la messe de minuit mais que les surprendre dans cette position provoque leur mort. Dans le Loiret, les faire boire ce soir-là entre onze heures et minuit leur permet d'engraisser toute l'année. Dans diverses régions de France, on ne faisait pas travailler les bœufs le vendredi saint car ils doivent se reposer en ce jour commémorant la mort du Christ. Passer outre ce précepte risquait de les faire mourir avant la fin de l'année dans le Morbihan, les exposait à de graves accidents dans les Deux-Sèvres où on respectait également leur repos le jour de la Saint-Jean. En Gironde, on ne se servait pas des bœufs le jour de la fête de la Vierge ou Fête-Dieu. A ces fêtes religieuses s'ajoutèrent des jours attribués à certains saints, comme l'a relevé Ronsard dans son hymne à saint Gervais et saint Protais :


Oisifs par les prez vous charmment

Les bœufs affranchis du labeur.


En outre, ne pas les mettre au joug à la Saint-Roch (Berry) ou à la Saint-Blaise - 3 février - (Allier) les préservait de la peste.

Le bœuf étant ainsi lié à l'histoire religieuse, il n'est pas étonnant qu'on lui ait attribué divers pouvoirs magiques et médicinaux. L'utilisation de son cœur, percé d'épingles, est renommée un peu partout comme remède à un maléfice. Il est vrai que certains sorciers l'emploient également pour envoûter. Dans les Alpes, c'est son foie bouilli avec une chaîne de fer qui sert de contre-sort et en Poitou, son poil est employé « à bourrer les fusils qui doivent tirer sur les sorciers ». Dans le Dorset (Angleterre), un cœur de bœuf suspendu dans une maison éloigne les fées ; en Italie comme aux États-Unis, la corne de l'animal conservée chez soi protège efficacement contre le diable.

L'haleine de bœuf roux arrête les convulsions infantiles ; son sang fait disparaître les verrues ; son urine, par application sur les dents gâtées, soulage la douleur. Dans les Vosges, pour empêcher leur déchaussement, on les frotte avec la corne de pied brûlée du bœuf. En Vendée, son fiel fait sortir de la peur épines et autres corps étrangers et, selon une très vieille recette anglaise, la première côté rôtie de l'animal enraye une hémorragie.

Ses excréments possèdent aussi, selon Albert le Grand, de grandes propriétés : « La fiente de bœuf récente et nouvelle enveloppée dans des feuilles de vigne ou de choux, et échauffée entre les cendres, guérit les inflammations qui sont causées par les plaies ; la même fiente apaise la sciatique ; si on la mêle avec du vinaigre, elle a la propriété de faire suppurer les glandes scrofuleuses, autrement ce qu'on appelle écrouelles. J'ai expérimenté fort souvent que la même feinte est merveilleuse pour les tumeurs des testicules ».

A rapprocher également de sa présence lors de la naissance du Sauveur, on soutient dans toute la France méridionale que le diable ne peut emprunter la forme d'un bœuf. Toutefois, selon un proverbe talmudique, le diable « saute entre les cornes » du bœuf qui rentre du pâturage, surtout au début du printemps et si la bête est noire ; en Bretagne, les lutins apparaissaient parfois sous la forme de cet animal et « allaient à l'ouvrage tout de travers, pour faire endêver [sic] les bouviers ; c'est afin de se préserver de ce maléfice qu'on lie les jougs en croix ». Par ailleurs, certains individus hallucinés ont cru se métamorphoser en bœuf. Ce phénomène, bien mi s répandu que la lycanthropie, fut appelé au Moyen Âge la bousanthropie.

En Angleterre, voir un bœuf surgir dans son jardin annonce la mort d'un proche. L'association du bœuf avec la mort se retrouve également dans diverses expressions : on dit d'un homme atteint d'une maladie incurable qu'il « a été piétiné par le bœuf noir » (Écosse). Outre-Manche, « le bœuf noir l'a foulé aux pieds » signifie « il est mort ou quelqu'un de sa famille est mort ». En Westphalie d'ailleurs, celui qui tue un bœuf noir amène le deuil dans sa maison. Enfin, une superstition signale qu'un bœuf noir qui vous piétine le pied porte malheur.

Si les bœufs reniflent l'air, se rassemblent pour dormir, ou encore lèchent les murs des étables, c'est qu'il va pleuvoir. S'ils se lèchent à rebrousse-poil ou s'allongent sur le flanc gauche, une tempête est à craindre et s'ils agitent les pattes arrière, la neige ne va pas tarder.

Quelques superstitions sont attachées au bœuf gras qu'on promenait à Marseille la veille et le jour de la Fête-Dieu. Cette coutume, fort ancienne, a pour origine une initiative des confrères du Saint-Sacrement, qui achetèrent des bœufs pour nourrir les pauvres, en les promenant dans la vielle. L'« offrande » fut renouvelée tous les ans et, au cours des siècles, des croyances s'imposèrent. Certaines Marseillaises croyaient préserver leurs enfants de la maladie en leur faisant embrasser l'animal, dont la charité était en outre disputée par de nombreuses personnes. Le bœuf portait chance aux maisons au seuil desquelles il déposait ses excréments, et aux magasins où il pénétrait.

Une légende wallonne explique la lenteur de la démarche d'un bœuf de la manière suivante : l'homme l'ayant utilisé à traîner de lourdes charges, l'animal, après quelques années, lui demanda quand il pourrait prendre du repos. « Jamais, s'entendit-il répondre, tu travailleras jusqu'à la fin de tes jours. - S'il en est ainsi, répondit le bœuf, je ne me hâterai plus désormais. »

Parmi les bœufs merveilleux, citons celui qui gardait autrefois le trésor de l'Épine de la Haule, à Bourneville (Normandie). Un jour, un des habitants, qui avait un besoin pressant d'argent, tenta d'en emprunter au bœuf de la Haule. La bête lui ayant dit : « Il y a six livres sous l'un de mes pieds, viens les prendre si tu peux », il eut peur et s'enfuit sans demander son reste. Sa mésaventure donna l'expression « il s'est adressé au bœuf de la Haule » pour parler d'une personne s'ayant vu refuser un prêt. Quant au trésor que gardait le bœuf, il « fut mystérieusement enlevé une nuit de Noël ».

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Selon Jean-Marie Jeudy, auteur de Les Mots pour dire la Savoie (2006),


« En 1962, les services agricoles avaient encore recensé vingt-quatre paires de bœufs à travers la Savoie. Par contre, une enquête menée dans le département de l'Isère avait révélé un effectif de cent quatre-vingt paires dans les années 1980. En Dauphiné pour les labours en terrain escarpé et le débardage des bois, on utilisait une race de vaches renommée, celle de Villard-de-Lans. Face à l'arrivée du tracteur, on n'hésitait pas à dire qu'on ne verrait jamais « virer » de pareils engins sur une pente raide.

Sur la commune de Chignin, entre Montmélian et Chambéry, un lieu-dit est appelé le Mont Roujou. C'est une proéminence qui émerge au-dessus du vignoble. Pourquoi ce toponyme ? Parce que le bœufs rongeaient leur joug pour tirer leur attelage. Tant la côte était dure à grimper... L'explication est fort improbable, mais son image est plaisante.

Un curieux récit met en scène une paire de bœufs. A Loisieux, près de Yenne, il existait dans une chapelle une statue de saint Martin, le soldat romain au cœur tendre qui avait partagé son manteau. Au village voisin justement appelé La Chapelle-Saint-Martin, les habitants étaient jaloux. Ils auraient voulu posséder la statue. Sans doute pour bénéficier davantage des bienfaits de ce soldat généreux. Ils décidèrent de s'en emparer.

Par une nuit d'été, ils se rendent à Loisieux avec un chariot tiré par des bœufs. IL dérobent la stature, la pose sur la carriole et repartent dans la plus grande discrétion. Mais tout ne se déroule pas comme ils l'auraient souhaité. Sur le chemin du retour, les bœufs s'arrêtent et refusent de repartir. Menaces, encouragements, coups de trique, rien n'y fait, le bêtes demeurent immobiles. Rien ne semble pourtant les effrayer. Le temps est clair, la campagne dort...

Inutile d'y passer la nuit complète, les bœufs ne veulent pas emmener la statue. L'affaire est évidente. Dans l'ordre normal des choses, le saint doit rester à sa place dans la chapelle. C'est ce qu'en concluent les paysans. Il ne reste plus qu'à faire demi-tour et ramener Martin chez lui.

Les bœufs avaient fait la démonstration qu'ils n'obéissaient pas à l'aveuglette. Ils ne voulaient pas être complices d'un vol qui prenait des allures de sacrilège. Le preuve est évidente qu'ils n'étaient pas aussi stupides qu'on voulait le dire. Peut-être avaient-ils été inspirés par le Bon Dieu ?

[dégradation du mythe celte des deux bœufs ?]

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Selon Grażyna Mosio et Beata Skoczeń-Marchewka, auteurs de l'article "La symbolique des animaux dans la culture populaire polonaise, De l’étable à la forêt" (17 Mars 2009) :


"Une position toute spéciale parmi le bétail était occupée par le bœuf, la force motrice principale à la campagne jusqu’au début du XXe siècle. Castré, privé de tout instinct sexuel “pécheur”, il pouvait tout particulièrement être prédestiné au contact avec le sacré. C’est lui qui adorait Le Nouveau-Né, aidait la Sainte Famille en réchauffant Jésus de son souffle. C’est à lui qu’il était permis de découvrir ce qui était divin. Les légendes populaires racontent que seuls les bœufs savaient reconnaître Jésus se déplaçant travesti sur la terre, ou la Sainte Vierge cheminant avec l’Enfant (Baranowski 1967: 178-179). On croyait que ces animaux, étant purs, veillaient à la moralité et à l’honnêteté. Aussi lorsque la fermière en l’absence de son époux a tendance à le trahir, le bœuf se met à mugir de toute force et à cogner de sa tête contre le mur, pour la dissuader de cet acte infâme. Une autre fois il refuse de transporter le blé volé en renversant le chariot à chaque tentative entreprise par le voleur (Baranowski 1967 : 180). Les bœufs aident aussi volontiers les êtres humains en les sauvant en cas d’ennuis, en les protégeant par exemple des loups, des vipères, des risques de noyade. Ils s’attachent énormément à leur maître: ils sont malades et même meurent de tristesse à leur disparition, ou bien lorsqu’ils sont vendus (Baranowski 1967 : 180). Ces animaux peu agressifs et lents sont aussi devenus synonymes de l’assiduité et de la patience. Aujourd’hui les dictons “il travaille comme un bœuf”, ou “il est patient comme un bœuf” sont d’usage courant pour exprimer des traits de caractère bien vus par les patrons."

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Pour David Carson, auteur de Communiquer avec les animaux totems, puisez dans les qualités animales une aide et une inspiration au quotidien (Watkins Publishing, 2011 ; traduction française Éditions Véga, 2011), le bœuf appartient à la famille de la Sagesse intérieure, au même titre que l'hippopotame, le chien, l'aigle, l'ours polaire, le cheval, le coyote, le papillon, la chouette, la salamandre, le saumon, le phoque, le paon, la grue, le tigre, le lièvre et la pieuvre.


Sagesse intérieure : Invoquer un esprit animal, c'est éveiller de nouvelles perceptions. tout phénomène naturel, y compris l'animal, est intrinsèquement mystérieux. L'indicible que recèle toute forme de vie nous ramène aux questions fondamentales sur l'existence. Comment et pourquoi s'est formé le cosmos ? Pourquoi les choses existent-elles plutôt que le néant (comme s'interrogent souvent les philosophes) ? La méditation peut nous apporter une conscience silencieuse des vérités qui se cachent derrière ces énigmes. Lorsque nous plongeons nos eux dans ceux d'une autre créature, nous sommes confrontés à de profonds mystères, dont l'animal est l'incarnation vivante.

Ce chapitre présente les animaux susceptibles de nous guider vers de nouveaux indices et une acuité nouvelle. Si nous sommes prêts à nous ouvrir et à écouter, nous pouvons gagner en maturité spirituelle et avancer dans notre voyage intérieur.

[...]

Le bœuf est essentiel dans de nombreuses cultures agraires. Ces mammifères sont plus forts que les chevaux, c'est pourquoi on les utilise fréquemment pour titrer charrues et charrettes. dans la tradition hindoue, tout bétail, y compris le bœuf, est vénéré et il est interdit de le tuer. Le dieu Shiva voyagerait à dos d'un grand taureau, Nandi, tandis que Krishna aurait grandi dans une famille de bouviers.

Les bœufs consomment énormément d'herbe et d'autres végétaux, et passent la majeure partie du jour à ruminer, c'est-à-dire à remâcher. La nourriture est avalée une première fois puis régurgitée sous forme d'une boule mole et ronde (bol), remâchée puis ré-avalée. La rumination aide le bœuf à digérer plus efficacement, ce qui lui permet d'ingérer davantage de nourriture, gage de bonne santé et d'endurance.

Dans plusieurs pays asiatiques, on utilise ces maîtres du labourage pour prédire les rendements agricoles de l'année à venir. Au cours de rituels, on leur offre divers aliments - riz, graines, foin et maïs - et même un assortiment de boissons. Ce que le bœuf choisit de manger et de boire est déterminant, et le chaman ou oracle fait une prévision en fonction des choix de l'animal. Famine ou festin, ces prédictions sont souvent exactes.

Si vous êtes dans une situation où détermination et persévérance vous sont nécessaires (obstination donc), invoquez le pouvoir du bœuf. Inépuisable, aimant et généreux, cet animal ne manque jamais d'accomplir son devoir. Avec le bœuf pour totem spirituel, vous vous battrez toujours pour être utile à autrui et tenir la distance. Votre grande force, votre clame intérieur et votre sérénité ne passeront pas inaperçus. Vous serez plus résolu que jamais, vous investissant pleinement et jusqu'au bout, semant les graines qui porteront des fruits. Faites appel à l'esprit du bœuf, qui confère maturité et volonté indomptable, puis creusez les bons sillons de votre existence. Vous serez récompensé de votre labeur.


Mot-clé : Détermination et persévérance.


Développer l'énergie du Bœuf


Pratiquez la posture de la tête de vache : En yoga, cette posture assise implique de croiser les jambes l'une sur l'autre tout en pliant le bras gauche derrière le dos, main vers le ciel, et en repliant le coude droit au-dessus de l'épaule, main droite vers la terre, le but étant que les deux mains se rejoignent derrière le dos. On dit que les jambes croisées ainsi ressemblent aux lèvres d'une vache.


Créez des images : On trouve des représentations de l'ancêtre du bœuf, l'aurochs, sur les peintures rupestres préhistoriques, notamment celles de Lascaux. Honorez votre esprit bœuf en dessinant ou en peignant votre propre animal-force.


Projetez vos runes : L'aurochs a donné son nom à la lettre "u" de l'alphabet runique, employé en Europe du Nord avant l'adoption de l'alphabet latin. Méditez sur la rune de l'aurochs, pour essayer de comprendre l'importance de son énergie pour nos ancêtres.


Dansez avec Krishna : Le dieu Krishna a passé son enfance et son adolescence avec des bouviers, ce qui lui valut le nom de "Gowinda", qui signifie "trouveur de vaches" et "Gopala", "protecteur de vaches". Vous pouvez gagner en sagesse en méditant sur la bienveillance de Krishna envers votre animal fort.


Sur les traces du Bœuf

Au XIIe siècle, un maître zen chinois peignit dix images représentant la quête d'un bœuf - allégorie de la recherche de Satori, réalisation de notre vraie nature. La personne en quête cherche le bœuf, l'apprivoise et rentre à la maison sur son dos - puis n'y pense plus. L'image qui suit est un blanc, la suivante montre la vie simple, puis finalement ce même homme qui retourne au marché, d'une humeur heureuse et généreuse. A la fin, le gardien de troupeau est en paix avec toute forme de vie, jouissant du lien avec ses compagnons."

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André Leroi-Gourhan, dans un article intitulé « Ema », (In : Techniques & Culture, 57 | 2011, pp. 16-41) donne des précisions sur le symbolisme du Bœuf au Japon :


Le mot « e-ma » signifie « cheval peint ». D’une manière très générale ce sont des peintures sur bois, offertes aux temples pour obtenir l’accomplissement d’un vœu ou à la suite d’une promesse faite dans des circonstances difficiles ou dangereuses. Ce sont donc de véritables ex-voto, parfois exactement assimilables à ceux de l’occident, en particulier pour les bateaux que les marins offrent au temple après avoir couru de grands dangers sur mer. Leur nom de « chevaux peints » vient de ce qu’à l’origine on semble avoir offert des peintures de chevaux. À l’heure actuelle les chevaux sont encore le thème le plus courant.

[...]

Alors que les représentations de divinités se réduisent en fait à Jizô etTenjin (les Tengu sont des masques, les Nio et les hommes de pierre des statues), d’assez nombreux ema figurent l’animal ou l’objet qu’on associe au dieu, comme chez nous l’aigle de Jupiter ou le trident de Neptune. [...]


Bœuf de Tenjin (Ushi) : Tenjin, dieu des lettres déjà mentionné est parfois représenté sur un bœuf et ses temples montrent toujours des effigies de pierre, figurant un bœuf couché, effigies dont on tire quelque profit en les faisant toucher par les enfants ; ils y gagnent plus de force physique et à l’occasion une meilleure assimilation de la poésie. Les adultes les touchent aussi dans des intentions variées et certaines de ces statues sont usées par le frottement répété des doigts de leurs fidèles. Il est difficile de savoir ce qui rattache Tenjin et son bœuf, rien dans sa biographie n’en donne une idée, sinon que, comme tout homme aisé de son temps, il a dû partir en exil dans un char traîné par un bœuf. L’étude critique de ce dieu reste à faire et l’on ne peut qu’imaginer une série de thèmes d’origine disparate : le bœuf, le prunier, le pin, la chouette, s’agrégeant autour de Sugawara no Michizane qui, comme Tenjin, se créait progressivement une personnalité composite. L’ema du bœuf de Tenjin est assez fréquent, il figure généralement un bœuf harnaché.

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Symbolisme celte :


Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robet Laffont, 1982), Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"il existe une divinité gauloise Damona, parèdre du protecteur des eaux thermales Borvo ou Apollon Borvo, et dont le nom contient le thème celtique désignant généralement les bovidés, dam. Mais le bœuf ne posséderait pas, dans le monde celtique, de symbolisme indépendant, en dehors du symbolisme chrétien usuel. Les légendes galloises témoignent cependant de l'existence de bœufs primordiaux. Les deux principaux sont ceux du Hu Gadarn, personnage mythique, qui arriva le premier dans l'île de Bretagne, avec les nation des Cymri (Gallois). Avant l'arrivée de ces derniers, il n'existait en Bretagne que des ours, des loups, des castors et des bœufs cornus. Le Lebor Gabala (Livre des Conquêtes) nomme aussi, mais sans autre indication, des bœufs mythiques. Le bœuf jouerait alors un rôle analogue à celui du héros civilisateur."

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Selon Sabine Heinz, auteure de Les Symboles des Celtes, (édition originale 1997, traduction française Guy Trédaniel Éditeur, 1998),


"Le bœuf a lui aussi de l'importance. Il est l'un des animaux en lequel les humains aiment se métamorphoser ; on le mange et on le vénère ; après la christianisation,on le retrouve aux côtés de saint Luke ; le bœuf devient alors le sacrifice symbolisant la dignité de prêtre du Christ.

Dans l'histoire galloise Kulhwuch ac Olwen, trois des quarante tâches que doit effectuer Kulhwch lui imposent d'attraper des bœufs :


Tout d'abord, Kulhwch doit aller chercher le bœuf de Gwlwlydd, "Poil brun", pour que Ysbaddaden puisse bien labourer la terre. Sa tâche suivante est de mettre sous le même joug le bœuf jaunâtre-blanc pâle et le bœuf pie. Il s’agit des trois principaux bœufs de Bretagne. Pour finir, il doit, encore une fois pour Ysbaddaden, atteler à la même charrue les deux bœufs cornus dont le premier vit d'un côté de la Montagne Cornue et le second de l'autre côté. Les bœufs sont Nynnyaw et Peibiaw, deux rois métamorphosés à cause de leurs péchés.

On ne manquera pas de citer Oxford dont on parle déjà chez Cyfranc Lludd a Llefelys en tant que centre de la Bretagne. comme le taureau et autres animaux du même type, le bœuf est immortalisé dans les blasons."

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François-Joseph Onda, auteur d'une thèse intitulée Le féminin dans les paysages pré-chrétiens irlandais. (Archéologie et Préhistoire. Université Rennes 2, 2012. Français.) évoque les bœufs dans la mythologie celtique :


L’image du taureau et/ou du bœuf vient en toute logique à l’esprit comme compléments indispensables dans les mythes de fertilité. Traditionnellement, dans les sociétés celtes irlandaises, les bovidés étaient vénérés comme des symboles de fertilité et de puissance, notamment parce que la vache était utilisée pour la reproduction du bétail et le bœuf pour les labours, qui favorise la productivité de la terre. Le rôle du bœuf était primordial dans l’agriculture des premiers fermiers, puisque des labours dépendaient les semailles. De sa force dépendait donc indirectement la survie de la communauté. L’importance de ces animaux était telle que les Celtes leur ont attribué une place privilégiée dans la mythologie, et que le taureau fait l’objet d’un des récits les plus importants de l’héritage littéraire ancien retranscrit par les moines aux alentours du XIIe siècle de notre ère, intitulé La razzia des bœufs de Cooley. Dans ce récit, le taureau en question apparaît presque comme une divinité du fait de sa taille imposante, hors du commun et surtout de son impressionnante fertilité :


Here are some of the virtues of the Donn Cúailnge: he would bull fifty heifers every day. These would calve before the same hour on the following day, and those of them that did not calve would burst with the calves because they could not endure the begetting of the Donn Cúailnge. It was one of the virtues of the Donn Cúailnge that fifty youths used to play games every evening on his back. Another of his virtues was that he used to protect a hundred warriors from heat and cold in his shadow and shelter. It was one of his virtues that no spectre or sprite or spirit of the glen dared to come into one and the same canton as he. It was one of his virtues that each evening as he came to his byre and his shed and his haggard, he used to make a musical lowing which was enough melody and delight for a man in the north and in the south and in the middle of the district of Cúailnge. Those are some of the virtues of Donn Cúailnge.

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


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Mythologie :

Claude Sterckx, étudie le mythe relatif à « Les deux bœufs du déluge et la submersion de la ville d’Is », (Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 115-1 | 2008) :

 

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Littérature :


Le bœuf

I

La porte s’ouvre ce matin, comme d’habitude, et Castor quitte, sans buter, l’écurie. Il boit à lentes gorgées sa part au fond de l’auge et laisse la part de Pollux attardé. Puis, le mufle s’égouttant ainsi que l’arbre après l’averse, il va de bonne volonté, avec ordre et pesanteur, se ranger à sa place ordinaire, sous le joug du chariot.

Les cornes liées, la tête immobile, il fronce le ventre, chasse mollement de sa queue les mouches noires et, telle une servante sommeille, le balai à la main, il rumine en attendant Pollux.

Mais, par la cour, les domestiques affairés crient et jurent et le chien jappe comme à l’approche d’un étranger.

Est-ce le sage Pollux qui, pour la première fois, résiste à l’aiguillon, tournaille, heurte le flanc de Castor, fume, et, quoique attelé, tâche encore de secouer le joug commun ?

Non, c’est un autre. Castor, dépareillé, arrête ses mâchoires, quand il voit, près du sien, cet œil trouble de bœuf qu’il ne reconnaît pas.

II

Au soleil qui se couche, les bœufs traînent par le pré, à pas lents, la herse légère de leur ombre.


Jules Renard, "Le Bœuf" in Histoires naturelles, 1874.

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Les Bœufs


J’ai deux grands bœufs dans mon étable,

Deux grands bœufs blancs marqués de roux ;

La charrue est en bois d’érable,

L’aiguillon en branche de houx.

C’est par leur soin qu’on voit la plaine

Verte l’hiver, jaune l’été ;

Ils gagnent dans une semaine

Plus d’argent qu’ils n’en ont coûté.


S’il me fallait les vendre,

J’aimerais mieux me pendre ;

J’aime Jeanne ma femme, eh bien ! j’aimerais mieux

La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.


Les voyez-vous, les belles bêtes,

Creuser profond et tracer droit,

Bravant la pluie et les tempêtes

Qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid.

Lorsque je fais halte pour boire,

Un brouillard sort de leurs naseaux,

Et je vois sur leur corne noire

Se poser les petits oiseaux.


S’il me fallait les vendre,

J’aimerais mieux me pendre ;

J’aime Jeanne ma femme, eh bien ! j’aimerais mieux

La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.


Ils sont forts comme un pressoir d’huile,

Ils sont doux comme des moutons ;

Tous les ans, on vient de la ville

Les marchander dans nos cantons,

Pour les mener aux Tuileries,

Au mardi gras devant le roi,

Et puis les vendre aux boucheries ;

Je ne veux pas, ils sont à moi.


S’il me fallait les vendre,

J’aimerais mieux me pendre ;

J’aime Jeanne ma femme, eh bien ! j’aimerais mieux

La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.


Quand notre fille sera grande,

Si le fils de notre régent

En mariage la demande,

Je lui promets tout mon argent ;

Mais si pour dot il veut qu’on donne

Les grands bœufs blancs marqués de roux ;

Ma fille, laissons la couronne

Et ramenons les bœufs chez nous.


S’il me fallait les vendre,

J’aimerais mieux me pendre ;

J’aime Jeanne ma femme, eh bien ! j’aimerais mieux

La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.


Pierre Dupont, "Les Bœufs" in Chants et chansons,

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Arts visuels :



Eugène Boudin, Bœufs couchés dans un pré,

huile sur bois, vers 1880-1888.

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