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La Seiche

Dernière mise à jour : 6 mai



Étymologie :


  • CALMAR, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1552 calemar (Ch. Estienne, Dictionarium latinogallicum, s.v. loligo) ; 1606 calamar (Nicot) ; 1751 calmar (Encyclop. t. 2, s.v.). Soit issu de calmar1* p. méton. (en raison de la poche de liquide noirâtre qu'ont ces animaux), soit plutôt empr. à l'ital. calamaro, attesté en ce sens méton. sous la forme calamaio dep. le xiiie s. (Fra Giordano ds Batt.) et sous la forme dial. calamaro dep. le xvie s. (Mattioli, ibid.).


  • SEICHE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. xiie s. seche (Gloss. Tours, éd. L. Delisle, p. 328 ds T.-L. : sipia : seche) ; 1197 (Hélinant, Vers de la mort, éd. F. Wulff et E. Walberg, XXX, 11 : saumon et seche) ; 1269-78 seiche (Jean de Meung, Rose, éd. F. Lecoy, 11223) ; 2. xiiie s. os de seche (Simples médecines, éd. P. Dorveaux, § 851 : os de seche [...] el ventre de la seiche) ; 1839 p. ell. seiche « os de seiche » (Balzac, op. cit., p. 349). Du lat. sepia « seiche ; encre », empr. au gr. σ η π ι ́ α « seiche ».


Lire aussi les définitions du calmar et de la seiche pour amorcer la réflexion symbolique.

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Zoologie :


Selon Frans de Waal, auteur de Sommes-nous trop "bêtes" pour comprendre l'intelligence des animaux (Édition originale 2016 ; traduction française : Éditions Les Liens qui Libèrent, 2016) :


« Chez les seiches, le mâle qui courtise une femelle peut tromper ses rivaux en les persuadant qu'ils n'ont rien à craindre. Il prend la couleur d'une femelle sur le côté de son corps qui est tourné vers son rival pour que ce dernier croie avoir en face de lui une femelle. Mais il garde sa couleur d'origine sur le côté de son corps tourné vers la femelle pour qu'elle reste intéressée. Il la courtise donc furtivement. Cette méthode des deux faces, appelée dual gender signaling (double affichage sexuel), suggère des compétences tactiques que l'on pourrait attendre de primates, mais pas de mollusques. Hanlon soutient à juste titre que, chez les céphalopodes, la vérité est plus étrange que la fiction. »

 

Dans le Hors-série de Causette (été 2018) intitulé « Histoires d'A...mours », Claudine Colozzi nous propose un petit "Kama-sutra des animaux" sous forme d'abécédaire :


T comme Travestissement : Pour réussir à approcher des femelles, les seiches mâles n'hésitent pas à se travestir. Ils cachent leurs tentacules imposants et imitent ceux des femelles en train de pondre. Résultat : immunité totale par rapport aux autres mâles, qui n'y voient que du feu. Ils peuvent passer incognito.

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Hugues Demeude, dans Les Incroyables Pouvoirs de la Nature (Éditions Arthaud, 2020) s'intéresse notamment aux capacités d'apprentissage de la seiche :


L'embryon de seiche est-il capable d'apprendre dans son œuf ? En 1832, Charles Darwin amorce son tour du monde naturaliste à bord du voilier le Beagle et fait escale dans l'archipel du Cap-Vert. A vingt-trois ans, tout l'émerveille. Il consigne dans ses écrits des remarques d'ordre géologique et des observations sur la faune locale. Au sein de celle-ci, la seiche et les poulpes l'intriguent beaucoup. Dans son passionnant rendez-vous hebdomadaire sur l'antenne de France Inter - « Sur les épaules de Darwin » -, Jean-Claude Ameisen évoque cet étonnement du jeune Britannique : « Sur la côte j'ai ramassé des poulpes qui possédaient une capacité merveilleuse de changer de couleur à l'égal de n'importe quel caméléon, qui s'adaptaient à l'évidence au changement de couleur du sol au-dessus duquel il passait. Ce fait semble nouveau, autant que je puisse savoir. » (1).

Un fait qui n'avait en réalité rien de nouveau puisque les savants le connaissaient depuis Aristote, mais qui a continué d'intéresser les biologistes par la suite - et ce jusqu'à aujourd'hui où de nouvelles découvertes ont été faites récemment sur les capacités cognitives de certains céphalopodes, dont le pied divisé en bras munis de ventouses surmonte la tête à laquelle il est attaché.

Seiches, poulpes et calamars en particulier sont étudiés de près, eux qui possèdent trois cœurs et des millions de neurones. La seiche (Sepia officinalis) ne possède pas seulement, comme ses parentes de classe, un cerveau considéré comme le plus gros au sein des invertébrés ; elle dsipose aussi d'un organe qui lui permet de projeter un liquide noir en vas de menace. Une encre qui sert aussi à la femelle pour dissimuler ses oeufs. Comme le souligne Jean-Claude Ameisen dans la suite de son émission : « Les mamans seiches Sepia officinalis entoruent leurs œufs qu'elles pondent d'une enveloppe opaque teinté d'encre qui les rend moins visibles aux prédateurs. Puis, à mesure que l'œuf se développe, cette enveloppe s'étire et devient transparente. Et trois semaines avant l'éclosion, à travers la paroi transparente qui entoure l'œuf, on peut distinguer les grands yeux de l'embryon. Mais ces grands yeux qu'on aperçoit sont-ils déjà capables de voir ? C'est la question qu'a explorée Ludovic Dickel [...] dans une étude publiée en 2008 dans la revue Animal Behaviour. (2) »

Que peuvent voir les embryons de seiche dans leur œuf et sont-ils capables d'en retenir quelque chose ? La question est d'autant plus importante que l'œuf de seiche ne bénéficie d'aucun soin parental. La femelle seiche pond ses œufs puis mène sa vie sans s'en soucier en partant de son côté. Les œufs éclosent en pleine mer et les juvéniles doivent apprendre à se débrouiller seuls. A quel stade commence cet apprentissage ? Pour le savoir, les chercheurs ont mis des embryons de seiche en présence visuelle d'une boîte transparente contenant de petits crabes. Les scientifiques voulaient savoir si cette exposition pouvait influencer leur préférence alimentaire ultérieure, après la naissance. La seiche est en effet réputée pour apprécier les crevettes, et pas spontanément les crabes. Ensuite, les chercheurs ont testé auprès de juvéniles de sept jours cette préférence en les mettant en contact visuel avec deux boîtes transparentes : l'une avec des crabes, l'autre avec des crevettes. Les juvéniles qui, au stade embryonnaire, avaient été mis en présence de la boîte avec des crabes se sont spontanément rués vers les crabes. « Les résultats montrent pour la première fois un apprentissage visuel embryonnaire chez l'animal », concluent les chercheurs. « Une empreinte de ce qui a été vu par l'embryon encore dans son œuf s'inscrit dans la mémoire et influe sur le comportement après la naissance », résume Jean-Claude Ameisen.

Ces capacités de mémorisation et d'apprentissage ont à nouveau été mises en lumière pour la seiche en 2017 par une équipe de recherche internationale dans laquelle figuraient là encore Ludovic Dickel et Anne-Sophie Darmaillacq. Sous le titre « L'embryon de seiche est(il capable d'apprendre dans son œuf ? », cette étude a été présentée lors du 47e colloque annuel de la Société française pour l'étude de comportement animal (SFECA) à l'Institut des neurosciences Paris-Saclay. Dans la mesure où les œufs de seiche ne disposent d'aucun soin parental, comment font-ils pour apprendre rapidement à éviter les prédateurs ? « Dans cette étude, nous avons d'abord étudié la capacité des seiches (Sepia pharaonis) de reconnaître un prédateur à partir d'indices chimiques ou visuels dès le stade embryonnaire », précisent les scientifiques. Ils ont ensuite mené une expérimentation pour savoir si les seiches pouvaient prendre un poisson inoffensif pour une menace, dans des conditions spécifiques, en les conditionnant à le faire à travers une association d'odeurs qui agit comme un signal d'alarme. « Les résultats montrent pour la première fois une reconnaissance innée et acquise des prédateurs. Les embryons sont non seulement capables de reconnaître les prédateurs sur la base d'informations visuelles ou chimiques, mais aussi d'apprendre à reconnaître un danger de prédation par simple apprentissage associatif. »

Apprendre à manger sans être mangé.


Notes : 1) « Apprendre avant de naître », diffusé sur France Inter le 21 janvier 2017.

2) Ludovic Dickel, Anne-Sophie Darmaillacq et Clémence Lesimple, « Embryonic visual learning in the cuttlefis, Sepia officinalis », Animal Behaviour, juillet 2008.

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Symbolisme :


D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"La seiche ou le calmar apparaît curieusement, dans un mythe des Indiens Nootka de Vancouver, rapporté par G. Frazer, comme le premier maître du feu, auquel il fut volé par le daim pour le bénéfice des hommes : le mythe précise que la seiche vivait alors sur terre ou dans la mer."

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Pierre-Yves Lador dans Le Rat, la célestine et le bibliothécaire (Éditions, 1990) établit de son propre aveu une curieuse métaphore :


Où l'on apprend que le narrateur pourrait être un calmar


Je suis un calmar aux mille bras de velours, et au bec corné. Je vis dans une faille tendue de peluche jaune, dans un aquarium à air conditionné. Où je me déconditionne. Pendant que certains bras s'agrippent solidement au décor (donnez-moi un point d'appui...), d'autres parcourent d'un doigt inquisiteur les lignes serrées de la Bibliographie de France, certains savourent la Quinzaine littéraire ou le Magazine à peine moins littéraire, des ventouses aguichées feuillettent les catalogues éditoriaux toujours fragmentaires et périmés aux photos qui se veulent aguichantes. Je feuillette (ah Dieu, les millefeuilles, je me sens tout pâtissier), parcours, ausculte, embrasse (assez pour mal étreindre) les nouveaux livres...

Le soir, à la chandelle électrique, dans ma masure je lis, chaque soir un livre, je le décortique, le suce jusqu'à la moelle. Ces soirs, au lieu de lire, j'écris ce petit livre afin de réfléchir un peu sur celui que je suis et peut-être d'intéresser quelque lecteur, semblable, frère, hypocrite et différent ! Suis-je vraiment le calmar flottant entre deux eaux, curieuse métaphore pour un bibliothécaire ? Les livres sont si secs.

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Selon Eloïse Mozzani, auteure du Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, S.A.S, 1995, 2019) :


"Liée aux eaux, repères des créatures mystérieuses, la seiche, emblème d'un saint maritime (Jukushi Niurai) réputé au Japon, a été plus généralement assimilée à un monstre sous-marin, comme d'ailleurs la pieuvre ou le poulpe. Dans les mers indiennes, on croyait à l'existence de seiches si gigantesques qu'il fallait utiliser des haches pour les éloigner des bateaux. Sous nos latitudes également : la destruction du navire Ville-de-Paris, pris par les Anglais pendant la guerre de l'Indépendance américaine, était due, dit-on, à un groupe de seiches géantes.

L'encre, couleur des ténèbres donc du Mal, que le mollusque lance en cas de menace a été associée par les Italiens à quelque sorcellerie : « A Naples, jeter le noir de la seiche équivaut à jeter un mauvais sort ». En France, où cette superstition ne semble pas avoir cours, on croit toutefois, notamment dans les Côtes-d'Armor, que se frotter les yeux après avoir touché une seiche peut rendre aveugle.

La seiche, dont l'os passait dans le Boulonnais pour de l'écume de mer solidifiée, servait à Ostende (Belgique) pour guérir la plupart des maladies : les pêcheurs la faisaient bouillir et utilisaient les résidus. Elle avait la propriété en Sicile de rendre les femmes stériles. Au Pérou, ses yeux passaient pour des amulettes.

Chez les Grecs, offrir des seiches et des poulpes au nouveau-né âgé de cinq jours, c'est lui donner la force et l'agilité nécessaires pour marcher.

Selon Plutarque, la seiche qui remonte à la surface de l'eau annonce une tempête ou un ouragan. Il y a peu encore, les marins anglais avaient fait leur cette croyance. A Noirmoutiers, on soutient que si elle ne s'approche pas du littoral, la récolte de sel sera mauvaise. En Polynésie, la présence du mollusque près du rivage est de bon augure ; à l'inverse, elle prédit un malheur en nageant au loin."

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En avril 2021 Gabriel, le créateur du Site Zooastro.com nous contactait pour nous faire découvrir son travail :


VOTRE ANIMAL ASTRAL EST LE CALMAR : Le Calmar ou le rêve de tout un peuple


L’Animal Astral Calmar est un Mollusque. Il cherche avant tout à se créer un abri sûr. Son action tournée vers la nostalgie du passé, vers la mère, vers la famille, peut paraître somnambulique. Tout en protection de son être vis-à-vis de l’extérieur, il veut d’abord éviter les risques inutiles. A l’intérieur de sa coquille, il développe une vie intérieure riche basée sur le souvenir, sur une imagination fertile abreuvée de passé. Il ne se dévoile que lorsque la confiance est là. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Si cette personnalité se cache du monde extérieur, ce n’est pas par peur, mais pour « comprendre », assimiler et créer à partir de ce qui a été appris, fonder un foyer, donner vie à une œuvre personnelle. Mais le Calmar a aussi un besoin vital d’amitié et de fraternité dans le sens où il se perçoit comme le maillon d’une chaîne, différent et original certes, mais dont le but n’est pas de mettre en valeur son ego ou de s’affirmer individuellement. Il se nourrit de ce lien social qui lui est essentiel. Le Calmar est donc attiré par toutes formes de réseaux sociaux, par des projets et des idéaux permettant d’animer une communauté de pensée. Il a aussi un goût pour les techniques et les technologies universellement utiles.


Les particularités du Calmar : Les préoccupations sociales et politiques qui animent le Calmar, paradoxalement introverti, lui apportent une grande sensibilité aux questions philosophiques, politiques et technologiques. Il puise dans sa soif d’avenir une énergie qu’il met au service d’une volonté de se souvenir, de réfléchir le passé. Ses intuitions et ses références à contre-courant de l’évolution sont en réalité une passerelle entre le passé et le futur, tout en faisant l’impasse sur le présent. Si bien qu’on ne sait pas si le Calmar est visionnaire ou ringard. Il s’affirme comme un être bizarre, qui met mal à l’aise ses contemporains, mais qui est porteur de droits futurs. Comme une suffragette qui, a posteriori, parait d’un autre âge avec son corset et son chapeau à plumes, mais qui était porteuse de revendications émancipatrices aujourd’hui acquises. « I have a dream » sera certainement pour lui sa citation préférée. Quel courage ! Fragile et totalement exposé, le Calmar rompt avec la prudence et déballe son intimité aux yeux de tous dans le but de créer un droit social. C’est l’entrée dans la vie d’adulte, le premier pas vers des responsabilités. Mais c’est aussi le sevrage, ce moment de la vie particulièrement stressant où la protection des parents n’est plus qu’un souvenir et où la liberté n’est encore qu’un rêve d’avenir. Le Calmar a donc une personnalité hybride. Comme l’animal, qui est une sorte de petite pieuvre nageant en pleine mer avec sa coquille interne légère comme une plume, le natif de ce signe est une sorte de plume qui plane… aux yeux de tous. Soucieuse de son équilibre intérieur, et de la protection de sa vie intime, il n’en a pas moins un grand besoin de liberté. Cette âme impersonnelle, désintéressée et sincère sait faire parler de ses intérêts particuliers.


Les pouvoirs du Calmar : Le Calmar a le don de comprendre et de faire siennes des préoccupations sociales. Tout ce qu’il imagine et conçoit devient alors le rêve de tout son groupe. Il porte en lui le germe d’un nouvel ordre, d’une nouvel symphonie. Le natif du Calmar aura tout intérêt à s’orienter vers une activité inventive où il pourra assouvir sa soif de débat social. Il saura mieux que quiconque modifier les pensées, les discours et donc les lois de sa société (familiale, professionnelle, ou nationale) à partir de sujets personnels, issus de sa biologie ou de son imagination. Sa capacité à faire sortir de son esprit des discussions socialement utiles sera repérée, mais la société favorisera ou au contraire réprimera cette capacité, selon l’ouverture d’esprit collective. Aussi pourra-t-il exceller dans des domaines du militantisme, du lobbying, ou toute activité qui vise à refléter la pensée collective.

Ex : Lady Diana, Angela Merkel, Kendji Girac. (Soleil Cancer / Lune Verseau)

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


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Mythologie :


Philippe Borgeaud, dans « Note sur le Sépias. Mythe et histoire », (Kernos [En ligne], 8 | 1995) rapporte l'épisode de métamorphose d'une néréide en seiche :


Le scholiaste au vers 582 du chant Ides Argonautiques d'Apollonios propose du Sépias la définition suivante : Sépias, promontoire (akroterion) de Magnésie, ainsi appelé parce que Thétis, en ce lieu, se métamorphosa en seiche (sepia) alors qu'elle était poursuivie par Pélée. Dans le Banquet des sophistes (CI, 30d), Athénée rapporte ce même épisode saugrenu, en ajoutant que les seiches abondent dans la région du Sépias (qui tire certainement son nom de l'animal).

La métamorphose en seiche de la néréide Thétis, sombre déesse des profondeurs marines, s'explique par les qualités remarquables du mollusque : « nœud vivant de liens mobiles et animés» (1), dont la couleur blanche évoque pour les Grecs le teint pâle d'une peau préservée du soleil (l'idéal de la beauté féminine), la seiche « porte en elle un liquide noir, le tholos. Quand elle émet cette encre, elle crée autour d'elle une obscurité impénétrable au sein de laquelle elle se dissimule, un nuage de nuit où se brouillent et se confondent toutes les routes de la mer » (2). La belle déesse tente d'échapper à l'étreinte du mortel. En vain. Sa ruse et ses métamorphoses (analogues à celles de Protée, et bien connues par l'iconographie des vases attiques dès le début du Ve siècle) ne serviront à rien. Zeus et Poséidon ont voulu cette union, après avoir renoncé à se disputer eux-mêmes les faveurs de la fille de Nérée ; ils ont appris en effet, de Thémis ou de Prométhée, que le fils de Thétis et d'un immortel serait plus puissant que son père et le détrônerait. La Terre de son côté, alourdie par la prolifération des humains, ourdissait sa ruse, préparant l'enchaînement des causes qui conduiront à la guerre de Troie, terme de la race des héros. Les Immortels ont donc décidé ce mariage, et la foule des dieux se rend aux noces de Pélée et de Thétis. La tradition situe la scène du mariage en Thessalie, près de Pharsale, où s'élevait un sanctuaire de Thétis, le Thétideion, distinguant ainsi les noces fameuses (on y verra jetée la pomme de discorde, origine de la guerre de Troie, sinistre présage de l'enfant à naître, Achille...), de la scène érotique, marine, où Pélée s'empare de Thétis et s'unit pour la première fois à elle. Cette scène-là est localisée dans la région du Sépias, sur les côtes sud-est de la péninsule de Magnésie, à proximité de l'île de Skiathos. Un promontoire où étaient passés les Argonautes (3), situé non loin de la halte des Aphètes (halte que les Anciens pouvaient localiser soit dans la région de Trikeri, soit sur les plages de Platania).

[...]

Dans une pièce non identifiée, le même Euripide (7) précise que la seiche fut la dernière métamorphose effectuée par Thétis poursuivie par Pélée, et que c'est bien sous cette forme qu'elle se laissa maîtriser et qu'elle subit l'étreinte (grâce aux conseils donnés à Pélée par un célèbre ressortissant de la contrée, le centaure Chiron, futur éducateur d'Achille (8)).


Notes : 1) M. DETIENNE et ].-P. VERNANT, Les Ruses de l'intelligence, Paris, Flammarion, 1974, p. 160.

2) Ibid., p. 163.

3) Ils longeaient les falaises du Pélion en voguant toujours de l'avant ; le cap Sépias (Sepias akre) s'effaçait à l'horlzon ; Sklatbos apparaissait au milieu de la mer : APOLL. RHODES, Argonautlques, I, 581-582 (trad. Delage). Cf. Infra, n. 11.

7) Fr. 1093 Nauck, cité par le commentaire de TZETZES à LYCOPHRON, aux vers 175 et 178 de l'Alexandra. p. 85 et 88 Scheer. Il convient de lire le texte tel qu'il est amendé par M. MAYER, art. Tbetls, in RE, VI A 1 (936), col. 207.

8) Sur l'importance de Chiron dans la mythologie relative à Thétis, cf. Paula PHILIPPSON, Thessalische Mythologie, Zürich, 1944, p. 158.

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Littérature :


[...]

Grâce à Dieu, nos poulpes actuels sont un peu moins redoutables. Leurs espèces élégantes, l’argonaute, gracieux nageur dans son onduleuse coquille, le calmar, bon navigateur, la jolie seiche aux yeux d’azur, se promènent sur l’Océan, n’attaquent que de petits êtres.

En eux apparaît une idée, une ombre du futur appareil vertébral (l’os de seiche qu’on donne aux oiseaux). Ils brillent de toutes couleurs. Leur peau en change à chaque instant. On pourrait les appeler les caméléons de la mer. La seiche a le parfum exquis, l’ambre gris, qu’on ne trouve dans la baleine que comme résidu des seiches en nombre infini qu’elle absorbe. Les marsouins en font aussi une immense destruction. Les seiches, qui sont sociables et vont par troupeaux, au mois de mai, viennent toutes aux rivages pour y déposer des grappes qui sont leurs œufs. Les marsouins les attendent là et en font des banquets splendides. Ces seigneurs sont si délicats, qu’ils ne mangent que la tête, les huit bras, morceau fort tendre et de facile digestion. Ils rejettent le plus dur, l’arrière-corps. Toute la plage (exemple, à Royan) est couverte de milliers de ces misérables seiches ainsi mutilées. Les marsouins en font la fête avec des bonds inouïs, d’abord pour les effrayer, ensuite pour leur donner la chasse ; enfin, après le repas, ils se livrent aux exercices salutaires de la gymnastique.

La seiche, avec l’air bizarre que le bec lui donne, n’en excite pas moins l’intérêt. Toutes les nuances de l’iris la plus variée se succèdent et se fondent sur sa peau transparente selon le jeu de la lumière, le mouvement de la respiration. Mourante, elle vous regarde encore de son œil d’azur et trahit les dernières émotions de la vie par des lueurs fugitives qui montent du fond à la surface, apparaissent par moments pour disparaître aussitôt.

[...]

Jules Michelet, La Mer, IX. L'écumeur de mer (poulpe, etc.), 1875.

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