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L'Hellébore

Dernière mise à jour : 4 oct.



Étymologie :


  • ELLÉBORE, HELLÉBORE, subst. masc.

Étymol. et Hist. Ca 1215-45 elebore « plante médicinale » (Pean Gatineau, St Martin, 387 ds T.-L.), réputée pour soigner la folie (cf. Rotrou, Clarice, I, 5, éd. 1820 des Œuvres, t. IV, p. 362 ds IGLF : Si vous voulez guérir, prenez de l'ellébore : C'est, à ce que l'on dit, le remède des fous), ceci étant plus connu à cause de La Fontaine (Le Lièvre et la tortue, Fables, VI, X). Empr. au lat. class. (h)elleborus, lui-même empr. au gr. ε ̔ λ λ ε ́ β ο ρ ο ς désignant une plante médicinale employée notamment pour soigner la folie (André Bot.), v. aussi aliboron.


Étymol. et Hist. 1564 (Ch. Estienne, L'Agriculture et Maison rustique, l. II, chap. 33). Emprunté au lat. veratrum : « ellébore ».


Lire également la définition des noms Ellébore et Vérâtre afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Helleborus fœtidus - Coyons de leu (testicules de loup) - Ellébore fétide - Hellébore fétide - Herbe aux bœufs - Pied de griffon - Rose de serpent -

Helleborus niger : Aliborgne - Demoiselle - Ellèbre - Griffes du diable - Herbe à la brochure - Herbe à la rage - Herbe à l'encœur - Herbe à sétons - Herbe au fi - Herbe aux bestiaux - Herbe aux bœufs - Herbe du feu - Liboûre - Marsioulé - Machère - Pied de griffon - Pisse-à-chien - Poumillière - Pousse-neige - Queue au loup - Racine des Anciens - Rage au loup - Rose de loup - Rose de Noël - Rose d'hiver - Rose des neiges - Véraire noir - Vérart -

Helleborus viridis - L. - Héllébore à fleurs vertes - Herbe à sétons -

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Botanique :


Dans La Magie des Plantes, Douze mois avec la Sagesse des Plantes (Édition originale, 2017 ; Éditions Danaé, 2017), Sarah Kynes propose une rapide description de cette fleur d'hiver :


L'éllébore noir est une plante vivace buissonnante qui forme des grappes. Ses feuilles vert foncé, satinées, sont profondément lobées et lancéolées. Les fleurs blanches sont en forme de bol, et leurs pétales se chevauchent. Il peut sembler étrange qu'une plante aux fleurs blanches soit dite « noire » ; mais son nom vient de la couleur de ses racines.

Le nom du genre de cette plante vient du grec hekin, qui signifie « emporter » et bora, « nourriture ». C'est une référence à son emploi comme vomitif dans l'Antiquité. L'hellébore noir est très toxique en prise interne, et elle irrite la peau. Même les feuilles froissées peuvent provoquer des dermatites sévères. Inutile de vous dire de porter des gants quand vous la manipulez, et surtout, n'en faites pas pousser dans votre jardin si vous avez des enfants.

 

L'Hellébore est associée à un souvenir d'enfance précis et surtout à une personne qui est resté un mystère pour moi. En effet, c'est Gustave, paysan de Verrens-Arvey, un vieux garçon qui était notre voisin, qui m'a montré pour la première fois une hellébore sauvage.

Pour moi, c'était magique de voir dans la nature, "pour de vrai", une plante dont je n'avais entendu parler jusqu'alors que dans une poésie apprise à l'école, la fameuse fable du Lièvre et de la Tortue ! (Le savoir de la maîtresse avait encore du prestige à mes yeux à l'époque...) D'autant plus qu'il s'agissait d'une plante liée à une forme de folie que, je ne sais pas pourquoi, je n'arrivais pas à voir de manière négative...

Pour ce joli souvenir, j'ai une pensée attendrie et sincère pour Gustave qui a vécu et est mort dans une grande solitude... en tout cas, c'est l'idée que j'en avais...

Anne.

 

Dans "Confusion lors de cueillettes de plantes médicinales." (In : Bulletin du Cercle vaudois de botanique., 2003, vol. 32, p. 17-22) André Dolivo relève une confusion fréquente qui concerne l'Ellébore :


Les propriétés cardiotoniques des ellébores (Helleborus foetidus, Helleborus niger, Helleborus viridis, renonculacées) ne sont plus mises à profit en raison de leur forte toxicité. Selon FLUCK et MOESCHLIN (1958 p. 13), « La plupart (des empoisonnements) se produisent parce qu'on a confondu l’Hellébore avec d'autres plantes… Si l'empoisonnement est grave, le pronostic est mauvais ». Un cas de confusion avec Cardamine heptaphylla (brassicacées) s’est produit en Italie (BRUNETON 2001 p. 439).

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Dans La Vie sexuelle des Fleurs (Éditions E/P/A Hachette Livres, 2022), ouvrage illustré par Loan Nguyen Thanh Lan, Simon Klein explicite les mécanismes de reproduction des fleur :


Hellébore fétide : Chaleureuse au cœur de l'hiver

Au cœur de l'hiver, alors que toute la nature est à l'arrêt, une petite fleur des bois semble résister au froid ambiant. L'hellébore fétide arbore fièrement ses clochettes vert pâle en bouquet d'une cinquantaine de centimètres de haut, partant de ses feuilles échancrées vert sombre. La petite hellébore fétide se trouve en pleine floraison dans les bois des régions tempérées lorsque les fleurs sont rares : une aubaine ! Cela réduit la compétition. Malheureusement, bien peu d'insectes sont encore actifs en cette saison : les abeilles à miel sont au chaud dans leur ruche et nombre d'abeilles solitaires adultes sont déjà mortes.

Les bourdons, comme le bourdon terrestre, ont la capacité de vibrer pour augmenter leur température corporelle et profitent aussi d'une fourrure épaisse : ils continuent à s'activer jusque tard dans la saison avant que les nouvelles reines aillent hiverner. De même les jeunes reines sont capables de sortir d'hivernage très tôt, alors que e thermomètre ne dépasse pas 4 ou 5°C - tant qu'il y a un peu de soleil pour réchauffer la terre. Ainsi, le bourdon et-(il le candidat tout trouvé pour polliniser les hellébores, que ce soit au début ou à la fin de l'hiver. Et comme il n'est pas rare de voir les bourdons voler alors que la neige blanchit encore les sous-bois, il n'est pas rare de voir des fleurs d'hellébore sortir d'une masse de neige, comme la rose de Noël (l'hellébore noir).

Si l'on regarde attentivement les fleurs de l'hellébore fétide, de l'extérieur vers l'intérieur, on trouve cinq sépales formant le calice, d'un vert amande, parfois tirant vers le rouge à leur extrémité ; puis une grande quantité d'étamines entourant trois à cinq pistils. Mais où sont passé les pétales ?


Le stratagème : En fouillant entre les étamines et les sépales, on trouve des nectaires bien particuliers : les pétales ont été modifiés pour former de petites cornes d'abondance qui fournissent un flot important de nectar. c'est que l'hellébore a mis les petits plats dans les grands : bien que chétive et timide, cette fleur au port tombant (cela lui permet de protéger le fabuleux garde-manger des attaques de la pluie et de la grêle) veut gâter les rares pollinisateurs pouvant l'aide à perpétuer l'espèce : une quantité impressionnante de pollen et de nectar. Et comme dans tout restaurant digne de ce nom, la communication est bien ficelée : lorsque les cuisines sont dévalisées, l'hellébore le signale - un liseré rouge apparaît à l'apex des sépales indiquant, tel un panneau d'interdiction, qu'il n'y a plus rien à tirer de cette fleur.

L'autre indication, comme souvent chez les fleurs, mais aussi dans une bonne boulangerie de village : l'odeur ! L s hellébores ont un mécanisme bien à elles pour propulser au mieux des éléments olfactifs volatils au cœur d'une atmosphère très fraîche, peu propice à la diffusion des odeurs : le nectar contient une concentration importante de levures qui, en métabolisant les sucres, génèrent de la chaleur. Cette chaleur aide à la diffusion des composés volatils des odeurs et fait monter la température au centre de la fleur jusqu'à 2°c au-dessus de la température environnante. La fleur devient alors une auberge cinq étoiles au cœur de l'hiver car, en plus de proposer le couvert, avec banquet bien fourni, elle propose de manger au chaud ! Les bourdons peuvent alors profiter d'un microclimat au centre de la fleur. Cela a été prouvé, lorsqu'ils ont le choix, les bourdons préfèrent les fleurs les plus chaudes. Cependant, ils aiment aussi et surtout un nectar ruche en sucre et un peu alcoolisé. En produisant de la chaleur, les levures s'activent la fermentation - comme dans la bière ou le vin -, consomment le sucre et émettent de l'alcool. Dans cette symbiose à trois partenaires - la fleur, l'insecte et la levure -, tout est question d'équilibre.

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Vertus médicinales :


Pierre-Joseph Buchoz, médecin de Monsieur et auteur de Etrennes du printemps, aux habitans de la campagne, et aux herboristes, ou pharmacie champêtre, végétale & indigène, à l'usage des pauvres & des habitans de la campagne (Lamy libraire, Paris, 1781) recense les vertus médicinales des plantes :


Racine d'Ellebore blanc. Cette racine pulvérisée est un excellent sternutatoire ; on l'associe avec le Tabac, & on en fait usage dans le cas d'apoplexie imminente. Cette même racine en poudre, depuis trois grains jusqu'à six, est purgative.


Racine d'Ellébore noir. C'est la base des pilules toniques de M. Bacher. On s'en sert plus communément en guise de féron.

 

Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les vertus thérapeutiques de trois Héllébores :


Propriétés Physiques et Usages Médicinaux : L'Ellébore fétide est la plante la plus âcre, la plus drastique et la plus énergique du genre ; toute la plante est pourvue d'une odeur nauséeuse et fétide. La racine est vénéneuse. Les feuilles et les tiges ont une saveur âcre, amère, piquante ; mâchées, elles excorient la bouche ; séchées et pulvérisées elles conservent encore leurs propriétés.

L'ellébore fétide est émétique et cathartique ; à haute dose il produit des effets dangereux. C'est un anthelminthique efficace ; en Angleterre il a longtemps servi à cet usage comme remède domestique. Decerfs l'a administré pour expulser le tænia. Il a été vanté aussi dans l'asthme, l'hystérie et l'hypochondrie (Disset).


Formes et doses. La dose pour un enfant de 2 à 6 ans est de 5 grains à 1 scrupule des feuilles sèches ; d'une once de la décoction préparée en faisant bouillir un gros de feuilles sèches dans une demi-pinte d'eau ; cette dose peut être répétée matin et soir pendant deux ou trois jours de suite. Un sirop composé avec le jus des feuilles vertes est usité en Angleterre.


Hellébore noir : Toutes les parties de cette plante sont très âcres et produisent sur la langue une impression de brûlure et d'engourdissement analogue à celle d'un liquide brûlant. L'âcreté diminue par la sécheresse et s'altère en vieillissant. La racine, d'après Rayer et Guibourt, séchée et pulvérisée ne possède presque aucune propriété purgative. Le principe acre passe dans l'eau distillée ; c'est dans la partie soluble dans l'eau que résident les propriétés vireuses de l'ellébore (Orfila) .

Cette plante est drastique, hydragogue, cathartique, emménagogue, cette dernière action dépendant suivant les uns d'un effet spécial sur l'utérus et suivant les autres de la propriété purgative ; à haute dose elle enflamme la muqueuse de l'estomac et de l'intestin, produit de violents vomissements, du vertigo, des crampes et des convulsions qui peuvent entraîner la mort. L'ellébore noir si renommé dans l'antiquité était probablement l'Helleborus orientalis. L. La racine fraîche appliquée sur la peau détermine de la rubéfaction et amène la vésication.

L'ellébore noir était vanté chez les anciens dans le traitement de la manie, de la mélancolie, de l'aménorrhée, de l'hydropisie, de l'épilepsie, des affections cutanées et des maladies vermineuses. Il est encore employé de nos jours, mais son usage est beaucoup plus restreint. Bignardi et Fulvio Gozzi l'ont prescrit dans la manie et la mélancolie. Les pilules de Bacher sont célèbres pour la cure de l'hydropisie ; nous en donnons plus loin la composition. Plusieurs praticiens modernes vantent l'ellébore noir comme emménagogue. Le docteur Mead en fait beaucoup de cas. Les vétérinaires emploient la racine pour entretenir les sétons chez les chevaux et les bœufs et pour guérir le farcin ; il entre dans un grand nombre de remèdes autrefois trop exaltés.


Formes et doses. La poudre de la racine s'administre à la dose de 10 à 20 grains comme purgatif drastique, à celle de 2 à 3 grains comme altérant. La décoction se prépare en faisant bouillir 2 gros dans une pinte d'eau dont on administre une once toutes les quatre heures jusqu'à effet suffisant. La teinture se donne à la dose de 10 gouttes à 2 grammes et l'extrait alcoolique à celle de 30 à 50 centigr.

Pilulae hellebori nigri compositae (Pilules de Bacher). Prenez Extrait d'hellébore noir préparé avec carbonate de potassium, alcool et vin blanc 100 gram. ; extrait de myrrhe 100 gram. poudre de chardon bénit 50 gram. Faites une masse pilulaire que vous divisez en pilule de 20 centig. 1-2 p . jour.


Helleborus viridis : L'action physiologique de cette plante ressemble beaucoup à celle de l'ellébore fétide et pourrait être utilisée aux mêmes usages. En vétérinaire, on l'emploie pour entretenir les sétons. Les rhizomes de cet ellébore sont la base de la teinture de Wendt, conseillée contre la manie.

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Alfred Chabert dans De l'emploi populaire des plantes sauvages en Savoie (in Bulletin de l'Herbier Boissier, Vol. III, nʻ5-6-7, sous la direction de Eugène Autran, Genève, 1895) évoque ainsi l'Hellébore :


Contre la folie : Décoction de rhizome de coyons de leu (testicules de loup, ainsi nommé à cause de la forme du fruit), Helleborus faetidus. Elle était fort employée, il y a quelques vingt ans, par un médicastre des environs de Chambéry, et paraît-il, avec quelque succès, jusqu'au jour où confondant l'hystérie avec la folie, il en administra une forte dose à une jeune fille hystérique qui en mourut. L'éllébore est un violent purgatif drastique très dangereux.

[...]

Certaines plantes douées de propriétés très dangereuses ne se rencontrent en Savoie qu'auprès des habitations isolées : Helleborus viridis, Ruta graevolens, etc. Elles sont donc ou ont été cultivées.

 

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Usages traditionnels :


Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes :


Propriétés et utilisation : Comme la plupart des Renonculacées, l’hellébore est une espèce toxique et vénéneuse parce qu’elle contient de grandes quantités de saponines stéroïdiques causant des troubles graves qui peuvent conduire à la mort (Guarrera, 2006 : 113). En médecine populaire, la racine de l’hellébore est utilisée en Calabre pour le traitement d’odontalgies (Viegi et al., 2003 : 238 ; Pieroni, 1999 : 143), des hémorroïdes, des verrues, des congestions, des arthrites et des rhumatismes (Guarrera, 1995 : 137) ; elle est également utilisée pour servir de répulsif et pour traiter la gale (Guarrera, 2006 : 113). En Espagne, on exploite ses propriétés acaricides, antiverruqueuses, carminatives et décongestionnantes (Angelet & Vallés, 1999 : 32). Mais, c’est en médecine vétérinaire que l’hellébore est largement utilisé pour soigner un grand nombre de maladies des animaux. En Ligurie, les racines de la plante sont utilisées pour le traitement du mal d’erba « mal d’herbe » qui cause de l’inappétence et l’incapacité de se tenir debout ; on introduit un petit morceau de racine dans la cuisse de la patte postérieure des porcins ou à la base du gosier des bovins et si l’animal réagit avec la formation d’un abcès, alors en le crevant l’animal guérit, autrement l’animal meurt (Pieroni, 1999 : 142). La même modalité d’application de la racine de l’hellébore est témoignée en Toscane où le petit morceau de la plante est introduit dans un trou fait aux oreilles des porcins qui sert à traiter le mal rosso « mal rouge » ou tarone (dénomination de la maladie selon le dialecte de Pistoia). Il s’agit d’une maladie infectieuse et contagieuse à caractère septicémique et qui est causée par le Bacilus erysipelatis suis, dont l’un des effets les plus visibles est la présence de taches rouges-bleuâtres sur la peau des animaux (Pieroni, 1999 : 143). Un morceau de racine est introduit sous la queue des porcins et des bovins pour servir de fébrifuge et d’antibactérien (Pieroni, 1999 : 143). En Ombrie, on introduit un petit morceau du rhizome de l’hellébore dans l’oreille des ovins pour le traitement du bergollo ou mal di macchia « mal de tache », c’est-à-dire de l’agalaxie contagieuse et de la mastite (Pieroni, 1999 :143). Dans les Balkans, un morceau de racine de la plante est introduit soit dans la poitrine des chevaux pour le traitement des blocages musculaires soit dans leur naseau pour traiter les congestions nasales (Pieroni et al., 2013 : 7). L’utilisation d’une même technique phytothérapeutique sur différentes espèces animales et dans différentes régions italiennes et balkaniques témoigne, selon Uncini Manganelli & Tomei (1999 : 176), d’une pratique très ancienne qui est restée en vogue jusqu’à ce jour.

Les parties aériennes de l’hellébore sont également utilisées en médecine vétérinaire pour la préparation d’une décoction ayant une fonction d’antiseptique si on l’utilise pour laver les animaux qui viennent de naître (Viegi et al., 2003 : 233 ; Pieroni, 1999 : 142); en revanche, les propriétés cicatrisantes de la décoction sont exploitées, dans les Abruzzes, pour le traitement générique des blessures (Pieroni, 1999 : 143) et dans les Balkans, pour le traitement des blessures sur la peau des brebis et des rhumatismes chez les ovins (Rexhepi et al., 2013 : 2063). Les propriétés médicinales de cette espèce sont aussi connues dans les communautés albanophones enquêtées où les informateurs nous ont parlé de l’utilisation en médecine vétérinaire d’une décoction préparée avec la plante qui était ensuite appliquée en compresses sur les blessures en voie de cicatrisation.

On utilise aussi l’hellébore dans une pratique magique dont Viegi et al. (2003 : 240) affirment ne pas savoir quelle est son origine : la tradition populaire conseille d’accrocher les différentes parties de la plante sur le corps de vaches, brebis et cochons pour empêcher que l’animal ne tombe malade et pour le traitement de différentes maladies. Il s’agit d’une espèce de talisman fait d’un sachet contenant des petits morceaux de racine de la plante qu’on accroche au corps des animaux (Guarrera, 2006 : 113). Les pouvoirs magiques attribués à cette espèce dérivent du fait que la plante est l’un des médicaments les plus puissants que l’on puisse trouver dans la nature à cause de ses racines vénéneuses et, tout comme d’autres « plantes puissantes » parce que vénéneuses, l’hellébore est aussi classée parmi les « plantes de la magie » (Macioti, 1995 : 69) dédiées à Saturne, une divinité redoutable comme redoutables sont les effets de ces plantes magiques en médecine populaire. Beccaria (1995 : 210) met en évidence le fait que le trait « vénéneux » est traduit lexicalement avec une dénomination renvoyant au diable, telle que pie’ di diavolo « pied de diable » en Toscane, erba diaulina « herbe du petit diable » en Sicile diaulóit « petit diable » en Lombardie, etc. (Penzig, 1924 : 224). Il ajoute en outre que les rhizomes séchés et réduits en poussière étaient déjà utilisés pour soigner la folie, à partir d’Hippocrate et de Celsius (Beccaria, 1995 : 210) et enfin, au Moyen Age, la racine d’hellébore était utilisée comme base pour la préparation d’un « onguent satanique » que l’on se mettait sur le corps pour pouvoir participer au sabbat (Beccaria, 1995 : 243).

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


HELLÉBORE. Cette plante exerce-t-elle quelque action bienfaisante sur les cerveaux atteints de folie ? C'est encore ici l'occasion de faire usage du proverbe : Hippocrate dit oui, et Galien dit non. Les grands docteurs sont rarement d'accord. Les anciens croyaient à la vertu attribuée à ce végétal, et l'ile d'Anticyre, dans le golfe de Corinthe, où l'hellébore venait en abondance, avait donné lieu à ce dicton : Naviget Anticyram, que l'on ne manquait pas de rappeler pour ceux que l'on soupçonnait d'avoir les idées renversées. Suétone raconte même, à propos de celle croyance, qu'un prétorien s'étant retiré à Anticyre, pour y chercher la santé qu'il ne put recouvrer, et ayant demandé à Caligula une prolongation de congé, le très gracieux empereur prescrivit de le mettre à mort, disant qu'une saignée était indispensable à un homme qui avait fait si longtemps usage d'hellébore sans soulagement. Au moyen âge, on croyait fermement encore aux propriétés vantées de la plante d'Anticyre ; et, de nos jours, il est aussi des gens qui disent sérieusement des fous qu'on devrait leur administrer de l'hellébore. On pourrait même, à l'égard de certains esprits excentriques, répéter avec les anciens : Tribus Anticyris insanabile capit, Jadis, on prétendait aussi que si l'on frottait d'hellébore un scorpion venant de mourir, on le rendait sur-le-champ à la vie.

 

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Dans le Gard, pour éloigner de l'écurie des porcs les animaux malfaisants, et ceux qui ont le mauvais œil, on y suspend un pied d'hellébore arraché au bord du chemin ; dans la Lozère, l'hellébore noir accroché aux râteliers, aux mangeoires écarte les serpents suceurs et les salamandres dans la Côte-d'Or l'hellébore ordinaire est mis dans les étables pour purifier l'air et empêcher les maladies dans les poulaillers pour éloigner la vermine.

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Symbolisme :


Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Ellébore - Bel esprit.

C’était la fleur à la mode chez les poètes au siècle de Louis XIV.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


HELLEBORE (ELLÉBORE) – BEL ESPRIT.

Genre de renoncules elléborées, établi pour des plantes herbacées, dont le type est l'ellébore noir. Les anciens l'employaient comme un médicament perturbateur. Il possédait, disait-on, la propriété de guérir de la folie.


Souvent notre bonheur malgré nous s'évapore

Et nous aurions besoin tous , d'un grain d'ellébore. (REGNARD)

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Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) rapporte une équivalence du Calendrier de Flore :


Janvier. Ellébore noir

Les Romains faisaient présider au mois de janvier, Janus à qui il donnait des visages, l'un tourné vers l'Occident, l'autre vers l'orient, pour désigner l'année qui finit et l'année qui commence. Comme père du temps, il était le dieu des douze mois. Le retour de sa fête était l'époque où les sénateurs prenaient des habits neufs, où l'on nommait de nouveaux consuls et où se renouvelaient les faisceaux des licteurs.

Dans les contrées du nord de l'Europe il est d'usage que, pendant ce mois, les gens riches envoient de chauds vêtements dans les cabanes du pauvre, car :


Le chêne, des hivers tant de fois triomphant,

Le chêne vigoureux crie, éclate et se fend,

Le roi de la forêt meurt. Avec lui, sans nombre,

Expirent les sujets que protégeait son ombre.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'Hellébore a les caractéristiques suivantes :


On en connaît une douzaine d'espèces, mais les rites de magie en utilisaient essentiellement deux, aussi vénéneuses l'une que l'autre : l'Hellébore noir, dit Rose de Noël (Helleborus niger) et l'Hellébore oriental, appelé aussi Hellébore noir des Anciens (Helleborus orientalis).


Genre : Masculin

Planète : Saturne

Élément : Eau

Divinités : Forces souterraines de l'ombre et de la nui

Parties toxiques : Toute la plante.


Utilisations rituelles : Comme la Hollande est réputée pour les bulbes, Grasse pour les fleurs employées en parfumerie, une ville de l'ancienne Grèce était entièrement consacrée à l'Hellébore et à sa culture : Anticyre, sur le golfe de Corinthe. Ce n'étaient que champs d'hellébores dans toute la région. Pourquoi ?

Selon la tradition, les propriétés de cette plante auraient été découvertes par le médecin-magicien Anticyrus, lequel guérit Hercule-Héraclès de sa célèbre crise de folie par une cure d'Hellébore noir des Anciens. Rappelons les faits :

Héra - qui n'était pas à un tour près - trouble la raison du héros. Dans un accès de folie furieuse, Héraclès, croyant exterminer ses ennemis, perce de ses flèches sa propre femme et ses enfants. Quand il revient à lui, il tombe dans un profond désespoir et veut se tuer à son tour. Thésée survient et l'emmène à Athènes pour le purifier. Là, Héraclès rencontre Anticyrus qui lui propose sa cure d'Hellébore.

La renommée du médecin-magicien était faite. On lui éleva un temple, on donna son nom à une ville. Une fête annuelle de l'Hellébore fut instaurée. Durant toute l'Antiquité gréco-romaine, la meilleure qualité d'Hellébore venait d'Anticyre.

Utilisations magiques : Les Anciens s appuyèrent évidemment sur ce cas difficile entre tous, et employèrent l'Hellébore sous diverses formes pour combattre la folie. On s'en servait aussi beaucoup dans les rituels d'exorcisme. En effet, toutes les forces obscures de l'ombre et des royaumes souterrains ne sont pas forcément nuisibles ou malveillantes : autrement dit, on combattait le feu par le feu...

La « Rose des neiges » fait aussi partie de ces produits qui provoquent les projections astrales... J’allais oublier le principal : en marchant, dispersez devant vos pas de la poudre de racine d'Hellébore. Vous deviendrez invisible.

Les magiciens modernes ont abandonné cette plante intéressante mais trop dangereuse à manipuler. Son rhizome contient deux glucosides excessivement vénéneux : l'helléborine et l'helléboréine. Même les feuilles et les fleurs sont nocives. Il faut se laver abondamment avec un savon désinfectant si l'on a touché une partie quelconque de l'Hellébore noir ou oriental.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Les Anciens ont attribué à cette plante toxique, à feuilles en éventail, qui fleurit l'hiver, le pouvoir de calmer les cerveaux atteints de folie. C'est grâce à elle qu'Anticyrus, le premier à l'avoir utilisée pour cette affection, guérit Héraclès, frappé de démence par Héra et qui, dans une crise violente, avait tué ses enfants. D'après Suétone, Caligula n'hésita pas à mettre à mort un prétorien, jugé incurable après qu'une cure d'ellébore n'eut eu aucun effet sur son état. Cependant, les deux autorités que sont Hippocrate et Galien ne s'accordent pas sur cette propriété, reconnue par le premier mais niée par le second.

Cette superstition a perduré, certains affirment qu'ils faut administrer la plante aux gens atteints de folie, mais aussi aux épileptiques, aux victimes de la rage et même aux possédés. Les enfants qui en mangent le matin à jeun voient quant à eux leur intelligence se développer tandis que les mélancoliques remédient à leur été en en portant sur eux une racine. Relevons que La Fontaine, dans sa célèbre fable du Lièvre et la Tortue, fait conseiller par le lièvre à son adversaire la tortue d'absorber des grains d'ellébore. Jadis, on croyait faire ressusciter un scorpion qui venait de mourir en le frottant avec cette plante.

En outre, les pieds de l'ellébore pendus aux poutres des porcheries, aux râteliers ou aux mangeoires, chassent les animaux malfaisants, serpents ou salamandres, et les personnes qui ont le mauvais œil (dans le Gard et en Lozère). Dans les poulaillers, elle protège de la vermine, et dans les étables, elle purifie l'air et empêche les maladies (en Côte-d'Or). Dans le Languedoc, on en met dans l'oreille des animaux malades.

L'ellébore noir (ou "rose de Noël" car il fleurit sous le gel), considéré en astrologie comme une plante malfaisante, provoque calomnies et mauvaise réputation. Celui qui se risque à le cueillir tombera dans un état de tristesse. Il sert en outre, avec des grains de tournesol, de haschich, des fleurs de coquelicots et de cannabis, cuit dans du saindoux, à composer un "onguent de sorcière" qui, passé sur tout le corps, provoque des rêves et hallucinations sataniques. On dit également que répandre de la poudre d'ellébore devant soi rend invisible. L'ellébore blanc guérit de la lèpre et protège la grossesse. Toutefois, mis dans un vase, il attire la foudre.

Selon Théophraste, la récolte de l'ellébore provoque aussitôt des maux de tête, à moins d'avoir pris la précaution de manger de l'ail et de boire du vin. Avant de la cueillir, observez cette plante : si elle porte quatre touffes, la moisson sera bonne ; trois touffes annoncent une année médiocre et deux sont de très mauvais augure. Par ailleurs, apercevoir un aigle lorsqu'on arrache de l'ellébore noir conduit tout droit à la mort.

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D'après les Leçons d'elficologie, Géographie, Histoire, Leçons de choses (2006) de Pierre Dubois, Claudine et Roland Sabatier,


"L'hellébore noire ou rose de Noël (Helleborus niger) s'épanouit au solstice d'hiver et puise ses sucs précieux dans les entrailles glacées de la Vieille [femme de l'hiver] pour en extraire la floraison miraculeuse d'un printemps au milieu des jours sombres. Par sa lumineuse buissonnance, elle symbolise la renaissance et annonce le retour de Flore. [...]

L'Hellébore fétide (Helleborus foetidus L.) : aux fleurs teintes de vert et ourlées de liserés rouge sombre, contrairement à son nom, répand un parfum envoûtant dont se servent les Nymphes engourdies par le froid pour attirer vers elles les jeunes gens et s'en réchauffer."

 

Selon Pierre Dubois et René Hausman qui ont respectivement écrit et illustré L'Elféméride, Le grand légendaire des saisons - Automne-Hiver (2013),


"Il existe de nombreuses sortes d'hellébore, toutes aussi belles, charmeuses et mystérieuses les unes que les autres : l'hellébore des anciens ou vératre blanc, l'hellébore vert, l'hellébore orientalis aux fleurs rosées, l'hellébore fétide aux fleurs en clochettes vertes ourlées de carmin au parfum envoûtant et que l'on surnomme à raison "pied de griffon"... et l'hellébore noir, ou rose de Noël, fleuri d'étoiles blanches... aux vertus fabuleuses quoique vénéneuses. Parce qu'elle puise sa force au cœur même des ténèbres, sa racine est extrêmement puissante. Les alchimistes, astrologues, mages, sorciers, savants-des-herbes, l'ont utilisée qui comme poison, qui pour guérir la mélancolie, les convulsions, le haut mal, les possessions, et guérir le bétail."

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Dans La Magie des Plantes, Douze mois avec la Sagesse des Plantes (Édition originale, 2017 ; Éditions Danaé, 2017), Sarah Kynes propose des recettes rituelles liées à de nombreuses plantes :


[...] Cela dit, pourquoi en faire pousser ? Cette plante est depuis longtemps associée à la magie et à la sorcellerie. les Grecs et les Romains s'en servaient pour bénir le bétail et les protéger contre les sorts. Au Moyen Âge, on pensait que les racines étaient magiques, et on en répandait sur le sol pour bannir les mauvais esprits. On croyait qu'elles tenaient les sorcières éloignées, mais aussi que ces mêmes sorcières s'en servaient pour lancer des mauvais sorts ou pour voler. On disait en France que les sorciers broyaient les racines en poudre qu'ils jetaient dans l'air pour se rendre invisibles.

En plus de ces racines historiques, il y a une autre raison pour faire poser de l'hellébore noir : cette plante semble défier l'hiver. Elle n'est pas traditionnellement associée à Cailleach, mais vous pouvez tracer un cercle sur le sol autour de votre hellébore noir en disant trois fois :


Cailleach, vieille femme de l'hiver ;

mère des ténèbres dont on conte les histoires,

bénis cette plante, protège mon jardin ;

protège-nous dans la tempête et le froid.


L'hellébore noir est associé à l'élément de l'Eau.

Son influence astrologique vient de la planète Saturne et de l'étoile fixe Algol.

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Mythologie :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


HELLEBORE. — On a assimilé avec le veratrum album (hellébore blanc) le melampodium, l’herbe que Mélampe aurait, dit-on, employée pour guérir la folie de la fille de Prétus C’est pourquoi les anciens disaient qu’il fallait administrer l’hellébore aux fous. D’après Macer Floridus, l’hellébore blanc préserve de l’avortement et guérit de la lèpre. Le récit de Pausanias (X) au sujet de l’hellébore a toutes les allures d’un conte. Les Cirrhéens assiégeaient la ville ; Solon conseilla de jeter de l’hellébore dans l’eau du fleuve Pliste ; les Cirrhéens, en buvant de cette eau, furent atteints d’une forte dysenterie qui les força à abandonner le siège.

Le médecin Piperno (De Magicis Affectibus, Naples, 1635) recommande l’hellébore avec accompagnement d’exorcismes, comme l’un des remèdes contre la surdité causée par quelque sorcellerie :


Obtusum faciat si auditum crassier humor,

Vel flatus sonet et surdastra sibilus aure,

Demone causatum cum Magi mente maligna.


« Dicat prius exorcista ter in aure : Christus Jesus vincit, Jesus Christus regnat, Jesus Christus imperat ; exi tu, peracta confessione et sancta communione, celebrato Medico regimine et purgationibus scriptis cap. I et VI ; non obliviscare uti helleboro, vel cucumere asinino, castoreo, sthyrace, raphano, isopo, iunipero, ireo, nitro, serpentaria, cyclamine, vermibus terrae, quibus vel fit oleum, vel extrahitur succus, vel extractum, vel pilulae prius benedictae. » En Toscane, l’helleborus viridis est appelé erba nocca ; près de Pavie, simplement erba ; ailleurs, erba dragona. Les paysans toscans qui tiennent encore aux anciennes croyances superstitieuses observent l’erba nocca comme un excellent horoscope pour l’agriculture. La récolte sera bonne si l’hellébore a quatre touffes, médiocre s’il en a trois, mauvaise s’il n’en a que deux.

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A. Foucaud dans un article intitulé "Sur l'ellébore des Anciens." paru In : Revue d'histoire de la pharmacie, 48ᵉ année, n°165, 1960. pp. 328-330, rappelle les légendes associées à l'hellébore :


Une précision intéressante est toutefois fournie par Dioscoride qui la désigne par les termes [en grec dans le texte], qui font allusion à la couleur des parties souterraines de la plante, le second ayant donné son nom au berger baptisé parfois aussi devin et médecin Mélampode (Melampus), qui aurait le premier révélé les vertus de l'ellébore. Ayant remarqué que le lait de ses chèvres devenait purgatif quand elles avaient brouté de l'ellébore, Mélampe sut en faire boire aux trois filles de Pontus, roi d'Argos : Lysipe, Iphinoë et Iphianassa devenues folles par suite de la colère de Bacchus. Ces Proetides qui, nous conte Virgile dans la sixième Bucolique, se croyaient changées en génisses et couraient à travers champs en poussant des beuglements, auraient été ainsi délivrées de leur démence.

Cette réputation de la plante est confirmée par la légende selon laquelle Hercule devenu subitement furieux fut apaisé au moyen d'ellébore par un habitant de l'île d'Anticyre. De son côté, Pline raconte que le tribun Drusus fut guéri en ce même lieu du mal caduc. C'était là, en effet, que se trouvait la drogue la plus renommée, d'où l'expression d'Horace : Anticyrami navigare qui, pour les uns, exprime le fait d'avoir l'esprit égaré, et pour d'autres rappelle les guérisons merveilleuses obtenues à Anticyre.

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Suzanne Amigues, autrice de "Remèdes et poisons végétaux transmis à l’homme par l’animal." (In : Le médecin initié par l'animal. Animaux et médecine dans l'Antiquité grecque et latine. Actes du colloque international tenu à la Maison de l'Orient et de la Méditerranée-Jean Pouilloux, les 26 et 27 octobre 2006. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2008. pp. 97-107. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen ancien. Série littéraire et philosophique, 39) rappelle un mythe relié à l'hellébore :


Cette automédication traditionnelle, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, repose sur la connaissance empirique de ce que les biologistes et les écologistes d’aujourd’hui appellent une chaîne alimentaire : un animal absorbe les principes actifs des végétaux dont il se nourrit et les transmet à l’homme qui à son tour consomme le produit élaboré par l’animal.

L’ancienneté de cette prise de conscience est illustrée notamment par la légende de Mélampous. On sait que la médecine grecque a fait, depuis Hippocrate, un usage immodéré, et dans certains cas fatal au patient, de deux plantes toxiques réunies sous le nom d’« (h)ellébore » : l’« (h)ellébore blanc » qui est notre vératre, Veratrum album L., et le « noir », seul véritable hellébore du point de vue botanique, Helleborus cyclophyllus Boissier. Le premier a une action certaine sur le système nerveux, le second est un purgatif violent, mais ils sont rarement distingués, même dans les prescriptions médicales hippocratiques. Théophraste, qui lui aussi les confond plus ou moins, rapporte clairement au second la légende de Mélampous : « On appelle parfois l’hellébore noir “la découpe de Mélampous” (e[ktomon melampovdion), parce que ce personnage l’aurait pour la première fois découvert et coupé ». Dans Mélampous, « l’homme aux pieds noirs », on reconnaît aisément une fiction anthropomorphique créée d’après le rhizome d’un noir brillant, qui était la partie la plus utilisée de la plante. D’où l’incertitude de nos sources quant à l’identité dudit Mélampous, tantôt un simple chevrier, tantôt le devin-guérisseur célèbre par ailleurs. L’important pour notre propos est que ce personnage, sans être médecin, ait fait un usage thérapeutique de lait rendu cathartique par l’hellébore. Dioscoride (MM IV, 162, 1) n’évoque la légende que pour expliquer le synonyme melampodion de [grec] : « mélampodion, parce qu’un certain Mélampous, un chevrier, passe pour avoir purgé et guéri avec cette plante les filles de Proitos atteintes de folie ». Pline (XXV, 47) est plus explicite. Il met le phytonyme mélampodion en rapport avec le nom du thaumaturge, mais il ajoute : « Quelques-uns rapportent qu’elle [= cette espèce d’hellébore] a été découverte par un berger du même nom, qui remarqua que ses chèvres étaient purgées après en avoir mangé, et qui guérit la folie furieuse des filles de Proetos en leur donnant leur lait ». Il n’est pas indifférent que le héros de la légende soit le plus souvent un chevrier. Douée d’une voracité et d’une robustesse sans égales, la chèvre mange impunément des végétaux que le reste du bétail délaisse, et d’autre part les pâtres connaissaient bien ces plantes, leurs effets sur l’animal et sur eux-mêmes qui, vivant le plus souvent en autarcie, consommaient du lait de leur troupeau. Il faut donc se garder de minimiser l’apport du savoir populaire à une thérapeutique plus élaborée mais de même nature, attestée déjà dans le Corpus hippocratique.

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Selon Louis Deroy, auteur de "Jeux de mots, causes de légendes" (paru in Revista Letras. 11. 10.5380/rel.v11i0.19907, nov. 2010), certains mythes seraient issus de jeux de mots, par exemple étymologiques, plutôt que de réalités botaniques :


La légende grecque voulait que le grand Héraclès fut mort empoisonné pour avoir revêtu une tunique de cérémonie que sa femme Déjanire lui avait remise. Pour expliquer cet accident, les mythographes ajoutent que Déjanire avait préalablement imprégné la tunique d'un violent poison, croyant qu'il s'agissait d'un philtre d'amour, comme le lui avait dit trompeusement le centaure Nessus. Je pense que cette justification a été introduite après coup. Il est tout à fait possible, en effet, qu'à l'origine du mythe, on ait joué simplement sur l'homonymie de deux mots, l'un désignant un très fin tissu de lin employé pour confectionner des vêtements de dessous recherchés, l'autre étant le nom d'une redoutable plante vénéneuse à la saveur brûlante, Probablement l'hellébore blanche. Ainsi, à I'insu de l'innocente Déjanire, la "tunique de lin léger" était en même temps une "tunique empoisonnée". Nessus n'avait rien à faire primitivement dans cet épisode, à moins justement que le méchant conseil qu'il donna à Déjanire pour se venger, n'ait été, sous sa forme première, de donner à Héraclès un [mot grec]. On comprend mieux ainsi que Déjanire ne se soit pas méfiée. Dans la version classique, l'auditeur avait le droit de se demander comment Nessus, mourant en sa fonction de passeur, avait eu le temps de confectionner et de remettre à Déjanire, sous le regard courroucé d'Héraclès, cet étrange philtre composé de sperme et sang, et comment Déjanire avait pu le conserver et s'en servir aussi naïvement. Le jeu de mots, au contraire, qu'il ait été grec ou déjà préhellénique, était réputé irrémédiablement trompeur. Nous retrouvons, dans la version du mythe que je crois la plus ancienne, la malice qui caractérise aussi les meilleures réponses des oracles grecs.

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Littérature :


Cette plante revêt pour moi un caractère magique depuis que Gustave, notre voisin de Verrens-Arvey, m'en montra une dans le bois qui jouxtait nos maisons en prononçant lentement son nom "hellébore" et en l'assortissant d'une sage mise en garde.. Aussitôt, la prononciation de ce mot, qui provoqua la réminiscence de la fable de La Fontaine, joua sur mon esprit comme une formule magique : non seulement elle haussait Gustave à un autre statut que celui de vieux garçon un peu bizarre, faisant de lui le détenteur de secrets de sorcière, mais elle est peut-être également la source de ce lien que je ne cesse d'essayer d'établir entre culture populaire et culture savante. Ainsi, grâce à La Fontaine et Gustave, l'Hellébore noir me projette dans le monde d'Alice. Alice au pays des merveilles bien sûr, mais aussi Alice, ma tante paternelle, dont la folie m'entrainait petite à m'identifier avec elle à une rose et à aller me baigner dans les gouttes de rosée qui perlaient aux branches des thuya géants du jardin de ma grand-mère...


Le Lièvre et la Tortue


Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Etes-vous sage ? Repartit l’animal léger. Ma commère, il vous faut purger Avec quatre grains d’ellébore. – Sage ou non, je parie encore. Ainsi fut fait : et de tous deux On mit près du but les enjeux : Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire, Ni de quel juge l’on convint. Notre Lièvre n’avait que quatre pas à faire ; J’entends de ceux qu’il fait lorsque prêt d’être atteint Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes, Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir, et pour écouter D’où vient le vent, il laisse la Tortue Aller son train de Sénateur. Elle part, elle s’évertue ; Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire, Tient la gageure à peu de gloire, Croit qu’il y va de son honneur De partir tard. Il broute, il se repose, Il s’amuse à toute autre chose Qu’à la gageure. A la fin quand il vit Que l’autre touchait presque au bout de la carrière, Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit Furent vains : la Tortue arriva la première. Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ? Moi, l’emporter ! et que serait-ce Si vous portiez une maison ?


Jean de La Fontaine, "Le Lièvre et la Tortue", Fables, Livre VI, fable 10, 1668.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque l'Hellébore :

29 mars

(Fontaine-la-Verte)


Je passe sous les fourches caudines du grand chêne abattu et j'emprunte le sentier de la forêt. Espace inspiré... Des hêtres aux racines géantes déterminent un alvéole au cœur duquel fleurit un congrès d'hellébores.

L'hellébore fétide m'a toujours semblé une chimère. Il résulte de la greffe de deux végétaux différents. D'un côté, des feuilles obscures et griffues comme des mains de sorcière. De l'autre, une tige et des fleurs du vert le plus tendre. Chaque corolle a l'aspect d'une jupe-cloche aux ourlets tachés de pourpre. Qui jette un œil coquin sous ce vêtement distingue un jupon d'étamines et trois carpelles musclés comme des jambes de danseuse. Ne convient pas de pousser plus loin la comparaison : les nectaires crachent un liquide d'une affolante puanteur.

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Voir aussi : Vérâtre ;


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