Étymologie :
ALGUE, subst. fém.
Étymol. ET HIST. − 1551 « herbe qui croît dans l'eau » (Cotereau, trad. de Columelle, VIII, 17 ds Hug. : Principalement ceulx [des rochers] qui seront couverts d'herbe alga) ; 1584 « id. » (Luc de La Porte, trad. d'Horace, Odes, III, 17, ibid. : Demain l'Eure enflant ses abbois De fueilles jonchera le bois, Et d'alge vile le rivage). Du lat. alga, de même sens, attesté dep. Turpilius, Com., 23 ds TLL, s.v. 1542, 47 : in acta coperta alga [...] inoras ostreas.
Lire également la définition du nom algue pour amorcer la réflexion symbolique.
Botanique :
Classe des Phéophycées :
Dépourvues de feuilles, de fleurs, de tige et de racines, les algues brunes réalisent leur photo synthèse grâce à la chlorophylle et à la fucoxanthine qui leur confère leur couleur brunâtre.
Très présentes en mers tempérées et froides.
La varech ou goémon est un ensemble d'algues principalement brunes qu'on récolte le long des rivages pour servir notamment d'engrais.
Didier Van Cauwelaert, dans un ouvrage intitulé Les Émotions cachées des plantes (Éditions Plon, 2018) nous rappelle l'origine du développement de la vie sur terre :
Que va faire la vie, maintenant que l'atmosphère primitive a disparu et qu'il faut bien s'habituer à cet oxygène, véritable poison pour les premiers micro-organismes, des bactéries anaérobies ? Eh bien, l'évolution va « récupérer » ce gaz toxique pour en faire une source d'énergie. C'est ainsi qu'un nombre croissant d'êtres vivants décide de remplacer la photosynthèse par la respiration.
Étape suivante : la plante se transforme en se rendant autonome. On est arrivé à comprendre, en étudiant les fossiles au microscope, l'évolution d'une certaine algue brune qui, voici trois milliards d'années, a appris à nager. Condamnée jusqu'alors à flotter au gré des courants,, voilà qu'elle se dote de cils qui lui permettent de se déplacer à volonté. Puis elle se fabrique une sorte de bouche, qui lui permet d'ingérer des proies solides.
Du coup, ces algues inventent la chasse. L'autonomie les a menées logiquement à la prise d'initiative. Mais on s'est rendu compte que dans le même temps, elles perdaient leur chlorophylle. Capables de s'alimenter par elles-mêmes, elles n'avaient plus besoin de la photosynthèse. C'est ainsi que certains végétaux, en « sacrifiant » leur chlorophylle, sont devenus les premiers animaux.
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Croyances populaires :
D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012) :
Les algues brunes sont un "aliment tabou" : A Taïwan, les femmes enceintes du peuple Yami s'interdisaient de manger des algues brunes présentant des renflements de peur que leurs enfants ne naissent avec des boutons sur le corps.
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Mythes et légendes :
Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des Fées et des autres esprits de la nature (Éditions Plume de Carotte, 2014), les algues brunes ont des attributs féeriques.
Chevelures enchantées : Dans les îles de l'océan Indien, de longues et fines algues ondulent lascivement sur les cours d'eau. Leur danse chaloupée attire parfois le regard de pêcheurs qui plongent avec délice dans la contemplation des belles plantes. Sous leurs yeux hypnotisés, les vulgaires algues deviennent de longues et soyeuses chevelures d'ondines. Charmés, les hommes glissent avec empressement dans les rivières pour rejoindre les belles. Pas un ne remontera à la surface. Les sorciers Ayant créé l'illusion avec les algues y veillent efficacement... En Écosse, ces plantes aquatiques desservent au contraire la malfaisance d'êtres surnaturels comme Tarbh Uisge, un taureau vivant dans l'eau. cet animal se transforme souvent en homme pour attirer les jeunes filles à lui. Si celles-ci discernent la présence d'algues dans ses cheveux, elles devinent sa nature exacte et refusent son invitation.
Les eaux marines abritent elles aussi des personnages fantastiques coiffés de goémon, de varech ou de fucus. Ainsi en est-il des Draugar, ces fantômes de marins norvégiens morts en mer ou du Nickar scandinave, parfois représenté comme un homme sirène aux cheveux dorés entremêlés d'algues.
Jardiniers de la mer : Le peuple féerique des Fin Folks vit dans les fonds marins des Cornouailles, du pays de Galles et autour des îles Orcade et Shetland, en Écosse. Ces êtres d'apparence humaine entretiennent de magnifiques jardins autour de leur demeure. Une multitude d'algues et d'autres plantes marines colorées s'y développe en abondance.
Pour les habitants des îles Hébrides, les vésicules de varech n'étaient autres que des œufs de fée.
Une garde-robe mouillée : Si par une nuit éclairée par la lune, vos pas vous mènent sur les plages des environs de Tréguier, vous aurez peut-être la chance d'observer des Tud Gommon, les hommes-goémon.
Ces petits lutins ne sortent jamais de la mer sans s'envelopper au préalable d'une grande cape faite de goémons roux. Quand ils s'asseyent sur le sable pour chanter une berceuse à leur enfant serré contre eux, de petits clacs se font entendre. Ce sont les vésicules des algues qui éclatent les unes après les autres.
Plus inquiétants, les Bolbiguéandets, génies aquatiques du Morbihan au dos recouvert d'algues, s'immergent à moitié entre les rochers du rivage. C'est avec un plaisir malsain que ces êtres annoncent les naufrages et tempêtes à venir. Rien ne les distrait davantage que de contraindre les humains à monter dans une barque sombre où s'entassent des fantômes... Une fois remplie, l'embarcation s'élance vers une destination inconnue tandis que les hommes s'endorment profondément. Ce n'est qu'à l'aube que ces derniers sont retrouvés encore assoupis, sur la terre ferme. En se rendant sur le rivage en soirée, les enfants de Saint-Malo s'exposaient à rencontrer Gros-Jean. Ce personnage légendaire était connu pour enfermer les bambins dans un fût et ne les nourrir que de fucus.
Flagellations iodées : Les longues lames des fucus ont souvent été associées à des lanières de fouet. Jusqu'au Moyen Âge, on pensait que les sorcières d'Irlande, d’Écosse et de Norvège cravachaient leurs chevaux marins avec ces algues. En Bretagne, les mères de Saint-Cast-le-Guildo menaçaient leurs bambins turbulents de les mener jusqu'à la pointe de l'Isle où vivaient des fées querelleuses, connues pour se battre à coups de fucus..."
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Littérature :
"L'ex-commissaire savait bien ce qu'ils pensaient : Lola Jost a beau être une vétérante de la police, elle a failli provoquer la mort de son amie américaine avec ses plans fumeux, et elle ne s'en remettra pas comme d'une cuite au champagne millésimé. Lola Jost a besoin de nous pour oublier les algues noires qui ont failli saucissonner Ingrid pour mieux l'entraîner vers le large. Pour le moment, elle se demandait ce qu'elle fuyait le plus : les algues ou les apitoiements ?"
Dominique Sylvain, Manta Corridor, Éditions Viviane Hamy, collection Chemins Nocturnes, 2006)
Dans Un lieu incertain (Éditions Viviane Hamy, 2008), Fred Vargas revient sur le regard si particulier du commissaire Adamsberg :
"Il arrivait qu'Adamsberg se concentre, se transforme en un attaquant dense et dangereux. C'était rare, mais il était alors possible de le contrer. Il offrait en revanche moins de prises quand sa matière mentale se disloquait en masses mouvantes, ce qui était le cas général. t plus aucune quand cet état s'intensifiait jusqu'à la dispersion, comme en ce moment, aidé par le balancement du train qui abolissait les cohérences. Adamsberg semblait alors se déplacer comme un plongeur, le corps et les pensées ondulant gracieusement sans objectif. Ses yeux suivaient le mouvement, prenant l'aspect des algues brunes, renvoyant à son interlocuteur une sensation de flou, de glissement ou d'inexistence. Accompagner Adamsberg en ses extrêmes, c'était rejoindre l'eau profonde, les poissons lents, les vases onctueuses, les méduses oscillantes, c'était voir des contours imprécis et des teintes troubles. L'accompagner trop longtemps, c'était risquer de s'endormir dans cette eau tiède et y couler. A ces moments spécialement aqueux, on ne pouvait pas argumenter avec lui, pas plus qu'avec de l'écume, de la mousse, des nuées. Danglard lui en voulait rageusement de l'amener une fois encore vers cette liquidité, alors qu'il traversait la double épreuve du tunnel sous la Manche et de l'incertitude d'Abstract. [...]
Danglard marqua une pause mais le regard d'algue d'Adamsberg attendait intensément la suite."
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