Étymologie :
CAILLE, subst. fém.
Étymol. et Hist. Début xiie s. « oiseau du genre de la perdrix » (Psautier Cambridge, CIV, 40 ds Gdf. Compl.). Issu d'une forme d'orig. onomatopéique quaccola attestée ds les gloses de Reichenau (éd. H.-W. Klein, Beiträge zur romanischen Philologie des Mittelalters, t. 1, 1968, 2975 quaccola, 530 quaccoles, 317a quacules). Sur l'hyp. d'un étymon frq. *kwakla induit du néerl. kwakkel (Gam. Rom. t. 1, p. 214 ; v. aussi EWFS2 ; cf. W. von Wartburg, Mots romans d'orig. germ., Mélanges J. Haust, Liège, 1939, p. 426), il est vraisemblable que le néerl. se rattache directement à quaccola, qui semble avoir vécu en milieu ouest-germ. (cf. Kluge, s.v. wachtel).
CAILLE, subst. fém.
Étymol. et Hist. [1906 truc à la caille « indélicatesse » (d'apr. E. Chautard, La Vie étrange de l'arg., p. 299) ; 1910 avoir qqn à la caille « détester qqn » (d'apr. Esn.) ; 1926 une gueule à cléber de la caille (ibid.)]. Issu d'un type *caille au sens de « estomac » d'apr. *cail « présure, organe digestif dont on fait la présure » qui est à l'orig. de caillette* « quatrième estomac des ruminants », avoir qqn à la caille signifiant « l'avoir sur l'estomac » (Guir. Étymol., p. 60) ; de l'homonymie existant entre caille « estomac » et caille dér. de cailler forme dial. issue de cacare « déféquer, fienter » (cf. supra Céline), sont formés, par substitution synonymique les syntagmes l'avoir à la crotte, l'avoir à la mouscaille, d'où l'on a tiré l'hyp. (Esn.) que caille était issu de mouscaille par aphérèse.
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.
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Zoologie :
Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt s'intéresse à la communication chez les animaux et chez les plantes, et en particulier à la toxicité des poisons qu'ils produisent :
C'est un accident de cette nature, par transfert de poison, qui advint aux Hébreux durant leur longue pérégrination dans le désert du Sinaï, tel que le relate le Livre des Nombres : « Un vent envoyé par le Seigneur se leva de la mer ; il amena des cailles qu'il abattit sur le camp et tout autour, sur une distance d'un jour de marche de chaque côté du camp ; elles couvraient le sol sur deux coudées d'épaisseur. Le peuple fut debout tout ce jour-là, toute la nuit et tout le lendemain pour ramasser les cailles. Celui qui en ramassa le moins en eut dix homers (1). Ils les étalèrent partout tout autour du camp. La viande était encore entre leurs dents, ils n'avaient pas fin i de la mâcher, que le Seigneur s'enflamma de colère contre le peuple et lui porta un coup très fort. On donna à cet endroit le nom de Qivroth-Taawa, Tombes de la Convoitise, car c'est là qu'on enterra la foule de ceux qui avaient été saisis de convoitise. » (Nombres, XI, 31-34).
E. Sergent, qui fut directeur de l'Institut Pasteur d'Alger, trouva le mécanisme par lequel s'était réalisé le châtiment divin ; c'est encore à Pierre Delaveau qu'il appartient de nous le conter : « Le texte sacré indique clairement que les oiseaux furent consommés - et en abondance - sitôt capturés. Il donne également à entendre que les symptômes d'intoxication furent très précoces. Il faut donc éliminer toute hypothèse de viande faisandée, rendue toxique par les ptomaïnes, pour s'orienter vers un effet toxique du gibier frais... Sergent savait qu'en Algérie la chair des cailles passe pour dangereuse à certaines époques : selon des chasseurs algériens, mieux vaut s'abstenir d'en manger au printemps ; un seul oiseau peut alors intoxiquer une personne adulte. Divers désordres digestifs sont accompagnés d'une tendance à l'évanouissement et d'une grande anxiété. Parfois s'ajoutent des troubles paralytiques, avec sensation de refroidissement des extrémités. Puis les membres inférieurs se dérobent. Dans des cas exceptionnels, la paralysie progresse en remontant vers le tronc, les membres supérieurs, voire la nuque. Fait important, le sujet reste lucide, mais éprouve de grandes difficultés à s'exprimer... L'ensemble de ces singes pathologiques rappelle étrangement les circonstances de la mort de Socrate... et la toxicité de la fameuse ciguë revient une nouvelle fois à l'esprit. Que l'on songe aussi au mode d'alimentation des cailles. Elles picorent indifféremment toutes les graines qu'elles rencontrent : blé, millet, chènevis, sans dédaigner non plus baies, semences, jeunes pousses, laitue, mouron. Mais ce qu'on sait moins, c'est qu'elles font également leur régal de nombre de graines vénéneuse : belladone et autres solanacées, aconit, ellébore, ciguë... Il est donc logique de penser que les cailles consommées par les Hébreux les ont indirectement empoisonnés, car elles transportaient allégrement des molécules toxiques dans leur chair... »
De Lucrèce à Pline l'Ancien, on trouve d'ailleurs plusieurs textes d'auteurs de l'Antiquité mettant en garde contre la consommation des cailles, réputées dangereuses.
Note : 1) soit pas moins de 4 m3 !
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Symbolisme :
D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969, ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,
"Dans le langage figuré, la caille est symbole de chaleur, voire plus familièrement, d'ardeur amoureuse : chaud comme une caille. On notera qu'elle est, en Chine, l'oiseau du sud et du feu ; c'est l'Oiseau rouge, symbole de l'été. Elle donne son nom, dans l'astronomie chinoise, à l'étoile centrale du Palais de l’Été.
Toutefois, le symbolisme de la caille est surtout lié à ses mœurs d'oiseau migrateur et au caractère cyclique qu'elles supposent. Caractère quelque peu étrange, d'ailleurs, qui fera substituer, en Chine, le phénix à la caille. Dans la Chine antique, la caille, comme l'hirondelle, réapparaît avec la belle saison ; elle est censée se transformer, pendant l'hiver, en mulot ou en grenouille. Les joutes printanières figurent la quête amoureuse des cailles (ou des perdrix, ou des oies sauvages). Ce rythme saisonnier, ce va-et-vient des oiseaux migrateurs, est une image de l'alternance du yin et du yang, l'oiseau du ciel se métamorphosant, en animal souterrain ou aquatique.
Le mythe védique de la délivrance de la caille par les Ashvin, les dieux jumeaux à tête de cheval, est bien connu. Il semble posséder une signification du même ordre, même s'il se rattache à un cycle d'une amplitude différente. Les Ashvin sont liés, selon une interprétation courante, au Ciel et à la Terre, au jour et à la nuit. La caille (vartikâ), qu'ils libèrent de la gueule du loup, serait donc l'aurore, la lumière précédemment avalée, enfermée dans la caverne. On notera que les nuages de l'aurore chinoise ont cinq couleurs comme l’œuf de la caille, et aussi que la caille vole toujours la nuit. Vartikâ signifie celle qui revient et dérive, note M. Christinger, de la même racine qu'Ortyx, le nom grec de l'oiseau. Ortygie, l'île aux cailles, l'île de Délos est la patrie d'Artémis et d'Apollon, dont l'alternance n'est pas sans rapport avec celle des Ashvin. Il va sans dire que cette lumière libérée de la nuit - ou des enfers - n'est pas seulement celle du soleil matinal, mais aussi celle du soleil spirituel, proprement la lumière intellective ou initiatique.
On se souviendra encore que les cailles constituent, avec la manne, la nourriture miraculeuse des Hébreux au désert."
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Selon Ted Andrews, auteur de Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (Édition originale, 1993 ; traduction française, Éditions Dervy, 2017), la caille répond aux caractéristiques suivantes :
Points clés : Alimentation et protection de groupe.
Cycle de puissance : Printemps et automne.
La caille fait partie de la famille des oiseaux apparentés à la poule et que l'on appelle les galliformes (ou plus communément gallinacés). Cette famille intègre notamment les poules, donc, mais aussi les faisans, les coqs de bruyère, les dindes, et d'autres du même genre. En fait, les cailles ont quasiment les mêmes mœurs et habitudes que les poules. Il vous faudra par conséquent également les étudier si une caille est apparue dans votre vie.
Parce qu'elles sont considérées come ayant une excellente chair, elles ont fini par être couramment associées avec l'alimentation dans bien des domaines. Leurs accouplements frénétiques leur ont aussi valu une réputation de sexualité débordante et de fécondité dans la Grèce antique, elles étaient considérées comme un symbole du retour du printemps.
Le colon de Virginie fait partie de la famille des cailles, comme l'indique un de ces noms anglais, Virginia quail (« caille de Virginie »). mais son nom anglais le plus courant, bob-white, est dû à son cri particulier : on croirait effectivement distinguer les syllabes bob-white. Ainsi, cette vocalisation singulière et e fait que cet oiseau crie son propre nom ont conduit à l'associer avec le mysticisme des noms. Cet oiseau peut vous aider à découvrir le nom de votre âme, votre nom « divin », celui qui va vous accompagner de vie en vie. Le colin de Virginie a la connaissance du pouvoir des noms et du processus d'attribution de ceux-ci. Entendre le cri de la caille au cours de la semaine précédant ou suivant la naissance d'un enfant peut indiquer que vous avez choisi le meilleur nom, le plus bénéfique, pour ce bébé.
Les cailles vivent en groupes appelés volées. Par temps froid, elles vont souvent se blottir les unes contre les autres pour se tenir chaud. Fréquemment, elles se serrent en cercle sur le sol, les queues au centre et la tête tournée vers l'extérieur Elle sont alors comme les rayons d'une roue. Cette posture leur permet de s'envoler dans toutes les directions pour désorienter un prédateur quand elles sont menacées.
La caille a une formidable aptitude à déceler facilement un danger. Elle s'envole alors avec un cri puissant et sonore qui surprend le prédateur, le distrait un instant et permet au groupe de s'échapper. la caille peut vous apprendre à être conscient des dangers et à filer avec ostentation, dans un grand « feu d'artifice », pour vous mettre en sécurité en cas de menace. en somme, elle vous apprend comment ne pas hésiter en temps de crise.
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Selon Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani :
Symbole de chaleur et d'ardeur amoureuse (ne dit-on pas "chaud comme une caille ?"), la caille est fortement recommandée pour préserver l'entente conjugale et éviter le divorce ; il suffit que l'homme porte le cœur d'une caille mâle et sa femme le cœur d'une caille femelle. Cette recette, connue dès le Moyen Âge, est un philtre d'amour si puissant, surtout si le cœur est enveloppé dans de la peau de loup, "que personne ne les pourra faire haïr l'un l'autre, pas même avec des enchantements et des sortilèges". Paradoxalement, un auteur soutient que celui qui porte ce cœur, toujours enveloppé dans une peau de loup, verra son appétit sexuel très diminué. Rappelons que, selon la mythologie grecque et latine, Zeus (Jupiter) emprunta la forme d'une caille pour séduire Léto (la Latone romaine). Ils donnèrent naissance à Artémis (déesse de la Lune, Diane) et à Apollon (le Soleil). "D'autres affirment aussi que la caille était consacrée à Hercule auquel l'odeur d'une caille rendit l'existence que lui avait ravie Typhon".
Le chant de la caille est souvent néfaste, même si on l'a parfois traduit par un précieux conseil donné à un maçon - ce dernier ne sachant pas comment faire tenir une pierre, elle lui répéta « Bout par bout ! » (Haute bretagne) - ou encore par une recommandation morale puisqu'elle crie à ceux qui doivent de l'argent "Paie tes dettes !" ou "Paie qui doit !" (Wallonie, Poitou). Dans quelques régions (Deux-Sèvres, Vienne, Saintonge), l'agriculteur qui entend son cri se coupe les doigts. En chantant sept fois de suite, cet oiseau prédit une mauvaise récolte. Plus généralement, on cite le dicton suivant : "Plus la caille carcaille, plus chère est la semaille", ou une de ses variantes "Autant de fois la caille chante à son retour, autant de fois vaudra la mesure du blé" (Nivernais). Au Tyrol, le nombre de cris de la caille indique le nombre d'années à attendre avant de se marier. Attention à la pluie lorsque la caille se fait entendre, dit-on en Belgique.
Selon un croyance anglo-saxonne, qui attrape une caille sans le vouloir peut s'attendre à une déception amicale ; de même en tuer une hors saison est un mauvais présage. A l'inverse, trouver un nid de caille avec un nombre pair de douzaines d'œufs est signe de prospérité.
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Selon Didier Colin, Auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Larousse Livre, 2000) :
C'est une cousine de la perdrix qui aime à vivre parmi les hautes herbes et surtout dans les champs de blé, où elle peut aisément se dissimuler. Car elle est petite, de forme arrondie, et son plumage est de couleur brunâtre ou gris-beige avec, parfois, un joli col blanc bordé de noir.
On a tout lieu de penser qu'elle tient son nom du vieux germanique kraka, "corneille", dont le diminutif, kwakla, aurait fini par donner quaccola en vieux français, puis "caille". Elle est, comme on le sait, un gibier fort prisé des chasseurs et des fins gourmets. Mais sait-on encore que cet oiseau migrateur s'apprivoise très facilement ?
Ce qui retient l'attention, en ce qui la concerne, c'est le fait que de nombreuses expressions populaires, mais aussi des dictons et proverbes, insistent sur l'ardeur amoureuses qu'on lui attribue et dont elle est devenue naturellement un symbole. Par exemple, on dit couramment, "être chaud, doux, tendre ou rond comme une caille", et l'expression "ma caille" s'emploie souvent en signe d'affection. mais cet oiseau fut avant tout considéré comme l'animal figurant le berceau d'Apollon qui, selon la légende mythique grecque, serait né dans l'île aux cailles., Ortygie (de ortyx, "caille" en grec), où Léto, sa mère, était venue se réfugier pour fuir la colère d'Héra. Ainsi, par gratitude, Apollon fit de son île natale le centre du monde grec et la nomma Délos, la brillante."
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J. Freney et A. Doléans-Jordheim dans un article intitulé "Les cailles empoisonneuses, le vin au plomb ou le miel qui rend fou ! Histoire de quelques intoxications alimentaires inexpliquées de l’Antiquité " et paru en janvier 2014 dans la revue Feuillets de Biologie vol. LV n°316 avancent une explication rationnelle d'un épisode mythique concernant des cailles :
II. LES CAILLES EMPOISONNEUSES OU LA COLÈRE DE DIEU
Le livre de l’Exode, le second livre de la Bible et de l'Ancien Testament, raconte la fuite des Hébreux hors d’Egypte sous la conduite de Moïse à travers le désert du Sinaï. Peu de temps après leur départ, ils se plaignent à Moïse et Aaron qui les ont entraînés dans cette aventure : « Pourquoi l’Eternel ne nous a pas fait mourir en Egypte où nous étions installés devant des marmites pleines de viande et où nous mangions du pain à satiété ? ... Yahvé parla à Moïse en ces termes : « J’ai entendu les plaintes des enfants d’Israël. Dis leur, ce soir avant qu’il fasse nuit, vous mangerez de la viande » ... Envoyé par Yahvé, un vent se leva qui, venant de la mer, entraîna des cailles et les précipita dans le camp. Il y en avait aussi loin qu’un jour de marche, de part et d’autre du camp, et sur une épaisseur de deux coudées au-dessus du sol. Le peuple fut debout tout de joie, toute la nuit et le lendemain pour ramasser des cailles ; celui qui en ramassa le moins en eut dix muids (mesure de capacité pour les grains et autres matières sèches) ; puis ils les étalèrent autour du camp. La viande était encore entre leurs dents, elle n’était pas encore mâchée, que la colère de Yahvé s’enflamma contre le peuple. Yahvé le frappa d’une très grande plaie. On donna à ce lieu le nom de Qibrot-ha-Taava, car c’est là qu’on enterra les gens qui s’étaient abandonnés à leur fringale ».
Cette description des cailles empoisonneuses tendrait à prouver que les Hébreux ne se sont pas dirigés vers le Sinaï méridional comme l’admet l’opinion traditionnelle, car la caille n’y apparaît jamais, mais qu’ils ont suivi la route du nord longeant la Mer Méditerranée qui correspond aujourd’hui au lac Berdaouil et qui serait peut-être le Yam Souf ou « mer des joncs » de la Bible.
Plus de 3 000 ans après ces événements, reprenant ces informations, Edmond Sergent avait noté qu’en Algérie, les colons savaient parfaitement que dans certaines régions, les cailles de la migration printanière empoisonnent parfois les personnes qui les mangent. L’hypothèse communément admise était que les cailles se seraient nourries de graines vénéneuses. Sergent fit une recherche approfondie sur ce phénomène. Il élimina tout d’abord la possibilité d’une intoxication par putréfaction du gibier. Tous les accidents rapportés par les chasseurs interrogés concernaient des cailles qu’ils avaient eux-mêmes tuées, et non des oiseaux achetés par des revendeurs. Tous confirmaient que ces cailles avaient une apparence tout à fait saine lorsqu’elles avaient été abattues. Le fait que les cailles pouvaient être responsables d’intoxications alimentaires était tellement bien établi que dans certaines régions d’Afrique du Nord, les chasseurs évitaient de les consommer au printemps. Des auteurs de l’Antiquité comme Lucrèce au Ier siècle avant J.-C., Pline l’Ancien au Ier siècle après J.-C. ou Galien au IIème siècle, avaient même déjà remarqué que les cailles pouvaient absorber de l’ellébore ou de la ciguë, qui sont des poisons redoutables pour l’homme, sans montrer de signes particuliers. Par contre la consommation de ces oiseaux pouvait être toxique pour l’homme. Ce syndrome est aujourd’hui bien connu : il s’agit du coturnisme (5). Il se manifeste par une rhabdomyolyse, c'est-à-dire une destruction massive et aiguë du tissu musculaire se caractérisant par une faiblesse généralisée, de la fièvre, une extinction de voix, des douleurs musculaires, une paralysie des membres inférieurs, des vomissements, une décoloration des urines et/ou une gastro-entérite sévère.
Edmond Sergent a réalisé une expérience qui consistait à faire manger à des chiens des cailles ayant ingéré de la grande ciguë (Conium maculatum) sans avoir elles-mêmes été malades. Comme le faisaient les Athéniens à l’époque de Socrate, les graines de ciguë ont été broyées dans un mortier dans 4 à 8 fois leur volume d’eau. Ce liquide pâteux a été ensuite absorbé par les chiens. À la concentration de 7 g par kg d’animal, le chien meurt entre une heure et demi et huit heures et demi après l’ingestion. À l’inverse, les cailles peuvent absorber des quantités considérables de graines de ciguë, jusqu’à 180 g par kg d’animal, sans montrer le moindre malaise. En mai 1940, Edmond Sergent fit manger à deux chiens des cailles qui avaient été gavées de graines de ciguë. Dans les deux cas, les chiens présentèrent des troubles évidents deux à quatre heures après ce repas. Ils ne pouvaient plus se maintenir sur leurs pattes postérieures. Après deux nouvelles heures, les chiens récupérèrent. Cette expérience d’Edmond Sergent permettait d’expliquer, plus de trois mille ans après, le récit biblique des « cailles empoisonneuses ».
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Mythologie :
Selon Apollodore :
Parmi les filles de Coéos, l'une d'elle, Astérie, pour échapper aux ardeurs amoureuses de Zeus, se transforma en caille et se jeta dans la mer. D'elle naquit une ville, qui prit son nom, Astérie ; par la suite, elle fut appelée Délos. Léto, au temps où Héra la chassait de toutes les terres à cause de son amour pour Zeus, un jour arriva à Délos, et finalement put accoucher d'Artémis. Artémis elle-même, ensuite, fit office de sage-femme, et Léto accoucha aussi d'Apollon. Artémis se consacra à l'art de la chasse, et elle voulut rester vierge.
Dans Mythologie zoologique ou Les légendes animales, tome 2 (A. Dunand et Pedone Lauriel Éditeurs, 1874) Angelo de Gubernatis nous apprend que :
La caille est aussi dans un rapport étroit avec le soleil d'été et particulièrement avec la lune.
Vartikâ et vartaka sont les noms sanskrits de la caille ; ces mots signifient tourné vers, animé, préparé, alerte, vigilant (comp. l'allemand wachtel) ils signifient aussi le pèlerin (comp. le mot russe perepiolka). Dans le Rigveda, les Açvins délivrent la caille des souffrances qu'elle endure ; ils sauvent la caille de la rage du loup ; ils l'arrachent aux dents du loup qui la dévore. Dans le quarante et unième conte du sixième livre d'Afanassiev, la sage jeune fille arrive sur un lièvre avec une caille attachée à la main, et se présente devant le Tzar dont elle doit résoudre l'énigme afin de pouvoir l'épouser. Cette caille est le symbole du Tzar lui-même, ou du soleil ; la sage jeune fille est l'aurore (ou le printemps) qui s'approche du soleil sur un lièvre, c'est-à-dire sur la lune, en traversant les ombres de la nuit (ou de l'hiver). Les Grecs et les Latins, remarquant peut-être que la lune réveille la caille, dirent que cet oiseau était consacré à Latone et racontent que Jupiter prit la forme d'une caille pour obtenir les faveurs de celle-ci, et que de leur union naquirent Diane et Apollon (1) (le soleil et la lune). D'autres affirment aussi que la caille était consacré à Hercule, auquel l'odeur d'une caille rendit l'existence que lui avait ravie Typhon. La caille védique délivrée du loup et Hercule délivré du monstre Typhon par la caille, sont évidemment deux formes analogues du même mythe. On croit que quand la lune se lève, la caille pousse des cris et se met en mouvement, comme si elle voulait s'attaquer à elle ; on croit aussi que la tête de la caille s'accroit ou diminue de grosseur selon les influences de la lune. Comme la caille paraît représenter le soleil et qu'elle aime la chaleur, elle redoute la lune et le froid auquel cet astre préside. Ce sont ces relations mythiques de la caille qui donnèrent sans doute naissance à la crainte que les anciens avaient de cet oiseau qui, pensaient-ils, mangeaient de l'ellébore vénéneux pendant la nuit et, par conséquent, était empoisonné et sujet à l'épilepsie.
Plutarque rapporte dans ses Apophthegmes, qu'Auguste punit de mort un fonctionnaire d'Egypte pour avoir mangé une caille qui avait remporté le prix dans le combat : car c'était depuis longtemps la coutume de faire battre les cailles, de même qu'un divertissement favori des Athéniens était le jeu de la caille, qui consistait à placer plusieurs cailles en cercle ; il fallait en toucher une pour gagner toutes les autres. D'après Artémidore, les cailles annonçaient à ceux qui les élevaient les calamités qui pourraient leur survenir du côté de la mer.
Note : 1) Cette fable est rapportée aussi d'une manière différente : Jupiter possède Latone et fait ensuite violence à sa sœur Astérie, que les dieux changent en caille par compassion. Jupiter se métamorphose en aigle pour s'en emparer ; les dieux changent alors la caille en pierre - (comp. la fable d'Indra sous la forme d'un coucou et de Rambhâ, ainsi que celle d'Indra sous la forme d'un coq et d'Ahalya. D'après une superstition populaire, les cailles, comme les grues, laissent tomber quand elles voyagent de petites pierres qui leur permettent de reconnaître, à leur retour, les lieux où elles ont passé une première fois) - et cette pierre resta sous l'eau un temps assez long, après lequel elle en sortit, à la prière de Latone.
Selon Robert Graves, auteur de Les Mythes grecs (Édition originale 1958 ; Traduction française Robert Laffont, 1967), :
"Artémis, à l'origine déesse orgiaque, avait pour oiseau sacré la voluptueuse caille. Les cailles volant par bandes vers le nord, au printemps, avaient dû choisir l'île d'Ortygie pour y faire halte au cours de leur migration. La légende selon laquelle Délos, lieu de naissance d'Apollon, était, depuis, devenue une île flottante est peut-être une mauvaise interprétation du récit selon lequel le lieu de sa naissance n'avait pas été officiellement désigné : en effet, pour Homère (Iliade, IV, 101)on l'appelle Lycégène, "né en Lycie" ; quant aux Éphésiens, ils se vantaient qu'il était né à Ortygie près d’Éphèse (Tacite, Annales, III, 6). A la fois les Béotiens de Tégyres et les Zôstériens attiques prétendaient aussi qu'il était né que leur sol (Stephanos de Byzance sub Teyra).
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Littérature :
Farid Al-Din Attar, poète persan auteur de La Conférence des oiseaux (1177 ; Diane de Selliers, 2012, remaniée par Jacques Prévost) évoque brièvement la caille :
Salut, ô caille (darraj) du mi'râj d'alast ! toi qui as vu la couronne d’alast sur la tête de balé (oui). Lorsque tu entends dans ton esprit l’alast de l'amour, ton âme concupiscente répond balé avec déplaisir. Or, si l'acquiescement de ton âme concupiscente est pour toi le tourbillon du malheur, comment pourras-tu te soutenir dans ce tourbillon ? Consume ton âme concupiscente comme l'âne du Christ ; puis, comme le Messie, enflamme-toi de l'amour du Créateur. Brûle donc cet âne et mets en œuvre l'oiseau de l'âme, afin que l'esprit de Dieu vienne heureusement à toi.
Jacqueline Pigeot, autrice de “La caille et le pluvier : l'imagination dans la poétique japonaise à l'époque du Shinkokin-Shu" (In : Extrême-Orient Extrême-Occident, no. 7 (1985) : pp. 93–122.) évoque comment l'oiseau est évoqué dans les poèmes traditionnels japonais :
Shunzei, qui eut l'occasion d'expliquer lui-même à quoi tenait son principal mérite [à un poème dont il était particulièrement fier], l'attribue à l'arrière-plan que constitue un poème antérieur, poème qui, en l'occurrence, ne peut être compris et goûté qu'en relation avec la situation particulière qui l'a fait naître. Rappelons l'anecdote et le poème, tels qu'ils figurent dans l'Ise-monogatari :
Il était jadis un homme qui devait s'être peu à peu lassé d'une femme qui habitait Fukakusa, car il lui dit ces vers :
Si je quittais
Le logis que j'avais fréquenté
Pendant des années
Il deviendrait sans doute
Une lande où pousserait l'herbe drue (fukakusa)
La femme répondit :
S'il devient une lande
Je deviendrai une caille
Qui y chantera.
Vous y viendrez bien
Chasser quelquefois ?
Admirant ce poème, il n'eut plus l'intention de s'en aller.
Shunzei, lecteur de cette anecdote, et surtout du poème de la femme abandonnée, qui seul lui confère un intérêt, laissa sans doute son imagination recréer ce paysage vide où ne retentit que le cri de la caille, à la fois chants et pleurs (cf. les deux acceptions du verbe naku), fragile expression d'un amour déçu et patient.
Et puis Shunzei poète a reconstruit une œuvre : d'un poème d'amour, il a fait un poème d'automne, saison à laquelle, dan s le monde du waka, la caille est conventionnellement associée ; d'un poème qui était parole adressée directement à un interlocuteur, il a tiré un poème descriptif. Entreprise réductrice conduisant à la composition d'un tableautin où manque la figure principale ? En fait, comme dans tels poèmes présentés plus haut, Shunzei s'est délibérément borné à poser quelques motifs : cri de la caille, sensation de froid, site de Fukakusa, afin que le lecteur, rêvant à son tour, laisse émerger devant les yeux de l'imagination une image plus pathétique de rester innommée, celle de la femme métamorphosée en proie consentante.
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MERCREDI 8 JUIN
Saint Médard
Quoi de plus simple que de réussir des cailles à la Richelieu !
Vous prenez cinq ou six cailles. Videz, assaisonnez de sel et de poivre. Mettez dans chaque bestiole une grosse truffe, rangez dans une casserole assez grande pour les tenir légèrement serrées l ‘une contre l ‘autre. Recouvrez-les de julienne de carottes, oignons et céleris cuits au beurre. Mouillez à couvert avec un fond de veau brun, tiré de la chair de jarret de veau et de pied de veau.
Dix minutes de cuisson. À ce point, ajoutez trois ou quatre truffes pelées et taillées en julienne. Continuez la cuisson deux minutes.
Dressez les cailles en cocotte ; couvrez-les avec leur fond de cuisson, légumes et gelée. Et voilà tout.
N ‘hésitez pas, bien entendu, à servir pour accompagnement un de ces Bourgogne très séveux ; type côte de Nuits, plein de feu, au bouquet suave et quelque peu enveloppé mais toujours d ‘une grande délicatesse.
Parfois c‘est cela aussi, vivre.
Pierre AUTIN-GRENIER, "Mercredi 8 juin" in Les Radis bleus, Le dé bleu, 1990.
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