Étymologie :
BOUQUET, subst. masc.
Étymol. ET HIST. − 1. Début xve s. boucquet « petit bois » (G. de La Buigne, Le Roman des Deduis, éd. A. Blonqvist, Karlshamn, 1951, 9338 [var. mss de la Bibl. nat. fonds français 1619 et 616]) ; cf. xve s. (Chanson du XVes., p. 10 dans Gdf. Compl., s.v. boschet) ; qualifié de ,,vieilli`` dans DG ; 2. 1408 « ornements de fleurs en pierre » (Trésor des Chartes du Comté de Rethel, éd. G. Saige et H. Lacaille, 1902, t. 2, 597, 33 dans Runk., p. 54) ; xve s. « assemblage de fleurs » (Chans. du XVes., G. Paris, p. 11, v. 15 dans Gdf. Compl.) ; d'où 1675 art culin. (J.-H. Widerhold, Nouveau dict. fr.-all. et all.-fr., Bâle : Bouquet d'herbes aromatiques pour mettre dans une sauce, pour jeter au pot) ; d'où p. anal. a) 1798 bouquet du vin (Ac.) ; b) 1798 pyrotechnique bouquet d'artifice, bouquet de fusées (Ibid.) ; d'où 1828-29 fam. c'est le bouquet (Vidocq, Mém. II, 47 dans IGLF Techn.). Forme normanno-pic. du francien boscet, boschet, fin xiies . ; à rapprocher du normanno-pic. boquet, v. boqueteau, la forme francienne correspondante est bouchet « petit bois » 1325 (Trésor des Chartes du Comté de Rethel, éd. G. Saige et H. Lacaille, 1902, t. 1, 704, 31 dans Runk., p. 3).
Lire également la définition du nom bouquet pour amorcer la réflexion symbolique.
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Légendes et croyances populaires :
D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012),
"Outre profiter de leur aspect décoratif, vous aurez tout à gagner à orner votre habitat de guirlandes végétales. Au Mexique, de longues guirlandes d'aloès, de gousses d'ail, de sachets d'herbes, de pommes de pin, de dés de sel et d'iconographies de saints portent bonheur aux habitants de la maisonnée. Si cette parure est trop chargée à votre goût, vous pouvez simplement enfiler des fleurs de bananier sur une longue ficelle et l'accrocher dans votre logis. Selon la superstition, cet ornement promet argent et prospérité.
Les bouquets suspendus à votre cheminée seraient tout aussi efficaces pour apporter de a joie en votre demeure. Les habitants vivant près d'Arras dans le Pas-de-Calais, suspendaient la gerbe, tête en bas, de façon à ce que les tiges remontent tout en continuant de fleurir. Le bouquet, conservé une année durant, dispensait des moments bienheureux aux habitants. Mais si vous n'assumez pas vos penchants superstitieux et tenez à les garder secrets, il ne vous reste plus qu'à enfermer du pain de seigle dans les meubles de votre maisonnée ! Les Russes accomplissaient chaque année ce geste pour acquérir de la chance."
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :
Hiver - Décembre.
LES COURONNES - EMBLÈMES DES FLEURS CHEZ LES DIFFÉRENTS PEUPLES
Aussitôt qu'il y a eu sur la terre une famille, une prairie, un arbre, un ruisseau, on a aimé les fleurs. Les peuples de l’Orient, qui semblent être les hommes primitifs, n'imaginent rien de plus doux que de vivre éternellement dans un jardin délicieux, entourés de belles femmes et couchés sur des fleurs ; les femmes elles-mêmes, dans ces voluptueuses contrées, ne sont regardées que comme d'aimables fleurs faites pour embellir la vie, et non pour en partager les soins. On cultive la beauté dans les sérails de l'Asie, comme une rose dans un parterre, et on n'exige d'elles que d'être belles comme une rose. Les peuples religieux qui habitent les bords de l'Indus et qui boivent les eaux du Gange, regardent certaines fleurs, qu'ils ne cueillent jamais, comme les demeures passagères des nymphes et des sylphides. Le soin d'arroser ces plantes de prédilection est confié aux filles des brahmanes encore vierges. Elles s'occupent aussi à en tresser d'autres pour la décoration des temples et pour leurs propres parures. Les jeunes bayadères couvrent leur tête de l'immense corolle de l'aristoloche ; elles ont des colliers de fleurs de mongris, et des ceintures de fleurs de frangipanier. Dans la somptueuse Égypte, on porta cette passion si loin qu'Amasis, de simple particulier, devint général des armées du roi Partanis pour lui avoir présenté un chapeau de fleurs. Plus tard, ce même Amasis s'assit sur le trône d'Égypte ; ainsi un trône fut le prix d'une simple guirlande. Les Grecs, disciples des Égyptiens, se livrèrent au même goût. A Athènes, on portait tous les jours au marché des corbeilles qui étaient enlevées à l'instant. C'est là où l'on voit s'engager un combat charmant entre Pausias, célèbre peintre de Sycione, et la bouquetière Glycéra, sa maitresse ; c'était, dit Pline, un grand plaisir de voir combattre l'ouvrage naturel de Glycéra contre l'art de Pausias, qui finit par la peindre elle même, assise et faisant un chapeau de fleurs. Les fleurs étaient non seulement, alors comme aujourd'hui, l'ornement des autels et la parure de la beauté, mais les jeunes gens s'en couronnaient dans les jeux, les prêtres dans les cérémonies, les convives dans les festins ; des faisceaux et des guirlandes étaient suspendus aux portes dans les circonstances heureuses, et, ce qui est plus remarquable et plus étranger à nos mœurs, les philosophes eux-mêmes, portaient des couronnes, et les guerriers en paraient leur front dans les jours de triomphe : car les couronnes devinrent bientôt le prix et la récompense du talent, de la vertu, et des grandes actions. Le temps, qui a détruit les empires, n'a point détruit ce langage emblématique, il est venu jusqu'à nous avec toute son expression ; les couronnes de chêne, de myrte, de roses, de laurier, sont encore destinées aux guerriers, aux poëtes et aux amours. Les fleurs consacrées aux dieux étaient les symboles de leur caractère et de leur puissance. Le lis superbe appartenait à Junon, le pavot à Cérès, l'asphodèle aux mânes, la jacinthe et le laurier à Apollon, l'olivier à Minerve, le lierre à Bacchus, le peuplier à Hercule, le cyprès à Pluton, le chêne à Jupiter. La signification, le goût et l'usage des fleurs, passèrent des Grecs chez les Romains, qui portèrent ce luxe jusqu'à la folie ; on les voyait changer trois fois de couronnes dans un seul re pas ; ils disaient qu'un chapeau de roses rafraichissait la tête et préservait des fumées du vin ; mais bientôt, voulant jouir d'une double ivresse, ils entassèrent des fleurs autour d'eux, de façon à produire l'effet qu'elles étaient destinées à prévenir. Héliogabale faisait joncher des fleurs les plus rares ses lits, ses appartements et ses portiques, et, bien avant lui, on avait entendu Cicéron reprocher à Verrès d'avoir parcouru la Sicile dans une litière, assis sur des roses, ayant une couronne de fleurs sur la tête et une autre à son cou.
Au moyen âge, la culture des fleurs fut abandonnée. Dans les temps de dévastations et de barbarie, la terre semble resserrer son sein et n'accorder qu'à regret aux hommes cruels une subsistance mal assurée. Le goût des fleurs prit naissance parmi nous avec celui de la galanterie ; le règne de la beauté fut aussi celui des fleurs ; tout alors prit une expression, et la composition d'un bouquet ne fut plus une chose indifférente ; chaque fleur avait sa signification. Un chevalier partait-il pour une expédition lointaine, son chapel, formé de giroflées de Mahon et de fleurs de cerisier, semblait dire à sa belle : Ayez de moi souvenance et ne m'oubliez pas. Avait-on fait choix d'une dame, et lui avait-on demandé l'honneur de la servir, la jeune beauté se montrant parée d'une couronne de blanches marguerites, était censée répondre : J'y penserai. Voulait-elle le bonheur de son amant, elle préparait la couronne de roses blanches, qui signifiait le doux : Je vous aime. Mais si les vœux étaient rejetés, la fleur de dents de lion indiquait qu'on avait donné son cour, que le requérant d'amoureuse merci ne devait conserver aucune espérance, et qu'il employait mal son temps. Les feuilles de laurier peignaient la félicité assurée ; le lis des vallées ou le glaïeul, la noblesse et la pureté des actions et de la conduite ; de petites branches d'if annonçaient un bon ménage, et le bouquet de basilic indiquait qu'on était fâché et même brouillé. Dans ce bon temps l'amour, armé d'un bouquet, pouvait tout oser, une fleur dans sa main exprimait bien souvent plus que n'oserait dire le billet le plus tendre.
Les Turcs, comme tous les Orientaux, se servent du langage des fleurs, mais ils l'ont corrompu en mêlant à leur signification celle des rubans, des étoffes et de mille autres choses ; cependant ils ont conservé le goût le plus vif pour les fleurs, et, malgré leur avarice naturelle, ils dépensent souvent plus pour un bouquet que pour un diamant. La fête des tulipes est chez eux d'une telle magnificence, que sa description paraitrait merveilleuse dans les merveilleuses pages des Mille et une Nuits.
La découverte du nouveau monde, les voyageurs, les savants et d'habiles cultivateurs, ont tellement multiplié les fleurs dans nos jardins, que le plus modeste de nos parterres brille, surtout en automne, des tributs de toute la terre. Chaque fleur nous apporte avec un plaisir une expression nouvelle. Nous avons tâché d'en fixer quelques unes en cherchant, dans la nature de chaque plante, un rapport avec nos affections morales. La poésie des anciens offre de toutes parts ces heureux rapprochements ; nous leur devons encore nos plus douces images, nos plus aimables comparaisons. Il ne faut donc que donner une âme aux fleurs pour que leur langage, en s'étendant de proche en proche, devienne un jour la langue universelle. Les couronnes des anciens seront pour nous les premiers caractères de ce langage aimable ; nous en avons emprunté d'autres aux peuples de l'Orient, qui nous en ont offert les types dans leurs plus belles fleurs, et nous mêmes en avons choisi dans ce livre immense dont les feuillets sont répandus sur toute la terre.
[...]
Des attributs de chaque heure du jour chez les anciens.
La première heure, un bouquet de roses épanouies.
La deuxième, un bouquet d'héliotrope.
La troisième un bouquet de roses blanches.
La quatrième, un bouquet d'hyacinthe.
La cinquième , quelques citrons.
La sixième, un bouquet de lotus.
La septième, un bouquet de lupins.
La huitième, plusieurs oranges.
La neuvième, des feuilles d'olivier.
La dixième, des feuilles de peuplier.
La onzième, un bouquet de soucis.
La douzième, un bouquet de pensées et de violettes.
BOUQUET - GALANTERIE.
On ne peut rien offrir de plus galant qu'un bouquet ; ce don, qui peut être très magnifique, est cependant de peu de valeur ; mais il est toujours la preuve d'une attention aimable et d'un soin délicat.
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Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'intéresse autant au symbolisme des fleurs qui composent un bouquet qu'à celui du bouquet lui-même :
Bouquet, Sélam - Galanterie, Hommage, Offrande
De tout temps et chez tous les peuples, l'offre ou l'envoi de bouquets a été en usage. Tantôt c'était aux divinités que s'adressaient les fleurs pour se les rendre favorables et, dans ce cas, on choisissait celles des fleurs qui leur étaient particulièrement consacrées, comme le pavot à Morphée, le myrte à Vénus, le gui à Teutatès. Aujourd'hui encore ne couvre-t-on pas de fleurs les autels de la Vierge, et saint Joseph n'est-il pas représenté, tenant à la main le lis ou l'amandier mystiques ?
Le bouquet est l'accompagnement obligé de toutes les fêtes.
Pour toi sa main d'albâtre et choisit et moissonne
La pâle violette et la riche anémone ;
Joint la fleur du narcisse au parfum du muguet
Et d'heureuses couleurs nuance son bouquet,
Entrelace avec art et mollement oppose
L'hyacinthe aux pavots, les soucis à la rose.
Chez les Orientaux, le bouquet s'appelle un sélam. Ses fleurs sont alors choisies et disposées de manière à exprimer une pensée, un sentiment secret, une confidence, un aveu, soit en interprétant leurs noms, en leur attribuant une signification particulière à leur couleur, à leurs propriétés, à leur forme, etc., etc.
Le bouquet décrit dans les vers ci-dessus, traduit en selam, renferme les significations suivantes : modestie, abandon, égoïsme , retour du bonheur, jeux, sommeil, souci, et beauté, qu'il serait facile de réunir dans une phrase suivie ; le sélam est donc un bouquet de fleurs symboliques.
Guirlande de fleurs - Chaîne d'amour
Le duc de Montausier épousa, en 1645, Julie de Ram bouillet ou Julie d'Angennes, qui fut gouvernante des enfants de France sous Louis XIV. Cette femme était remarquable par son esprit et son instruction, aussi était-elle recherchée par une foule d'hommes éminents. Quelque temps avant son mariage, le duc de Montausier lui adressa, sous le nom de Guirlande de Julie, une offrande poétique composée de fleurs dessinées par le peintre Robert. Au-dessous de chaque fleur était un madrigal dû à la plume des différents poëtes et beaux esprits du temps, qui célébraient, par allusion aux diverses fleurs, les mérites et les grâces de Julie et lui exprimaient leur admiration.
Guirlande de lis et de violettes - Beauté céleste, Beauté parfaite
Les Grecs, admirateurs de la beauté, ne supposaient pas qu'elle pût être complète sans la modestie. Aussi prenaient-ils pour emblème de la beauté par excellence le lis et la violette ou l'alliance de la pureté et de la modestie .
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Selon Nataliïa Gavryliouk, auteure d'una rticle intitulé « Cartographie et analyse des rites familiaux », (paru in Ethnologie française, vol. 34, no. 2, 2004, pp. 217-224) :
[...] Dans la partie ouest de l’Ukraine, en particulier sur le territoire de la Podolie et des districts voisins, on pratiquait un rite analogue, qui mettait toutefois en œuvre des objets-symboles et des ensembles de comportements propres à l’endroit. Conformément aux coutumes locales, l’accoucheuse, qu’on appelait ici baba-branka , venait au repas de baptême avec un tamis rempli de petits bouquets. Ils s’appelaient en ukrainien ̇kvitky et se composaient de fleurs fraîches ou séchées (en hiver) et d’herbes (basilic, menthe, rue, pervenche, etc.) souvent complétées par des branches d’obier et des épis de blé. Il fallait qu’il y ait autant de bouquets que de convives.
Dans la zone intermédiaire, située entre le Polessié rive droite et la Podolie, le rite du bouquet se déroulait à peu près de la façon suivante. ̧A la fin du repas de baptême, la matrone (baba-branka) posait deux bouquets sur une assiette ou sur un plat et préparait une boisson forte pour deux personnes, avant de s’adresser aux parrain et marraine en ces termes : "Le compère et la commère demandent un petit verre et un cadeau", ou bien : ̇"Pour offrir du savon à la mère, et pour moi de la bière" ; ̇"Donnez pour que l’enfant soit heureux (pour le savon, pour qu’il soit propre)", etc. En disant cela, elle trempait le bouquet dans l’eau et aspergeait les visages du parrain et de la marraine en disant : ̇"Rosée de Dieu ,beauté pour le visage." ̈Les compères, aînés et cadets, remerciaient l’accoucheuse ("Merci pour le bouquet, pour la nourriture, pour le don de Dieu") et donnaient en échange de l’argent destiné à faire un cadeau à la mère et au nouveau-né. Prenant l’assiette avec l’argent et un nouveau bouquet, l’accoucheuse se tournait vers la mère en disant : "Que sa mère le nourrisse, prépare son bonheur et sa destinée, pour la joie de ses parents, et au service des gens. Puissiez-vous avoir autant d’enfants qu’il y a de bouquets." ̈ Ce qui montre que le rituel du bouquet, de même que celui de la kacha, ne symbolisait pas seulement la perception du nouveau-né comme un membre de la famille et de la société, mais avait également un lien avec la magie productive.
Il fallait offrir un bouquet également à chacun des autres convives. En outre, chaque garçon et chaque jeune fille recevait deux bouquets, pour que chacun d’eux forme un couple ( "byl v paré" ̈). En faisant le tour des convives et en réclamant "Pour le bouquet et le régal", l’accoucheuse collectait alors de l’argent seulement pour elle, sans oublier d’exprimer des vœux de bonheur. En réponse, on lui baisait la main et, en déposant de l’argent sur l’assiette ,on disait : ̇"Pour que vous fassiez ce métier toutes les semaines, l’accoucheuse, et que nous, nous arrosions cela ", ̇"Pour que vous vous sépariez de cet enfant-là, pour aller vous occuper d’un autre", etc. ; dans cette forme allégorique de vœux, se reflétait également le thème de la fécondité et de la procréation.
Sur presque tout le territoire de la Podolie et des districts voisins du centre et du sud de l’Ukraine, le bouquet s’accompagnait d’un petit pain rond (kalatch). En offrant à chaque couple de compère et commère deux pains et deux bouquets, la matrone récitait : "̇Le compère et la commère quêtent pour les petits pains, la matrone pour les bouquets." Parfois, c’étaient les maîtres de maison qui se chargeaient de distribuer les petits pains, mais la distribution des bouquets restait toujours l’apanage de l’accoucheuse. Elle s’adressait aux convives en ces termes : ̇"Je quête pour le bouquet, le petit verre, les bons souhaits" ;̇ "Versez pour le bouquet, pour que la petite fleurisse comme ce bouquet, qu’elle soit heureuse et bien portante", ou bien elle demandait des oboles "pour le maillot" ̈, "pour le savon" ̈; "̇pour le nouveau-né" ; et ̇"pour les chaussures" ; "̇pour les souliers" et finalement, pour elle-même. Les assistants trempaient leurs bouquets dans de l’eau ou du vin, s’aspergeaient l’un l’autre le visage et s’embrassaient, en signe d’union et de sympathie réciproques. On frottait aussi le bouquet imprégné de vin sur les joues de la mère et des enfants de l’assemblée, "pour qu’ils soient florissant, qu’ils aient des couleurs". Parfois ce geste,répondant aux lois de la magie de contact et de la magie imitative, avait une signification plus large : voeu de santé, de prospérité et de procréation. Ainsi, en effleurant du bouquet le visage de chacun des assistants, l’accoucheuse prononçait : "̇Je vous lave avec ce bouquetpour que vous ayez une vie prospère", ou bien : "̇Pour que la maman se porte bien, la petite aussi, et pour que je revienne pour le prochain enfant". On la remerciait et l’on disait chacun à son tour : ̇"Donnez-moi un bouquet à moi aussi, matrone" ; ou bien on demandait : "Et nous, vous nous donnerez des bouquets, matrone ?" ̈D’après ces textes rituels (ainsi que d’après la formule votive du type ̇ "Autant il y a de bouquets, qu’autant il y ait d’enfants" qui rappelle les incantations), on peut entrevoir qu’aux bouquets était associée l’idée d’enfants nouveau-nés.
Les bouquets de baptême étaient considérés également comme un "don de Dieu" ; un symbole de la Vierge. Il existait en particulier une croyance selon laquelle, entre la Mère de Dieu et les invités de retour d’un baptême, se déroulait le dialogue suivant : "̇— Où étiez-vous ? — Au baptême. — Et où est votre emblème ? — Le voilà" ̈, et ils montraient leur bouquet. Systématiquement, on rapportait les bouquets chez soi pour les utiliser dans diverses circonstances. On les posait près du baquet quand on baignait les enfants, particulièrement les filles, pour qu’elles plaisent aux garçons, qu’elles se marient rapidement. Le bouquet était en même temps symbole de grandeur et de respect. Par exemple,en baignant son enfant, la mère disait : "̇Pour que ma petite soit aussi majestueuse que ce bouquet au baptême." ̈On utilisait aussi le bouquet rituel quand les enfants étaient malades. On pensait que le mal de tête passerait si l’on en faisait une décoction et qu’on la buvait ; ou si on se lavait la tête avec elle. On en utilisait aussi pour enfumer (guérir) les animaux domestiques.
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Littérature :
Dans Le Lys dans la vallée (1836) Honoré de Balzac propose une envolée lyrique relative à la confection d'un bouquet pour sa bien-aimée :
Le lendemain je vins de bonne heure. Elle n'avait plus de fleurs pour les vases de son salon gris. Je m'élançai dans les champs, dans les vignes, et j'y cherchai des fleurs pour lui composer deux bouquets ; mais tout en les cueillant une à une, les coupant au pied, les admirant, je pensai que les couleurs et les feuillages avaient une harmonie, une poésie qui se faisait jour dans l'entendement en charmant le regard, comme les phrases musicales réveillent mille souvenirs au fond des coeurs aimants et aimés. Si la couleur est la lumière organisée, ne doit−elle pas avoir un sens comme les combinaisons de l'air ont le leur ? Aidé par Jacques et Madeleine, heureux tous trois de conspirer une surprise pour notre chérie, j'entrepris, sur les dernières marches du perron où nous établîmes le quartier−général de nos fleurs, deux bouquets par lesquels j'essayai de peindre un sentiment. Figurez−vous une source de fleurs sortant des deux vases par un bouillonnement, retombant en vagues frangées, et du sein de laquelle s'élançaient mes voeux en roses blanches, en lys à la coupe d'argent ? Sur cette fraîche étoffe brillaient les bleuets, les myosotis, les vipérines, toutes les fleurs bleues dont les nuances, prises dans le ciel, se marient si bien avec le blanc ; n'est−ce pas deux innocences, celle qui ne sait rien et celle qui sait tout, une pensée de l'enfant, une pensée du martyr ? L'amour a son blason, et la comtesse le déchiffra secrètement. Elle me jeta l'un de ces regards incisifs qui ressemblent au cri d'un malade touché dans sa plaie : elle était à la fois honteuse et ravie. Quelle récompense dans ce regard ! La rendre heureuse, lui rafraîchir le cœur, quel encouragement ! J'inventai donc la théorie du père Castel au profit de l'amour, et retrouvai pour elle une science perdue eu Europe où les fleurs de l'écritoire remplacent les pages écrites en Orient avec des couleurs embaumées. Quel charme que de faire exprimer ses sensations par ces filles du soleil, les sœurs des fleurs écloses sous les rayons de l'amour ! Je m'entendis bientôt avec les productions de la flore champêtre comme un homme que j'ai rencontré plus tard à Grandlieu s'entendait avec les abeilles
Belinda Cannone, autrice de l'essai intitulé Le Baiser, peut-être... (Alma Editeur, 15/09/2011) évoque la magie des bouquets :
Mais bien sûr, j'échoue à restituer sa beauté, les mots s'arrêtent au seuil de mes phrases, je ne peux même pas vraiment dire le ravissement particulier qu'il suscite en moi. Au mieux puis-je renvoyer à la connaissance que chacun en a peut-être (secret d'initié) ; toutefois, si l'on n'est pas déjà sensible à la splendeur des fleurs assemblées, mes mots l'approcheront à peine.
Ainsi, grâce aux bouquets se renouvelle en moi périodiquement l'expérience de ce qui, dans le réel, résiste à l'expression. Le bouquet est exemplaire parce qu'il est simple et que les fleurs sont des objets communs, à portée de main (pour nuancer cette idée de banalité cependant : ne pas négliger qu'elles sont éclats du monde vivant, de cette nature dans laquelle nous-mêmes sommes contenus - connivence -, ce qui explique sans doute qu'elles éveillent le sentiment de la grâce : elles nous rappellent silencieusement notre chance inouïe que le monde naturel dans lequel nous vivons soit si parfaitement adapté à notre esprit - et vice-versa -, c'est-à-dire si beau).
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