Étymologie :
APOLLON, subst. masc.
ÉTYMOL. ET HIST. I.− 1. 1660-68 « génie inspiré par Apollon » (Boileau, Art poétique, IV, v. 131 ds Dict. hist. Ac. fr. : Mais je ne puis souffrir ces auteurs renommés, Qui, dégoûtés de gloire et d'argent affamés, Mettent leur Apollon aux gages d'un libraire) ; 2. 1842-43 « homme remarquable par sa beauté et l'élégance de sa taille » (E. Sue, Les Mystères de Paris, t. 2, p. 275 : ... [le penchant amoureux que j'entretiens en elle par] mes louanges à l'égard de cet Apollon sans cervelle [= pour ce bellâtre]). II.− 1800 entomol. (Boiste : Apollon) ; cf. 1866 (Lar. 19e). I par antonomase, du nom du dieu du Parnasse, Apollon, fils de Jupiter et de Latone, et frère de Diane ; II du lat. sc. (Parnassius) Apollo nom donné d'après le même procédé par Linné à ce papillon. Les dict. classent ce sens aussi bien sous la vedette Apollon que sous celle de Parnasse, voir Boiste 1808.
PARNASSE, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. a) 1660 monter au sommet du Parnasse «écrire des vers» (Boileau, Satire, I, 142, éd. A. Cahen, p. 37) ; b) 1665 maistres du Parnasse «poètes accomplis» (Id., ibid., III, 170, p. 56) ; 2. 1866 « mouvement littéraire » (Mallarmé, loc. cit.). Du lat. Parnassus, montagne de la Phocide, à deux cimes, séjour d'Apollon et des Muses, lui-même empr. au gr. π α ρ ν α σ ο ́ ς « id. ». 2, nom que donnaient à leur école, les poètes fr. qui ont réagi contre le lyrisme personnel du romantisme et dont les œuvres imprégnées d'une poésie savante et impersonnelle furent publiées dans le Parnasse contemporain, périodique fondé en 1866 (Nain jaune, 17 janv. 1866, p. 6 : le journal l'Artchange de titre et de forme. Il s'appellera à l'avenir le Parnasse contemporain. Il publiera des vers inédits de Victor Hugo, Lecomte de Lisle...).
Autres noms : Parnassius apollo -
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Zoologie :
Pierre-Claude Rougeot dans un article intitulé "Dortoirs de Parnassius apollo L." (In : Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 29ᵉ année, n°9, novembre 1960. p. 274) communique une information intéressante :
Les lépidoptéristes qui ont eu la possibilité de chasser dans les régions montagneuses n'ignorent pas que les beaux « apollons », portés par les courants aériens ascendants au flanc des parois rocheuses ensoleillées, se déplacent ordinairement en petits groupes de quelques individus.
Toutefois le grégarisme des Parnassius ne semble pas s'arrêter là. Il m'est arrivé plusieurs fois et dans des régions bien différentes (Alpes du Nord ou du Sud, Massif Central) de rencontrer plusieurs spécimens d'apollo au repos sur leurs inflorescences favorites : scabieuses, centaurées, chardons, dans un espace restreint, situé — bien entendu — dans un point favorable.
Il s'agirait en quelque sorte de « dortoirs » d'apollo } car ces lépidoptères, à la fin d'une journée estivale (ou par temps couvert alors qu'ils ne peuvent voler) s'apprêtent à passer ainsi la nuit ; il convient de noter qu'ils ont, dans ces conditions, les ailes relevées sur le dos et non à plat ou entr'ouvertes, ainsi qu'on les observe butinant en plein soleil.
Il ne peut s'agir là d'un hasard, car j'ai trouvé de tels groupements d'apollons — trois ou quatre individus et le plus souvent des mâles — dans des massifs où l'espèce est manifestement rare.
Sans doute le sens de la vue joue-t-il un rôle primordial dans ce comportement, qu'il serait intéressant d'observer aussi chez les autres Parnassius.
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L'étude menée par Magali Deschamps-Cottin, Guy Lemperière et Henri Descimon et intitulée "Bilan sur le suivi des populations de Parnassius apollo l. en France." (In : Annales de la Société entomologique de France. 1999. pp. 281-289) montre que :
[De plus, [les résultats mettent en évidence] le phénomène de protandrie marqué qui existe chez Parnassius apollo. Les mâles commencent à apparaître environ 10 jours avant que les femelles ne sortent en masse. Ce décalage dans le début des émergences semble correspondre à une stratégie de reproduction qi permet aux mâles d'être déjà présents sur le site, et augmente les chances d'accouplement en diminuant la probabilité de laisser des femelles sans descendance.
Choix du biotope selon les régions : A partir des fiches de stations récoltées et des visites sur de nombreux sites, il apparaît clairement que l'Apollon possède une capacité adaptative importante.
Pour comprendre pourquoi "L’Apollon, [est le] témoin des changements climatiques depuis 100 000 ans", vous pouvez lire l'article de Jean-Pierre Moussus, paru sur le site de l'ENS de Lyon en 2011 :
Certaines espèces bénéficient d’une médiatisation particulièrement importante et endossent parfois un rôle emblématique d’une région ou d’une cause. L’Apollon (Parnassius apollo) appartient à cette catégorie. Sa grande taille, ses couleurs et ses exigences écologiques en ont fait un véritable symbole des prairies fleuries de moyenne montagne. On trouve en effet ce rhopalocère (papillon dit « de jour ») entre 500 et 2400 mètres d’altitude (très souvent aux alentours de 1500 mètres) sur les pentes et les talus rocheux, les prairies et les lisières caillouteuses et fleuries. Son envergure importante, qui atteint la dizaine de centimètres, ses gros points rouges ainsi que la marge translucide de ses ailes antérieures, n’autorisent aucune confusion sur le terrain.
L’Apollon affiche un haut degré de spécialisation pour l’habitat et, comme bien d’autres rhopalocères, pour les plantes sur lesquelles il pond et se nourrit. La femelle dépose en effet ses œufs de façon exclusive sur des crassulacées et notamment des orpins (genre Sedum) ou des joubarbes (genre Sempervivum), si bien que la distribution de ces plantes « hôtes » détermine la distribution géographique du papillon. L’Apollon est classé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) comme vulnérable. Deux menaces pèsent en effet sur ses populations bien souvent en déclin. La première est liée à la déprise agropastorale qui sévit dans les zones montagnardes qu’il affectionne. En effet, avec la disparition progressive des troupeaux en altitude, les milieux ont tendance à se fermer, et la forêt à reprendre ses droits induisant le remplacement d’espèces typiques de milieux ouverts par d’autres plus enclines à se reproduire en milieu boisé. La seconde menace est celle du réchauffement climatique.
Un coup d’œil à la distribution actuelle de l’Apollon montre qu’il se reproduit actuellement dans la plupart des grands massifs montagneux d’Europe (Alpes, Pyrénées, Carpates, Apennins et Balkans) mais aussi qu’il forme quelques populations en Scandinavie. On observe actuellement le déclin des populations des altitudes les plus faibles, probablement à cause réchauffement récent. Cependant, le façonnement de l’aire de distribution de ce papillon par le climat ne date pas de l’épisode de réchauffement récent mais remonte à environ 100 000 ans. Une équipe de chercheurs italiens a en effet étudié la phylogéographie de l’espèce. Ce travail consiste dans un premier temps à échantillonner des individus dans les différentes populations connues et à établir une phylogénie à l’intérieur même de l’espèce (ici au moyen de l’ADN mitochondrial). Ensuite, la phylogénie obtenue peut-être mise en relation avec la distribution géographique de l’espèce de façon à retracer l’histoire de cette aire de distribution. L’utilisation d’une horloge moléculaire permet même de proposer une datation des principaux évènements de colonisation et de diversification de l’espèce. Appliquée à l’Apollon, ces techniques semblent indiquer que l’espèce est originaire de l’Europe de l’est à partir de laquelle elle aurait colonisé l’Europe de l’ouest à la faveur du commencement de la glaciation du Würm (entre – 100 000 et -70 000 ans). Il y a 65 000 ans, alors que la glaciation se poursuit, la phylogénie montre une rapide phase de diversification de l’espèce (la diversité génétique augmente), ce qui traduit très probablement une phase d’isolement de petites populations dans le sud de son aire de distribution. Durant la période qui s’écoule entre – 50 000 et – 30 000 ans, l’espèce s’étend à nouveau, profitant certainement d’un épisode un peu moins froid avant de voir sa répartition se fragmenter à nouveau au moment du dernier maximum glaciaire il y a environ 20 000 ans. Le dernier épisode se produit pendant l’Holocène, c'est-à-dire pendant le réchauffement qui suit la glaciation würmienne. On constate alors la formation des populations scandinaves à mesure que l’augmentation des températures fait reculer les calottes glaciaires vers les hautes latitudes. Les tendances au déclin dans les populations méridionales et de basse altitude observées actuellement s’inscrivent dans ce contexte et sont accélérées par le réchauffement climatique anthropogénique.
Cet exemple illustre bien à quel point l’étendue des aires de distribution des espèces sont dépendantes des fluctuations climatiques. Le devenir de celles qui sont actuellement inféodées aux climats froids et dont la répartition est de type arctico-alpine sera fonction de plusieurs paramètres : leur capacité à suivre le déplacement de leur niche climatique par dispersion et, à plus long terme, leurs possibilités d’adaptation à de nouvelles conditions environnementales.
Pour en savoir plus :
TODISCO, GRATTON, CESARONI, SBORDONI (2010). Phylogeography of Parnassius apollo: hints on taxonomy and conservation of a vulnerable glacial butterfly invader. Biological Journal of the Linnean Society, Vol 101 : 169–183
LAFRANCHIS, Papillons d’Europe, Editions Diatheo (Paris) 2007.
Les plantes-hôtes du papillon Apollon sont essentiellement des plantes succulentes de la famille des Crassulaceae : Orpin (Sedum sp.), Sempervivum sp. et Saxifraga sp. Il peut donc être intéressant d'approfondir le symbolisme de ces plantes pour mieux comprendre le papillon.
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Selon Philippe Francoz auteur d'un article publié sur le site https://www.baladesentomologiques.com/ et intitulé "Le roi des montagnes" :
{...] Les chenilles, issues d'œufs pondus en été, peuvent commencer leur vie à deux moments différents. Certaines naissent tout de suite en automne, et dans ce cas elles s'alimenteront un peu puis hiberneront jusqu'au printemps pour finir leur croissance. Dans le deuxième cas, c'est l'œuf qui hiberne et la chenille fera son cycle d'une seule traite au printemps. Les chenilles ne s'alimentent que par temps ensoleillé. La nymphose (chrysalide) a lieu en juin, dans un cocon tissé sous une protection quelconque (pierre, mousse). L'adulte apparaît 15 jours plus tard.
Conseil de lecture : ce bel article descriptif aux accents néanmoins poétiques de Babone, daté du 30 décembre 2010 et intitulé Le Roi des Pyrénées.
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Symbolisme :
L'Apollon est une espèce protégée emblématique du biotope montagneux, comme l'indique son nom de genre, Parnasse, ce qui le rattache à la notion symbolique d'axis mundus et à la volonté d'élévation spirituelle.
Si Wikipédia nous précise que ces espèces "montrent une adaptation à la vie en altitude appelée mélanisme d'altitude avec des colorations plus foncées du corps et de la base des ailes qui permettent un réchauffement rapide de l'animal au soleil.", il n'aura échappé à personne par ailleurs que les couleurs de ses ailes diaphanes sont celles des trois phases de l'œuvre alchimique tandis que la chenille noire ne connaît pas encore l'œuvre au blanc...
Martin Szewczyk dans son étude d' « Apollon au Vieil-Évreux : de Lugus à Saint Taurin » (Dialogues d'histoire ancienne, vol. 39/2, no. 2, 2013, pp. 191-240) nous rappelle que :
[...]
La beauté est également déterminante chez Apollon : elle va de pair avec sa jeunesse. Le dieu est fréquemment qualifié de « beau » : « Toujours jeune, toujours beau, jamais le moindre duvet n’ombragea les tendres joues d’Apollon », s’exclame Callimaque tandis qu’Apollonios célèbre le « beau Phébus » ; pour Hésiode, il est « le plus beau des immortels »
[C'est bien aussi l'attribut du papillon Apollon que d'aucuns considèrent comme le plus papillon de France.] *
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Symbolisme celte :
Selon l'article de Jean-Jacques Hatt, intitulé "Apollon guérisseur en Gaule. Ses origines, son caractère, les divinités qui lui sont associées - Chapitre II." (In : Revue archéologique du Centre de la France, tome 22, fascicule 3, 1983, pp. 185-218) :
Apollon-Belenus et les druides : L'un des principaux noms d'Apollon en langue celtique était Belenus. Ce théonyme nous est donné par deux textes d'Ausone, souvent cités et particulièrement importants, extraits de la Commemoratio professorum Burdigalensium : « Toi, Attius Patera, rhéteur bordelais, issu d'une famille de druides baiocasses, tu diriges le temple et la sainte cohorte de Belenus ; c'est de là que vous tirez vos noms. Pour toi, c'est celui de Patera, car c'est ainsi que les mystes d'Apollon appellent les ministres du culte ».
« Je n'ai garde d'omettre le vieillard appelé Phcebicius, qui, sacristain de Belenus, ne gagna rien dans cette fonction. Toutefois, comme il fut décidé, étant d'une souche de druides de la nation armoricaine, il obtint une chaire à Bordeaux, grâce aux bons offices de son fils ». (Trad. J.-J. Hatt).
Ces textes nous prouvent d'abord que l'un des principaux noms d'Apollon était Belenus. Il met d'autre part en évidence un fait capital : les druides constituaient encore au IVe siècle une véritable confrérie, dont les membres se prêtaient mutuellement assistance. Il semble qu'ils aient trouvé asile dans les sanctuaires d'Apollon, où ils exerçaient diverses fonctions, depuis celle, modeste, d'« œdituus », portier ou sacristain, jusqu'à celle plus élevée de prêtre, ministre du culte. Accessoirement, nous constatons qu'ils avaient conservé l'habitude, héritée de la tradition gauloise, mais aussi en usage dans le monde oriental et gréco-latin du surnom religieux et mystique.
[...]
Il apparait donc qu'Apollon, qui ne faisait probablement pas partie du groupe des grandes divinités celtiques, parce qu'il était devin et guérisseur, régnant sur les sanctuaires de sources, de la médecine et de la prophétie, a joué d'abord un rôle décisif dans la conservation du corps sacerdotal des druides et des traditions religieuses indigènes. A partir du IIIe siècle, il parait être devenu la plus grande divinité de la Gaule, et son culte s'est largement répandu au-delà des limites de la province.
[...]
Je pense que le culte d'Apollon gaulois est né en Gaule entre la fin du IIe siècle et le début du Ier siècle avant J.-C. Son apparition correspondrait à un regroupement des anciens lieux de culte préceltiques consacrés aux sources curatives sous l'étiquette commune d'un dieu unique, imposé par le sacerdoce druidique à la suite de l'adoption des rituels helléniques de mantique et de médecine par incubation . Ces influences auraient été introduites par Marseille dans le midi de la France, et par la voie de l'Italie et des cols alpins dans le Nord-Est. Apollon aurait reçu le surnom de Belenus dans le Midi, et de Grannus dans le Nord-Est, de Borvo dans le Centre.
[...]
Non seulement Apollon a joué un rôle certain dans la survivance des traditions celtiques et du druidisme, mais il a aussi largement favorisé le rayonnement d'une médecine efficace, sous la couverture de la religion. Ce fait semble surtout se vérifier pour les maladies des yeux et les troubles de la vue, si courants à cette époque, mais en face desquels la thérapeutique et la chirurgie ophtalmologique avaient, dès l'Antiquité, fait des progrès importants.
Dans l'ensemble donc, si le numen apollinien n'a été introduit dans le panthéon celtique que tardivement, il a rapidement joué un rôle prépondérant, à la fois dans la mythologie par ses fonctions de médiation et d'intercession, et dans les sanctuaires par la prophétie et la médecine.
Intercesseur, il l'a été historiquement, comme nous le prouvent les textes d'Ausone sur les professeurs de Bordeaux, entre les derniers descendants des druides restés fidèles aux traditions celtiques, et les Romains respectueux de son pouvoir prophétique et de ses capacités thérapeutiques. Il n'est donc pas étonnant si, au cours des IIIe et IVe siècles de notre ère, il est devenu l'une des grandes divinités syncrétiques vers lesquelles s'orientaient les tendances monothéistes des Romains fidèles au paganisme, fussent-ils de rang impérial, comme Maximien, Dioclétien ou Constantin.
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Expérience personnelle :
Alors que je passe des vacances dans le Jura, je m'apprête pour la première fois à célébrer la fête de Lughnasad, en solitaire certes, mais à deux pas de la Suisse, où on allume encore des feux au sommet des montagnes, comme dans la plus pure tradition celte. Malheureusement, cette année, en raison de la canicule exceptionnelle, les feux sont interdits...
Néanmoins, durant trois jours, je vais randonner et me retrouver sur différents sommets aux alentours des Rousses : le premier juin au col de Porte et au sommet voisinant la Dôle, le Crêt Pella, nous verrons tout un troupeau de chamois à la limite de leur zone de fuite ; le lendemain, alors que je serai réveillée par le bourdonnement des abeilles et qu'une chauve-souris me frôlera à plusieurs reprises au petit matin, nous irons de sommet en sommet au-dessus du col du Marchairuz, admirant (enfin) le Mont-Blanc et le vol des grands corbeaux noirs malgré la brume et enfin aujourd'hui, au sommet du Noirmont, je découvrirai grâce à Jean-Luc, notre guide, le merveilleux Apollon, dont je n'avais jamais entendu parler. Il nous précisera d'ailleurs que ce lépidoptère ne vole que par temps ensoleillé, on n'en attendait pas moins de ce symbole ambulant... D'autant qu'il vole lentement de fleur violette en fleur violette, s'offrant ainsi longuement à nos regards.
Trois jours à chercher un endroit approprié pour ma cérémonie et à me demander quel animal en serait le symbole... jusqu'à aujourd'hui [1er août 2018] où il s'est donc imposé naturellement, Apollon ayant bien des attributs du Dieu Lug. A noter quand même, que pendant notre pique-nique de soirée au sommet de la colline de Prémanon, un sanglier viendra fouiller le sous-bois à quelques mètres à peine de nos agapes, le sanglier, lui-même un des emblèmes incontournables de Lug.
Selon Wikipedia,
"Au rebours de la thèse traditionnelle, Bernard Sergent, spécialiste de mythologie comparée, s'attache à montrer dans Le livre des dieux. Celtes et Grecs, II (Payot, 2004) l'identité d'Apollon et du dieu celtique Lug. Pour lui, le dieu n'est pas asiatique mais gréco-celtique, et par-delà, indo-européen. Il remonte au moins à la séparation des ancêtres des Celtes et des Grecs, au IVe millénaire av. J.-C., et il est arrivé « tout d'un bloc » en Grèce : ce n'est pas une divinité composite. Il possède des homologues en domaine germanique (Wotan) ou indien (Varuna).
Apollon serait la « version divine du roi humain ». Les poèmes homériques lui donnent systématiquement l'épithète anax, qui remonte à la désignation mycénienne du roi, wanax. Or le roi indo-européen est rattaché aux trois fonctions définies par Georges Dumézil, d'où la complexité d’Apollon : il remplit toutes les fonctions que puisse avoir un dieu. La définition de Lug donnée par C.-J. Guyonvarc'h et F. Le Roux peut aussi bien s'appliquer à lui : il est « tous les dieux résumés en un seul théonyme ».
Bernard Sergent compare une à une toutes les caractéristiques connues de Lug et d'Apollon et relève de nombreux points et de nombreux attributs communs. C'est surtout à Delphes que le caractère complexe du dieu se révèle, dans son rôle d'inspirateur de la Pythie et des hommes, qu'il révèle à soi.
Le rapprochement proposé par Bernard Sergent entre Lug et Apollon n'a pas été repris par d'autres spécialistes. Pierre Sauzeau lui reproche de négliger la proximité Apollon-Rudra « reconnue explicitement » et les liens avec Artémis. Les spécialistes actuels des études celtiques voient davantage en Lug un héritier du couple indo-européen des Dioscures, les Jumeaux divins, une des plus anciennes figures du panthéon indo-européen."
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Martin Szewczyk dans son étude d' « Apollon au Vieil-Évreux : de Lugus à Saint Taurin » (Dialogues d'histoire ancienne, vol. 39/2, no. 2, 2013, pp. 191-240) accrédite la thèse de Bernard Sergent :
[...]
Une arme de jet, donc, caractérise Lugus. Il est en cela comparable à Apollon, pourvu, aux temps historiques, d’un arc : son caractère d’archer s’exprime dans de nombreuses épithètes et beaucoup de mythes. Son arc est d’or ou d’argent (il est Argurótoxos, Chrusótoxos) ; c'est-à-dire brillant autant que la lance de Lug (Goirias dérive de gor, feu ; et la lance de Cúchulainn est dite « rouge dans sa main, jetant des étincelles rouges »). Par ailleurs, il n’est pas impossible qu’Apollon ait été originellement pourvu d’une lance. Il y a, en premier lieu, les témoignages littéraires. Pausanias décrit une statue archaïque d’Apollon lancier, le xoanon d’Amyclées : « Le dieu a un casque sur la tête, il tient une lance et un arc ». Un autre détail littéraire nous paraît significatif : dans l’Hymne homérique à Hermès, lorsque Apollon désire obtenir d’Hermès la cithare créée par celui-ci, et qu’il lui apprenne à s’en servir, il lui promet de le conduire « illustre et heureux parmi les immortels », et cette promesse se fait « par cette lance de cornouiller », celle, vraisemblablement, d’Apollon. Également le bel ivoire trouvé dans le sanctuaire phocidien, montrant un personnage masculin imberbe, vêtu, tenant une lance et posant sa main droite sur la tête d’un lion. Pierre Amandry a proposé d’y reconnaître une figuration archaïque d’Apollon. Ainsi, pour reprendre ce qu’en dit B. Sergent : « on doit donc en conclure qu’Apollon a d’abord été muni d’une lance, puis est devenu archer ».
L’arme caractérise Lug et Apollon comme des jeunes et, en effet, comme nous l’avons déjà dit, ce sont des éphèbes en âge de porter les armes. Ce sont des jeunes parvenus au terme de leur « carrière initiatique », mais qui ne sont pas des adultes : ils sont indéfiniment des « jeunes complets ». Ce qui n’amoindrit pas leurs qualités guerrières, bien au contraire.
[...]
Ainsi, on doit se demander pourquoi Laudulfe « tenait à créer une nouvelle fête à ce moment ». Il s’agissait probablement d’effacer, d’occulter une divinité païenne importante : Lug, qui était célébré début août à la fois en Irlande (fête de la Lugnasad) et en Gaule (Concilium Galliarum de Lyon) aux alentours du 1er août, le 11 constituant précisément la borne de la fête. Par ailleurs, l’hagiographe a fort justement remarqué que les fêtes des différents saint forment un système, encadrant la date majeure du premier août : saint Aquilin était fêté le 18 juillet, et saint Laudulphe, l’inventeur des reliques de Taurin, le 18 août ; et il a relié cela à une indication du Lebor Gabala Erenn (Livre des Conquêtes de l’Irlande) : « les jeux ont été faits par Lug, quinze jours avant Lugnasad et quinze jours après Lugnasad ». Ainsi, Robreau voit dans ce système une « tentative de christianisation assez réussie d’un festiaire antérieur d’origine gauloise ».
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Littérature :
Selon l'article de Wikipedia,
"L'écrivain et philosophe français Roger Caillois, particulièrement intéressé par la variabilité de l'Apollon, l'a évoqué dans ses études sur l'esthétique. L'Apollon, selon lui, « démontre avec éclat que la nature n'est jamais un moule, qu'elle ne saurait connaître la reproduction mécanique, qu'elle ne se répète pas ». Poursuivant sa rêverie, il se demande « si le caractère variable d'un papillon, quand ce caractère est aussi marqué qu'il est chez le Parnassius, n'est pas une preuve actuelle de l'existence d'une pareille et plus grande plasticité aux jeunes époques du monde. (…) Ensuite seulement vint l'ordre, c'est-à-dire la fixité des espèces (…) »".
Roger Caillois, "Un papillon variable", dans Opus international n°5, Paris, février 1968, pp. 19-22 ; repris en volume."
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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque le papillon Apollon de manière rapide mais ô combien symbolique au regard de ma perception :
4 octobre
(La Bastide)
Un abdomen de turquoise et d'opale ; quatre ailes de verre amoureuses du soleil ; et deux yeux hémisphères couleur de pomme acide ; la libellule déprimée s'est posée sur un piquet du jardin.
Octobre est, à mon avis, le mois des libellules. Si je devais recomposer le calendrier (Fabre d'Églantine de l'An 01 de l'Écologique), je rebaptiserais :
Janvier : Narcisse tazette
Février : Crocus versicolore
Mars : Iris sisyrinque
Avril : Ophrys bécasse
Mai : Lézard ocellé
Juin : Lis orangé
Juillet : Ancolie des Alpes
Août : Papillon Apollon
Septembre : Amanite tue-mouches
Octobre : Libellule déprimée
Novembre : Corneille noire
Décembre : Mésange charbonnière
J'aurais, par exemple, commencé ce journal le 5 amanite tue-mouches, et nous serions aujourd'hui le 4 libellule déprimée.
[...] 27 juin
(Tincave)
[...] ; l'apollon de plastique transparent, composté de macules rouges à lunes blanches.
Pépère de Plexiglas
Cardinal poilu
Papillon apollon
[...] 8 juillet
(Tincave)
Papillon machaon : talisman d'or pâle.
Papillon flambé : bagnard lunaire.
Papillon apollon : fragment d'atmosphère.
Papillon nègre : flamme brune aux yeux mandarine.
Messieurs les papillons, je suis votre serviteur.
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« Papillon du Parnasse et semblable aux abeilles
À qui le bon Platon compare nos merveilles,
Je suis chose légère et vole à tout sujet,
Je vais de fleur en fleur et d’objet en objet. »
Extrait du Discours à Madame de La Sablière, 1684 – Jean de La Fontaine
C’est en relisant ces quelques vers de l’illustre conteur du XVIIème siècle que Gilles Poulanges a réalisé qu’il n’était pas le seul poète français pétri de contradictions : Tantôt partisan du labeur de l’abeille, tantôt courtisan de l’instabilité du papillon. Dans tous les cas Gilles Poulanges est l’artisan d’une insatiable soif de composer. Dans Parnassius Apollo, [Éditions Stellamaris, mars 2017] son cinquième recueil de poésies, il est ce touche-à-tout qui aborde des thèmes aussi variés que la famille, la France et Paris, la politique, le terrorisme, la solitude, le ciel, une planète imaginaire nommée Epistolia, la nuit, la décomposition, la mort… Ressentiment, arrogance et fatalisme côtoient esprit révolutionnaire et camaraderie potache : Les pamphlets font place aux dédicaces. Bienvenue dans l’univers ambivalent de cet auteur inclassable !
(4e de couverture)
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Voir aussi l'article plus général sur les Papillons.