Étymologie :
BOURDAINE, subst. fém.
Étymol. et Hist. Av. 1204 a. norm. borzaine (Charte citée par P. Meyer dans Romania, t. 1, p. 422) ; apr. 1350 (?) bourdaine (Usem. de la for. de Brecelien, Cart. de Redon, Eclairc., CCCLXXX dans Gdf. Compl.) ; cf. début xve s. norm. bourdaine (Coutumier des foréts Evreux, Moutiers, Roseux dans Delisle, La Classe agricole ... en Normandie, New-York, s.d., p. 352) ; dans les dict. sous la forme bourdaine à partir de Cotgr. ; 1775 bourgène (Valmont de Bomare, Dict. d'hist. nat., Paris, Brunet, p. 543). Orig. obsc. ; le mot est aussi attesté par le topon. lat. Boscum de Bordena (xiiie s. dans FEW t. 21, 1, p. 115a) aujourd'hui la Bourdaine, Seine-Maritime ; il représente un pré-roman *burgena, dér. d'un type contenu dans le basque burgi, v. bourg-épine ; les formes en -rd- issues de -rg-sont caractéristiques des parlers de l'Ouest (cf. ardille pour argile, FEW t. 1, p. 137a).
Lire également la définition du nom bourdaine pour amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Frangula alnus - Rhamnus frangula - Aulne noir - Bare (Wallonie) - Bois à la gale - Bois de chien - Bois noir - Bois punaise - Bourgène - Frangule - Nerprun bâtard - Nerprun bourdaine - Nerprun noir - Noire Femme - Noire Saule - Piane - Pouverne - Puègne noire - Rhubarbe des paysans - Vernotte -
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Botanique :
Selon M. de Mélicocq (baron) dans un aticle intitulé "Des Arbres Et Des Arbrisseaux Désignés Au Moyen Age Sous Le Nom De Mort-Bois", paru dans le Bulletin de la Société Botanique de France, 6 : 4, 258-261, 1859 :
Les praticiens et les glossateurs sont peu d'accord sur le nombre des arbres et des arbrisseaux qui sont désignés sous le nom de mort-bois dans la charte normande accordée par Louis X, en 1315. Suivant Furetière (1690), qui transcrit cette charte, ils seraient au nombre de neuf : saux, marsaux, espines, puisnes, aulnes, le seur ou sureau, genest, genièvre et ronces.
[…]
Je vais maintenant transcrire une précieuse variante que m'ont fourni les archives de la préfecture de l'Oise. Dans l'acte de 1535, que je vais citer, je lis que les habitants de Ponthoize (près Noyon), Caurchy, Pont-Levesque, Sempigny (aussi près de Noyon), etc., ne pourront prendre, dans la forêt de Laigue, selon la coutume de Normandie, dont le roi ordonne l'observation dans le royaume, que le bois mort et le mort bois, déclarant que le bois mort est le bois sec infestant et gisant, et le mort bois est le bois des saulx mort, saulx, puyme, espines, sieux, aulne, genestre et genyar.
Ce texte ne nous donnerait-il pas le droit de supposer que par saulx mort nous devons entendre le Saule Marceau (Salix caprea I.. ), puis le Saule commun (Salix alba L), la Bourdaine (Rhamnus Frangula L.), etc. ?
Il est bon d'observer que le charbon de la Bourdaine n'était pas encore seul réservé pour la confection de la poudre à canon, car on lui préférait anciennement celui du Tilleul.
François Couplan, auteur de Les plantes et leur nom - Histoires insolites (Éditions Quae, 2012) nous en apprend davantage sur le nom de la Bourdaine :
Bourdaine (Rhamnacées) : « Bourdaine » est une altération de « borzaine », terme de l’ouest de la France désignant l’arbrisseau, d’origine obscure.
Pour les botanistes, la bourdaine s’est successivement nommée Rhamnus frangula (Rhamnus est le nom de genre des nerpruns), Frangula alnus et aujourd’hui Frangula dodonei.
Frangula désignait la bourdaine dans Matthiole et Dodoens, auteurs de livres botaniques au XVIe siècle. Ce terme provient du latin frango, briser, car le bois se casse facilement. L’épithète évoque l’aulne, qui ne ressemble pas vraiment à notre arbuste, mais pousse comme lui les pieds dans l’eau.
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Vertus médicinales :
Selon Joseph Roques, auteur de Phytographie médicale, histoire des substances héroïques et des poisons (Vol. 3. B. Cormon & Blanc, 1835) :
Cet arbrisseau, très commun dans nos forêts, doit figurer aussi parmi nos purgatifs indigènes. Sa vertu cathartique, moins prononcée dans ses fruits, est très vive, au contraire, dans l'écorce moyenne des rameaux et dans les racines, qu'on prend en infusion ou en décoction à la dose de deux ou trois gros. Au reste, cette purgation excite quelquefois avec violence les tuniques digestives.
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de la Bourdaine :
Propriétés Physiques. - L'écorce moyenne est jaune, d'une odeur un peu désagréable, d'une saveur amère, styptique, nauséabonde ; elle contient un principe extrêmement âcre, amer, une huile volatile, de la gomme, du sucre et un principe colorant. Cette écorce fournit ainsi que les baies une teinture jaune. Les baies sont d'abord rouges puis noires.
Usages Médicaux. - . L'écorce de bourdaine est purgative quand elle est sèche et éméto-cathartique quand elle est fraîche ; ses propriétés étaient connues des anciens ; elles sont mentionnées dans Matthiole et dans Dodoens ; Linné rapporte aussi l'usage qu'en font les paysans suédois pour se purger. Gumbrecht, en 1843, a signalé cette écorce comme tonique et fortifiante ; d'après J. Ossieur, ce serait un de nos meilleurs purgatifs produisant des selles molles sans douleur, n'amenant pas de relâchement intestinal consécutif ; il est dit dans Soubeiran que cette écorce est le purgatif ordinaire des paysans belges suivant la formule que voici : Ecorce sèche 45 grammes, écorce d'oranges 8, eau 2 litres ; faites bouillir à réduction d'un litre ; dose, 60 grammes. Quoi qu'il en soit de cette assertion, cette formule appartenant à Gumbrecht, il est prouvé que l'écorce de bourdaine est un bon purgatif se plaçant dans la matière médicale par ses propriétés toniques à côté de la rhubarbe ; son emploi peut donc remplir des indications très utiles ; elle a été prescrite dans les maladies abdominales avec pléthore veineuse, dans les constipations habituelles, les congestions hémorrhoïdaires sans flux, les obstructions de la veine-porte (Gumprecht). On l'a conseillée aussi comme anthelminthique. Pour l'usage externe, bouillie dans l'eau ou pilée dans du vinaigre, elle a été employée avec avantage contre la gale et certaines dartres invétérées (Coste, Willemet). Les baies dont on se sert quelquefois pour falsifier celles du nerprun ne paraissent pas purgatives ; Dubois assure en avoir pris une centaine et n'en avoir éprouvé aucun dérangement.
Formes et doses. ― Infusion ou décoction, 15 à 30 grammes pour 500 d'eau. Poudre, 1 à 2 grammes. Sirop, 30 à 60 grammes en potion. Il est prudent d'associer à ces préparations une boisson mucilagineuse. La décoction s'emploie aussi en lotion.
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Marie d'Hennezel, autrice de Les Plantes pour tout guérir et booster sa santé (Éditions Rustica, 2015) nous offre des recettes concrètes :
Un peu d’histoire : C’est du latin frangere, qui veut dire « casser », que provient le nom scientifique de la bourdaine. En effet, les rameaux de cet arbuste sont fragiles et très cassants. Et c’est de l’ancien français bour, qui signifie « bâtard », qu’elle tient son nom français, car la bourdaine ressemble autant au nerprun qu’à l’aulne.
Son usage ne fut codifié qu’au XVIe par Matthiole, qui mit en exergue les qualités de purgatif et de diurétique de la plante.
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Utilisations : De la bourdaine on utilise l’écorce en tisane. La vertu majeure de ces écorces séchées est d’être laxative. En les consommant en décoction légère, on traite la constipation. Plus concentrée, cette tisane nettoie et purge le côlon intestinal. La bourdaine en tisane est aussi cholagogue – elle favorise l’élimination de la bile – et circulatoire – elle soulage les hémorroïdes et les troubles circulatoires légers.
En usage externe, elle est cicatrisante, et la décoction utilisée en compresse ou en lotion permet d’éliminer les dartres, les infections de la peau et les abcès.
Préparation : La tisane de bourdaine se prépare en décoction de 3 minutes pour la légère et 6 minutes pour la concentrée, suivie d’une infusion de 3 minutes, feu éteint et récipient couvert, à raison de 3 pincées pour la légère et 6 pincées pour la concentrée d’écorce de bourdaine séchée et broyée. Buvez 2 à 3 tasses par jour. La saveur de cette tisane est amère et boisée. Vous pouvez l’aromatiser avec de la menthe, un zeste de citron ou d’orange.
Une recette simple : Pour venir à bout d’une constipation chronique, mélangez dans une tisane légère de la bourdaine, de la bruyère et de la reine-des-prés, à raison de 1 pincée de chaque plante pour 1 litre d’eau. Buvez 3 tasses par jour de cette tisane entre les repas.
Toxicité et précaution d’emploi : Attention, il ne faut surtout pas employer l’écorce avant un an de dessiccation (séchage). L’écorce fraîche est toxique, elle provoque des vomissements, des nausées et des coliques.
Il faut de plus limiter la durée du traitement à 9 jours, sauf en mélange où la cure peut se prolonger, après un arrêt de 3 jours, 9 jours encore.
Le dosage de 3 pincées par litre d’eau peut être diminué selon la sensibilité de chacun.
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Croyances populaires :
Paul Sébillot rapporte dans Le Folklore de France-La Flore (Éditions Imago, 1984) que :
En Ille-et-Vilaine, les vaches battues avec un rameau de bourdaine pissent le sang.
Symbolisme :
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Bourdaine (Rhamnus frangula) a les caractéristiques suivantes :
Genre : Féminin
Planète : Saturne
Élément : Eau
Pouvoirs : Protection ; Exorcisme ; Réalisation de vœux.
Utilisation magique :
Bien que connue des Anciens, cette plante ne semble pas avoir été beaucoup utilisée par eux. Les Grecs, si friands de plantes magiques, n'en parlent pas. Il faut attendre Dioscoride, c'est-à-dire le 1 er siècle de notre ère, pour la voir brièvement mentionnée : ses tiges, suspendues aux portes et aux fenêtres, défendent la maison contre les mauvaises influences. Et la Bourdaine retombe dans l'oubli pour longtemps.
Ce n'est qu'à la Renaissance qu'on la voit ressurgir dans une légende anglaise : si l'on trace un cercle en forêt dans un endroit où poussent les Bourdaines, et que l'on danse à l'intérieur de ce cercle à la pleine lune, un lutin apparaîtra qui accordera le souhait qu'on lui demandera, à condition que ce soit un souhait de bon chrétien.
On utilise de cet arbrisseau l'écorce et les baies. La Bourdaine n'est pas une plante empoisonnée, cependant elle est à manier avec précaution ; ni ses baies, semblables à de petites airelles-myrtilles, ni son écorce fraîche ne doivent être absorbées par voie buccale. On aurait des nausées, des vomissements, accompagnés de violents maux de ventre. Cette toxicité disparaît toutefois après un an, minimum, d'oxydation à l'air libre, dans un local sec et chaud. C'est pourquoi l'écorce de Bourdaine vendue dans le commerce est toujours vieille de plusieurs années. Elle est alors inoffensive, tout en ayant conservé en grande partie les propriétés de ses huiles essentielles.
En magie - du moins en magie blanche, qui est la seule qui nous concerne -, on peut prélever de l’écorce fraîche directement sur l'arbre, puisque son usage est toujours externe. Ne pas oublier, seulement, de se laver les mains après l'avoir manipulée.
Cette écorce est brûlée dans les rites d'exorcisme. Sa fumée fait fuir les esprits malins et purifie les locaux. Lorsqu'un inventeur a peur qu'on lui vole ses idées, il n'a qu'à intercaler dans les pages de ses livres et cahiers quelques fines lanières de l'écorce intérieure tendre et molle, celle que l'on nomme parfois « deuxième écorce ». Quiconque essaierait de lire ce qui est écrit n'y comprendrait rien. Les petites baies d'un noir rougeâtre sont des talismans juridiques ; n'allez jamais au tribunal sans en avoir une dizaine dans votre poche.
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Selon Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani :
Selon Dioscoride, des tiges de bourdaine (arbuste des bois d'Europe occidentale), suspendues aux portes et aux fenêtres, chassent les mauvaises influences. De nos jours, la fumée dégagée par de l'écorce de bourdaine que l'on fait brûler éloigne, dit-on, les esprits malins et purifie.
Les baies de la bourdaine sont bénéfiques à ceux qui ont affaire à la justice : "N'allez jamais au tribunal sans en avoir une dizaine dans votre poche". On prétend aussi qu'un inventeur peut protéger ses projets, en "intercal[ant] dans les pages de ses livres et cahiers quelques fines lanières de l'écorce intérieure tendre et molle, celle que l'on nomme parfois "deuxième écorce". Quiconque essaiera de lire ce qui est écrit n'y comprendrait rien".
Selon une légende anglaise : "si l'on trace un cercle en forêt dans un endroit où poussent les bourdaines, et que l'on danse à l'intérieur de ce cercle à la pleine lune, un lutin apparaîtra qui accordera le souhait qu'on lui demandera, à condition que ce soit un souhait de bon chrétien.
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Mythes et légendes :
Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des Fées et des autres esprits de la nature (Éditions Plume de Carotte, 2014),
"Arbuste grandement apprécié des insectes, la bourdaine ne l'est pas moins des lutins. En Angleterre, une croyance veut que si l'on trace un cercle dans un endroit où poussent ces plantes et qu'on y danse sous la pleine lune, un lutin apparaîtra. Cette conjuration l'obligera à exaucer votre souhait. Mais attention, vous n'aurez droit qu'à un seul vœu, alors choisissez-le bien !
Comme quoi, tous les cercles ne sont pas mauvais..."
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