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Photo du rédacteurAnne

La Chèvre des montagnes

Dernière mise à jour : 20 mars




Autres noms : Oreamnos americanus - Oreamnos dorsatus - Ovis montanus - Rupicapra americanus - Chèvre des Rocheuses.



Zoologie :


Selon Ted Andrews dans son ouvrage Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (édition originale 1993, Éditions Dervy 2017 pour la traduction française) :


« Un animal comme la chèvre des Montagnes rocheuses a une capacité d'adaptation impressionnante pour survivre dans son environnement montagnard. Ses pattes et ses sabots se sont développés d'une manière qui leur permet de s'agripper plus fermement et plus sûrement. Elle a aussi plus de globules rouges dans le sang, ce qui l'aide à faire face aux températures plus froides des montagnes. Découvrir comment nos totems s'adaptent pour survivre peut nous permettre d'appliquer ces mêmes principes dans nos vies au gré des circonstances rencontrées.[...]

... les chèvres des Rocheuses ont des « doigts » de sabot préhensiles. Ces sabots sont recouverts d'une sorte de matière spongieuse qui amortit les chocs et facilite ses prises. Le[ur]s articulations fonctionnent comme des absorbeurs de choc miniatures quand ils font de grands bonds vers le bas. »

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Symbolisme :


Dans Histoire de Lynx (Éditions Plon, 1991), Claude Levi-Strauss analyse les mythes des Amérindiens pour en découvrir les constantes :


"Comme les cochons sauvages en Amérique du Sud, ces chèvres offraient un grand intérêt alimentaire et faisaient l'objet de nombreuses croyances : très rusées, difficiles à chasser, mais nourriture de choix, disaient les Kutenai. Les Thompson du Plateau et les Salish de la côte observaient les mêmes rites pour la chasse aux chèvres et à l'ours. Les Squamish, Salish de la côte dont nous examinerons le mythe, tenaient la chasse aux chèvres pour périlleuse et réclamant des dons spéciaux, tant physiques que surnaturels, de la part des chasseurs et de leurs chiens. La fourrure, très prisée, servait aux prestations matrimoniales : le prétendant l'offrait aux parents de sa promise. Symboles de richesse, les capes tissées en poil de chèvre n'étaient portées que dans les grandes occasions. Toutes ces indications s'accordent avec le témoignage des naturalistes : les chèvres vivent au-dessus de la limite des arbres dans des zones rocheuses inaccessibles à tous les autres animaux d'une taille comparable à la leur.

Peut-être les Indiens Shuswap, en majorité ou en partie, dédaignaient-ils la viande de chèvre sauf quand ils n'avaient rien d'autre à manger. Pourtant leurs mythes poétisent aussi cette chasse tout en présentant par rapport à ceux de leurs voisins certaines anomalies sur lesquelles je reviendrai. Elles justifient qu'on leur fasse une place à part dans un ensemble de versions par ailleurs très homogènes et qu'il est temps de présenter. Voici, par exemple, une version Thompson provenant du groupe Utàmqt, sur le cours inférieur du Fraser.

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Jadis les Chèvres étaient des êtres de même nature que les Indiens ; elles prenaient l'apparence animale ou humaine à volonté. Les Indiens le savaient ; raison pour laquelle ils continuent d'observer des rites spéciaux quand ils tuent une chèvre, ou bien un ours noir ou un grizzly qui ont aussi cette double nature.

Un homme pourvu de deux épouses, l'une jeune mère, l'autre enceinte, partit un jour à la chasse. Il poursuivit des chèvres, les perdit de vue et fut étonné de rencontrer deux jeunes femmes qui nièrent avoir aperçu les chèvres (car c'étaient elles). Elles invitèrent l'homme à les suivre, le rendirent capable de grimper le long d'une paroi abrupte (en oignant de salive la plante de ses pieds) et le firent entrer dans une caverne au-dessous du sommet ; beaucoup de gens y vivaient. Il épousa les deux jeunes femmes, mais elles se refusèrent à lui : "Nous n'avons de rapports sexuels que pendant un temps très court, à une certaine saison de l'année." Ses beaux-parents l'envoyaient à la chasse ; il ne devait tuer chaque fois qu'une chèvre dont se nourrissaient tous les habitants Cela dura plusieurs mois. L'homme finit par se douter que les chèvres qu'il tuait étaient en réalité ses beaux-frères, dont seule mourait la "partie chèvre" tandis que la "partie humaine" rentrait le soir à la maison. Pour en être certain, il coupa le museau d'une chèvre morte : un de ses beaux-frères revint saignant du nez.

Arrive la saison du rut qu'annonce la remontée d'une espèce de saumon (anglais dog salmon : Onchorynchus keta) qui dure de la mi-août à fin novembre. Le rut des chèvres a lieu en novembre ; mais le mythe se passe dans les montagnes où les saumons ne parviennent qu'en fin de voyage. Alourdi par l'épaisse fourrure dont on l'a revêtu, le héros ne réussit pas à prendre part au rut. Ses femmes lui donnent une fourrure légère et il peut copuler avec toutes les femelles.

Les mois passent ; une des femmes accouche d'un enfant qui, encore petit, demande à visiter ses grands-parents humains. Le héros se met en route avec sa femme, son fils et un de ses beaux-frères nommé Komùs ("chèvre de deux ans"). Il emporte des moufles remplies de graisse et de viande.

L'homme avait été absent près de deux ans, et on le croyait mort. D'abord invisible, il se fait reconnaître des siens. On festoie avec la graisse et la viande qui augmentent magiquement de volume. A la femme-Chèvre et à son frère on offre leur nourriture habituelle : une soupe de mousses noire et blanche. Mais le jeune Komùs se gave, enfle, et se ridiculise au jeu de ballon. On le raille, on le piétine, on lui pète au visage. Quand Komùs a fini de digérer, il s'empare du ballon et s'enfuit dans la montagne. On lui donne la chasse, il provoque un vent glacé qui tue les poursuivants. Les Chèvres réprimandent Komùs qui consent à ressusciter ses victimes, mais leur pète au visage pour se venger. Finalement il retourne chez les Chèvres avec sa sœur. Le héros et son fils restent au village.


Par sa construction, ce mythe offre une ressemblance frappante avec ceux d'Amérique du Sud qui traitent aussi de l'origine de la viande ou, pour être plus précis, de l'origine de la chasse au meilleur des gibiers. Non seulement ce gibier était jadis humain ou pareil aux humains, mais les mythes l'identifient à des beaux-frères, rapport de parenté sur lequel insiste une autre version thompson. Avant de renvoyer le héros parmi les siens, les Chèvres lui promettent qu'il deviendra un grand chasseur, capable de franchir les plus profonds précipices, à condition d'observer scrupuleusement certaines règles : "Quand tu tueras des chèvres, traite leur corps


avec respect car ce sont des personnes. Ne tire pas les femelles : elles furent tes épouses et te donneront des enfants. Ne tue pas les petits qui sont peut-être ta progéniture. Tire seulement tes beaux-frères, les mâles. Sois sans regret quand tu les tues, car ils ne meurent pas mais retournent chez eux. La viande et la peau (la partie chèvre) te reviennent ; leur vrai moi (la partie humaine) continuera de vivre comme avant, quand la chair et la peau de chèvre la recouvraient."


Que, dans les deux versions, l'armature soit du [même] type ressort de la façon dont se conclut la première version : la femme et son frère retournent chez les Chèvres, le héros et son fils restent chez les humains. Sous une forme un peu différente, l'épisode final de la deuxième version va dans le même sens : revenu seul chez les siens, le héros repart à la chasse, veut tuer une femelle et son petit qui sont en réalité sa femme-Chèvre et son fils. Elle le morigène et le rappelle au respect des règles. Il tue alors un mâle et, de retour au village, prétend que la femelle lui a échappé.

Une troisième version remplace les Chèvres par des Cervidés, et une version okanagon ne distingue pas clairement les familles. Nous avons déjà rencontré des mythes où un peuple de Cerfs remplace un peuple de Mouflons. Ces substitutions s'expliquent par la croyance, attestée chez les Lilloet, qu'aux temps mythiques les cervidés étaient si sauvages et rapides qu'on ne pouvait les chasser ; le peuple des Cervidés, en plus de tous les genres de cette famille, comprenait les Mouflons, les Chèvres des montagnes, les Chevaux, les Bisons, etc. Rien d'étonnant donc que la version thompson à Cervidés assujettisse leur chasse aux mêmes règles que celles de la chasse aux Chèvres. Le héros a tué puis ressuscité sa femme cervidé et leur enfant : "Tu ne dois tuer, lui rappelle-t-elle, que tes beaux-frères." Une version des Lilloet, voisins immédiats des Thompson, précise pourquoi les femmes-Chèvres du héros ne pourront le suivre quand il voudra retourner chez les siens avec les deux fils qu'elles lui ont donnés : "Nous ne te retiendrons pas, disent-elles. Tu peux emmener tes fils, mais nous devons rester ici ; nous ne pouvons t'accompagner car nous ne sommes pas pareilles à toi ; les garçons sont de ton sang, ils peuvent aller avec toi, mais nous, nous ne le pouvons pas." Il est donc clair que, dans tous ces mythes, la disjonction affecte des alliés : époux ou beaux-frères.


Un mot enfin sur l'épisode de Komùs, à la fin de la première version thompson ci-dessus résumée. Ce personnage au gros ventre renvoie à un autre, affligé d'une protubérance stomacale qui, dans un mythe salish de la côte, suscite un épais brouillard. Komùs, lui, provoque un vent glacé et meurtrier, et il émet des gaz intestinaux après en avoir été la cible. Dans le registre météorologique, le vent s'oppose au brouillard auquel les pets font pendant dans le registre physiologique, car le brouillard pue aussi. Un autre peuple salish de la côte, les Skykomish, ont une version étiologique du mythe des chèvres des montagnes qui explique pourquoi eux seuls emploient dans cette chasse un certain type de piège. Selon ce mythe, la fille de l'oiseau Qê'Qê (espèce non identifiée qui vit dans les montagnes) fut offerte en mariage au vainqueur d'une course à pied. Le benjamin de dix frères Chèvre gagna malgré son gros ventre, et il céda la femme au plus âgé. Voisins des Skykomish, les Skagit connaissent aussi l'oiseau Qê'Qê et lui prêtent un fils qui, sous l'apparence d'un chien, séduisit la fille d'un chef. Abandonné avec sa femme et son fils, il créa une autre humanité, inventa le jeu de la crosse, peupla les bois de gibier et la mer d'éperlans, tandis que ses persécuteurs souffraient la faim. Ces mythes provenant des Salish de la côte ramènent donc, le premier et le troisième à l'histoire de Lynx, le second aux voleuses de dentales (par le motif de la course au mariage), vérifiant ainsi que, comme je l'avais postulé, ces mythes et celui des Chèvres des montagnes relèvent en Amérique du Nord d'une même transformation.

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J'ai signalé que par rapport aux autres versions du mythe de la chasse aux chèvres, celles des Shuswap présentent des anomalies. Une version remplace le jeune héros par un vieillard qui reçoit pour instructions de ne tirer que des vieilles chèvres, jamais des jeunes. Une autre inverse les sexes : c'est un Bouc qui rend visite aux Indiens, épouse une humaine et l'emmène vivre chez lui. Ils ont un fils ; la femme retourne chez ses parents avec l'enfant. Elle apporte sous forme comprimée de la viande et des peaux de chèvres qui, à son arrivée, reprennent magiquement leur volume. Puis la femme et l'enfant, transformés pour de bon en chèvres, repartent définitivement. Il est probable que ces altérations tiennent au moins en partie à la situation géographique des Shuswap : ils habitaient une zone de plateau, entre la chaîne côtière et celle du Columbia, où les chèvres étaient rares sinon absentes. Les Kwakiutl de l'île Vancouver et les Tlingit, habitants de la frange côtière en Alaska, connaissaient des difficultés analogues : pour chasser la chèvre, les Tlingit devaient comme leurs voisins Tsimshian s'aventurer dans les montagnes dont ils redoutaient les dangers. Or on observe dans les mythes de ces peuples des altérations comparables (par rapport aux versions de l'intérieur) à celles relevées chez les Shuswap.

Un mythe kwiakiutl inverse le motif de l'union (et même de la promiscuité) sexuelle avec les chèvres : pour réussir à la chasse, le héros devra - d'ordre des chèvres - observer la continence sexuelle pendant quatre ans. Il cède un jour aux avances de son amie, perd son pouvoir et disparaît dans l'intérieur des terres, transformé en ours grizzly.

Le mythe tlingit raconte dans quelles circonstances un chasseur devint un grand chaman. Les gens du village chassaient avec excès et se moquaient des rires. Pour les punir, les Mouflons (qui remplacent ici les Chèvres) capturèrent l'un d'eux. Ils lui apprirent comment montrer du respect aux dépouilles des animaux tués, sans ficher les têtes au bout d'un bâton, traitement réservé aux têtes de grizzlys. Ils libérèrent ensuite l'Indien qui, de retour et suivant les instructions reçues, ordonna qu'on ne touchât pas aux peaux des mouflons dont ses compagnons avaient fait un carnage. Les peaux se remplirent de morceaux de viande, chacun à la place voulue ; les mouflons ressuscitèrent et regagnèrent la montagne : "Mais ils étaient restés si longtemps parmi les Indiens que, juste avant d'atteindre leur ancien séjour sur le plus haut sommet, ils se perdirent et se dispersèrent à travers les montagnes. Et c'est parce que les Mouflons sauvèrent (ou ravirent) un homme qu'ils ont de la barbe et, par d'autres traits aussi, ressemblent à des êtres humains." En revanche les Mouflons avaient communiqué leur odeur spéciale au héros (les Salish de l'intérieur disent plutôt que les grands Ongulés (Cerfs et Chèvres - sont dégoûtés par les odeurs humaines). Les versions que, par commodité, j'ai appelées "anormales" se distinguent donc des autres par une série d'oppositions : héros jeune ou vieux ; vieilles bêtes ou jeunes beaux-frères chèvres, seuls tués ; époux humain ou époux chèvre ; promiscuité licite avec les femelles animales ou continence obligée envers les humaines. Et si les versions thompson, par exemple, se plaisent à évoquer la métamorphose (temporaire il est vrai) d'une humaine en animal, il est frappant que la version tlingit explique comment il se fait que les Mouflons ressemblent à des humains.

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[...] Le mythe des Chèvres des montagnes nous retiendra par un dernier aspect. Il a pour fonction ostensible d'expliquer l'origine des rites dont dépend le succès du chasseur. Le mythe suppose donc une théorie du rituel, même s'il laisse celle-ci à l'état implicite. Peut-on la formuler ? Elle revient, semble-t-il, à affirmer que le rituel à pour origine et pour condition un retour de l'homme à la nature. Pour acquérir les rites de chasse au bénéfice de tous les siens, il a fallu qu'un héros abjure la condition humaine, qu'il apprenne à vivre more animalium, et cela de deux façons. D'une part, il ne pourra s'unir à ses épouses Chèvres que sur le mode naturel, asocial donc, seulement au temps du rut : "Notre saison ne vient qu'une fois par an et elle dure environ un mois. Pendant le reste de l'année nous n'avons pas de rapports sexuels." D'autre part, quand s'ouvre la saison, la promiscuité règne :" Il [le héros] fut en rut avec toutes les femelles, jeunes et vieilles, y compris sa femme et sa belle-mère" (vis-à-vis de cette dernière les Salish de l'intérieur observaient un tabou très strict). "Tu peux, disent ses épouses-Chèvres au héros, poursuivre n'importe quelle femme et copuler ; quand la saison de rut finira, nous te reviendrons et serons à nouveau tes épouses." Toutefois le héros n'aimait pas "que les jeunes lui prissent sa femme ; cela le chagrinait". Il est amusant de noter que les Shuswa de l'ouest (voisins des Chilcotin et des Cartier auxquels ils avaient emprunté une organisation en sociétés ou confréries, la plupart portant des noms d'animaux) imitaient dans leurs danses le rut des bêtes éponymes avec un tel réalisme que, lors d'une visite qu'ils rendirent aux thompson, ceux-ci en furent émerveillés ; mais ils prièrent les Shuswap d'expurger une deuxième représentation pour ne pas choquer leurs épouses.

"Beau et charmant", disent les mythes, le peuple des Chèvres ne se soucie guère des règles par lesquelles les sociétés humaines contrôlent leur reproduction. En revanche, les Chèvres se montrent incroyablement vétilleuses pour faire respecter les règles dont dépend leur propre conservation. Le chasseur devra ramasser un par un et immerger les os du gibier pour que celui-ci ressuscite ; sinon, qu'il les brûle : les bêtes mourront pour de bon mais ne lui garderont pas rancune. Ce ne sont là que les rudiments ; écoutant plutôt les Chèvres donnant leur instruction au héros : "Dis à ton peuple qu'on doit se peindre le visage avant de dépouiller et de découper une chèvre ; on déposera du duvet consacré sur la langue, le cœur et les poumons ; et on mettra le tout à sécher en le suspendant au-dessus du foyer de la cabane, car c'est pour nous une bonne médecine. Les gens devront aussi rassembler soigneusement les os et les autres déchets, et les mettre à l'eau comme tu nous as vu le faire. Pour cuire la viande, commence par rôtir le foie à la broche après l'avoir recouvert de duvet ; c'est pour nous une bonne médecine. Quand le foie sera cuit, prends des rameaux verts de cyprès et pose le foie dessus ; découpe-le en petits morceaux et donnes-en un à chaque participant. Si tu emploies et fais cuire la tête, marque d'abord la face avec de la peinture rouge, parsème-la de duvet et présente-la au feu, museau en avant. Laisse-la un moment, puis dépouille-la. L'homme qui fait cela doit se peindre le visage et répandre du duvet sur sa tête ; tous les assistants doivent garder le silence et ne pas faire le moindre bruit. Quand la tête est dépouillée, remets-la de nouveau devant le feu en ayant soin d'exposer d'abord à la flamme le côté droit. Pendant tout le temps que la tête rôtit les assistants doivent garder le silence ; il ne faut pas entendre tousser ou éternuer, sinon l' "esprit" de la Chèvre prendra peur et tu ne réussiras pas à chasser les chèvres. Laisse la tête au feu jusqu'à ce que l’œil droit explose et jette du liquide sous l'action de la chaleur, puis expose au feu le côté gauche. Maintenant l'esprit ne peut plus voir ceux qui se conduisent mal : cela n'a plus d'importance s'ils parlent ou font quelque bruit. Si l'esprit demande au cuisinier quel est ce bruit, celui-ci pourra répondre : "C'est du bruit fait par ton peuple, pas par le mien." Quand la tête sera cuite, donnes-en un petit peu à chacun des anciens. Il est interdit aux femmes et aux jeunes hommes d'y toucher. Tout cela doit se faire au coucher du soleil, le jour même où la bête a été tuée."


Cette liste de prescriptions et d'interdictions, que j'ai scrupule d'avoir citées au long tant elle paraît oiseuse, offre pourtant un intérêt. Elle pourrait remettre en cause une distinction que, dans L'Homme nu, j'avais tracée entre deux modes de la mythologie : une mythologie explicite consistant en récits dont l'importance et l'organisation interne font des œuvres de plein droit ; et une mythologie implicite qui se borne à accompagner le déroulement du rituel pour en commenter ou expliquer les aspects.

Or le texte qu'on vient de considérer est à double face. Il déroule en parallèle deux séries, l'une mythique, l'autre rituelle, toutes les deux explicites. C'est donc à l'intérieur d'un mythe très riche en tant que tel qu'on trouve une liste de rites soigneusement énoncés. Mais mis à part ce fait, on ne relève aucune correspondance entre l'histoire racontée par le mythe et les actes prescrits. Pris dans le détail, chacun de ceux-ci reste immotivé. Rien dans le récit mythique n'explique pourquoi il faut accomplir tel ou tel geste, employer telle ou telle substance, procéder dans un certain ordre, etc. Le mythe et le rite progressent de conserve, mais ils se tiennent à distance et ne communiquent pas.

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Ted Andrews dans son ouvrage Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (édition originale 1993, Éditions Dervy 2017 pour la traduction française) nous précise les caractéristiques de la Chèvre de montagne :


Points clés : Agilité ; Aplomb ; Recherche de nouvelles hauteurs.


Cycle de puissance : Fin de l'automne et début de l'hiver.


Tous les traits spécifiques de la chèvre des Rocheuses lui permettent de survivre dans les plus hautes altitudes des régions montagneuses. Sa laine épaisse l'isole du froid et la grande flexibilité de son squelette l'aide à grimper. Même ses pattes se sont adaptées à leur environnement. Tous ceux qui ont une chèvre des Rocheuses pour totem seraient bien inspirés d'étudier la signification de son cadre de vie – les régions de haute montagne. La chèvre des Rocheuses est remarquée pour son habileté dynamique à l'escalade. Ses sabots sont comme des pinces, aidant à s'agripper quand elle gravit des saillies abruptes. Les coussinets sous ses pattes opèrent comme des ventouses ce qui lui donne une plus grande agilité encore. La chèvre de montagne est capable de se tenir sur ses pattes arrière et de se hisser vers le haut avec les pattes avant. Même les petits sont capables de se tenir debout dès la naissance et de commencer à grimper peu après. Leur système squelettique éminemment flexible est très significatif. Constitué d'os et de cartilages, il structure toute la charpente du corps et facilite ses mouvements. Si une chèvre des montagnes se présente comme totem, posez-vous quelques questions importantes :

  • Disposez-vous du soutien nécessaire quand vous vous déplacez dans de nouveaux secteurs ?

  • Fournissez-vous le soutien nécessaire à vos proches quand vous vous déplacez ou quand ils se déplacent ou déménagent ?

  • Vous montrez-vous trop inflexible quand vous explorez de nouvelles opportunités ?

  • Ressentez-vous un manque ou un besoin de soutien ?

  • Est-ce que quelque chose ne va pas dans la structure de base de votre vie ?

La chèvre des montagnes peut, bien évidemment, descendre beaucoup plus vite qu'elle ne grimpe. La flexibilité de sa colonne vertébrale et l'agilité de ses pattes lui permettent de manœuvrer sur des corniches et des sentiers périlleux où d'autres animaux se tueraient. Cette chèvre proche du chamois est connue pour faire des sauts de plus de dix mètres pour atteindre de petites saillies, à peine assez larges pour s'y tenir. De nouveau, cela en dit beaucoup sur la flexibilité de son squelette, mais aussi sur la capacité de l'articulation de ses genoux à absorber les chocs. La chèvre des montagnes détient la connaissance des moyens de se déployer et d'atteindre de nouvelles hauteurs et de nouveaux buts. Elle peut vous apprendre à avoir confiance en vos aptitudes à retomber sur vos pieds.


Cette chèvre a des liens avec le signe astrologique du Capricorne. Vous pourrez considérer cette période de l'année comme étant un moment approprié pour faire aboutir des déplacements ou les amorcer. La chèvre a pu se montrer pour que vous vous prépariez. Tous ceux qui l'ont comme totem vont pouvoir étudier les qualités et caractéristiques associées au signe du Capricorne.


En raison de sa connexion avec les types d'énergies du Capricorne, posez-vous d'autres questions essentielles :

  • Êtes-vous trop sérieux ? Ou pas ?

  • Vous préparez-vous assez sérieusement aux déplacements imminents dans votre vie ?

La chèvre peut suggérer un temps de travail et d'études studieuses et assidues, mais elle peut aussi apporter une aide certaine quand l'ambition et les comportements opportunistes nous échappent.

Les cornes de la chèvre de montagne lui confèrent la capacité de percevoir ce qu'il y a devant elle, dans le futur, et, avec son don inné pour l'escalade, elle révèle la manière dont vous pouvez personnellement réussir au mieux votre avenir. Les chèvres de montagne se battent avec leurs cornes. Quand elles sont menacées, elles se mettent en cercle et essayent d'encorner leurs adversaires. Elle sont connues pour être capables de tuer des grizzlis avec leurs cornes. L'épaisse fourrure de la chèvre lui permet de résister aux conditions hivernales rigoureuses. De nouveau, ce point est très révélateur des aptitudes de cet animal en tant que totem. Il peut vous aider à rester concentré et à progresser, pas précaire après pas précaire, vers de nouvelles hauteurs, tout en vous protégeant constamment contre les pires conditions de vie. Il n'est pas rare de voir une chèvre de montagne se présenter comme totem temporaire quand les conditions deviennent difficiles et quand nous avons peur de glisser et de retomber en arrière. Ses énergies nous aident à rétablir l'équilibre, à retrouver une perspective et à reprendre l'ascension. La chèvre peut aussi vous relier à des vies passées associées à la Grèce. Elle apparaît en effet de manière importante dans la mythologie grecque. Ce caprin a des liens avec le dieu de la Nature, Pan, et avec la chèvre d'Amalthée et la corne d'Abondance. Une étude de la tradition les concernant vous fournira des éléments sur le rôle que la chèvre jouera dans votre existence. Si la chèvre de montagne a grimpé dans votre vie, c'est le moment d'entamer de nouvelles ascensions et de nouvelles entreprises. Vous n'aurez pas pour autant besoin de vous précipiter dans celles-ci. Avec une claire vision du futur, vous verrez ce qu'il y a devant vous et vous pourrez avancer avec plus de sûreté.

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Caroline Leroux propose une canalisation du Peuple des Chèvres des Montagnes :



Symbolisme celte :


La chèvre des montagnes s'est imposée à moi pendant la cérémonie de Samonios hier soir [1er novembre 2017], comme animal de pouvoir symbolisant cette célébration sacrée du monde celte. Il ne s'agit pas obligatoirement de l'espèce particulière des Rocheuses, que j'ai découverte à cette occasion, mais de la chèvre comme intrinsèquement associée à la montagne. De plus, dans mon voyage, elle était représentée par le prototype de la chèvre de M. Seguin éprise de liberté jusqu'à en perdre la vie et n'ayant ainsi aucune crainte de la mort. C'est une histoire qui m'a beaucoup fait pleurer enfant et m'a initiée, bien que la conscience m'en fût venue plus tard, aux profonds processus du deuil.


NB. Seguin : Selon le site http://unmicrosousvotreoreiller.unblog.fr :


"Il s’agit d’un nom de souche populaire qui a été formé, comme beaucoup de noms de famille, sur un prénom, à la différence des noms nobiliaires, souvent d’origine toponymique. Seguin est un prénom wisigoth hérité d’une « immigration » très ancienne, datant des Vème et VIème siècles après J.C. Mais son implantation remonte à si loin dans le temps qu’il s’est complètement francisé, comme en témoigne sa terminaison très française par une voyelle nasale en « in » ([ɛ̃]). La nasalisation est cependant tardive et date à peu près du XVIIème siècle. La formation de ce prénom wisigoth comporte deux racines qui existent toujours dans les langues germanique et britannique, où le génitif est antéposé :

  • « seg » signifie la victoire, mot qui existe toujours en allemand, « der Sieg », et qui signifie toujours la victoire.

  • « win », d’après les dictionnaires étymologiques, signifierait l’ami. La racine existe toujours en anglais dans le verbe « to win » dont tout le monde sait qu’il veut dire gagner.

Seguin est ainsi l’ami de la victoire, le porteur de la victoire, celui qui porte la victoire…"


Autre patronyme du conte : Gringoire, forme dérivée de Grégoire, elle-même issue du latin Gregorius (gallo-roman GREGORIU), lui-même emprunt au grec Γρηγόριος Grêgorios, anthroponyme basé sur le verbe grec egrêgoreîn signifiant « veiller » ou « être éveillé ».


Contrairement au rédacteur du site http://unmicrosousvotreoreiller.unblog.fr il me paraît invraisemblable que Daudet se soit fourvoyé en nommant un de ses personnages Seguin tant l'onomastique est fondamentale en littérature. L'étymologie de Gringoire vient nous conforter dans l'idée que nous sommes autorisés à interpréter ces choix de manière à leur donner du sens.

 

2 novembre 2017 : départ pour Dijon avec arrêt à Vaux-en-Bugey et Arbois : dans les deux villages, des chèvres bravant la pente qui me font signe. !


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5 novembre : accident de la route par glissade à cause de la pluie torrentielle qui s'abat depuis la nuit après des semaines de sécheresse => perte d'équilibre qui aurait pu être mortelle ! Cela, c'est l'explication rationnelle, mais en fait, nous avons ressenti l'événement comme une fraction de temps arrêté (pas ralenti comme dans les accidents habituels), un instant d'éternité suspendu, une hésitation entre la vie et la mort, alors que nous nous rendions justement à la cérémonie de Samonios... Petit clin d’œil à ma lune en Capricorne, signe de la mort physique, d'après Fanchon Pradalier-Roy.


24 novembre : lecture de Quand sort la recluse de Fred Vargas, avec plusieurs mois de retard sur l'achat du livre (ce qui ne m'arrive jamais avec un Vargas !) : je découvre alors une interprétation de La Chèvre de M. Seguin qui ajoute du sens à l'accident.

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Mythes et légendes :


Voici une légende proposée sur le site http://www.lecerclemedieval.be :


A la recherche de la Chèvre d'Or

Légendes et contes du pays de Charleroi


Près de Soleilmont, dans une enceinte dite Ville des Sarrasins, se dressaient, jadis, plusieurs monticules dont un, plus élevé, faisait figure de tumulus. A son sommet, une dépression que les gens de l'endroit nommaient « El pusse del Gade d'Or ».

Combien d'aventuriers étaient partis de ces bords à la recherche du fabuleux butin ? Combien de rêves d'opulence s'étaient ici évanouis ?

Partout dans la région, la Chèvre d'Or désignait un trésor enterré dans un puits naturel, des ruines, un camp, un cimetière ou sous un château. A Gerpinnes se trouvait la «carrière del Gade d'Or». Loverval possédait son trésor caché, Monceau-sur-Sambre croyait à un butin dans un coffre très lourd. A Godarville, un trésor de pièces triangulaires avait été enfoui dans le jardin du Castia par l'ancien seigneur, le général Van der Beeke. Ce dernier fut tué au combat ; sa femme, morte en couches, se serait réincarnée et aurait poussé les habitants à organiser les mystérieuses fouilles, silencieuses et nocturnes, de 1879. Elle voulait se remarier et rentrer en possession de ces 608 kilos d'or qui gisaient sous terre !

Ces mystérieuses chèvres d'or, affirmait la légende, avaient été coulées par les Nutons, enterrées par les Sarrasins, placées sous la garde d'un animal fantastique ou d'un démon. Parfois, une fée leur donnait vie et, la nuit de Noël, de la Saint-Jean ou du Samedi Saint, la chèvre gambadait de ruine en ruine, effrayant les rôdeurs nocturnes.

La quête du butin est au cœur de la légende : dès qu'un téméraire, plus hardi que les autres, décide de s'emparer de la Chèvre d'Or, il doit se conformer à tout un rite. Il sait pourtant les souffrances de ceux qui n'ont pas réussi, les frayeurs au bout des souterrains, il sait même que certains n'en sont pas revenus. Mais l'attrait de l'or est si enivrant qu'il ne peut y résister.

Il questionne d'abord les vieux, ceux qui connaissent la tradition et le rituel. S'il habite Godarville, il devra prendre une poule noire, se rendre à minuit au carrefour des quatre chemins et attendre l'apparition de Satan en personne qui le renseignera, en échange de la poule. Il repère ensuite l'endroit précis où gît le précieux magot. S'il l'ignore, il doit recourir à un particulier qui manie parfaitement la baguette fourchue en bois de coudrier. Le pouvoir de faire tourner cette côrette n'appartient qu'aux personnes nées voilées ou qui ont vu le jour un dimanche matin au moment de l'élévation. Quand la côrette tourne d'elle-même, la Chèvre d'Or n'est pas loin.

Une fois l'endroit connu, notre aventurier doit se procurer des bougies de graisse humaine ou, à défaut, des bougies bénies le jour de la Chandeleur, les seules qui brûlent sans être vues par les esprits maléfiques. Notre homme est enfin prêt. Le soir tombe, le soleil meurt, la nuit vient. C'est le moment où le démon abandonne ce qu'il garde le jour pour vagabonder de par le monde. La Chèvre d'Or est donc sans surveillance.

A minuit, le chercheur s'aventure dans les entrailles de la terre et franchit les limites du domaine infernal. Sans trembler, il progresse doucement, fouillant coins et recoins, examinant les crevasses les plus humides. De temps à autre, il allume une nouvelle chandelle à celle dont la clarté vacille. Mais la bougie neuve pétille de plus en plus, puis s'éteint brusquement. C'est le signe !

La chèvre est là, en effet. Brillant de mille feux. A portée de sa main. L'intrépide s'en empare et remonte rapidement à l'air libre. Fou de bonheur, riche comme Crésus, il s'adresse à son butin : «Ah, coquine, je te tiens, cette fois, et je te tiens bien!» Ces paroles malheureuses vont le perdre. Dans l'euphorie de se trouver maître d'une si grande masse d'or, il a oublié un des préceptes du rite: celui qui ouvre la bouche est destiné à ne jamais réussir.

Le fil magique se brise, la Chèvre d'Or s'évanouit. C'est en vain que, le lendemain et les jours suivants, il redescendra à la recherche du trésor perdu. Il ne reverra plus jamais la Chèvre d'Or.

Ce mythe se retrouve à l'échelle européenne. C'est le mythe du trésor inaccessible et du culte que l'homme a toujours voué à l'or.

Au départ, la Chèvre d'Or est donc un trésor en forme de chèvre. Certains folkloristes pensent qu'il s'agissait plutôt de pièces d'or cachées dans une outre en peau de chèvre. Le temps ayant détruit le cuir et la peau, il n'en resta bientôt plus que le nom associé au précieux métal.

Le trésor est gardé par un chat, un démon, un bouc noir, un vert-bouc aux yeux flamboyants, une bande de Nutons ou par Satan lui-même. Tous semblent prêts à châtier cruellement la cupidité des chercheurs.


A la faveur de la transmission orale et de ses déformations, un dédoublement s'est ensuite produit dans la légende : la Chèvre d'Or est devenue vivante.

C'est ainsi qu'elle apparaît à Somzée ou chez nos amis provençaux. Là, le récit populaire - dont Paul Arène a tiré son conte "La Chèvre d'Or" - met en scène un «cabro» aux cornes et sabots d'or. Relisez les Lettres de mon Moulin, Daudet en parle dans sa nouvelle "Les Étoiles". L'animal erre dans la montagne, hante les Baux ou les ruines de l'abbaye de Montmajour, près d'Arles. Elle habite une grotte envahie de richesses. Elle est devenue la gardienne de son propre trésor.


NB. Après vérification la nouvelle des Étoiles de Daudet ne renvoie pas à cette légende.

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Étude d'une légende européenne qui relie l'arrivée des grands froids, la Vieille et la chèvre des montagnes.

 


Littérature :


Dans L'Oracle della Luna de Frédéric Lenoir (Albin Michel, 2006), on peut lire :


"Aux alentours du 21 décembre arrive le solstice d'hiver. À l'image de la nature qui est entièrement dépouillée, concentrée, silencieuse, sévère, les natifs du Capricorne sont sérieux, concentrés, austères, parfois tristes et solitaires.

[...]

- Et puis vous avez un idéal très élevé et cherchez sans cesse à progresser dans la connaissance.

- Oui, c'est aussi un trait des natifs du Capricorne. Telle la chèvre qui les représente et qui symbolise les jours qui rallongent, ils sont ambitieux, persévérants et aspirent sans cesse à s'élever intérieurement ou socialement.

- En quoi la chèvre symbolise-t-elle les jours qui rallongent et ce désir d'élévation ?

- Mets une chèvre dans n'importe quel lieu et observe-la. Elle montera toujours sur le site ou l'objet le plus haut."

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