Étymologie :
COUCOU, subst. masc.
Étymol. et Hist. I. 1. 2e moitié xie s. judéo-fr. cucu « oiseau grimpeur du genre pie » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, p. 38) ; ca 1180 cucu (M. de France, Fables, 46, 8 ds T.-L.) ; 1538 couquou (Est., s.v. cuculus) ; d'où 1832 « horloge dont la sonnerie imite le cri du coucou » (G. Sand, Valentine, p. 327) ; [1829 coucou « montre » ds Bras-de-Fer, Nouv. dict. d'arg., p. 44] ; 2. a) 1557 coquu « primevère » (L'Escluse ds Roll. Flore t. 9, p. 67) ; 1667 cocou (Pomey, Indiculus univers., p. 49, ibid.) ; 1671 coucou (Pomey) ; b) 1845 « narcisse des bois, des prés » (Besch.) ; 3. a) [ca 1800 « petite voiture publique qui conduisait les voyageurs dans les environs de Paris » ds Brunot t. 10, p. 900 et FEW t. 2, p. 1455 a] 1813, 19 juin cochers de coucou (Jouy, Hermite, t. 4, p. 6) ; b) 1914, 24 déc. « avion » (Lectures pour tous, août 1915, p. 148 ds Esn. Poilu, p. 176) ; c) 1916 « petit train » (ibid., p. 177). II. 1660 « cri des enfants jouant à cache-cache » faire Coucou (Oudin, Fr.-Esp.) ; 1887 « cri pour manifester sa présence » (Zola, loc. cit.). I du lat. class. cŭcūlus « oiseau grimpeur du genre pie » avec infl. du cri de l'oiseau pour le développement phonét. : redoublement du [k] [type kükü], peu à peu assimilation des deux voyelles (types koku, kuku) ; le lat. désigne à l'époque impériale la morelle noire (Pline ds André Bot. ); cf. brachacuculi « primevère » (1542 ds Roll. Flore t. 9, p. 63) ; brayes de cocu (1544, ibid., p. 65). II, onomatopée imitant le cri de l'oiseau du même nom.
Lire également la définition du nom coucou pour amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Primula veris - Clediet (Wallonie) - Clef de Saint-Pierre - Fleur des clefs (à cause de la ressemblance de l'ombelle à un trousseau de clefs) - Herbe de la paralysie - Oreille d'ours - Primevère officinale -
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Botanique :
Simon Klein, auteur de La Vie sexuelle des fleurs (Éditions E/P/A, 2022) explique les spécificités de la reproduction florale :
Coucou : Trop court ou trop long !
Au printemps, on les rencontre facilement ; elles pointent leurs clochetes jaunes tout en haut de leurs fines tiges vert clair et duveteuses, en se balançant au vent. Nous voici en présence de la primevère officinale, plus communément appelée coucou. La primevère est très répandue dans les régions tempérées, on la trouve facilement dans les prairies, au bord des forêts ou des champs. Elles fleurissent très tôt au printemps, parmi les premières fleurs ; comme l'indique leur nom latin, primula (la toute première), et veris (du printemps).
Les primevères ont tout à fait saisi le problème de l'autofécondation, qui amène à l'appauvrissement de la diversité génétique dans la population et, à terme, à l'augmentation de mutations délétères pour l'espèce. Comme la majorité des fleurs, le coucou nécessite la venue sur son pistil du pollen d'une autre fleur, qu'elle soit à dix centimètres ou à des milliers de mètres de là. Mais l'important, c'est que le pollen ne vienne pas du même pied, car cela voudrait dire que la fleur est fécondée par un spermatozoïde qui partage le même patrimoine génétique que l'ovule. D'autant que les fleurs de coucou sont hermaphrodites : elles portent à la fois les parties femelles et les parties mâles.
Ces petites fleurs jaunes se gorgent de nectar, ce qui les rend d'autant plus attractives pour les insectes, notamment les abeilles à miel et les bourdons, mais aussi des abeilles solitaires comme les osmies qui débutent leur vie d'adulte très tôt au printemps.
D'abord, l'odeur subtile du coucou stimule les antennes, puis ce sont les petites taches jaunes agglutinées en haut des hampes florales, se détachant de l'herbe, mais suffisamment criardes, qui stimulent la vision des insectes. Ils foncent alors se régaler du pollen et du nectar. Puis visitent d'autres fleurs, sans connaissance de leur patrimoine génétique.
Il se pourrait bien qu'en allant se fourrer la tête au fond de la corolle en tube du coucou, l'osmie vienne déposer du pollen sur le pistil de la même fleur ; et là, catastrophe : l'autofécondation à éviter a lieu !
Mais c'est sans compter sur l'ingéniosité du coucou, acquise par l'espèce au cours de l'évolution ! Si l'on est assez curieux pour aller voir ce qu'il se trame dans le tube de plusieurs fleurs de coucou, on découvre chez ces fleurs deux arrangements : il y a des fleurs avec un long pistil, qui dépasse même de la corolle et qui porte ses étamines très bas - le pollen n'est présenté qu'à la base de la fleur, juste avant un resserrement qui amène tout au fond aux réserves de nectar. Ce type de fleur est appelé longistyle (à style long). L'autre moitié de la population de coucous a des fleurs au design inversé, ce sont les brévistyles : un tout petit pistil, dépassant tout juste du resserrement avant la réserve de nectar, et des étamines très longues sortant presque du tube formé par les pétales soudés.
Lorsqu'une osmie (ou une abeille) vient se régaler de nectar au fon d'une fleur de coucou, elle s'engouffre jusqu'à planter sa tête vers la base de la fleur, tirer la langue, passer dans le resserrement pour atteindre et siroter le nectar, tout au fond. Si la fleur est longistyle, alors la présentation du pollen se fait à la base de la fleur, et l'insecte en ressort la tête toute couverte de pollen, et seulement la tête ! Après cette première visite, l'osmie s'envole vers une autre fleur : si elle passe dans une fleur brévistyle, enfonçant sa tête au plus profond de la fleur, le pollen collé sur son front se trouve directement en contact avec le pistil, qui dans cette architecture émerge tout juste de la réserve de nectar. Il y a donc fécondation possible, et souhaitable, car brévistyles et longistyles ne sont jamais portées par le même pied de coucou. C'est une fécondation croisée. Une fois dans une fleur brévistyle, en s'activant pour chercher le nectar, l'insecte frétille et bouge ses pattes et son arrière-train qui se couvrent alors du pollen qui est présenté très haut dans la fleur. Ce pollen n'entera en contact qu'avec un pistil porté haut lui aussi : donc sur une fleur longistyle. Ainsi pour le coucou, le pari est gagné : la fécondation croisée est la norme !
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Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de la Primevère officinale :
Propriétés Physiques. - Les racines blanches, rameuses, ont à l'état frais une odeur fragrante, un peu anisée, due à une essence qu'on peut en retirer par distillation ; leur saveur est astringente, légèrement amère. Les feuilles sont presque insipides et inodores. Les fleurs exhalent un arome qui se communique facilement à l'eau et à l'alcool.
Usages médicaux. — Les racines séchées et pulvérisées ont été employées comme sternutatoires ; on s'en sert aussi pour rétablir la bière qui a suri. Les feuilles sont comestibles en Angleterre. Les fleurs paraissent exercer une action sur le système nerveux ; on les dit calmantes et antispasmodiques. On les a vantées sans raison contre la paralysie, le rhumatisme, les catarrhes ; leur infusion a une belle couleur d'or, une odeur suave, une saveur agréable (une poignée par pinte de liquide) ; on peut la prescrire dans quelques affections inflammatoires ; je l'ai prise en assez grande quantité et ne lui reconnais d'autre avantage que de changer la saveur des tisanes habituelles et dont les malades se fatiguent très vite.
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Usages traditionnels :
D'après Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :
Les autres moyens de détruire les puces employés dans nos campagnes, sont de mettre dans les draps des fleurs de coucou, Primula veris et clatior.
Selon Patrick Mioulane auteur d'un article intitulé PRIMEVÈRE OFFICINALE : APPELEZ-MOI COUCOU… :
Les jeunes feuilles du coucou se consomment cuites à la vapeur, ou en soupe, avec des pommes de terre et des oignons. On s’en sert aussi parfois pour aromatiser le thé.
Les fleurs peuvent décorer des salades. Mais on en prépare aussi une boisson apaisante en les faisant fermenter dans du vin, du miel et du citron. La macération donne un breuvage naturellement pétillant, le coucou renfermant une concentration importante d’acide carbonique.
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Le coucou qui guérit : Au douzième siècle, Sainte Hildegarde recommandait le coucou contre la mélancolie, la paralysie et l’apoplexie. Après avoir été délaissée plusieurs siècles, elle est revenue en grâce à la Renaissance.
De nos jours, on a confirmé que les racines (en réalité les rhizomes) de la primevère vraie et à un degré moindre les feuilles et les fleurs, possèdent des vertus expectorantes, d’où son nom courant de « primevère officinale ». La décoction de racine se prépare à raison de 30 g/l ; il faut en prendre trois tasses par jour bien sucrées. Avec son goût d’anis dû à la présence de primuline et de primulavérine (des glucosides), cette tisane permet de lutter contre les affections respiratoires, notamment les bronchites.
Les fleurs hachées, mélangées à du miel dilué dans un peu d’eau constituent un remède apprécié contre la toux. Les feuilles bouillies appliquées chaudes sur les articulations calment les rhumatismes.
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Steffen Guido Fleischhauer, Jürgen Guthmann et Roland Spiegelberger, auteurs de Plantes sauvages comestibles. (Éditions Ulmer, 2018) donne quelques idées de recettes traditionnelles :
Utilisations culinaires :
Fleurs : On reconnaît la fleur de coucou à ses belles fleurs lumineuses et rayonnées, groupées en inflorescences lâches. On conserve la jolie forme des pétales en les épinçant avec soin et en les conservant 1 semaine au réfrigérateur dans une boîte ou un sac en papier fermé. Elles décorent superbement les plats ; éparpillées sur des plats chauds ou froids, par exemple des salades ou des confitures, c’est un vrai délice.
Notre conseil : saupoudrez-en le fromage blanc aux herbes ou les salades de concombres. Elles sont également très décoratives dans les tisanes en mélange.
Feuilles : D’avril à juin, les feuilles délicates s’ajoutent aux salades et plats de légumes feuille, aux purées de légumes, aux mélanges d’herbes aromatiques ainsi que sur les tartines beurrées.
Goût : Les fleurs ont une saveur douceâtre de thé. Les feuilles sont amères avec un léger goût de savon.
Composants : Mucilages, saponine, sucres, vitamine C.
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Croyances populaires :
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :
Ceux [les enfants] des environs de Rennes et du pays nantais mettent à cheval sur un fil noué par les deux bouts les branches fourchues de la fleur de coucou et en font une boule, qui à Nantes se nomme balle de coucou. Dans la Sarthe, ils chantent :
Couronnelle,
Fais la belle,
Coucou,
Fais l'amour.
Symbolisme :
D'après Nicole Parrot, auteure de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :
"Le coucou vante la suavité, la gourmandise et la tendre sensualité. Peut-être parce qu'il est uniquement jaune, couleur crainte par les superstitieux, il est parfois associé à "l'infidélité". Celui qui offre les petites clochettes d'or craint-il d'en souffrir ? Ou craint-il d'y céder ? C'est selon.
Cependant, en même temps, le coucou recommande : "attendons un moment plus propice". Allons, cette sage précaution montre son sérieux et devrait dissiper toute inquiétude. D'ailleurs sa triste réputation provient sans doute de son homonymie avec l'oiseau du même nom, un profiteur qui dépose ses œufs dans le nid d'autres oiseaux. Tout s'explique.
La petite fleur jaune à minuscules conques jaunes réunies en faisceau est également appelée primevère officinale - qui elle-même n'est pas la primevère des jardins, de toutes les couleurs. Poussant au printemps dans la mousse des sous-bois, le coucou exhale un parfum unique, délicieux. Il mérite qu'on se penche jusqu'à lui pour le respirer avant de le cueillir. Ce que faisait peut-être Winston Churchill. Il aimait poser un bouquet e coucous sur son bureau, devant la photo de sa belle Clémentine. Un environnement parfait pour écrire dans le calme les superbes discours qui réconfortèrent son peuple durant les années de guerre.
Mots-clefs : "Inconstance et sensualité"
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Sur le site de Newsjardintv.com en date du 14 novembre 2014, Patrick Mioulane propose un article intitulé PRIMEVÈRE OFFICINALE : APPELEZ-MOI COUCOU… dans lequel il évoque quelques anecdotes à propos du coucou :
Le coucou est associé à la fête des Rameaux (le dimanche qui précède Pâques). Il était de coutume à cette occasion de disposer sur les tombes, des potées de primevères de printemps, dans une tradition similaire à celle des chrysanthèmes à la Toussaint. Les raisons du choix de la plante sont d’ailleurs identiques, à savoir leur époque de floraison précoce pour l’une, tardive pour l’autre.
[…]
La Ligue de la primevère : La petite histoire veut, que, en Angleterre, vers la fin des années 1870, alors que Benjamin Disraeli (1804-1881) venait d’être reconduit par la reine Victoria pour un second mandat de premier ministre, lors d’un bal donné en l’honneur de ce leader du parti conservateur, une jeune femme fit une entrée remarquée parce qu’elle portait pour seul bijou une couronne de coucous. Elle avait cueilli les fleurs elle-même dans un pré voisin. Séduit par cette charmante présence bucolique, Benjamin Disraeli, qui fut également un auteur de romans réputé et qui portait le titre de 1er comte de Beaconsfield, veilla à porter chaque printemps une fleur de coucou à sa boutonnière.
Lors des funérailles de Disraeli, la Reine Victoria (1819-1901) fit personnellement envoyer une couronne de primevères avec un mot écrit de sa main. En 1883, il fut fondé en son honneur la « Ligue de la primevère », notamment par Randolph Churchill (1849-1895), le père de Winston. Les membres se faisaient un honneur de déposer chaque 19 avril (jour du décès de Disraeli) des bouquets de coucous sur sa tombe et des couronnes sur ses statues. La Ligue de la primevère (Primrose league) fut active jusque dans les années 1860.
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Contes et légendes :
Sur le site Plantes-sauvages-comestibles.com, on apprend que :
En Europe du Nord, la légende dit qu’à l’endroit précis où tombèrent les clés du paradis des mains de Saint Pierre, naquit la primevère avec ses fleurs capables d’ouvrir la porte du ciel. En effet, quand, à la sortie de la grisaille de l’hiver, on contemple la première fleur de primevère, on s’y croirait presque… Elles ont quelque chose d’apaisant, de joyeusement paisible et elles sentent délicieusement bon le miel. Pas étonnant que Hildegarde de Bingen conseillait leur usage pour lutter contre la mélancholie.
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Littérature :
Le Coucou
Coucous des bois et des jardins,
J’ai le cœur joyeux, j’ai le cœur tranquille.
Coucou fleuri, coucou malin,
Je viendrai te cueillir demain.
J’ai le cœur joyeux, j’ai le cœur tranquille,
De bon matin.
Robert Desnos, "Le Coucou" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.
Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque la Primevère de son enfance :
27 février
(Fontaine-la-Verte)
La primevère officinale étale en rosette la chlorophylle gaufrée de ses feuilles. Sa tige raide et juteuse a la teinte des neiges mouillées. Son inflorescence est une chevelure de Méduse. Calices de papier. Pétales jaune clair, barrés d'une médiane rose-orange. Au creux de chaque corolle, la ronde écolière des étamines...
Je me prosterne sur la touffe. Je hume les parfums de mon enfance, quand la montagne échevelait ses rus printaniers sur les pentes. Je cueillais des coucous. Je les reniflais comme un cocaïnomane sa poudre. Je suivais les eaux claires jusqu'au grand marécage. Je traçais mon chemin sur des plaques de neige fondante. J'écrivais des Je suis heureux ! de vingt mètres de longueur sur ces boucliers d'argent éphémères.
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