Étymologie :
MARRONNIER, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1560 chastennier marronnier (Journal du Sire de Gouberville, 15 janv. ds Poppe, p. 202) ; 1611 marronnier (Cotgr.). Dér. de marron1* ; suff. -ier*.
MARRON, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. 1526 « fruit du marronnier » (C. Gruget, Les Diverses leçons de Pierre Messie, p. 888) ; 1640 loc. tirer les Marrons du feu avec la patte du chat (Oudin Curiositez) ; 2. 1718 Marrons d'inde (Ac.) ; 3. 1706 couleur de maron ([D. A. de Brueys], L'Avocat Pathelin, 1715, sc. 3, p. 13) ; 1750 Maron nom de couleur (J. Hellot, L'Art de la teinture des laines, p. 485). B. 1. 1680 coiffure (Rich.) ; 2. 1752 pyrotechnie (Trév.) ; 3. id. « jeton que les personnes chargées de faire une ronde devaient déposer dans une boîte pour marquer leur passage » (ibid.) ; 4. 1764 maron roti « sorte de limaçon de mer » (Valmont de Bomare, s.v. limaçon) ; 5. 1777 « noyau non calciné d'une pierre passée au four à chaux » (Encyclop. Suppl.) ; 1782 « grumeau dans la pâte à pain » (Encyclop. méthod. Arts et métiers t. 1, p. 281b). C. 1821 arg. « des coups, de la bagarre » emploi partitif (Ansiaume, Arg. Bagne Brest, f°6 vo, § 67 : Prens toutes tes Baioffes [armes à feu], car il pourra bien y avoir du marron) ; 1881 « coup au visage » (Rigaud, Dict. arg. mod., p. 244). Empr. à l'ital. marrone « grosse châtaigne comestible » (dep. début xive s., Cenne de La Chitarra ds Batt. ; cf. lat. médiév. marro, -onis, 1176, doc. de Côme ds Nov. gloss.), prob. dér. d'un rad. prérom. marr- « pierre, rocher », att. de l'Italie au Portugal, particulièrement dans les Alpes et les Pyrénées (v. J. Hubschmid ds Romanica Helvetica t. 41, pp. 52-57). Le mot a prob. pénétré en fr. par la région lyonnaise (v. K. Baldinger ds Mél. Gardette (P.). 1966, p.61).
Lire aussi les définitions de marron et marronnier pour amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Aesculus hippocastanum - Amarounié - Châtaignier de cheval - Châtaignier d'Ingue - Macaronié -
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Botanique :
A lire : fiches sur le marronnier et le marron.
D'après le site http://www.lalibre.be :
"Les traités de botanique indiquent la date de 1576 comme arrivée du premier marronnier en Europe. C'était à Vienne. Charles de l’Écluse, botaniste français des jardins impériaux, le nomma marronnier d'Inde persuadé qu'un arbre aussi original devait venir d'une contrée aussi exotique. Mais il provenait en fait de graines rapportées de Constantinople.
Au XIXe siècle les explorateurs parcoururent l'Inde à la recherche du marronnier mais ne le trouvèrent pas si ce n'est dans les montagnes des Balkans et dans les forêts du nord de la Grèce. Les récentes découvertes des archéologues et des paléontologues qui ne cessent de remuer le sol, montrent la présence du marronnier en Europe dès l'époque médiévale (XIIe siècle) sans encore pouvoir expliquer comment il a pu vivre caché des hommes pendant plusieurs siècles.
[...]
Les Suisses ne s'y sont pas trompés. A Genève, l'attention portée aux marronniers est une institution. Dans ce canton, ce n'est ni l'arrivée des hirondelles ni la position de la terre par rapport au soleil qui annonce le printemps mais bien la feuillaison des marronniers, plus particulièrement d'un marronnier désigné par le Conseil d’État. Ainsi depuis 1818, le secrétaire général du Parlement, nommé par le gouvernement, appelé sautier de la République, est-il chargé de scruter les bourgeons d'un marronnier pour noter avec la plus grande précision le jour de l'éclosion de sa première feuille. Chaque année, l'événement est annoncé à la une des journaux et une fête est organisée pour les enfants. Il y a eu, depuis 1818, trois marronniers officiels plantés sur la promenade de la Treille en pleine vieille ville."
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cet arbre :
Printemps - Mars.
MARRONNIER D'INDE - LUXE.
Il y a plus de deux siècles que le marronnier d'Inde habite nos climats, et cependant on ne le voit point encore mêler sa tête fastueuse à celles des arbres de nos forêts. Il aime à embellir les parcs, à parer les châteaux, et à ombrager la demeure des rois. On le voit triompher aux Tuileries, où il forme, autour du grand bassin, des massifs d'une beauté incomparable. Au Luxembourg, il étale avec complaisance sa pompe et sa magnificence.
Là des marronniers les hautes avenues
S'arrondissent en voûte et nous cachent les nues (Castel, Les Plantes, poëme.).
Une journée un peu orageuse suffit, au commencement du printemps, pour que ce bel arbre se couvre tout à coup de verdure : croît-il isolé, rien n'est comparable à l'élégance de sa forme pyramidale, à la beauté de son feuillage et à la richesse de ses fleurs, qui le font quelquefois paraitre comme un lustre immense tout couvert de girandoles. Ami du faste et de la richesse, il couvre de fleurs les verts gazons qu'il protège, et prête à la volupté de délicieux ombrages. Mais il ne donne aux pauvres qu’un bois léger et un fruit amer ; quelquefois encore il lui accorde une faible aumône et le réchauffe de ses feuilles desséchées. Les naturalistes, et surtout les médecins, ont prêté à ce fils de l'Inde mille bonnes qualités qu'il ne possède pas. Ainsi ce bel arbre, l'homme riche auquel il prodigue son ombrage, trouve des flatteurs, fait malgré lui un peu de bien, et étonne le vulgaire par un luxe inutile.
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Marronnier d’inde - Luxe.
Soit à cause de l’abondance de ses fleurs, soit parce que c’est un arbre de luxe dont jusqu’ici on n’a pas su trouver encore l’utile emploi.
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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
MARRONNIER D'INDE - LUXE.
Un homme riche était vêtu de pourpre et de lin et donnait tous les jours de magnifiques repas. Et un homme nommé Lazare mendiait couché à sa porte et couvert d'ulcères, souhaitant de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, et per sonne ne lui en donnait. Or il arriva que ce pauvre mourut et qu'il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham . Le riche mourut aussi et fut enseveli dans les enfers.
Luc 19-22.
Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Marronnier d'Inde - Luxe - Richesse.
Cet arbre, originaire de l'Asie Mineure fut apporté en France en 1615. A cette époque il fut regardé comme un arbre purement de luxe ; depuis on a reconnu que l'écorce du marronnier était fébrifuge et qu'elle peut servir à teindre en jaune. De son fruit on fait aussi une farine qui s'emploie en parfumerie en guise de pâte d'amandes. Les chevaux en sont aussi très friands. On s'en sert en Orient pour leur donner de la vigueur, de là le nom d'hippocastanum que porte cet arbre et qui signifie châtaigne de cheval.
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Marronnier d'Inde (Aesculus hippocastanum) a les caractéristiques suivantes :
Genre : Masculin
Planète : Jupiter
Élément : Feu
Pouvoirs : Guérison, argent.
Utilisation magique : Il est bon de porter sur soi le marron d'Inde pour prévenir les rhumatismes, les maux de reins, l'arthrite et les refroidissements. Trois marrons que vous garderez par devers vous vous mettront à l'abri des étourdissements.
Enveloppez dans un billet de vingt francs un marron que vous placerez ensuite dans un sachet ; puis portez-le sur vous pour attirer l'argent. On peut d'ailleurs compter sur le marron d'Inde pour garantir n'importe quelle sorte de succès.
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Si la tradition accorde au diable la création du marronnier, pâle imitation qu'il tenta du châtaignier, le marron d'Inde est réputé dans toute l'Europe comme aux États-Unis pur ses qualités médicinales : glissé dans la poche d'un vêtement, il guérit les refroidissements, les rhumatismes, l'arthrite et la goutte. Si le mal s'est porté sur les reins, il faut, selon une recette française, avoir dans sa poche gauche un marron cueillir le premier mardi de la lune. Contre le vertige ou la colique, on recommande tout spécialement d'avoir trois marrons. Français, Espagnols et Italiens croient qu'il guérit en outre les hémorroïdes, propriété que certains médecins ont tenté d'expliquer par « les émanations mismoïdiques du marron d'Inde ». Dans le Languedoc et en Belgique, deux marrons sur soi font passer les maux de dents.
En Bretagne, on croyait remédier à un état fiévreux ou à une affection intestinale en faisant bouillir des marrons dans du lait, et en avalant le tout.
Dans le sud de la France, mettre des marrons sou son oreiller empêche les fantômes de vous tirer par les pieds.
Fin XIXe, on pouvait acheter à Paris (chez Liévin, galeries du Palais Royal) une amulette représentant un marron ouvert « signifiant "Bonjour", donc par calembour un "heureux augure" ».
Le marron est un porte-bonheur et si on l'enveloppe dans un billet de vingt francs et qu'on le porte sur soi dans un petit sachet, il attire l'argent.
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Diana Cooper, auteure du Guide des archanges dans le monde animal (édition originale 2007 ; traduction française : Éditions Contre-dires, 2018) nous délivre un :
Message des arbres :
Nous venons du cœur de Dieu. Nous n'avons rien
à apprendre et beaucoup à offrir. Nous avons été ensemencés
sur la Terre pour le bien du règne humain et animal, incluant
les oiseaux et les insectes, et pour nourrir la planète elle-même,
physiquement, émotionnellement et spirituellement. Nous
diffusons l'amour et la guérison pour vous.
Les marronniers et les châtaigniers : Le marronnier diffuse une qualité énergétique de gaieté. Ce n'est pas par hasard que les enfants, et beaucoup d'adultes, prennent beaucoup de plaisir à jouer avec les marrons. Quand mes enfants étaient petits, lors de mes promenades, je fouillais systématiquement dans les feuilles mortes pour voir si de gros marrons s'y cachaient et je ressentais une sensation d'allégresse si j'en trouvais un.
Cela me rappelait ma propre enfance. Cet arbre peut être fort et vigoureux, mais il encourage la légèreté et l'innocence.
Pendant des siècles, les enfants ont joué avec les fruits des marronniers, mais ces dernières années, ils réclament plus de sophistication ou de technologie dans leurs activités ludiques. Les humains et les arbres sont si symbiotiquement connectés que ce manque de réponse de la part des enfants a affaibli les marronniers et leur a permis d'être attaqués par la mineuse du marronnier, un petit papillon de nuit dont les chenilles trouvent leur nourriture sur les feuilles de marronniers et laissent derrière elles des taches inesthétiques sur les feuilles.
Un grand nombre de marronniers signifie l'abondance et cet arbre dégage une énergie qui vous incite à accepter l'abondance.
[...]
Ces deux espèces d'arbres vous apporteront espoir et bonheur, et vous permettront d'élever vos attentes.
VISUALISATION POUR AIDER LES ARBRES
Aménagez un espace où vous pourrez vous détendre sans être dérangé.
Faites appel à l'archange Purlimiek, l'ange de la nature, et sentez sa belle énergie vert-bleu.
Permettez à n'importe quel arbre d'apparaître dans votre esprit.
Bénissez-le et remerciez-le d'être venu vers vous.
Demandez au rayon doré du Christ de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.
Demandez au feu lilas de la Source de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.
Demandez à l'énergie protectrice bleu foncé de l'archange Michaël de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.
Demandez à la lumière aigue-marine de la sagesse féminine divine de l'ange Marie de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.
Demandez à la lumière argentée de l'archange Sandalphon de l'équilibre et de l'harmonie de se déverser dans l'arbre et de se répandre à travers ses racines.
Prenez un moment pour invoquer toutes les énergies qui vous attirent et voyez-les se déverser dans l'arbre.
Imaginez les couleurs qui s'écoulent d'une racine à l'autre en connectant le réseau d'arbres et en dynamisant les lignes ley.
Ouvrez les yeux ensachant que vous avez aidé les arbres.
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Sylvie Verbois, auteure de Les arbres guérisseurs : Leurs symboles, leurs propriétés et leurs bienfaits (Éditions Eyrolles, 2018) transcrit le message que lui inspirent les arbres :
Mot-clé : Mettre l'esprit en repos.
Élément : Terre ; Eau ; Feu.
Émotion : Peur ; Mélancolie ; Colère.
Je suis l'arbre de la tranquillité intérieure. Je viens éclaircir vos pensées et dissoudre vos ressassements incessants, en calmant les remous émotifs qui vous agitent. Je suis bienveillant et je suis là pour que vous puissiez intégrer les expériences de votre existence. Je vous apprends à reconnaître le poids des convictions et la lourdeur de la méfiance. Cessez d'appréhender les lendemains, tournez le dos au passé, soyez dans le présent. Je vous apporte la force du temps.
Liz Marvin, autrice de Grand Sage comme un Arbre (Michael O’Mara Books Ltd, 2019 ; First Éditions, 2021 pour la traduction française) transmet les messages qu’elle a pu capter en se reconnectant aux arbres :
Prends les choses du bon côté : le Marronnier
Pour apprendre à vivre dans l’instant, il faut être ouvert et prêt à apprécier pleinement les bons moments quand ils se présentent. En mai, le Marronnier produit des inflorescences spectaculaires dont le parfum attire de nombreux insectes : c’est la grande fête du pollen ! Cette bonne humeur est récompensée par la pollinisation, qui se traduit à l’automne par les marrons brillants qui alourdissent ses branches. Ensuite vient l’hiver bien sûr, mais tant que le soleil brille, faites la fête et soignez vos fleurs.
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Légendes :
"LA LÉGENDE DU MARRONNIER DU 20 MARS"
Parmi les légendes parisiennes les plus populaires est celle du marronnier du jardin des Tuileries, le marronnier du 20 mars. Bien qu'on le désigne ainsi, il est rare que sa floraison ait eu lieu à cette époque, mais elle est en vérité précoce. D'après la légende, cette précocité serait due aux cadavres des Suisses tués le 10 août 1792, en défendant les Tuileries, enterrés au pied de ce marronnier. Il est certain que, si toutefois le fait des cadavres des Suisses, ensevelis en cet endroit, n'est pas une légende, l'attribution de l'effet à une cause pareille est entièrement fantaisiste.
En effet, l'extrême sensibilité des marronniers aux influences atmosphériques rend en apparence leurs fonctions irrégulières et mystérieuses.
C'est ainsi qu'à Paris, il n'est pas rare de les voir fleurir deux fois par an. Ce phénomène bizarre, et qui ne se produit que très rarement à la campagne, a été jusqu'ici insuffisamment expliqué. On a dit que c'étaient les chaleurs excessives de juin et juillet qui provoquaient la chute des feuilles estivales et que l'arbre se reprenait à fleurir avec les premières pluies d'automne. Cela est inexact, et la chaleur n'est pour rien dans cette exfoliation qui est souvent si hâtive que les marronniers parisiens sont absolument dénudés, alors que les marronniers suburbains ont encore leurs feuilles très vertes ; c'est aux méfaits d'un champignon muqueux qu'est dû le désastre. Mêlé aux poussières, il pénètre peu à peu dans les pores de la feuille qu'il ronge et, qu'il étouffe, et qu'il finit bientôt par tuer. L'arbre se trouve ainsi veuf après juillet et août, alors qu'il est encore plein de sève vive et inemployée. A ce moment, les bourgeons sollicités s'ouvrent et donnent des fleurs nouvelles.
Quant à la date d'apparition des fleurs printanières, elle est subordonnée à une foule de circonstances, à la qualité du sol, à la douceur de la saison, à la situation plus ou moins abritée de l'arbre. Le marronnier du 20 mars est loin d'être le seul à devancer le printemps de ses fleurs. M. Charles Ballet garde joyeusement dans un coin de ses pépinières de Croncels, à Troyes, un marronnier qui, beaucoup plus pressé que celui des Tuileries, réveille ses bourgeons dès le 10 février. Il paraît même que si quelques froids n'étaient survenus vers la fin de 1897, on aurait eu le marronnier du 10 décembre. On aurait presque eu le droit de se demander s'il retardait au lieu d'avancer.
Le marronnier des Tuileries ne maintient d'ailleurs pas avec beaucoup de soin ses traditions de précocité : en 1892, il fut dans le marasme et fleurit plus tard que la plupart de ses congénères parisiens."
Le père Vaillant : Ce marronnier avait une particularité, celle de fleurir, depuis 1815, bien avant ses congénères de la grande allée.
L’année précédente, en 1814 donc, les Cosaques qui occupaient Paris avaient installé là leur cuisine. L’arbre du 20 mars, ce marronnier ne devait donc sa floraison précoce qu’aux eaux grasses dont il avait été copieusement abreuvé. D’ailleurs, les Royalistes ne se privèrent pas de colporter l’histoire. Ce qui n’empêcha pas ensuite les Bonapartistes d’aller, chaque printemps, faire un tour au « marronnier du 20 mars ».
On trouva même un matin, son tronc entouré d’un ruban tricolore. Durant des années, le marronnier continua à devancer ses frères de l’année, et les vieux de la Grande Armée, chaque année un peu moins nombreux, regardaient toujours avec attendrissement l’arbre qui avait fleuri pour le retour de leur Empereur.
C’est également à ses pieds que l’on enterra, le soir du 10 août 1792, le soir de la chute de la royauté, quelques-uns des Suisses massacrés lors de l’attaque du château des Tuileries. L’année suivante, l’arbre se couvrit de fleurs bien avant ses congénères :« Dieu, dirent les Royalistes, fleurissait ainsi la tombe des martyrs à qui l’on avait refusé une sépulture en terre chrétienne. »L’arbre des Suisses deviendra ainsi plus tard, le marronnier du 20 mars.
Cet arbre serait mort en 1911.
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Littérature :
A l'ombre d'un marronnier
Un vaillant chêne en un été
Avait pondu dix mille glands
Qui glandouillaient « gland, gland, gland »
À qui naîtrait demain dans l’herbe …
Non loin de lui, un marronnier
N’avait réussi qu’un marron
Qui devint vite un avorton
Cerné par deux cents menus chênes.
Mais l’an d’après quand l’été vint,
Le marronnier reprit vigueur
Et déployant son plafonnier
Vite étouffa sous sa touffeur
Tous ces intrus mal aérés
Afin de semer ses marrons
Tonton tontaine et retonton.
Pierre Béarn, "A l'ombre d'un marronnier" in
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J'ai un voisin robuste, Un marronnier de l'avenue Re Umberto ; Il a mon âge, mais ne le paraît point. Il héberge des passereaux, des merles, et n'a pas honte, En avril, de se faire pousser bourgeons et feuilles, Et des fleurs frêles au mois de mai, Puis, en septembre, des bogues aux piquants inoffensifs, Qui renferment de luisants marrons tanniques : C'est un imposteur, mais naïf : il veut se faire passer Pour l'émule de son vaillant frère des montagnes, Grand seigneur aux fruits doux, aux champignons précieux. Il vit mal. Les trams numéro huit et numéro dix-neuf Lui écrasent les racines toutes les cinq minutes ;
Il en demeure abasourdi Et pousse tordu, comme s'il voulait s'enfuir. D'année en année, il aspire de lents poisons Du sous-sol saturé de méthane ; Les chiens l'abreuvent d'urine, Et la poussière septique des allées Bouche les rides de son liège ; Sous l'écorce pendent des chrysalides Mortes et qui, jamais, ne seront papillons. Néanmoins, dans son vieux cœur de bois, Il s'émeut et jouit du retour des saisons. 10 mai 1980
Primo Levi, "Cœur de bois" in A une heure incertaine (Éditions Gallimard, 1984)
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Pierre Michon, auteur de Vies minuscules ("Vies des frères Balroot", Éditions Gallimard, 1984) relie le marron à ses années d'internat :
D'autres godiches de première année, comme moi enracinés dans les longs préaux, regardaient avec des yeux ronds ce puits d'ombre où des choses débiles tombaient ; la lumière jaune du préau qui d'aplomb sur leurs têtes s'inclinait, les amenuisait, les isolait, ils n'osaient y faire que de petits gestes, touchaient dans une poche un canif, regardaient avec une lenteur imbécile leur montre neuve, esquissaient un pas vite renoncé, furtivement se baissaient et ramassaient un marron dont ils ne savaient plus que faire, en pétrissaient un peu l'énigmatique écorce, il disparaissait dans la poche des blouses, on n'y pensait plus. Certains, sous leur béret, s'abolissaient ; d'autres, en blouse trop longue, flottaient comme des petits vieux ; ils se savaient stupides, devinaient tous leurs gestes frappés d'ineptie ; ils avaient le cœur gros.
Parfois, un galop de centaures venait de loin dans le noir à traves la cour défoncée, un groupe de plus grands surgissait. [...] Ses tourmenteurs disparus, le petit reniflait un peu, regardait intensément par terre en rajustant son béret, retrouvait dan sa poche le marron ; l'impénétrable écorce brune une fois encore l'étonnait, le volume lisse et sans faille le comblait et, tendu vers cette plénitude, douloureusement il s'y perdait. Ainsi était toute chose ; opaque, sur elle-même refermée, soumise à des causes massives et illisibles : le vent aveugle étreint avec passion les feuillages, arrache des bogues et les jetant les brise, les dénude, les met au monde, le marron sans yeux court un peu sous les voûtes, s'arrête.
[...]
Aujourd'hui je ne saurais dissocier les frères Bakroot de cette pluie qui me les livra, de ce vent jauni par une ampoule exténuée. Je revois le petite excellant dans un jeu niais que nous aimions, une sorte de joute où le champion de chacun était un marron qui, percé et traversé d'une ficelle, devait en briser d'autres de la même façon agencés ; [...] Je pense à l'aîné [qui] s'adosse à un marronnier dont l'hébétude et le mutisme bercent les siens tendrement, il passe le bout de sa langue sur sa dent cassée, le gris de sa blouse se noie dans le gris de l'écorce, il n'est plus là ;
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