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La Fraise

Dernière mise à jour : 6 oct.



Étymologie :


  • FRAISE, subst. fem.

Étymol. et Hist. 1. 1174-78 freise « fruit » [ici pour désigner quelque chose de peu de valeur] (E. de Fougères, Manières, 1003 ds T.-L.) ; 2. 1901 pop. « visage » (d'apr. Esn.). Du lat. pop. fraga, plur. neutre du class. fragum « fraise (des bois) » dont l'aboutissement phonétique normal était fraie (cf. formes dial. fraya, freye, FEW t. 3, p. 748a, auxquelles correspondent des formes roum. et ital., cf. REW3 n°3480) et qui sous l'infl. de framboise* a pris la finale -se.


Lire aussi la définition pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Fragaria vesca - Caperonnier - Capredon - Capron - Fouzélié - Fraisier des bois - Frazi - Frévi - Friotié - Froumié - Froyé -

Potentilla indica - Fraisier à fleurs jaunes - Fraisier de Duchesne - Fraisier des Indes -

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Botanique :


Jean-Marie Pelt, dans son ouvrage intitulé simplement Des fruits (Librairie Arthème Fayard, 1994), brosse le portrait de la Fraise :


La fraise est tout, sauf un fruit !

En tant que plante herbacée dont tout ou partie est destiné à l'alimentation, elle répond à la définition administrative des légumes. mais elle n'est pas pour autant un « légume-fruit », comme le sont les cornichons ou les tomates. En effet, au sens botanique du terme, la fraise n'a rien d'un fruit ; ce serait plutôt un présentoir, ou un ostensoir sur lequel sont fixés de petits grains secs et durs qui craquent sous la dent : les akènes, les vrais fruits de la fraise. Quant à sa chair pulpeuse, elle provient de l'expansion du réceptacle floral sous l'effet d'hormones végétales d'ailleurs sécrétées par les petits akènes. Qu'on élimine ceux-ci de la fleur récemment fécondée et le réceptacle ne gonfle plus, la fraise ne se forme pas. La fraise appartient donc, comme la figue, au club très restreint des faux fruits, ceux qui proviennent du gonflement d'un réceptacle, ce « fond de la fleur » sur lequel s'insèrent, au bout du pédoncule, sépales, pétales, étamines et ovaires. Le nom latin du fraisier, Fragaria, vint du verbe fragare, embaumer, par allusion au fort arôme que dégagent les fraises.

Les Anciens connaissaient la fraise sauvage spontanée parmi la flore des bois et des montagnes ; elle est citée par Ovide quand il évoque l'âge d'or et par Virgile, lequel met en garde les enfants qui la cueillent contre les serpents dissimulés dans l'herbe. Mais la fraise est longtemps restée un fruit parfaitement anodin que l'on ne cultivait pas et que, pour cette raison, l'on n'estimait guère ; car, de tout temps, l'homme n'a apprécié les produits du sol qu'à proportion du labeur et des peines qu'ils lui coûtaient.

En 1713, un officier français au nom prédestiné, Frézier, rapporta du Chili cinq plants d'une espèce indigène d'où sont issus la plupart des fraisiers aujourd'hui cultivés en Europe. C'est du croisement de la fraise chilienne et de la fraise européenne que dérivent la plupart de nos variétés actuelles. Un autre espèce, en provenance d'Amérique du Nord cette fois, Fragaria virginiana, fournissant elle aussi de gros fruits, fut également croisée avec la petite européenne.

Le fraisier se développe par des stolons rampants qui s'enracinent et se réenracinent toujours plus loin, la plante gagnant du terrain au fil des années. [...]

On a prêté aux fraisiers d'innombrables propriétés parmi lesquelles la médecine moderne n'a retenu que l'action astringente de la racine et des feuilles, due à de fortes teneurs en tannins : on les utilise avec profit en infusion dans le traitement de la dysenterie, de la diarrhée, de l'entérocolite.

Par sa teneur limitée en sucre, la fraise ne possède qu'un faible pouvoir nutritif. Comme, de surcroît, ce sucre est du lévulose, plus facilement assimilable que les autres sucres par es diabétiques, on ne peut en permettre l'usage çà ceux-ci pour rompre la monotonie de leur régime et remplacer les légumes verts dont on les sature jusqu'à écœurement. On la recommande aussi aux goutteux pour son action éliminatrice de l'acide urique.

La fraise contient en outre beaucoup de vitamine C - autant que l'orange - ainsi qu'un grand nombre de métaux et d'oligo-éléments. Le jus, contenant un dérivé de l'acide salicylique, a été préconisé contre les rhumatismes. Pour autant, la fraise ne saurait concurrencer sa proche cousine la reine-des-prés, qui produit de telles molécules en abondantes quantités, ce qui lui vaut d'avoir laissé un autre nom, « spirée », à l'aspirine.

Les fraises ont la réputation de déclencher des réactions allergiques, plus fréquemment dues aux petites fraies ou aux fraises des bois qu'aux grosses fraises. La fréquence de ces poussées d'urticaire, certes réelle, a sans doute été exagérée et a injustement terni la renommée de ce fruit. Car le fraisier reste cette plante modeste et généreuse qui, suivant l'expression de Bernardin de Saint-Pierre, « enlace la terre de ses rameaux et de ses bienfaits ». Au surplus, pour l'abbé Fournier, « l'addition de vin suffit à pallier ces inconvénients ; on peut donc essayer de faire tremper les fruits trente minutes avant de les consommer dans un excellent vin rouge ».

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques des Fraisiers :


Propriétés physiques. - Les racines sont noirâtres, rameuses, d'une odeur nulle ; leur saveur est styptique et astringente ; elles contiennent du tannin et de l'acide gallique. Leur décoction est rougeâtre. Les feuilles sont inodores et très légèrement astringentes. Les fruits dont il existe un grand nombre de variétés, perdant pour la plupart en saveur et en arôme ce qu'elles gagnent en volume, sont d'un rouge plus ou moins foncé, quelquefois blancs ; leur pulpe est succulente, sucrée et plus ou moins parfumée ; elle est très riche en sels de potasse, citrate et malate acide (Vanden Corput).


Usages Médicaux. Les racines et les feuilles que l'on dit aussi diurétiques ont été employées aux mêmes usages que les astringents en général ; on les a prescrites dans la diarrhée, la gonorrhée, les hémorrhagies passives, la dysenterie, etc. (Dodonée, Blackburn). Geoffroy assure que prise en grande quantité la décoction des racines colore en rouge les excréments. Les feuilles après une légère torréfaction ont été proposées comme un bon succédané du thé. On connaît l'usage des fraises dont les malades sont généralement très friands ; on les permet comme rafraîchissantes et tempérantes dans un grand nombre d'affections inflammatoires ; les goutteux et les calculeux leur attribuent une bonne part dans leur guérison. M. Vanden Corput a obtenu d'excellents résultats de l'usage continué des fraises, prises chaque jour à la dose de 150 à 200 grammes, pour combattre et prévenir la formation des graviers chez quelques malades atteints de gravelle urique. L'expérience a confirmé pour lui l'opinion de Gessner et de Linné ; il attribue les effets salutaires des fraises dans la diathèse urique aux sels de potasse qu'elles contiennent et qui entraînent en le dissolvant l'acide urique qui prédomine dans le sang. Les fraises ont aussi été vantées dans le traitement de la manie. Il est bon de rappeler que les fraises déterminent chez certaines personnes une sorte de roséole qui se dissipe du reste promptement.

 

Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


On a moins souvent recours [pour soigner la dysenterie] à nos autres astringents : racine de fraisier, [...]. Celles de ces plantes qui agissent doivent leur action au tannin qu'elles contiennent.

[...]

Le fraisier, [...] plante qui jouit d'une vogue variable selon les pays, [est utilisée] comme ayant des propriétés dépuratives.

[...]

Les fleurs et les fruits du fraisier, Fragaria vesca, pilés et macérés dans du beurre frais et de l'huile d'olive, servent à préparer un onguent pour les gelures dans nos Alpes orientales. Mais dès que les fraises sont mûres, les braconniers, dont les extrémités ont été atteintes de congélation en traversant les glaciers, en remplissent leurs chaussures et marchent ainsi chaussés. A chaque pas se fait entendre un flic-flac peu harmonieux. Ce remède m'avait été conseillé dans ma jeunesse pour les pieds échauffés par la marche ; je m'en suis toujours bien trouvé ; j'étais surtout heureux de cette manière de me guérir en musique. Heureux âge !

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Selon Éric Navet, auteur d'un article intitulé. “Les Ojibway et l'amanite tue-mouche (Amanita muscaria). Pour une ethnomycologie des Indiens d'Amérique du Nord." (In : Journal de La Société Des Américanistes, vol. 74, 1988, pp. 163–80, lu en octobre 2022) :


Il est intéressant de constater que, sur le plan de leur propriétés spécifiques, Amanite tue-mouche et Fraise des bois (Fragaria vesca) sont dans un rapport de complémentarité ; l'ingestion des fraises réduit l'action délétère, laissant intact le pouvoir hallucinogène, de l'Amanite tue-mouche. Ce fruit astringent diminue les symptômes de l'intoxication gastro-intestinale, et une décoction de feuilles fraîches a un effet positif contre l'hypertension consécutive à l'absorption du champignon (Palaiseul 1972 : 153).

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


On croit en Haute-Bretagne qu'en se lavant les mains deux ou trois fois avec du jus de fraise, on n'a plus d'engelures. Ce remède était usité au XVIIe siècle quand vous avez des engelures aux mains, en hiver, mettez dessus en été des fraises mûres écrasées, elles ne reviendront plus.

[...] . En Saintonge cette racine desséchée à l'ombre, faisait tomber sans qu'on s'en aperçoive, la dent gâtée ; dans le Morvan Nivernais, on y applique une racine de fraisier.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de ce faux fruit délicieux :


Printemps - Mai.

FRAISES - BONTÉ PARFAITE.


Un de nos plus illustres écrivains conçut le projet d'écrire une histoire générale de la nature, à l'imitation des anciens et de plusieurs modernes. Un fraisier, qui par hasard avait crû sur sa fenêtre, le détourna de ce vaste dessein ; il observa ce fraisier, et il y découvrit tant de merveilles, qu'il vit bien que l'étude d'une seule plante et de ses habitants suffisait pour remplir la vie des plusieurs savants. Il quitta donc son projet et renonça à donner un titre ambitieux à son ouvrage, qu'il se contenta d'appeler modestement Études de la nature. C'est dans ce livre, digne de Pline et de Platon, qu'il faut prendre le goût de l'observation, celui de la bonne littérature, et c'est là surtout qu'il faut lire l'histoire du fraisier. Cette humble plante se plait dans nos bois et couvre leurs lisières de ces fruits délicieux qui appartiennent à tous ceux qui veulent les cueillir. C'est un don charmant que la nature a soustrait au droit exclusif de la propriété, et qu'elle se plait à rendre commun à tous ses enfants. Les fleurs du fraisier forment de jolis bouquets ; mais quelle est la main barbare qui voudrait en les cueillant dérober leurs fruits à l'avenir ? C'est surtout au milieu des glaciers des Alpes qu'on aime à retrouver ces fruits dans toutes les saisons. Lorsque le voyageur, brûlé du soleil, accablé de fatigue sur ces rochers aussi vieux que le monde, au milieu de ces forêts de mélèzes à moitié renversées par des avalanches, cherche vainement une cabane pour se reposer, une fontaine pour se rafraîchir, il voit tout à coup sortir, du milieu des rochers, des troupes de jeunes filles qui s'avancent vers lui avec des corbeilles de fraises parfumées ; elles apparaissent sur toutes les hauteurs, au fond de tous les précipices. Il semble que chaque rocher, chaque arbre, soit gardé par une de ces nymphes que le Tasse plaçait à la porte du jardin d'Armide. Aussi séduisantes et moins dangereuses, les jeunes paysannes de la Suisse, en offrant leurs charmantes corbeilles au voyageur, loin d'arrêter ses pas, lui donnent des forces pour s'éloigner d'elles . Le savant Linné fut guéri de fréquentes attaques de goutte par l'usage des fraises. Souvent ce fruit a rendu la santé à des malades abandonnés de tous les médecins. On en compose mille délicieux sorbets, ils font les délices des meilleures tables, et tout le luxe des champêtres repas. Par tout ces baies charmantes, qui le disputent en fraicheur et en parfum au bouton de la plus belle des fleurs, flattent la vie, le goût et l'odorat. Cependant il y a des êtres assez disgraciés pour haïr les fraises, s'évanouir à la vue d'une rose. Faut-il s'en étonner puisqu'on voit de certaines personnes pâlir au récit d'une belle action, comme si l'inspiration de la vertu leur était un reproche. Heureusement ces tristes exceptions n'ôtent rien au charme de la vertu, à la beauté de la rose ni à la bonté parfaite du plus charmant des fruits.

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Fraise - Bonté parfaite.

La fraise fait pendant presque toute l’année les délices de nos tables par son exquise saveur.


Fraise de l’Inde - Apparence trompeuse.

A la largeur démesurée de ses fleurs, il semble qu’on doive attendre un fruit d’une grosseur prodigieuse, et cependant ces fleurs ne produisent que des avortons ou des fruits petits et noueux.

 

Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


FRAISIER- BONTÉ.

Donnez et il vous sera donné, on répandra dans votre sein une mesure pleine et pressée et qui débordera, car on se servira envers vous de la même mesure dont vous vous serez servi. -

Lục, VI, 38.

Le fraisier est cette plante insinuante qui trace continuellement et comme l'a dit Bernardin de Saint-Pierre, qui couvre la terre de ses rameaux et de ses bienfaits. Il se plaît à enlacer ses tiges à celles de la violette : de même la bonté et la modestie se rencontrent souvent.

La nature a répandu partout cette plante pour les délices de l'homme. La voilà sous les belles palmes de la fougère, au pied d'un vieux chêne, patriarche de la forêt : vous l'apercevez à peine. Sa tige, faible et rampante, porte de petites fleurs qui promettent peu ; attendez quelques jours : quelle métamorphose ! quels beaux fruits ! quels parfums ! C'est une ambroisie toute divine qui pénètre vos sens ; l'ail, l'odorat, le goût, en sont également ravis ; la nature s'est plue à former les fraises ; en les créant, elle a épuisé toute la délicatesse de son pinceau ; observez sa forme si gracieuse, sa teinte si vermeille, observez encore, eh bien ! n'est-ce pas ce bouton naissant que le souffle de l'homme n'a pas encore atteint. C'est au lever de l'aurore, au doux murmure des brises, que la nature a fait la fraise. Vierge pure et sans tache, les rayons du soleil lui ont servi de modèle. -A peine le botaniste ose-t-il cueillir une de ses fleurs, c'est un fruit qu'on dérobe à l'avenir. Oh ! quel respect doit inspirer l'enfance ! quelle spoliation que celle d'un germe vertueux dans une âme à peine épanouie.


DU FRAISIER.

Tandis que les arbres fruitiers étalent avec luxe leurs riches productions, le modeste fraisier perdu en quelque sorte dans l'herbe et la mousse des montagnes et des bois, rivalise, par ses baies d'un goût exquis, d'un parfum délicieux, avec ces arbres qui enrichissent nos vergers, que nous ne devons qu'à l'industrie des cultivateurs, au lieu que pour jouir des fruits du fraisier, l'homme n'a que la peine de les cueillir : la nature les lui fournit sans culture, et en grande abondance, surtout lorsque cette plante habite les lieux qui lui con viennent le mieux : elle fuit les pays chauds ; ce n'est pas sous un soleil brûlant qu'elle peut perfectionner son parfum. Quoiqu'elle soit descendue dans les plaines pour habiter les lieux couverts et les bois, sa véritable patrie est sur les pentes des hautes montagnes, dans les forêts et sur la partie inférieure des Alpes. C'est là qu'elle croit avec un tel luxe que, dans certains lieux, la terre en est toute couverte. Elle у fructifie depuis le printemps jusqu'en automne, tandis qu'ailleurs, comme dans les plaines des contrées tempérées, elle ne fleurit qu'une fois et à une époque déterminée. Ajoutons que les fraisiers sont un bienfait que la nature offre à tous les hommes, sans que la main qui veut les cueillir soit arrêtée par le droit exclusif de propriété ; voulons-nous, pour les avoir à notre disposition, les cultiver dans nos jardins ? Elles s'y multiplient avec facilité, mais on sait aussi que, par opposition avec les autres fruits cultivés, elles sont loin d'avoir le parfum du fraisier de nos bois.

Les fraises font aujourd'hui l'ornement des meilleures tables et les délices des repas champêtres : elles flattent très agréablement la vue par leur belle couleur rouge ; l'odorat, par leur odeur fragrante des plus suaves ; le goût, par leur saveur douce, aromatique, acidulée. Suit qu'on mange les fraises, telles qu'elles se pré sentent dans la nature, soit qu'on les associe au sucre avec un peu d'eau, de crème ou de vin, elles forment un aliment aussi agréable que salutaire. C'est en cueillant les fraises une à une et les mangeant à mesure, qu'on goûte le mieux la finesse de leur parfum, surtout celles qu'on trouve sauvages au milieu des bois. La mollesse de leur pulpe ne permet pas de les conserver longtemps ; elles passent rapidement à la fermentation vineuse, ensuite à la fermentation acéteuse, d'où il résulte qu'elles peuvent servir à la fabrication du vin et de l'alcool. Leur suc exprimé, auquel on ajoute de l'eau et du sucre, fait une boisson agréable, très rafraichissante, propre à apaiser la soif, et qu'on peut employer avec avantage dans les maladies inflammatoires.

Les limonadiers, les distillateurs, les confiseurs, préparent avec les fraises ou avec leur suc, des glaces, des liqueurs, des pastilles, etc. Prises en grande quantité et pendant longtemps, on assure qu'elles ont produit, tel que dans les fièvres, les échauffements inflammatoires et même dans la manie furieuse, les changements les plus favorables et les moins attendus. Linné lui-même a été guéri de la goutte par ce fruit bienfaisant. Au milieu d'une violente attaque, il s'imagina que les fraises pourraient lui apporter quelque soulagement, mais elles étaient rares, la saison n'était point propice, La reine de Suède lui en procura. Ces fruits firent merveille. Linné éprouva un calme presque subit. Pendant plusieurs années, au retour de la belle saison, il se mit au régime des fraises et la goutte se laissa amollir par leur doux et frais mucilage. Enfin Linné se trouva si bien des fraises que tous les goutteux de la Suède voulurent suivre son exemple. Il est étonnant que le fraisier ne soit cité ni par les botanistes des premiers siècles, ni par les anciens agriculteurs. Pline ne fait que le nommer, et les poëtes tels que Virgile et Ovide n'en parlent que comme d'un fruit champêtre. -

RÉFLEXIONS.

Rien n'est plus rare que la véritable bonté ; ceux-même qui croient en avoir n'ont ordinairement que de la complaisance ou de la faiblesse.

(LA ROCHEFOUCAULT.)

Lorsque Dieu forma le cœur et les entrailles de l'homme, il y mit premièrement la bonté, comme le propre caractère de la nature divine, et peut-être comme la marque de cette main bienfaisante dont nous sortons.

(BOSSUET, Oraisons funèbres.)


FRAISIER DE L'INDE - APPARENCE TROMPEUSE.

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous êtes semblables à des sépulcres blanchis qui, à l'extérieur, paraissent beaux, et qui, au-dedans, sont pleins d'ossements de morts et de corruption. Au dehors vous paraissez justes aux hommes, mais au dedans vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquités.

Mathieu. XXII, 27, 28.

Le fraisier de l'Inde est une plante introduite en France depuis une vingtaine d'années ; elle porte tout l'été des fruits jaunes, solitaires. Son fruit est rond et d'un rouge très vif ; aussi est-il impossible de ne pas être désagréablement surpris en la trouvant sans goût et sans parfum. La fraise de l'Inde n'est bonne à rien et ne doit l'accueil qu'elle reçoit de nous qu'à ses avantages extérieurs. Combien de personnes qui sont logées à la même enseigne. Cette plante vient dans tous les terrains et trace d'une manière très incommode.


RÉFLEXIONS.

Le monde ne présente que de belles mais fausses apparences ; personne n'en doute et chacun s'y laisse prendre.

(Bossuet, Oraisons funèbres.)

Ne vous fiez pas aux apparences ; les jugements sur les apparences sont souvent faux.

(SANIAL-DUBAY.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


FRAISIER - IVRESSE - DÉLICES.

Genre de rosacées dryadées, établi pour des plantes herbacées, gazonnantes, à fleurs blanches et jaunes, en corymbe à l'extrémité des tiges. On n'en connaît qu'une seule espèce, le fraisier commun, naissant dans les bois, sur les coteaux ombragés, où il donne des fruits peu nombreux, souvent rouges, et d'un goût acidulé fort agréable, accompagné d'un parfum délicieux.

De globules vermeils, les fraisiers sont couverts. (CASTEL)

 

D'après Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; Édition revue et corrigée, Robert Laffont : 1982) :

"Chez les Ojibwa, au Sud-Ouest de l'Ontario, lorsqu'un homme meurt, son âme, qui reste consciente, va vers le pays des morts, jusqu'à ce qu'elle parvienne à une énorme fraise. Les fraises sont la nourriture d'été des Indiens et symbolisent la bonne saison. Si l'âme du défunt goûte à ce fruit, elle oubliera le monde des vivants et tout retour à la vie et au pays des vivants lui sera à jamais impossible. Si elle refuse d'y toucher, elle conserve la possibilité de revenir sur terre.

On pourrait rapprocher cette croyance de celle qui est rapportée dans l'hymne homérique à Déméter, relativement au pépin de grenade de Perséphone qui, pour l'avoir goûté, fut condamnée aux enfers. Les morts ne doivent plus goûter aux fruits des vivants. Les nourritures terrestres sont interdites aux habitants des Enfers."     

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Fraisier sauvage (Fragaria vesca) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Divinité : Freyja, déesse scandinave de l'amour violent et agité ; Diane-Artémis et la nymphe Cardea, dans leur rôle de déesses protectrices de l'enfance.

Pouvoirs : Amour turbulent ; Assistance aux enfants malheureux.


Utilisation magique : Dans un grand nombre de légendes germaniques et scandinaves, le thème mythologique des Fraises est en relation avec des petits enfants. D'après une légende allemande, avant la Saint-Jean, les mères qui ont perdu des enfants en bas âge ont soin de ne pas manger de ces fruits, parce qu'elles pensent que les petits enfants montent au ciel caché dans les Fraises.

C'est avec des feuilles de Fraisier que les rouges-gorges, d'après un chant populaire anglais, couvrent pieusement les petits enfants morts dans la forêt. Dans plusieurs légendes suédoises, il est question de Fraises qu'une bonne fée change en or pour doter richement une petite fille et la sortir des griffes de sa marâtre.

Jusqu'à une époque assez récente, en Norvège, les femmes enceintes portaient sur elles quelques feuilles de Fraisier des bois, dans le double but de protéger le fœtus et d'être elles-mêmes soulagées des douleurs de l'accouchement.

Dans toute l'Europe, les petites Fraises des bois sont le régal des amants passionnés.

En Pologne de l'Est, dans la région de Bilgoraj, le Fraisier sauvage est un porte-bonheur très recherché; il pousse, dit-on, sur les pas d'un valeureux guerrier ou d'une sainte femme.

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Jean-Marie Pelt, dans son ouvrage intitulé simplement Des fruits (Librairie Arthème Fayard, 1994), évoque rapidement le symbolisme de la fraise :


La mythologie germanique associe la fraise aux petits-enfants, surtout à ceux qui s'égarent en forêt ou qui meurent ; on croyait en effet qu'ils gagnaient le paradis caché dans des fraises. D'où l'interdiction faite aux mamans des jeunes défunts d'en manger. La même symbolique existe chez les Indiens de l'Ontario : l'âme des morts se doit de ne point manger de fraises, sous peine de ne plus jamais pouvoir revenir sur terre, les nourritures terrestres étant interdites aux habitants des Enfers...

Parmi les personnages illustres à qui la fraise fut salutaire, on peut citer Linné, qui lui dut - affirme-t-on - d'échapper aux atteintes de la goutte, Fontenelle, qui voyait dans sa consommation répétée une des causes de sa légendaire longévité, et la belle Mme Talien qui s'en faisait préparer des bains pour entretenir le velouté et l'éclat de sa peau.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Une tradition très ancienne d'origine indo-européenne affirme que le diable et les esprits du mal, fées, gnomes, sorcières, avaient une affection particulière pour les fraises. Dans de nombreux récits, le démon s'en sert pour appeler les jeunes héros qu'il persécute. Ce fruit, par sa couleur rouge, rappelle "le sang versé dans un meurtre" et représente également les petits enfants morts, qui, selon une légende allemande, montent au paradis cachés dans des fraises pour les offrir à la Vierge Marie. Les mères qui avaient eu la douleur de perdre un enfant ne mangeaient pas ces fruits avant la Saint-Jean, afin de ne pas offenser la mère de Jésus et l'inciter à ouvrir les portes du paradis à leurs petits. En Allemagne toujours, on dit que les fraises, pendant à nuit de Noël poussent sur la neige.

On promet un époux volage à la jeune fille qui aime manger des fraises. Curieuse récompense quand on songe que la fraise est l'emblème de la bonté parfaite et du dévouement. Il est déconseillé de jeter des fraises au visage d'une femme enceinte car son enfant en portera les marques (taches de vin). Ce qui n'empêche pas que la future mère, selon une superstition norvégienne, a tout intérêt à porter sur elle des feuilles de fraisier : elle protègent son bébé et la soulageront des douleurs de l'accouchement.

A l'est de la Pologne, le fraisier sauvage constitue un porte-bonheur réputé : "Il pousse, dit-on, sur les pas d'un valeureux guerrier ou d'une sainte femme".

Le fraisier et son fruit sont surtout réputés pour leurs vertus thérapeutiques. Dès le XVIIe siècle, on recommandait de se frotter les mains l'été de fraises écrasées pour éviter engelures et gerçures. Une racine de fraisier appliquée sur une dent gâtée la faisait tomber sans mal (dans le Morvan et le Nivernais). Dans le Languedoc, pour lutter contre la jaunisse, il faut porter au cou un petit sachet de toile contenant des feuilles fraîches de fraisier pendant neuf jours et réciter tous les matins cinq Pater et cinq Ave ; le dixième jour, le malade en fait une infusion, qu'il se passe sur le corps.

Albert le Grand signale en outre que pour se promener sans risque dans les endroits "à serpents", il suffit de se munir de feuilles de fraisier, "car aussitôt qu'un serpent sent les feuilles de cet arbre, il prend la fuite. Cela est si vrai que si l'on fait comme un cercle avec ces feuilles, et qu'ensuite on mette au milieu un serpent vif, il y demeurera sans se remuer, de même que s'il était mort ; que si l'on fait du feu proche de ce cercle, et que l'on fasse une ouverture du même côté où sera ce feu allumé, ce serpent aimera mieux se jeter dans le feu que de rester au milieu de ces feuilles"

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Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000), fraise et framboise sont analogiques en terme de symbolisme :


"On ne peut dissocier la fraise de la framboise qui, outre leur origine étymologique commune, partagent de nombreuses qualités. D’aspect, de forme, de consistance, elles se ressemblent. Leurs vertus médicinales sont assez semblables, elles aussi : elles ont des propriétés tonifiantes, dépuratives et laxatives, elles sont riches en vitamine C et la nature de leur sucre, le lévulose, en fait des fruits que les diabétiques peuvent déguster. Et sait-on que, à partir de fraises écrasées, on obtient un excellent dentifrice, plus agréable au goût et plus efficace que la chlorophylle ? Toutefois, avant que nous ayons inventé la pollution et la surproduction qui dénaturent le goût des choses et nous conduisent au gâchis, c'était un crime de laver des fraises ou des framboises pour les savourer car, ce faisant, on leu ôtait tout leur parfum, toute leur saveur. Mais aujourd'hui, à moins de cultiver des fraises dans son jardin, il vaut mieux les laver avant de les déguster, au risque d'intégrer autant, sinon plus de produits insecticides et pesticides que de vitamine C. Du fait que l'on trouvait les fraises et les framboises à l'état sauvage dans les bois et les forêts, symboliquement, elles furent souvent assimilées aux fées et aux sorcières, aux lutins des bois et aux gnomes. Ainsi, les paniers de fraises et de framboises sont souvent présents dans les contes et les légendes. A cause de leur couleur, elles furent aussi mises en analogie avec le sang d'un ange ou d'un être surnaturel blessé qui, en se répandant et en se coagulant sur la Terre, se serait transformé en fraises et en framboises. Ainsi, pour les raisons que nous venons d'énumérer, ces deux fruits ont un goût d'enfance, de rêve, de douceur, de tendresse qui en fait, bien sûr, de belles et rassérénantes apparitions dans un rêve. Toutefois, pour être tout à fait complet, nous devons faire allusion à l'expression populaire "ramener sa fraise", relativement récente, puisqu'elle date de 1920, inspirée de l'argot "fraise" utilisé pour désigner un visage. Or il faut bien comprendre que le langage symbolique des rêves s'exprime dans un champ où le passé, le présent et l'avenir ne font qu'un, où toutes les dimensions du temps et de l'espace que nous connaissons dans la vie réelle sont bouleversés, où, donc, tout est possible. De ce fait, le langage des symboles, qui est celui de l'univers onirique, exploite aisément des éléments ou des facteurs actuels, qui n'existaient pas par le passé, comme le train ou l'avion, par exemple, mais aussi des expressions contemporaines qui sont elles-mêmes des métaphores. C'est le cas de l'expression métaphorique "ramener sa fraise", qui signifie venir, arriver, se montrer, apparaître, mais aussi, comme on le sait, prendre la parole ou position, s'interposer ou s'imposer.

Ainsi, rêver d'une fraise peut-être une allusion à sa propre personne, au fait que l'on ressent le besoin de prendre position, de s'imposer plus à l'attention des autres. jadis, un tel rêve n'aurait pas pu être interprété de cette façon. Aujourd'hui, à cause de l'expression populaire que nous connaissons, il peut l'être. Enfin, comme tous les autres fruits, les fraises et les framboises peuvent aussi être interprétées sous l'angle des richesses de la terre, de la fécondité et de la fertilité."

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :




Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


FRAISE. — C’est pour des bottines rouges, ou pour des fraises, ou pour une feuille de paon, que le héros ou l’héroïne solaire se perd, dans la tradition populaire indo-européenne. La fraise est convoitée par le démon, et il s’en sert pour séduire les jeunes héros qu’il persécute. Pour des fraises, l’héroïne solaire risque souvent sa vie. La sorcière envoie la jeune fille lui chercher des fraises sous la neige ; dans cette entreprise, le plus souvent la jeune fille échoue. La fraise apparaît ici comme une personnification du printemps, de la saison verte, de la saison rouge, de la saison dorée ou de l’aurore. Selon que la recherche a lieu au commencement ou à la fin de l’hiver (ou de la nuit), l’héroïne trouvera ou elle ne trouvera pas les fraises ; elle périra en chemin, ou bien elle s’emparera des jolies fraises, printanières on matinales. La sorcière sait bien ce quelle fait lorsqu’elle envoie chercher des fraises au commencement de l’hiver ou de la nuit ; elle est bien sûre que la recherche sera sans résultat.

Les fraises sont encore un symbole des petits enfants qui ont péri autrefois ; on trouve dans leur couleur rouge le souvenir du sang versé dans un meurtre ; c’est pourquoi les contes où les fraises jouent un rôle essentiel présentent des analogies frappantes avec les contes où le cornouiller verse du sang et dévoile le meurtrier du jeune héros métamorphosé en arbre. Dans un grand nombre de légendes germaniques et esthoniennes, on voit revenir le thème mythologique des fraises et presque toujours en relation avec les petits enfants. D’après une légende allemande citée par le professeur Mannhardt, avant la Saint-Jean, les mères qui ont perdu des enfants ont soin de ne pas manger de fraises, parce qu’elles pensent que les petits enfants montent au ciel, c’est-à-dire, au paradis, cachés dans les fraises. Si les mères en mangeaient, elles feraient du tort à la vierge Marie, à laquelle les fraises sont destinées et qui pourrait refuser l’entrée du paradis aux petits enfants dont les mères lui auraient volé des fraises. C’est avec des feuilles de fraisier que les rouges-gorges, d’après un chant populaire anglais, couvrent pieusement les petits enfants morts dans la forêt.

La signification du mythe est assez claire. La forêt représente soit la nuit, soit l’hiver. Le soir ou à la fin de l’automne, le soleil se cache dans la nuit ou dans l’hiver. La fraise disparaît avec le soleil et revient avec lui. La feuille la cache. La feuille du fraisier cache le petit héros ou la petite héroïne solaire qui s’égare et qui va mourir dans la forêt. Dans plusieurs légendes germaniques, il est question de fraises qui, par l’intervention d’une bonne fée ou de la madone, se changent en or. Le miracle n’étonne plus dès que l’on sait ce que les fraises représentent dans le monde mythologique.

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D'après Alain Asselin, Jacques Cayouette et Jacques Mathieu, dans un article intitulé "Connaissances des végétaux en Nouvelle-France et histoire de la botanique" (in : Histoire Québec, volume 21, n°3, 2016, pp. 16-22) :


Un tout autre héritage amérindien est celui des légendes et des mythes concernant des végétaux. Louis-Antoine de Bougainville note en 1757 que les membres de la Nation des Outaouais croient que leurs morts habitent des villages au couchant où ils ont du tabac en abondance. Le passage vers ces villages paradisiaques est protégé par une immense fraise. Les morts en mangent d’ailleurs une portion lors de leur voyage. Il est curieux d’observer que Jacques Cartier aurait peut-être rapporté avec lui en France des échantillons de la fraise et du tabac mythologiques des Amérindiens

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Littérature :


Régine Detambel consacre un ouvrage à Colette. Comme une flore, comme un zoo (Éditions Stock, 1997) dans lequel elle s'intéresse aux métaphores botaniques et zoologiques :


Un rose de Fraise

« ... ma nourrice, Mélie, assise sur l'une de ces chaises, ouvrit son corsage et délivra son sein sans rival, blanc et bleu comme le lait, rose comme cette fraise qui a nom “Belle-de-Juin” » Prisons et Paradis


Colette cite au moins trois variétés de fraises : « Les Docteur-Morère qui sont si douces, et les caprons blancs qui ont un léger goût de fourmi » font le régal d'un chat gourmet, voleur de fraises mûres. La Belle-de-juin est rose comme un mamelon. Les tétines des bêtes ont droit aux mêmes égards, au même rose précieux : « ... un fils de chien de chasse [...] tirait comme un veau sur les tétines délicates, d'un rose de fraise dans le poil d'argent... »

La fraise est un petit volume sphérique ou ovoïde, d'une taille de tétine ou de larme : « Il y avait une larme pendue à vos cils, elle est descendue le long de votre joue, et vous l'avez cueillie comme ça, entre deux doigts, comme une petite fraise, comme un grain de riz... »

Tout ce qui est rose ou rouge peut aussi servir à la joue : « ... je ne veux me souvenir que d'une paire de servantes, les deux sœurs, qui trottaient du haut en bas de l'auberge. La plus jeune, un Jordaens blond, les cheveux en or, le teint d'un rose égal, d'un rose de fraise à peine mûre... L'aînée, brune, pareille, sous ses cheveux mordorés, à la pêche sombre d'un espalier. »

Le Voyage égoïste rapporte une scène comique qui se déroule entre la vendeuse de cosmétiques et l’homme qui essaie et goûte tous les rouges à lèvres de la boutique avant d'en acheter un tube : « Ces fards qui changent la bouche de ma femme en piment rouge, en fraise, en pomme d'amour, réjouissent les yeux de ceux qui la regardent mais...

— Mais ?

— Mais c'est moi qui les mange, révérence parler. »

Un fruit rouge mûrit en décembre, sous la neige. C'est le fruit de l'arbousier, que les légendes du Midi de la France assimilent à une fraise d'hiver. Elle est douceâtre et épineuse comme une boule d'anxiété, elle est « ce nœud, ce fruit dur dans sa gorge. »

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LA CUEILLETTE DES FRAISES


Un jour un homme est venu

avec un drôle de vase nous demander

s‘il pouvait répandre les cendres de sa mère

dans la lumière poussiéreuse qui gisait

entre les rayons de Red Gauntlet.


Alors nous avons cueilli des fraises

comme si une vieille femme était

avec nous à genoux sur cette côte ensoleillée

et regardait nos fruits joufflus peu à peu remplir

nos paniers, lorgnait les plus appétissants,


se jetait sur chaque brin de paille, limace, trou de bec

que nos mains jeunes et vives n‘avaient pas remarqués,

lisait le poids des fruits par-dessus notre épaule

jusqu‘à ce que le fermier crie : « C‘est l‘heure ! »

et que nous poursuivions à pied

plus loin que le vent ne puisse l‘envoler.


Susan WICKS, traduction de l‘autrice avec Valérie Rouzeau alias Sardine Robinson,

"La Cueillette des fraises" dans Dans la lune n° 7, juillet 2006.

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