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Les Esprits de la Nature

Dernière mise à jour : 29 sept.


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Symbolisme :


Dans L'Oracle des Esprits de la Nature (Éditions Exergue, 2015), Loan Miège nous propose une carte intitulée "Faune", à l'occasion de laquelle elle clarifie la hiérarchie des Esprits de la Nature :


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« Vis simplement, retrouve ta nature originelle, sors, respire et communie ! »

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Schématiquement, les Esprits de la Nature « terrestres », peuvent être présentés de la faon suivante : les Dévas sont « les concepteurs », Pan « l'architecte », les faunes « les maîtres d'œuvre » et les autres « les artisans ». Émissaires de Pan, les faunes chapeautent la bonne mise en place des consignes en transmettant les directives aux Esprits de la Nature « artisans » et en rendant compte de l'état des choses à Pan, qui peut ainsi revoir ses plans si besoin. Ils vivent en solitaire et sont responsables d'une zone dont ils ont la gestion. Leur profond lien à la Terre et à la Création leur confère une énergie activant nos «chakras du bas ». Cela a été mal interprété et a donné lieu à des histoires où les faunes ont mauvaise réputation.

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Selon Sophie Ékoué, auteure de Sagesses d'Afrique (Hachette, 2016),


"Dans les religions africaines, les esprits jouent un rôle très important. Les hommes pensent que Dieu est trop lointain, et impartial. C'est pour cette raison que le peuple se tourne vers les esprits pour leur formuler ses demandes.

Il existe deux sortes d'esprits : ceux qui ne sont pas d'origine humaine et ceux qui, après avoir été des humains, sont devenus des "esprits ancestraux" sous la bénédiction de Dieu. Les esprits représentent les multiples facettes de la création de Dieu, à la fois unique et pluriel par ses actions.

Les esprits d'origine non humaine sont souvent en rapport avec des lieux naturels, par exemple les esprits des bois ou les esprits de la mer. Au Kenya, l'un des esprits les plus actifs et les plus proches, pour le peuple Iuo, est Mumbo, l'esprit du lac (les Luo habitent depuis longtemps sur les rives du lac Victoria). Chez les Dogon du Mali, l'esprit de l'eau, Nommo, est considéré comme le père de l'humanité, celui qui a enseigné aux hommes l'art d'utiliser le feu et les outils.

Les esprits de la nature n'ont pas forcément de personnalité bien définie. Ils sont les gardiens du territoire sur lequel vit une population avec laquelle ils établissent des relations sociales complexes. D'autres sont identifiés avec des phénomènes naturels, comme l'esprit du tonnerre, l'esprit du vent, l'esprit de la tempête, de la pluie... Toutes ces entités spirituelles sont des êtres créés par Dieu et plus puissants que les êtres humains. Dans certains cas, elles sont amicales et bien disposées envers les humains ; dans d'autres, elles peuvent se montrer hostiles. Certaines interviennent rarement, d'autres sont omniprésentes dans la vie quotidienne. Certaines voyagent beaucoup, d'autres sont sédentaires. Certaines entrent en contact avec les hommes à l'occasion d'états de transe ou de possession. Quelquefois même, des familles d'esprits s'emparent périodiquement d'une personne et lui dictent son action pour le bien du clan ou de la communauté tout entière. Il en est ainsi des esprits Bori chez les Haoussa du Niger, ou des esprits Bisimba chez les Zéla du Zaïre.

Pour la spiritualité africaine, dans chaque élément de la création se trouve une parcelle divine. C'est la raison pour laquelle les Africains portent un grand respect à la nature et aux êtres vivants. Une action volontairement destructrice envers un élément ou un être de la création revient à remettre en cause son essence divine. Et pour maintenir l'équilibre de la société, il faut s'assurer de la bienveillance des esprits. C'est pour cette raison que les hommes remercient les animaux qu'ils s'apprêtent à tuer et qu'ils font des offrandes à la nature.

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Christiane Fonseca, autrice d'un article intitulé "Les esprits de la nature" (In : Cahiers jungiens de psychanalyse - n°157, juin 2023) s'interroge sur la position de Jung quant aux Esprits de la Nature :

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Position de Jung face aux esprits de la nature : D’un point de vue scientifique, Jung ne peut pas croire aux esprits. En 1919, il écrit « Fondements psychologiques de la croyance aux esprits ». Il y traite plutôt des fantômes, c’est-à-dire « d’êtres immatériels qui se tiennent dans le voisinage immédiat des hommes ». Dans la mesure où les morts deviennent avec le temps des résidus mêlés à la terre, ils font partie des esprits de la nature.

Dans cet essai, Jung définit les phénomènes parapsychologiques comme des personnifications de complexes inconscients. Témoin des effets télépathiques de ces complexes, il n’y voit aucune preuve de l’existence d’esprits véritables et range ces phénomènes dans un chapitre de la psychologie. Cependant, il est déjà conscient des « limitations » de l’esprit scientifique et fait une distinction importante entre l’intellect et le sentiment. Pour lui, l’intellect n’est qu’une fonction psychique parmi d’autres et ne donne pas une image complète de l’univers. Il faut donc tenir compte du sentiment qui a d’autres convictions que celles de l’intellect conscient ; il ajoute qu’il ne faut pas oublier les perceptions subliminales inconscientes qui ne sont pas à la disposition du conscient et qui n’apparaissent pas dans une image intellectuelle de l’univers.

Dans ses conférences sur Paracelse en 1941, Jung oscille entre l’admiration et la critique et regrette le recours des alchimistes à certains esprits. Il accepte néanmoins que Paracelse, pour saisir les intrications obscures entre l’âme et la matière, les représente par les divinités païennes de l’Antiquité, par les éléments et même les esprits. Il admire l’épigraphe secret au Grand Papyrus magique qui exprime un sentiment religieux de la nature : « Salut ! tous les souffles des esprits aériens. […] Céleste habitant du ciel, subtil habitant de l’éther, de la nature de l’eau, de la terre, du feu, du vent, de la lumière, de l’obscurité, éclatant comme les astres, à la fois froid, humide et igné4 ».

Jung reconnaît la beauté de cette prière adressée aux forces spirituelles de l’univers, mais désapprouve l’ambivalence des alchimistes qui font souvent appel à des esprits parfois trop ténébreux : « De même que cette prière nous a été transmise dans ce Papyrus au milieu d’un fatras de recettes de magie, de même la lumière de la nature a émergé d’un univers de kobolds et d’autres créatures des mondes obscurs ». Dans le domaine des esprits, ce mélange inextricable d’ombre et de lumière contraste avec l’Esprit céleste qui, du haut du ciel, éclaire les abîmes de la terre.

Plus tard, à partir de 1946, Jung apporte de nouveaux éléments à sa réflexion dans une note qu’il ajoute à la fin de son texte Fondements psychologiques de la croyance aux esprits. Il n’est plus aussi sûr de pouvoir reléguer les phénomènes parapsychologiques au domaine restreint de la psychologie et des projections subjectives. Progressivement, il approfondit les questions relatives à l’inconscient collectif, à la mort et à l’âme ancestrale. Il en vient à qualifier l’inconscient de « mythique pays des morts, le pays des ancêtres ». Au cours de ses dernières années, à partir de 1957, dans son autobiographie Ma Vie, il se livre plus spontanément que dans ses ouvrages théoriques. Il s’y sent délivré du souci d’étayer ses arguments par des preuves scientifiques et peut ainsi décrire ses expériences dans le monde des esprits.

À partir du 12 décembre 1913, il y raconte comment « il se laisse tomber », et cherche à accorder son corps et son âme au plus profond de lui-même en résonance avec l’esprit de l’univers ; il commence à exercer une pratique qui l’entraîne dans des états de conscience modifiée ou élargie pour contacter différents fantômes ou esprits de la nature. Entre autres, il rencontre Philémon, « personnage mystérieux » qui représente une « intelligence intuitive des choses, supérieure à celle dont disposait le moi ». Il considère Philémon comme un esprit qui le guide et, en se promenant avec lui dans le jardin, il croit presque à sa réalité physique. Il peut à la fois voir que cet « esprit ailé » a un « pied paralysé » et en même temps, réaliser que pour lui, « Philémon incarne l’aspect spirituel, “le sens” ». Jung perçoit l’apparence visible et les qualités invisibles de Philémon, comme une totalité.

En 1916, alors qu’il ressent en lui une transformation et le « besoin impérieux » d’exprimer son « vécu intérieur » – ce qui donnera naissance aux Sept Sermons aux morts –, il remarque des phénomènes étranges chez lui : une atmosphère pesante, l’air « empli d’entités fantomatiques » et l’impression d’être dans une « maison hantée ». C’est grâce à Philémon que les morts pourront entreprendre « le long voyage de l’âme après la mort » pour atteindre « l’infini intérieur ». Philémon devient un psychopompe qui conduit les esprits et les aide à s’élever comme une fumée au-dessus de la terre. Il les exhorte à prier Dieu et à suivre l’étoile lumineuse, trait d’union entre l’univers et leur microcosme. L’expérience des esprits chez Jung est première et multiple (sa mère, sa cousine, lui-même), expérience qu’il ne cessera de confronter à l’esprit rationnel scientifique.

Conception alchimique des esprits de la nature : Paracelse est un compatriote de Jung, né en 1493. Médecin et philosophe chrétien, Paracelse est féru d’astrologie, d’alchimie et de théologie. Dans sa vision du monde, une place importante est donnée aux divinités, aux êtres magiques et aux forces surnaturelles. Pour lui, l’homme possède une nature à la fois terrestre et céleste : un corps physique constitué de chair et de sang, en relation avec les quatre éléments et un corps céleste, doué d’entendement et d’intuition, en provenance du monde sidéral. Il possède aussi une partie divine, créée à l’image de Dieu. Le corps élémentaire est relié à l’eau, l’air, le feu et la terre.

Ces quatre éléments, constitutifs du corps terrestre, sont représentés aussi dans le monde par des entités ou des esprits de la nature. À l’élément air correspondent les elfes et les sylphes ; à l’élément eau correspondent les sirènes et les ondines, les unes hantent la mer, les autres les lacs et les rivières ; à l’élément feu correspond la salamandre et à l’élément terre correspond le peuple des nains, des gnomes et des trolls. Paracelse s’est particulièrement intéressé à la salamandre, créature du feu, et à Mélusine, esprit féminin doté d’un corps terminé à certains moments par une queue de serpent et à d’autres par une queue de poisson. La salamandre symbolise le feu des alchimistes et représente le soufre incorruptible. Cet être, de la nature même du feu, bénéficie d’une vie d’autant plus longue que les flammes ne peuvent pas le consumer.

{...] Mélusine peut être considérée comme un esprit de la nature susceptible de représenter un danger naturel ou un recours spirituel. Cette légende d’un être moitié humain, moitié poisson, capable de se transformer et investi du pouvoir de guérir, apparaît aussi bien chez les Celtes que chez les Amérindiens. Et Jung de conclure : « Les alchimistes, et Paracelse avec eux, […] avaient besoin d’un “génie familier” […]. L’aspect de serpent du Dieu de la révélation et des esprits en général correspond à une structure universellement répandue ».

Cette structure universelle révèle une unité mystérieuse entre l’essence spirituelle de Dieu et la condition animale.


Tradition chamanique des esprits de la nature : L’archétype de Mélusine, connue aussi par les Amérindiens, jette un pont vers la conception chamanique des esprits de la nature. Selon Daan van Kampenhout, un praticien hollandais du chamanisme qui connaît les traditions des Sioux Lakota et des Sibériens, un esprit est une entité consciente, dotée d’un savoir individuel mais dépourvue d’un corps physique. En cela, il est différent de l’âme qui, habituellement, réside dans un corps visible temporaire.

Dans le chamanisme, les esprits investissent la nature toute entière et il n’est pas un livre écrit par un Amérindien qui n’en parle. Un récit tel que Les voies sacrées d’un Sioux Lakota, écrit par Wallace Black Elk et recueilli par l’anthropologue William S. Lyon à partir de 1983, éclaire cette alliance spirituelle entre l’homme-médecine, la lignée de ses ancêtres et les esprits de la nature : « Nous sommes le Peuple de la Terre parce que nous vivons près de notre mère, la terre. […] apparentés au feu, à la roche (ou à la terre), à l’eau et à la végétation (ou au monde vivant). »

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Communication avec les esprits de la nature : Les chamans aussi puissants que Black Elk, qui entrent facilement en transe, peuvent voir les esprits de la nature. Mais ils sont invisibles pour la plupart des humains et rares sont les textes qui approfondissent la possibilité de dialoguer avec eux.

Une conférence de Daan van Kampenhout, reprise dans un compte rendu du Jardin d’idées, association créée par Didier Dumas, me semble éclairante à ce sujet. D. van Kampenhout conçoit la nature humaine composée, d’une part, par l’âme, essentiellement impersonnelle, les quatre corps et, d’autre part, la personnalité. D’après lui, les quatre corps fonctionnent comme différents canaux, susceptibles de diffuser l’information issue de l’âme impersonnelle et de se rassembler dans la personnalité qui devient ainsi le reflet de l’âme. Les quatre corps comprennent le corps physique, canal des sensations, constitué de chair et d’os ; le corps éthérique, canal du mouvement, animé par l’énergie ; le corps astral, canal des représentations et des émotions, géré par les chakras ; le corps mental, canal des structures, sollicité pour relier l’énergie et l’émotion, afin de créer la pensée.

Établir un lien avec les esprits exige de ressentir profondément sa nature personnelle, son soi propre. Selon D. van Kampenhout, une bonne façon de faire venir l’âme vers la personnalité est la nature. Être au milieu des éléments, des arbres, des montagnes parce que la nature est précisément dans cet état de soi naturel. Marcher dans la nature et regarder la végétation crée une résonance dans ce soi naturel. Suivre sa nature propre implique de progressivement nettoyer les canaux et de permettre à l’âme de les emprunter. C’est la seule manière de contacter les esprits. La communication entre le soi naturel et les esprits de la nature se joue à la frontière de l’âme impersonnelle et de l’âme personnelle.

En termes jungiens, l’inconscient comporterait à la fois une nature subjective et une nature objective en accord avec l’univers. L’essentiel ici, pour D. van Kampenhout comme pour Paracelse, est que l’esprit humain fait partie de la nature et s’inscrit dans la même structure d’ensemble. Il adresse ce message à chacun d’entre nous : vous pouvez ressentir à partir de vous-même ce qu’il se passe dans les pierres, les arbres, les plantes. Votre esprit intérieur peut reconnaître les réponses qui arrivent des esprits extérieurs. Cette communication, le plus souvent, ne passe pas par les mots. Cela peut être la rencontre soudaine avec un animal sauvage qui fait surgir cette unité du monde naturel rempli d’esprits. Mieux vaut ne pas interpréter ces messages envoyés par les esprits de la nature : la communication s’effectue d’esprit à esprit, à travers les sensations, les phénomènes énergétiques, les émotions, les images symboliques, les liens émis par les quatre corps.

Cette conférence de D. van Kampenhout rappelle ce que dit Jung, à propos de Paracelse, sur l’inconscient collectif et les relations étroites entre le firmament et le microcosme humain : « […] je voudrais encore placer la vision du ciel étoilé, car le seul équivalent du monde intérieur, c’est le monde extérieur, et de même que j’atteins ce monde par le moyen du corps, c’est par l’intermédiaire de l’âme que j’atteins l’autre ». C’est cette équivalence qui crée une résonance entre l’homme, le cosmos et les esprits de la nature, mystérieux ou menaçants. En participant à la psyché collective, « nous vivons de façon naturelle et inconsciente dans un monde de loups-garous, de démons et de magiciens ».

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La définition de Jung distingue dans cet ouvrage « l’esprit immatériel », opposé à la matière, représentant un principe supérieur et surnaturel, de celui de « l’esprit originel et naturel de la vie ». C’est cette conception d’un être spirituel, vivant et spontané, capable de se matérialiser ou pas, qui se rapproche des esprits de la nature des anciens alchimistes et des chamans. Ces derniers transmettent les traditions de leurs ancêtres où il n’est pas possible de séparer l’esprit naturel et les esprits de la nature.

Dans les sociétés animistes ou dans les époques modernes, l’homme est toujours fasciné, émerveillé par les esprits de la nature dont il prend connaissance dans la réalité ou en rêve, pendant des états de conscience modifiée ou sous l’apparence des élémentaux.

Lorsque l’être humain est projeté dans le monde des esprits, qu’il les découvre, les visualise, les perçoive en rêve ou les imagine, son âme passe dans une autre dimension, communie avec le mystère de l’univers, vit une expérience numineuse qui peut le transformer.

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