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Le Mimosa

Dernière mise à jour : il y a 1 jour



Étymologie :


  • CASSIE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1694 cassie (Tournefort Bot. t. 1, p. 477). Empr. au prov. mod. cacìo « fleur de l'acacia » (F. Chailan ds Mistral), v. FEW t. 24, p. 64a, issu par aphérèse d'acacia (Mistral), v. EWFS2, du lat. acacia (acacia*).


  • MIMOSA, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1602 Herbe Mimosa, Herbe Mimose (Colin, Hist. des drogues, p. 488 [trad. du lat. de l'Escluse qui adapte lui-même un texte esp. d'Acosta] ds Arv., p. 343). Mimosa, lat. des botanistes (L'Escluse, Hist. des plantes, 1557, supra), tiré de mimus « mime » p. allus. au fait que certaines espèces se contractent quand on les touche, qui explique également les dénominations pop. de herbe sensible, sensitive, herbe vive (v. Roll. Flore t. 4, p.252).

Lire aussi la définition des noms mimosa et cassie pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Acacia dealbata - Mimeuse - Mimosa blanchâtre - Mimosa des fleuristes -

Acacia farnesiana - Cassie ancienne - Cassie du levant - Mimosa de Farnèse -

Acacia terminalis -

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Botanique :


Robert Castellana et Sophie Jama, auteurs de "Floriculture et parfumerie : les origines de l’acclimatation végétale sur la cote d’azur." (Issued by The Phoenix Project, 2012) nous apprennent les vertus du Mimosa (Acacia dealbata) en lien avec la parfumerie :


Le mimosa a été introduit en Europe à la fin du XIX° siècle. On désigne en réalité, sous le nom de mimosa, une variété d'acacia, un genre qui comprend environ 1500 espèces, dont les 2/3 sont originaires du continent australien. L'une de leurs caractéristiques communes consiste dans leurs fruits en forme de gousses. Le mimosa a commencé à être planté au XIXe siècle sur la Côte d'Azur, où cette plante exotique a rapidement colonisé les territoires arides du Tanneron, et par la suite les collines de la Ligurie et du Var. Elle a grandement contribué à l'image exotique de la Côte d'Azur, dans la mesure où sa floraison intervient en plein cœur de l'hiver. Regroupés dans la Coopérative Hortus, les exploitants de la région de Grasse cultivaient quelques 600 hectares en 1930, avec une production de 30 tonnes. Pour la parfumerie, on emploie surtout des variétés tardives et très florifères, comme le Sausseron.

A côté de leurs usages en parfumerie, les fleurs de mimosa font principalement de nos jours l'objet d'une importante exportation auprès des fleuristes. Le mimosa doit sa commercialisation à l'apparition de la voie ferrée, qui permit de l'expédier sur de longues distances et à la technique du forçage.

Ce procédé consiste à faire éclore les fleurs dans une atmosphère contrôlée, avec une température de 25° et une hydrométrie de 85%. Sa conservation est par ailleurs assurée par l'adjonction d'une poudre dite "Chrystal".

C'est aussi grâce à un important travail de diversification des variétés, que les horticulteurs azuréens ont réussi à rentabiliser cette activité, en assurant une production qui s'étale de décembre à mars.

Parmi les nombreuses variétés recensées, on trouve le Président Doumergue, le gaulois et le gaulois astier, le granet, le mirandole, le mireille, le pendula, le rêve d’or, le tournaire, le virginia, etc.

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Usages traditionnels :


Dans Un Baiser d'ailes bleues, 150 rencontres avec des animaux extraordinaires (Éditions Arthaud, 2009) Nicole Viloteau rapporte de petites scènes de vie naturelles :


Arbres à sang et fourmis vampires...

Tick-tick-tick-tick... « Grillonnades » à la cantonade ! Je fantasme sur une menthe à l'eau pleine de glaçons ou une bonne bière du pays ! Je campe aux abords du lac Emma, situé en bordure de la vieille piste de Battle Camp, piste rouge de tôle ondulée reliant Lakefield à la petite ville côtière de Cooktown. En retrait de la tente, arrimée dans un bosquet ombreux, se dresse un arbre des plus étranges. Un blood wood (Acacia terminalis) à l'écorce livide, rêche et squameuse. Deux coulures de résine rouge translucide se figent à mi-tronc. Sinistre à souhait ! On dirait un ventre d'aïeul poignardé. Une colonne de fourmis vertes (Oecophylla smaragdina) lèche avec application et épais coagulum médicinal utilisé en décoction par les Aborigènes pour soigner angines et morsures de serpents. Également, ils s'en servent d'encens pour éloigner les moustiques de leurs campements.


C'est toujours très impressionnant de découvrir en marchant dans le bush ces flaques de sang végétal figées au pied de ces acacias guérisseurs peu communs. Je m'attends à trouver à proximité un humain ou un animal, blessé ou tué. Mais en levant les yeux vers les branches de ces arbres bizarres, je vois alors dégouliner de sous leur écorce craquelée ce « plasma des dieux ». Avant de se solidifier la résine rouge des « gommiers pleureurs de sang » exhale une odeur rebutante de teinture d'iode. Friable, elle se brise en milliers d'éclats scintillants et coupants.


On dirait de fins cristaux de rubis ou de grenat !

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Symbolisme :


Dans Les Fleurs animées, tome 1 (Frères Garnier, Libraires-Éditeurs, 1867) J. J. Grandville nous propose la petite histoire que voici :


La Fleur du pays

Chaque pays a sa fleur. La Bretagne a le genêt ; l'Auvergne, la lavande ; la Normandie, la fleur étoilée du pommier ; le lis se plaît dans les vallons de la Touraine ; les prés du Languedoc sont émaillés des plus belles marguerites, et les ruisseaux du Berri sont bordés des muguets les plus frais..

Connaissez-vous la cassie ?

C'est la fleur de la Provence, la fleur de mon pays. Sa feuille est découpée comme une dentelle ; elle fleurit à l'automne sur un buisson épineux. Quand les roses se sont fanées, quand le chèvrefeuille n'a plus de fleurs, quand le grenadier inodore arbore ses aigrettes éclatantes, la cassie répand son parfum pénétrant

Sa tige est si courte qu'on n'en peut faire des bouquets ; les jeunes filles la tiennent entre leurs lèvres vermeilles, sur lesquelles elle brille comme une petite boule d'or.

En voyant la fleur du pays, l'exilé songe au retour, et, en aspirant son parfum, il croit un moment sentir les brises de la terre natale.

J'ai vu des lis fleurir sur la rive étrangère : chaque fois que le vent courbait leur haute tige, il me semblait qu'ils inclinaient leur tête pour saluer un compatriote, un ami.

Pauvres lis ! je les trouvais plus penchés, leur calice pâle était mouillé de larmes ; on eût dit qu'ils regrettaient la France ainsi que moi.

Comme en entendant les cloches du lieu natal, ou le refrain d'une mélodie qu'on vous chantait dans votre enfance, on pleure à la vue de la fleur du pays !

Elle vous regarde, elle vous reconnaît, elle vous parle : Je suis ta sœur, ramène-moi sur la colline, dans le vallon, au milieu des prés, sur les bords du ruisseau où je suis née.

Là, les vents sont plus doux, l'onde plus fraîche, les bois plus murmurants, le chant des oiseaux plus harmonieux. Je languis loin de la patrie ; emmène-moi, emmène-moi !

Voilà ce que dit la fleur du pays.

Heureux ceux qui la trouvent sur leur passage, car c'est la voix consolante du souvenir qui vous parle dans sa corolle parfumée.

Le genêt d'or, la lavande à l'épi bleuâtre, le lis penché, les blanches marguerites, les muguets frais et odorants croissent dans bien des lieux ; mais il est une fleur qu'on ne trouve qu'en Provence : c'est la cassie, la fleur de mon pays.

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D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Quelquefois confondu avec l'acacia dans les symboles maçonniques, le mimosa en est expressément distingué par Jules Boucher : La symbolique des fleurs fait du mimosa l'emblème de la sécurité ; c'est-à-dire dans un sens plus large, de la certitude. Cette certitude est celle que la mort est une métamorphose de l'être, et non pas une destruction totale. En sortant du tombeau, en sortant du cercueil, l'Initié, qui était auparavant la chenille ou le ver rampant sur la terre et dans l'obscurité, devient, en sortant de sa chrysalide, le papillon diapré qui s'élance dans les airs vers le Soleil et la Lumière. Ce Soleil, cette Lumière sont annoncés par le Mimosa aux fleurs jaune d'or, symbole de magnificence et de puissance."

 

Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Mimosa (Acacia dealbata) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Saturne

Élément : Eau

Pouvoirs : Purification ; Rêves prophétiques.


Utilisation magique : Cette fleur (ce sont les petites « boules » jaunes que l'on utilise) est surtout associée aux rituels de purification. Mises à macérer dans de l'huile d'olive vierge, elles donnent un remarquable liniment pour s'oindre le corps. On en fait aussi des infusions que l'on ajoute à l'eau du bain. Le Mimosa doit être réservé à l'usage externe.

Deux ou trois rameaux chargés de ces fleurs duveteuses, enfouis dans la plume ou la bourre d'un oreiller, procurent au dormeur des rêves prophétiques; certains sujets prédisposés peuvent même atteindre l'état médiumnique.

Nous tenons à être bien clairs, quitte à nous répéter : la « toxicité » des plantes dépend autant du sujet qui en subit les effets que des principes actifs contenus dans la plante elle-même. C'est pourquoi, en magie herboriste, il ne saurait y avoir de recettes passe-partout. Chacun doit tâtonner, expérimenter, en fonction de sa structure psychosomatique personnelle (bien évidemment pas avec des poisons violenta comme la belladone, le colchique, l'aconit napel, etc.). Il est certain que des fleurs au parfum pénétrant, entêtant, comme le Mimosa, les narcisses peuvent perturber le sommeil des personnes nerveuses ou fragiles. Mais là où tel individu connaîtra un début de délire, vomira peut-être, tel autre flottera en pleine euphorie, partira dans une relaxation profonde et fera pendant son sommeil plusieurs voyages hors du corps. C'est exactement comme le café ou le thé. Certaines personnes en boivent des litres. D'autres doivent s'abstenir.

Si vous êtes tentés par des expériences « psychédéliques » avec les parfums et les sucs des plantes, commencez très doucement et graduellement.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Ses fleurs jaunes ou petites boules duveteuses ont des pouvoirs de purification : « Mises à macérer dans de l'huile d'olive vierge, elles donnent un remarquable liniment pour s'oindre le corps. On en fait aussi des infusions que l'on ajoute à l'eau du bain ».

Deux ou trois rameaux fleuris sous un oreiller suscitent des rêves prémonitoires et favorisent « l'état médiumnique ».

 

Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000) :


"Mot-clef : La sensibilité.


Savez-vous ? : Le mimosa s'est parfaitement acclimaté dans le sud de la France. Ailleurs, il est nécessaire de la cultiver en serre car le mimosa est très sensible au gel. Il participe grandement à la décoration de sa Majesté Carnaval, à Nice.


Légendes : En Inde, la légende raconte que le mimosa naquit sur les griffes d'un faucon. Afin de lui voler cet élixir des dieux, les démons combattirent le faucon et lui coupèrent la patte. A l'endroit où celle-ci atterrit sur la terre, poussa alors le mimosa, doux (pompons duveteux) et piquant (branches) en même temps. Au Moyen Orient, une branche de mimosa et placée au-dessus du lit pour prolonger l'amour et éloigner les sentiments de jalousie.


Message : Vous êtes mon seul amour."

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Pour Nicole Parrot, auteure du livre Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :


"Les petits flocons duveteux, poussins miniatures, parlent à mi-voix d'une "sensibilité excessive". Ils évoquent les "amours secrets" en glissant au passage : "personne ne sait que je vous aime". Le mimosa est également symbole de sécurité, aussi peut-on le croire. Il lui arrive de se montrer pessimiste puisqu'il annonce : "un peu de comédie avant le drame". Alors, il ne s'agit sûrement que d'un mélodrame qui, comme chacun sait, se termine toujours bien, par des rires et des baisers.

Le mimosa parle aussi de mémoire indéfectible et de souvenir. Il est bien placé pour cela comme l'explique le savant biologiste Jean-marie Pelt : en Europe, et en Provence en particulier, il fleurit au cœur de l'hiver. Pour une raison toute bête : il se croit encore en Australie, sa patrie d'origine. Une patrie lointaine qu'il a pourtant quittée voici cent quatre-vingts ans.

En Espagne, on nomme les petites boules jaunes "fleurs des retrouvailles". Les jeunes filles qui voient arriver dans les mains de l'aimé le bouquet couleur citron peuvent être rassurées, le jour de rupture n'est pas arrivé. Bien au contraire. Elles respirent et sourient devant "ces mimosas aux reflets jaunes qui faisaient la révérence au soleil", comme les décrit Katherine Mansfield.


Mot-clef : "Amours secrètes"

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Doreen Virtue et Robert Reeves proposent dans leur ouvrage intitulé Thérapie par les fleurs (Hay / House / Inc., 2013 ; Éditions Exergue, 2014) une approche résolument spirituelle du Mimosa :


Nom botanique : Acacia spp.

Propriétés énergétiques : Provoque le rire ; vous rappelle 'l'importance du divertissement ; procure de la joie à ceux qui vous entourent et rend les fêtes amusantes et réussies.

Archanges correspondants : Jophiel et Métatron.


Chakras correspondants : chakra racine ; chakra du cœur ; chakra coronal.


Propriétés curatives : Cet arbre, ou arbuste, est recouvert de fleurs, ce qui donne l'impression qu'il est enveloppé d'une couverture jaune. Individuellement, les petites fleurs vous aident à vous sentir bien. Prises ensemble, elles vous permettent de vous sentir merveilleusement bien !

Mettez-vous en contact avec la belle énergie enjouée des fleurs de mimosa, et votre vie se remplira rapidement de joie et de rires. A l'image de ces minuscules inflorescences qui s'ouvrent avec éclat, vous aussi pourrez baigner dans l'éclat de son énergie bienfaitrice... et aider les autres par votre simple bien-être.


Message du Mimosa : « Je vous aiderai à exulter de joie ! A mon contact, vous remarquerez que le rire est de plus en plus présent dans votre vie. Chaque jour n'apporte qu'un bonheur plus grand. Où que vous alliez, vous déclencherez les rires, et les gens diront bientôt que vous êtes d'agréable compagnie. Je m'assurerai que l'énergie de votre lieu de travail soit plus légère et équilibrée. Si vous lancez des invitations, invoquez mon énergie, et nous ferons en sorte que tout le monde passe un moment merveilleux. »

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Littérature :


Dans une des dernières nouvelles de Colette, intitulée "Gigi" (1944) on peut lire ce qui suit sur le mimosa :


- Donnons un peu à boire aux jeunes mimosas, disais-je à ma jardinière, en Provence.

Car les feux du ciel buvaient la sève de mes « quatre-saisons » transplantés, et leur feuille oblongue, ressemblant à la feuille de l’olivier, pendait altérée. Mais la jardinière secoua le front :

- Ils ont eu de l’eau hier, ils n’en auront que demain.

- Mais regardez-les, ils ont soif !

La jardinière leva les bras :

- Ah ! bien, si vous les écoutez, ils vous en raconteront ! Tant plus vous leur donnerez, tant plus ils vous demanderont. Déjà que je suis forcée, pour arroser les tomates repiquées à côté d’eux, d’y aller comme en cachette !

Et pour un peu elle les eût menacés de sanctions comme elle faisait à sa vie privée, accusée de « sonner midi » vers onze heures et demie pour avoir plus tôt son repas. Elle me troublait aisément quand il s’agissait de la créature enracinée, par des paroles de devineresse ou de rebouteux. « Ils se font faibles exprès », disait-elle ; elle désignait les mimeuses des quatre-saisons, en baissant la voix. Je n’étais, je ne fus toujours que trop portée à nommer ruse et sentiment ce qui n’est peut-être – que réflexe mécanique, devant les pâmoisons et les résurrections du végétal, ses voltes rapides vers la lumière, son âpreté à ne point mourir, aussi bien qu’à tuer.

 

Congé au vent

A flancs de coteau du village bivouaquent des champs fournis de mimosas. À l'époque de la cueillette, il arrive que, loin de leur endroit, on fasse la rencontre extrême­ment odorante d'une fille dont les bras se sont occupés durant la journée aux fragiles branches. Pareille à une lampe dont l'auréole de clarté serait de parfum, elle s'en va, le dos tourné au soleil couchant.

Il serait sacrilège de lui adresser la parole.

L'espadrille foulant l'herbe, cédez-lui le pas du che­min. Peut-être aurez-vous la chance de distinguer sur ses lèvres la chimère de l'humidité de la Nuit ?


René Char, "Congé au vent" in Fureur et mystère, 1947.

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Le Mimosa


Sur la route de Saint-Tropez,

Mimosa Monsieur, mimosa Madame

Sur la route de Saint-Tropez,

De Saint-Tropez à La Ciotat,

Cueillez le mimosa,

Cueillez-le pour l’offrir aux dames.


Robert Desnos, "Le Mimosa" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

 

Le Mimosa


Le génie et la gaieté produisent assez souvent ces petits enthousiasmes soudains.                                                                                                                     

                                                                                                               Fontenelle.


Sur fond d'azur le voici, comme un personnage de la comédie italienne, avec un rien d'histrionisme saugrenu, poudré comme Pierrot, dans son costume à pois jaunes, le mimosa.

Mais ce n'est pas un arbuste lunaire : plutôt solaire, multisolaire...

Un caractère d'une naïve gloriole, vite découragé.

Chaque grain n'est aucunement lisse, mais formé de poils soyeux, un astre si l'on veut, étoilé au maximum.

Les feuilles ont l'air de grandes plumes, très légères et cependant très accablées d'elles-mêmes ; plus attendrissantes dès lors que d'autres palmes, par là aussi très distinguées. Et pourtant, il ya quelque chose actuellement vulgaire dans l'idée du mimosa ; c'est une fleur qui vient d'être vulgarisée.

... Comme dans tamaris il y a tamis, dans mimosa il y a mima.


Je ne choisis pas les sujets les plus faciles : voilà pourquoi je choisis le mimosa. Comme c’est un sujet très difficile il faut donc que j’ouvre un cahier.

Tout d’abord, il faut noter que la mimosa ne m’inspire pas du tout. Seulement, j’ai une idée de lui au fond de moi qu’il faut que j’en sorte parce que je veux en profiter. Comment se fait-il que le mimosa ne m’inspire pas du tout. Seulement, j’ai une idée de lui au fond de moi qu’il faut que j’en sorte parce que je veux en tirer profit. Comment se fait-il que le mimosa ne m’inspire pas du tout – alors qu’il a été l’une de mes adorations, de mes prédilections enfantines ? Beaucoup plus que n’importe quelle autre fleur, il me donnait de l’émotion. Seul de toutes il me passionnait. Je doute si ce ne serait pas le mimosa qu’a été éveillée ma sensualité, si elle ne s’est pas éveillée aux soleil du mimosa. Sur les ondes puissantes de son parfum je flottais, extasié. Si bien qu’à présent le mimosa, chaque fois qu’il apparaît dans mon intérieur, à mon entour, me rappelle tout cela et fane aussitôt.

Il faut donc que je remercie le mimosa. Et puisque j’écris, il serait inadmissible qu’il n’y ait pas de moi un écrit sur le mimosa.

Mais vraiment, plus je tourne autour de cet arbuste, plus il me paraît que je choisi un sujet difficile. C’est que j’ai un très grand respect pour lui, que je ne voudrais pas le traiter à la légère (étant donné surtout son extrême sensibilité). Je ne veux pas approcher qu’avec délicatesse…

… Tout ce préambule, qui pourrait être encore longuement poursuivi, devrait être intitulé : « Le mimosa a moi. » Mais c’est au mimosa lui-même – douce illusion ! – qu’il faut maintenant en venir ; si l’on veut, au mimosa sans moi…

 

Nous dirons plutôt qu’une fleur, une branche, un rameau, peut-être même un plume de mimosa.

Aucune palme ne ressemble plus à une plume, à de la plume jeune, à ce qui est entre le duvet et la plume. Sessiles à ces branches, de nombreuses petites boules, pompons d’or, houppettes de duvet poussins. L’hypersensible palmeraie-plumeraie, et ses poussins d’or à deux kilomètres.

Tout cela, vu à la lunette d’approche, embaume.

 

Peut-être, ce qui rend si difficile mon travail, est-ce que le nom du mimosa est déjà parfait. Connaissant et l’arbuste et le nom du mimosa, il devient difficile de trouver mieux pour définir la chose que ce nom même.

 

Il semble qu’il lui soit parfaitement appliqué, que la chose ici ait déjà touché des deux épaules…

Mais non ! Quelle idée ! Puis, s’agit-il tellement de le définir ?

 

N’est-il pas beaucoup plus urgent d’insister, par exemple, sur le caractère à la fois glorieux et doux, caressant, sensible, tendre du mimosa ? Il y a de la sollicitude dans son geste et son exhalation. L’une et l’autre sont des épanchements, au sens qu’en donne Littré : communication de sentiments et de pensées intimes.

Et de la déférence : condescendance mêlée d’égard et dictée par un motif de respect.

Tel est le tendre salut de sa palme. Par là peut-être voulant faire excuser sa gloriole.


Bosquet de plumes grises aux derrières d’autruches. Des poussins d’or s’y dissimulent (mal), sans cachotterie.

 

Accessoire de cotillon, accessoire de la comédie italienne. Pantomime, mimosa.

 

Epanouies, les boulettes du mimosa dégagent un parfum prodigieux puis se contractent, se taisent : elles ont vécu.

Je dirai que ce sont fleurs de tribune (ou encore une fois : de tréteaux).

Quelles ont des qualités de poitrine, d’ut de poitrine. Leur parfum porte loin. Elles sont unanimement écoutées et applaudies, par la foule narines bées.

La mimosa parle à haute et intelligible voix ; il parle d’or.

C’est une bonne action répandue, un don gratuit et agréable à recevoir. Le mimosa et sa bonne action spécifique.

Mais ce n’est pas un discours qu’il tient, c’est une note prestigieuse, toujours la même, assez capable de persuasion.

 

Ainsi, après avoir beaucoup tourné autour de cet arbuste, m’être égaré souvent, avoir plus souvent désespéré que jouit, l’avoir plus dénaturé qu’obéi, en reviens-je (me trompé-je encore ?) à considérer la qualité caractéristique du mimosa comme celle-ci : « glorieux, vite découragé ».     


Francis Ponge, "Le Mimosa" in La Rage de l'expression, 1952.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque ainsi le Mimosa :

30 septembre

(La Bastide)


Douze mois, j'ai joui au passage de son unique parfum, frais et lourd à la fois.

Douze mois, j'ai admiré à contre-soleil, or sur or, petites étoiles d'odeurs devant la grande étoile, ses rameaux-galaxies aux sphérules jaune clair.

Derrière la citerne, le vieux mimosa délire : il n'a cessé de fleurir depuis l'hiver dernier. Je crois qu'il va mourir.

27 décembre

(Bruxelles, chez le fleuriste)


Le parfum des mimosas jette un rayon de soleil sur mes lobes olfactifs. [...]

9 janvier

(Au-dessus de Menton)

[...] Mille soleils du matin sur la branche : fragrance du mimosa.

4 février

(La Bastide)


Les fleurs-larmes jaunes des mimosas pleurent des larmes de pluie d'or ; c'est une vérification botanique de la monadologie leibnizienne.

5 février

(La Bastide)


Il existe une folie dont j'ai oublié le nom, et qui consiste à tout compter. Elle procure bien des satisfactions.

Ce mimosa, par exemple, possède huit branches principales de quinze branches secondaires de quinze rameaux de quinze grappes de quinze sphères de dix fleurs chacune. L'arbre s'enorgueillit de près de quatre millions et demi d'unités reproductrices.

Quelqu'un a-t-il tenté ce décompte ? Est-il parvenu à des résultats comparables ?

 

Voici comment Christian Bobin évoque le mimosa dans son ouvrage intitulé La Grande Vie (Éditions Gallimard, 2014) :


Le mimosa est entré dans la pièce comme un gros chien ruisselant de soleil qui s'ébrouait, envoyant partout ses ondes jaunes.

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