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Le Prunellier



Étymologie :


  • PRUNELLIER, subst. masc.

Étymol. et Hist. xve s. pronnelier (Gloss. Lille, 39a ds T.-L.) ; 1549 prunelier (Est.) ; 1694 prunellier (Ac.). Dér. de prunelle* (sens 1) ; suff. -ier*. Cf. ca 1220 a. rouergue prunelier (Lo romans dels auzels cassadors, éd. E. Monaci, 3163).


  • ÉPINE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. Fin du xe s. « arbuste aux branches garnies de piquants » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 247 : espines) ; 2. ca 1260 « piquant » (Vers de la mort, 28, 2 ds T.-L.) ; 3. xive s. « espèce de poisson, plectognathe » (G. de Bibbesworth, Traité sur la langue fr., éd. A. Owen, p. 96, addition du ms. B) ; 4. 1314 anat. « épine dorsale » (Mondeville, Chirurgie, 416 ds T.-L.) ; 5. av. 1475 au fig. « difficulté » (G. Chastellain, Chron., 1. 6, chap. 93 ds Œuvres, éd. J. Kervyn de Lettenhove, t. 5, p. 41) ; 6. 1571 bot. poire d'espine (Belleforest, Secrets de la vraye agriculture, Paris, p. 111) ; 1654 espine rose (Jardinier françois ds Roll. Flore t. 5, p. 43) ; 7. 1660 « piquant de certains animaux » (Oudin Fr.-Esp. : espine ou tuyau de porc espic). Du lat. spina « épine, arbuste ou plante épineuse ; piquant d'animaux, épine dorsale » ; fig. « difficultés ».


Lire également la définition des noms prunellier et épine noire pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Prunus spinosa - Argoche - Belloce - Beloche - Belosse - Buisson noir - Créquier - Épine noire - Fourdinier - Fourdraine - Mère-du-bois - Pellocier - Prunellier commun - Prunier des haies - Prunier épineux -

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Botanique :

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Quant aux fruits du prunelier, épine-noire ou belosse, Prunus spinosa, ils ne peuvent être mangés qu'après avoir été gelés ; mais ils ont une saveur typique et sont toujours très astringents.

[...]

Les cerises sauvages, Prunus avium, celles du bois-joli et du bois de Sainte-Lucie, Prunus padus et Mahaleb sont récoltées ça et là pour en faire du kirsch ; il en est de même des prunelles, Prunus spinosa, qui, fermentées avec une certaine quantité d'eau, donnent une boisson peu alcoolique ; mais ce sont des pratiques à peu près abandonnées partout.




Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de l'épine noire :


ÉPINES NOIRES - DIFFICULTÉ.

Quand on veut exprimer qu'une affaire est pleine de difficultés, on dit : C'est un fagot d'épines, on ne sait par quel bout le prendre.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Épine noire - Difficulté.

A cause qu’il est presque impossible de cueillir une branche de celte épine sans se piquer.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


ÉPINE NOIRE - DIFFICULTÉ.

Arbrisseau dont les branches sont garnies de piquants. Le bouvreuil à tête noire, fait son nid dans l'épine blanche (Bernardin de Saint-Pierre). Le symbole que représente ce petit arbre s'explique de lui-même. — Il y a différentes épines : épines d'été, épines noires, épines marantes, épines royales, etc., etc.

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Roland Portères, auteur d'un article intitulé "Le caractère magique originel des haies vives et de leurs constituants (Europe et Afrique occidentale)." (In : Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 12, n°4-5, Avril-mai 1965. pp. 133-152) rappelle le caractère magique du prunellier :


L'« Epine Noire » (Prunus spinosa L.), le « Prunellier » de nos haies, si dangereux par ses épines, fut aussi employée comme virgula divina (Friend, p. 285). Les espèces de nos haies du Nord de la France sont presque toutes, sinon toutes, d'anciennes plantes à caractère magique et utilisées probablement ainsi à l'origine.

 

Sur le site Altaïr-plantes on peut lire que :


L’élixir floral de Prunellier aide à se libérer des peurs et colères et à s’ouvrir à l’avenir en lâchant les anciens schémas. [...] Cet élixir permet d’initier une dynamique de transformation.


Imaginez-vous la haie inextricable et infranchissable qui entoure le château de la belle au bois dormant : c’est la haie de prunelliers avant le printemps. Rien n’est possible car le château est inaccessible ! Et, tout d’un coup, c’est l’explosion de fleurs blanches, l’ouverture possible, le lien au ciel. Alors le Prince peut pénétrer dans le château et réveiller la Belle endormie. Finalement grâce au prunellier en élixir floral la reconnexion à votre intériorité et à votre “maître intérieur ” devient possible !

 

Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Prunellier (Prunus spinosa) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Mars

Élément : Feu

Pouvoirs : Exorcisme ; Protection ; Divination.


Utilisation magique : On suspend des rameaux de Prunellier autour de la maison, en général à l'extérieur, au-dessus de la porte d'entrée et sous les gouttières, pour tenir à distance les influences funestes. On en fouette aussi l'air d'une pièce, d'un local, pour en expulser les mauvaises vibrations.

Le Diable a horreur des prunes sauvages. Ce fruit est très employé dans les rites d'exorcisme.

Le bois de cet arbrisseau fait d'excellentes baguettes de divination.

Les Sioux du nord des Etats-Unis font des bâtons de prière avec les rejetons, droits et lisses, qui poussent nombreux autour de la souche. Ils les écorcent, les peignent de couleurs vives, et les fichent en terre près de la tente du conseil. À certaines fêtes, on accroche au bout de ces bâtons des offrandes. Quand le village invoque ses dieux domestiques et pacifiques, ces offrandes sont en conséquence : viande de bison boucanée, pipes bourrées d'un tabac spécial dans lequel entrent de feuilles séchées de l'arbuste, ustensiles de cuisine, etc. Quand on appelle les dieux guerriers, les bâtons multicolores ploient sous les armes.

Les prunelles, d'un beau bleu-noir à maturité, sont recouvertes d'une buée cireuse qui disparaît plus ou moins vite quand on les détache de la branche. Les chamans étudient ces diverses teintes moirées, irisées, et en déduisent les augures.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Des branches de prunellier suspendues aux murs extérieurs d'une maison, au-dessus de la porte d'entrée ou sous les gouttières, la mettent à l'abri des influences négatives. La feuille de l'arbrisseau porte chance : conservez-la dans votre portefeuille ou dans un livre. Pour purifier une pièce, on en fouette l'air avec un rameau de prunier dont le bois passe pour faire d'excellentes baguettes divinatoires. On dit également que le diable déteste les prunelles, d'où l'utilisation de ces fruits dans certains exorcismes. Les menteurs, eux, ne se plaisent pas au côtés du prunellier, d'où la croyance qu'un homme qui déclare sa flamme près de cet arbre est sûrement sincère !

Selon une superstition du département de la Vienne, « celui qui aime les prunelles deviendra aveugle ou sera adonné à la boisson ». Il s'agit peut-être de faire peur aux enfants pour qu'ils n'en mangent pas de manière excessive.

Les prunelliers qui fleurissent en octobre annoncent un hiver rude ; le présage est renforcé s'ils se couvrent de fruits. On dit également : « Beaucoup de prunelles, beaucoup de vin. » Si, en début de floraison, un vent froid se lève, il ventera jusqu'à ce que les fleurs soient fanées.

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Liz Marvin, autrice de Grand Sage comme un Arbre (Michael O’Mara Books Ltd, 2019 ; First Éditions, 2021 pour la traduction française) transmet les messages qu’elle a pu capter en se reconnectant aux arbres :

Toujours un plan B : L’Épine noire

On ne peut jamais prévoir quand surgira un troupeau de chèvres affamées ou une invasion de chenilles. C’est pourquoi il est prudent d’avoir une solution de secours. Même les arbres comme l’Épine noire (et si vous ramassez les prunelles pour faire de la liqueur, vous savez que cet arbrisseau est très épineux !) ont une deuxième stratégie défensive, au cas où planter un gros aiguillon dans la chair de quelqu’un ne suffirait pas. Quand on casse une branche d’Épine noire, elle diffuse des « hormones de blessure », les jasmonates, qui mobilisent toutes les capacités de défense chimique et de réparation dont l’arbre dispose.

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Littérature :


Dans bien longtemps


Dans bien longtemps je suis passé par le château des feuilles

Elles jaunissaient lentement dans la mousse

Et loin les coquillages s’accrochaient désespérément aux rochers de la mer

Ton souvenir ou plutôt ta tendre présence était à la même place.

Présence transparente et la mienne.

Rien n'avait changé mais tout avait vieilli en même temps que mes tempes et mes yeux.

N’aimez-vous pas ce lieu commun ? laissez-moi laissez-moi

c’est si rare cette ironique satisfaction

Tout avait vieilli sauf ta présence

Dans bien longtemps je suis passé par la marée du jour solitaire

Les flots étaient toujours illusoires

La carcasse du navire naufragé que tu connais —

tu te rappelles cette nuit de tempête et de baisers ? —

était-ce un navire naufragé ou un délicat chapeau de femme

roulé par le vent dans la pluie du printemps était à la même place

Et puis foutaise larirette dansons parmi les prunelliers !

Les apéritifs avaient changé de nom et de couleur

Les arcs-en-ciel qui servent de cadre aux glaces

Dans bien longtemps tu m’as aimé.


Robert Desnos, "Dans bien longtemps" in Corps et Biens, 1930.

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Emmanuel Ruben auteur d'un article intitulé "De l’arbre au cristal en passant par le labyrinthe. Topographies de Sebald." (Éditions Sens public, 2013. https://doi.org/10.7202/1053993ar) repère un usage particulier du rameau de prunellier :


[...] On trouve en revanche la photo d’un rameau de prunellier mort et minéralisé (p. 300) qui suit sans autre explication une visite à la saline de Bad Kissingen, comme en clin d’œil au passage célèbre dans lequel Stendhal illustre sa théorie de la cristallisation :


« Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d'arbre effeuillé par l'hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes […] Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections. »


Seulement, la cristallisation, j’y reviendrai, n’est pas chez Sebald le signe de l’amour…

[...]

On a déjà croisé la figure du cristal à la fin des Émigrants, à travers l’image du rameau de prunellier cristallisé dans les salines de Bad Kissingen. Mais l’image du cristal et de la cristallisation revient sans cesse sous la plume de Sebald. Au début de Vertiges, il fait référence – de façon explicite et circonstanciée, cette fois – au concept inventé par Stendhal dans De l’Amour. Il rappelle le jour où, lors d’une visite aux salines de Hallein, près de Salzbourg, « Mme Gherardi se vit offrir en cadeau par un des mineurs une petite branche morte, certes, mais recouverte de milliers de cristaux sur lesquels, quand ils furent exposés au jour, les rayons du soleil se diffractèrent en mille feux » (p. 33). Seulement, Sebald rappelle que Mme Gherardi se montra parfaitement hermétique à l’allégorie ; finalement, pour Stendhal, la cristallisation amoureuse répétée avec une bonne douzaine de maîtresses prit la forme de l’infection syphilitique qui le jeta, de 1829 à 1842 dans la rédaction de tous ses grands romans. Comme si la véritable cristallisation n’était pas l’amour mais le roman, la littérature, expérience d’un deuil infini qui se déroulerait nécessairement dans la perte de soi, à l’ombre de la mort, sous les anneaux de Saturne.

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