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L'Asphodèle

Dernière mise à jour : 22 sept.



Étymologie :


  • ASPHODÈLE, subst. masc.

ÉTYMOL. ET HIST. − 1553 (Rabelais, I, 13 ds Rob. : Et ne pensez pas que la béatitude des héros et semi-dieux, qui sont par les champs Élyséens, soit en leurs asphodèle, ou ambroisie ou nectar, comme disent ces vieilles ici). Empr. au lat. asphodelus (gr. α ̓ σ φ ο ́ δ ε λ ο ς), (Pline, Nat., 21, 109 ds TLL s.v., 829, 18 : Theophrastus et... Pythagoras caulem eius... anthericum vocavere, radicem vero, id est bulbos, asphodelum nostri illud albucum vocant et asphodelum hastulam regiam) ; cf. xv-xvie s. forme affrodille, aphrodile (Gdf. ; Hug.) ; v. André Bot. 1956, s.v.


Lire aussi la définition.


Autres noms : Asphodelus - Bâton de Jacob - Herbe de Saturne - Poireau du diable - Verge de Jacob -




Botanique :


François Couplan, auteur de Les plantes et leur nom - Histoires insolites (Éditions Quae, 2012) nous en apprend davantage sur l'origine du nom de l'Asphodèle :


Asphodèle : Asphodèlacées (anciennement Liliacées) Asphodelus en latin et asphodelos en grec désignaient plusieurs plantes, dont celles-ci, consacrées aux divinités des enfers et aux morts qui étaient censés en consommer les tubercules charnus. On imaginait les Champs-Élysées, paradis des héros grecs, comme des prairies couvertes d’asphodèles. À l’heure actuelle, les champs d’asphodèles si courants dans la région méditerranéenne indiquent en fait, bien au contraire, des sols épuisés par le surpâturage et les incendies…

Parmi nos espèces, citons l’asphodèle blanc, Asphodelus albus, à fleurs blanches ; l’asphodèle rameux, Asphodelus ramosus, densément ramifié ; l’asphodèle porte-cerise, Asphodelus cerasiferus, aux fruits gros comme de petites cerises ; et l’asphodèle fistuleux, Asphodelus fistulosus, dont les tiges sont creuses – ce qui en botanique se dit « fistuleuses » (comme une fistule, ulcère communiquant avec une cavité naturelle – du latin fistula, tuyau canal).

La famille des Asphodèlacées, récemment séparée de celle des Liliacées, est nommée d’après le genre Asphodelus.

 

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Pourtant Villars affirme qu'en Dauphiné on mangeait les tubercules d'asphodèle cuits sous la cendre ; mais partout en Savoie, en Dauphiné et en Piémont, où j'ai interrogé les paysans à ce sujet, ils m'ont répondu que la plante est dangereuse.

 




Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de l'asphodèle :


ASPHODELE - MES REGRETS VOUS SUIVENT AU TOMBEAU.

On plantait anciennement l’Asphodèle auprès des tombeaux, et on croyait qu'au delà de l’Achéron les ombres se promenaient dans une vaste prairie d’Asphodèles, en buvant les eaux du fleuve d'Oubli.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Asphodèle - Regret.

Les anciens plaçaient cette plante autour des tombeaux en signe de regret.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


ASPHODÈLE RAMEUX - RÉSURRECTION.

Le corps de l'homme, semblable à une semence, est déposé dans le sein de la terre pour s'y corrompre, et il ressuscitera incorruptible. Il faut que ce corps mortel révèle l'immortalité. -

I Corinthiens XV, 42, 53. -

On reconnait l'asphodèle rameux ou blanc à ses racines bulbeuses et multipliées, d'où part une tige haute d'un mètre environ, droite, cylindrique, nue et plus ou moins rameuse dans sa partie supérieure ; à ses feuilles radicales, nombreuses et d'un vert foncé ; à ses fleurs blanches, ouvertes en étoile et traversées d'une ligne brune ou rougeâtre. Cette plante, qui fait une des plus belles parures des parterres par la grâce de son port et l'éclat de ses fleurs, croit aux lieux montueux et découverts, dans les grandes plaines des contrées méridionales de l'Europe, en France, en Espagne, en Italie. Quoique attachée aux pays chauds, elle ne craint pas d'habiter quelquefois des lieux où la neige reste six mois de l'année. On multiplie l'asphodèle blanc par ses semences ou par ses racines. Il se plait dans un bon terrain exposé au soleil et néanmoins un peu frais, autrement il faut l'arroser afin qu'il donne des fleurs plus grandes et plus nombreuses.


DE L'ASPHODÈLE RAMEUX.

L'asphodèle rameux est une plante qui se recommande par ses propriétés économiques. Ses bulles, desséchées comme les autres racines, fournissent une substance amilacée très nourrissante. On peut en faire une sorte de pain au moins égal à celui qu'on obtient de la farine de pomme de terre.

En Espagne, on donne aux bestiaux les bulbes crues ou cuites de l'asphodèle rameux. Dans une ferme de ce pays, une partie des animaux fut nourrie seulement avec du foin et de la paille et l'autre partie avec des racines d'asphodèle. Les premiers furent incommodés par un hiver très humide et très inconstant, tandis que les autres le supportèrent parfaitement et engraissèrent pour la plupart. Dans les Pyrénées, où cette plante est très commune, on arrache ses bulbes à leur maturité pour en nourrir bien des bestiaux. La culture en grand de cette espèce d'asphodèle offrirait une ressource précieuse contre la disette.

La propriété nutritive de l'asphodèle blanc était bien connue des anciens, qui l'avaient consacré aux mânes et à Proserpine. Au delà de l'Acheron, dit Lucien, est une vaste prairie d'asphodèles à travers laquelle passe le fleuve d'oubli. Homère parle également dans l'Odyssée de cette prairie des enfers. Achille, charmé d'apprendre de la bouche d'Ulysse que son fils a paru avec éclat parmi les héros, s'éloigne, et traverse à grands pas la sombre prairie d'asphodèles. Dans le même poëme, les ombres des chefs qui s'étaient emparés du palais d'Ulysse franchissent, sous la conduite de Mercure, les flots de l'Océan, le rocher élevé de Leucate, et, traversant les portes du soleil et le peuple des songes, arrivent en un moment aux prairies où fleurit l'asphodèle, qu'habitent les morts, vains et légers fantômes.

Les Grecs et les Romains plantaient l'asphodèle blanc dans le voisinage des tombeaux, avec le lis, la rose, la violette, l'amaranthe et le narcisse. Ils voulaient que la dernière demeure de leurs pères fût constamment parfumée par ces fleurs odoriférantes. Ils choisissaient les plus beaux sites pour y élever ces monuments simples, mais d'une si grande expression, que le voyageur parcourant les ruines de Rome ou d'Athènes s'arrête encore aujourd'hui devant un tombeau, et oublie pour ainsi dire les temples, les statues, les colonnes, les obélisques, pour se livrer au charme mélancolique qui s'empare de son âme.


RÉFLEXION.

Veillons sur nos corps, car il nous faudra rendre compte à Dieu de tout ce que nous aurons fait par leur ministère. (Saint Cyrille, Catéchèse.)


ASPHODÈLE JAUNE - REGRET.

Prenez garde de ne pas vous attrister comme tous ceux qui n'ont point d'espérance. Si nous croyons ; en effet, que Jésus est mort et ressuscité, nous devons croire aussi que Dieu amènera avec Jésus ceux qui seront endormis en lui... Consolez-vous donc les uns les autres par ces paroles -

1. Thessaloniciens, IV, 12, 17.

L'asphodèle jaune, connu vulgairement sous le nom de Bâton ou Verge de Jacob, est une des plus belles plantes vivaces de nos parterres. Sa racine est composée de fibres charnues, jaunes, d'où s'élève une tige droite, ferme, haute de près d'un mètre cinquante et garnie, dans toute sa longueur, d'un grand nombre de feuilles très menues. Cette tige se termine par un bel épi de fleurs nombreuses et d'un jaune d'or qui s'épanouissent en été. En Sicile, les habitants des campagnes mangent la tige de l'asphodèle jaune, lorsqu'elle commence à pousser. Elle a à peu près la saveur de l'asperge.


LA PAUVRE FILLE.

On a des regrets quand on conserve le souvenir pénible d'avoir dit ou fait quelque chose qui peut être préjudiciable à autrui ou à nous mêmes ; ou bien encore, d'après quelques auteurs, quand on ne peut écarter de son souvenir l'idée amère d'avoir perdu une personne qui nous était chère . Personne n'est exempt de regrets, mais, comme ils sont souvent très superficiels, ils ne témoignent guère le mal ; ils témoignent seulement du malheur ou de l'imprudence de celui qui a sujet d'en éprouver.

Nous venons de dire que l'on éprouvait des regrets quand on ne pouvait écarter de son souvenir l'idée amère d'avoir perdu une per sonne qui nous était chère. Mais quels ne doivent pas être alors nos regrets, lorsque nous avons perdu tout ce que nous avions de plus cher au monde, c'est-à-dire une mère chérie !


J'ai fui ce pénible sommeil,

Qu'aucun songe heureux n'accompagne,

J'ai devancé sur la montagne

Les premiers rayons du soleil.

S'éveillant avec la nature,

Le jeune oiseau chantait sur l'aubépine en fleur,

Sa mère lui portait sa douce nourriture,

Mes yeux se sont mouillés de pleurs.

Oh ! pourquoi n'ai-je pas de mère ?

Pourquoi ne suis-je pas semblable au jeune oiseau,

Dont le nid se balance aux branches de l'ormeau !

Rien ne m'appartient sur la terre,

Je n'ai pas même de berceau,

Et je suis un enfant trouvé sur une pierre,

Devant l'église du hameau.

Loin de mes parents exilée,

De leurs embrassements j'ignore la douceur,

Et les enfants de la vallée

Ne m'appellent jamais leur sœur !

Je ne partage pas les jeux de la veillée ;

Jamais sous ton toit de feuillée

Le joyeux laboureur ne m'invite à m'asseoir,

Et, de loin , je vois sa famille,

Autour du sarment qui pétille,

Chercher sur ses genoux les caresses du soir.

Vers la chapelle hospitalière,

En pleurant je porte mes pas ;

La seule demeure ici-bas

Où je ne sois point étrangère,

La seule devant moi qui ne se ferme pas !

Souvent je contemple la pierre

Où commencèrent mes douleurs ;

J'y cherche la trace des pleurs,

Qu'en m'y laissant, peut-être, y répandit ma mère.

Souvent aussi mes pas errants

Parcourent du tombeau l'asile solitaire,

Mais, pour moi les tombeaux sont tous indifférents :

La pauvre fille est sans parents

Au milieu des cercueils ainsi que sur la terre.

J'ai pleuré quatorze printemps,

Loin des bras qui m'ont repoussée :

Reviens, ma mère, je t'attends

Sur la pierre où tu m'as laissée ! ALEX. SOUMET.


RÉFLEXIONS.

Nous ne regrettons pas toujours la perte de nos amis par la considération de leurs mérites, mais par celui de nos besoins et de la bonne opinion qu'ils avaient de nous. (LAROCHEFOUCAULT.)


Ce qu'on appelle mort n'est qu'un voyage : c'est pourquoi il ne faut pas pleurer celui qui est parti avant nous, mais plutôt désirer de le suivre. (TERTULLIEN, Livre de la patience.)

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Asphodèle - Regret.

Autrefois on plantait des bordures d'asphodèle autour des tombeaux. Les Grecs supposaient que les âmes des morts se plaisaient à regarder les fleurs blanchâtres de cette plante et qu'elles se nourrissaient de sa racine ainsi que de celles de la mauve. Ces deux plantes se rencontrent en effet dans les cimetières et les lieux incultes.

 

Le Dictionnaire Larousse en 2 volumes (1922) propose des pistes pour comprendre le langage emblématique des fleurs :

Nom Signification Couleur Langage emblématique

Asphodèle Cœur abandonné Jaune Mon cœur est désolé

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Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Pour les Grecs et les Romains, les asphodèles, liliacées aux fleurs régulières et hermaphrodites, sont toujours liées à la mort. Fleurs des prairies infernales, ils sont consacrés à Hadès et Perséphone. Les Anciens eux-mêmes ne savaient guère pourquoi il en était ainsi et cherchaient à couper ou même à corriger ce nom pour lui faire signifier champ de cendres ou les décapités, c'est-à-dire, mystiquement, ceux dont la tête ne commande plus aux membres, ne dicte plus de volontés.

On en tire aussi de l'alcool. L'asphodèle symboliserait a perte du sens et des sens, caractéristique de la mort. Bien que les Anciens lu aient prêté une odeur pestilentielle - sous l'influence peut-être d'une association avec l'idée de mort - le parfum de l'asphodèle s'apparente à celui du jasmin. Victor Hugo l'évoque dans "Booz endormi", au milieu d'une ombre nuptiale, Elle à demi-vivante et moi mort à demi, où la vieillesse, le doute, l'affaiblissement des sens contrastent avec l'attente de l'amour :


Un frais parfum sortait des souffles d'asphodèles ;

Les soufflets de la nuit flottaient sur Galgala...

Ruth songeait et Booz dormait ; l'herbe était noire..."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


L'asphodèle ou "herbe de Saturne", plante qui donne une grappe de grandes fleurs étoilées très ornementales, servait dans l'Antiquité d'offrande aux morts. Dans le langage des plantes, elle signifie "mes regrets vous suivent au tombeau". Consacrée à Hadès et à Perséphone, elle est donc liée aux Enfers où on la trouvait en grand nombre dans la promenade des morts ; elle conférait une seconde vie immortelle. Les Grecs en firent un contre-poison universel tandis que les Pythagoriciens la considéraient, avec la mauve, comme une nourriture parfaite pouvant être consommée par les mages.

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Nicolette Brout dans un article intitulé "La mauve ou l'asphodèle ou comment manger pour s'élever au-dessus de la condition humaine" In : Dialogues d'histoire ancienne, vol. 29, n°2, 2003. pp. 97-108 ; enrichit l'interprétation classique du sens de l'asphodèle chez Hésiode :


Il est deux plantes, la mauve et l'asphodèle, qu'Hésiode tient en grande estime et dont il accuse les rois "dévoreurs de dons" et son frère de méconnaître la qualité. On lit en effet au v. 40-41 des Travaux :

Sots, ils ne savent pas combien la moitié vaut plus que le tout ni quel avantage réside dans la mauve et l'asphodèle.

Les interprètes d'Hésiode considèrent généralement que les plantes mentionnées désignent l'alimentation du pauvre qui sait se contenter de peu et mentionnent comme parallèle le v. 544 du Ploutos d'Aristophane où la mauve remplace le pain pour le miséreux. La référence à ces végétaux serait entièrement redondante avec le vers précédent, les deux vers prêchant la frugalité, ou plutôt le renoncement à la quête de la richesse par des voies déshonnêtes. Cette interprétation repose en grande partie sur la conception d'un Hésiode valorisant la vie modeste mais honnête du petit paysan. C'est là, pensons-nous, réduire considérablement la portée de son œuvre. Sans vouloir nier que la mauve et l'asphodèle étaient effectivement consommées par les pauvres, nous pensons que le choix de ces plantes par le poète d'Ascra ne peut être indépendant des valeurs symboliques qu'elles véhiculaient en tant qu'aliments en Grèce et ne peut être séparé du contexte du poème où l'alimentation est un critère essentiel de définition des catégories d'êtres.

[...]

L'homme se trouve donc au carrefour entre une animalité sans justice et allélophage, et des êtres divins, justes, consommant des céréales spontanées. Lui-même, consommateur de céréales, peut soit tendre vers la bestialité en pratiquant l'injustice, en ne travaillant pas et en mangeant la production d'autrui, soit assumer sa condition et par là-même favoriser une remontée par le travail et la justice. Il en résulte un accroissement de la fertilité de la terre et un rapprochement avec les dieux, c'est-à-dire un retour partiel vers l'âge d'or (v. 225-237). C'est là la voie que prêche Hésiode au commun des mortels. Suivant cette définition des êtres en fonction notamment de leur alimentation, quelle place occupent donc la mauve et l'asphodèle ? Ce sont des plantes sauvages dont la consommation évite la condamnation au travail à laquelle est soumise l'humanité. Tandis que Perses et les rois, pour échapper au travail, à la bonne éris, pratiquent la mauvaise éris et s'abaissent au rang d'animaux qui s'entre-dévorent, ceux qui savent l'évitent en mangeant des plantes spontanées, comme les céréales consommées par la race d'or, la mauve et l'asphodèle. Par là, ils échappent en partie à la condition humaine dont le mythe de Pandore, qui suit immédiatement l'apostrophe dans le texte, raconte l'avènement. Ces plantes seraient donc le signe du dépassement de la condition humaine par le haut, en direction du divin, par des hommes d'exception, comme Hésiode lui-même. |...]

Cette analyse interne aux Travaux permet de voir dans la mauve et l'asphodèle la nourriture d'hommes privilégiés, qui savent et sont proches des dieux, notamment en raison de leur activité poétique. Cette alimentation leur permet de dépasser la condition humaine, condamnée au travail, et de devenir semblables aux hommes divins, qu'il s'agisse des hommes de la race d'or du temps de Cronos, ou des héros des îles des Bienheureux. Cependant, pour comprendre pourquoi Hésiode choisit parmi toutes les plantes sauvages comestibles ces deux plantes-là, il nous faut considérer d'autres sources, qui en retour étayeront les conclusions de l'analyse des Travaux. La mauve et l'asphodèle apparaissent en particulier en relation avec le culte d'Apollon Génétôr à Délos. Elles sont également associées à des hommes "divins", Pythagore et Épiménide, les sources établissant d'ailleurs des ponts entre ces deux personnages et entre Pythagore et le culte délien.

[...]

La mauve et l'asphodèle s'avèrent donc des aliments riches de diverses valeurs symboliques. Elles figurent comme nourriture primitive de l'âge d'or à Délos ; la mauve est l'objet d'un tabou rituel chez les Pythagoriciens et les deux plantes apparaissent comme ingrédients des alima qui permettent de s'élever au-dessus de la condition humaine. Il convient peut-être de suivre les anciens en reconnaissant qu'Hésiode les a nommées en raison de ces particularités religieuses, et plus précisément en tant que nourriture qui permet de se rapprocher des dieux.


Note : Les alima sont généralement mis en relation avec le "chamanisme grec".

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Mythologie :


Selon Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


ASPHODÈLE.-M. Alexis Pierron commente ainsi le vers 539 du livre XI de L'Odyssée : « Les bulbes d'asphodèle servaient de nourriture aux pauvres, comme on le voit par Hésiode, Œuvres et Jours, vers 40. On en mettait pour offrande sur la tombe des morts. Il n'est donc pas étonnant que la promenade des morts, dans les enfers, soit une plaine où pullule l'asphodèle, et, pour parler comme Homère, une prairie d'asphodèle. » Dans Théocrite (XXXVI, 4) on voit l'asphodèle en relation avec Bacchus, sans doute avec le Bacchus funéraire et infernal des Mystères d'Eleusis. L'asphodèle était une espèce de viatique pour la vie immortelle. L'asphodèle pousse dans le royaume des ombres et des rêves. S'il était censé donner aux morts la seconde vie immortelle, on comprend mieux le cas qu'on en faisait aussi dans la médecine grecque, comme d'un contre-poison universel.

Le médecin napolitain Porta, au XVIe siècle, nous fournit ces renseignements sur les propriétés de l'asphodèle : « Asphodeli radices vaccarum mammis similes dicunt : cuncta venena expugnari eis tradunt Graeci, maxime quae rosiones, ustionesque referunt, ut si cantharides datae, vomitione omnia egeri, ex Dioscoride et Plinio. Sed contra serpentes et scorpiones Nicander commendavit, substravitque somno contra metus. — Cratevus plantam agnoscit, quae fructum instar fici sylvestris habet, folium vero fuscum at papaver, quin ut spinosum esse, idque amatoriis veneficiis immixtum mirifice pollere. Asphodelus centum capita dicta, quod similitudinem humanorum testium quadantenus aemuletur. Plinius portentum esse, quod de ea traditur, raclicem ejus alterutrius sexus similitudinem referre, raram inventu, sed si viris contigerit mas, amabiles fieri, ob hoc et Phaonem Lesbium dilectum a Sappho, multum a Magicis et Pythagoreis decantata. Putant eam ante portas satam, amuletum esse. Dionysius discrevit etiam sexu, marem et faeminam in ea comperiens. Cratevus Veneris aviditates desideriaque finire tradidit et cum vino concitare. »

On voit Proserpine, Dionysios, Diane, Sémélé, la tête ornée de couronnes d'asphodèle. Le livre d'Albert le Grand « De Virtutibus Herbarum » appelle 1'asphodèle « herba Saturni » [herbe de Saturne] et il ajoute : « Daemoniacivel melancholici ipsam deferunt in linteo mundo et liberantur, nec in domo patitur esse etsi ibidem fuerint. Producentes dentes pueri et eam ferentes, sine dolore eos producent, et est bonum ut homo deferat secunda nocte radicem, quia non timebit, neque laedetur ab aliis. »

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