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Le Polypore de pierre

Dernière mise à jour : 24 juil.



Étymologie :


  • POLYPORE, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1790 (J.-J. Paulet, Traité des champignons, I, 512 ds R. Ling. rom. t. 42, p. 452). Empr. au lat. sc. mod. polyporus « id. » 1729 (P. A. Micheli, Nova Plantarum Genera, 129 d'apr. NED Suppl. 2), formé de l'élém. gr. π ο λ υ-, de π ο λ υ ́ ς « nombreux » et du gr. π ο ́ ρ ο ς « pore, passage ».


  • DRYADE, subst. fém.

Étymol. et Hist. A. 1269-78 driade « nymphe des bois » (J. de Meung, Rose, éd. F. Lecoy, 17933). B. 1786 bot. (Encyclop. méthod. ap. DG). A empr. au lat. dryas, -adis (le plus souvent au plur. dryades) « dryade » lui-même empr. au gr. δ ρ υ α ́ ς, -α ́ δ ο ς « id. », dér. de δ ρ υ ̃ ς « chêne », les dryades demeurant sous l'écorce des chênes. B empr. au lat. bot. [cf. 1735 dryadae, Linné Syst. Nat., p. 41 et 1740 dryas, Syst. Nat. Regnum veget. XII Isocandria Poligynia Dryas, p. 24].


Lire également la définition des noms dryade et polypore pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Polyporus tuberaster - Agaric napolitain - Bolet tubérastre - Champignon de pierre - Clitocybe napolitain - Polypore à sclérotes - Polypore tuberaster -

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Mycologie :


D'après Jean-Baptiste de Panafieu, auteur de Champignons (collection Terra curiosa, Éditions Plume de carottes, 2013),


"Le polypore tuberaster ou polypore de pierre était autrefois cultivé en Italie sur une "pierre à champignons" (pietra fungala). En réalité, ce champignon vit normalement sur les arbres morts. A certaines époques, il forme sous terre un sclérote, c'est-à-dire une grappe compacte et dure de filaments mycéliens qui incorpore la terre et les cailloux qui l'entourent. L'ensemble finit par ressembler à une pierre et peut alors atteindre une dizaine de kilos. Il s'agit pour le mycélium d'une forme de résistance à de mauvaises conditions de vie. Placé dans un milieu plus favorable, par exemple un sous-sol à l'atmosphère humide et tiède, et convenablement arrosé, ce sclérote produit rapidement des champignons, parfois pendant plus d'un an. Cette forme de "culture" est connue depuis l'Antiquité et s'est poursuivie jusqu'au XXe siècle en Italie. Mais transportée dans une cave française trop froide, la pierre cessait de produire,. Jusqu'au Moyen Âge, on a cru que cette "pierre" se formait à partir d'urine de lynx, ce qui explique sans doute en partie pourquoi on s'en servait aussi contre les calculs rénaux.

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Bienfaits thérapeutiques :


Dans Les Champignons, Histoire, description, culture, usages des espèces comestibles, vénéneuses, suspectes... (J. Rothschild Éditeur, 1876) F. S Cordier mentionne un usage médicinal du champignon :


Césalpin attribue au Polypore tubérastre, champignon cultivé à Naples sur la pietra fungaja, la vertu de provoquer la sortie de l'urine et des graviers ; comme aussi celle de dissiper les douleurs d'estomac, de guérir l'ictère et le flux de ventre.

 

Selon Christelle Francia, Françoise Fons, Patrick Poucheret et Sylvie Rapior, auteurs de l'article intitulé "Activités biologiques des champignons : Utilisations en médecine traditionnelle." (Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, 2007, 147 (4), pp. 77-88.), les qualités thérapeutiques du polypore tuberaster sont les suivantes :


anti-rhumatismal : Le sclérote de ce polypore est utilisé en cataplasme pour soulager les rhumatismes chez

les Indiens Cree en Amérique du Nord (Johnston (1970).

 

Nérée Onguene Awana, Armelle Nadine Tchudjo Tchuente et Thomas W. Kuyper, auteurs de "Biodiversité des macrochampignons sauvages comestibles de la forêt humide du Sud-Cameroun". (In : BOIS & FORETS DES TROPIQUES, 2018, vol. 338, pp. 87-99) nous apprennent que :


Le sclérote de P. tuber-regium paraît avoir de nombreuses vertus. Au Nigeria, à Madagascar et au Sud-Cameroun, il est respectivement employé comme antipoison ou pour soigner le mal de poitrine et les ulcères d’estomac.

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Usages traditionnels :


Selon L. F. Morel, auteur d'un Traité des champignons au point de vue botanique, alimentaire et toxicologique (Germer-Baillière Libraire-éditeur, 1865) :


La production artificielle du champignon napolitain (Boletus tuberaster Fr. Polyporus esculentus), dans tout le Sud de l'Italie est des plus curieuses. On fait le commerce d'une sorte de concrétion terreuse qu'on nomme dans le pays Pierre à Champignons (Pietra fungaïa), qui peut se transporter à de grandes distances et qui, sans d'autres soins qu'un arrosement fréquent procure le Bolet en abondance. La Pierre à champignon, après trois mois de fertilité, entre dans un repos qui dure deux ou trois mois, pour se couvrir encore indéfiniment de trois mois en trois mois d'abondantes récoltes. Ce temps d'arrêt favorise le développement du mycélium qui est composé de filaments très durs, parcourant dans tous les sens la terre argilo-calcaire dans laquelle ils ont pris naissance à l'état sauvage. Cette production toute étrange qu'elle paraît être, ne diffère cependant en rien de la production des autres champignons, car en arrosant le bloc de tuf pénétré du mycélium du Boletus tuberaster, pour le rendre productif, on ne fait en réalité pas autre chose que quand on répand le blanc de champignon de couche dans les conditions propres à développer sa fertilité. M. Gasparini a publié un Mémoire sur la nature de la Pietra fungaïa, qu'il appelle Mycelithe fungifera et qu'il qualifie de « production souterraine. » Le savant italien s'est mépris, et d'un autre côté, il est regrettable qu'il ait négligé le résultat utile de cette production : un observateur plus heureux, M. de Borch (1), a tenté au point de vue pratique des expériences qui ont assuré le succès de la culture du Boletus tuberaster dans tous nos départements méridionaux, en même temps qu'elles ont jalonné la marche à suivre pour cultiver toute espèce de champignons. Quand ce progrès aura été réalisé, on ne consommera sans doute que des champignons cultivés, et les accidents occasionnés aujourd'hui par les espèces vénéneuses ne seront plus à craindre.


Note : 1)  Après avoir constaté la nature de la Pielra fungaia, composée d'un tuf argileux mêlé de beaucoup de parties calcaires et pénétré dans tous les sons par les filaments du mycélium, M. de Borch plaça un fragment de cette Pielra dans une caisse contenant un tuf de la même nature, pulvérisé et associé à un terreau tamisé. Pendant quinze jours, on arrosa la caisse avec l'eau du lavage du Bolet napolitain , et la surface de la caisse ne tarda pas à se couvrir de champignons. Le mycélium de la Pietra trouvant à sa portée une terre de nature convenable, s'y était répandue promptement de la même manière que le blanc s'empare des bâtis des couches ordinaires.

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F.S. Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) mentionne la culture étonnante du polypore de pierre :


En Italie, on soumet à une sorte de culture le Bolet tubérastre, Polyporus tuberaster, Fr., champignon très délicat et fort recherché. Ce Bolet, qui croit spontanément aux environs de Naples, a pour mycélium une sorte de racine tubéreuse, grande, spongieuse et vivace, qui, dans ses accroissements successifs, embrasse et lie très fortement ensemble de la terre, des fragments de bois, de pierre et autres corps qui se trouvent dans son voisinage, de manière à former des masses quelquefois assez considérables pour peser près de cent livres ; ces masses, retenant constamment à leur superficie des semences ou du blanc de tubérastre, se recouvrent, tous les deux ou trois mois, de champignons. Ce sont ces masses fongifères, appelées pierres à champignons, Pietra fungaja, par les Italiens, que les amateurs de champignons enlèvent et placent dans un lieu chaud et humide où, quand on a l'attention de les arroser de temps à autre, elles se recouvrent de champignons, comme elles feraient à l'air libre.

La Pietra fungaja se transporte d'un pays dans un autre ; mais on s'est assuré que, dans les climats froids, elle dégénère et finit par ne plus produire. Transportée en Suède, elle y a réussi, mais elle ne s'y est pas acclimatée. A Naples et à Florence, on la garde à la cave ; en France, on pourrait la conserver dans des serres. Berkeley a vu en Angleterre, à Hammersmith, dans le jardin de Sée, des spécimens de Bolet tubérastre qui étaient venus de mycélium importé.

La Pietra fungaja est connue depuis bien longtemps. Bruyerin, médecin de François Ier, auteur du traité De re cibaria, s'écrie dans ce livre : « Qui ne verrait pas avec admiration des champignons sortir d'un fragment de roche, et qui, détachés de la pierre, sont toute l'année remplacés par d'autres ; car il semble qu'une partie de leur pédicule se pétrifie pour grossir la pierre qui en est ensemencée, phénomène qui nous découvre une vie d'un nouveau genre ! »

 

Le Dr Lucien-Marie Gautier, auteur de Les Champignons considérés dans leurs rapports avec la médecine, l'hygiène publique et privée, l'agriculture et l'industrie (Librairie J. B. Baillière et fils, 1884) confirme cet usage :


En Italie, une excellente espèce, à peu près inconnue en France, où l'on est parvenu cependant à la cultiver en serre, est obtenue communément en arrosant la pietra funghaja ou pierre à Champignons (2) ; c'est le Polyporus tuberaster. Les Polypores mettent seulement sept à huit jours pour atteindre leur développement, et on peut obtenir six récoltes par an, en maintenant la pierre convenablement humide.


Note : 2) La pierre à champignons sur laquelle se développe le Polyporus tuberaster, Fr., est une masse de terre plus ou moins volumineuse, composée de terre, de petites pierres et de débris de végétaux réunis par un mycélium blanc, byssoïde, très abondant.

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Croyances populaires :


Daniel Thoen, dans un article intitulé "Légendes, Magie et Croyances liées aux polypores" (paru le 3 novembre 2017 sur le blog http://enfantdesarbres.canalblog.com/) rapporte cette curieuse croyance :


Les Indiens d'Amérique du Nord pensaient que le Tuckahoe, sclérote du Polyporus tuberaster, était du Pemmican fossilisé (dérivé d'un mot Cree, « Pimmican », qui désigne de la viande séchée de bison ou de chevreuil, réduite en fins morceaux et mélangée à de la graisse fondue, emballée dans des sacs en peau de bison). Utilisé lors des grands déplacements, des sacs de pemmican étaient parfois cachés pour assurer l'approvisionnement lors du voyage de retour. BRODIE (1978, p. 96) a avancé une explication plausible pour l'appellation de « Pemmican fossilisé » pour le sclérote de Polyporus tuberaster : elle serait basée sur une analogie de texture et de couleur du sclérote qui a un aspect panaché, marbré, ressemblant à de la viande séchée enrobée de graisse du Pemmican. De même, le cortex dur et crevassé du sclérote présente une certaine similitude d'aspect et de couleur avec un vieux sac de cuir ayant servi à emballer le Pemmican.

[...]

Une curieuse croyance a cours chez les Indiens Hopi. Ils rejettent tous les polypores (bracket fungi) parce qu'ils les associent aux tumeurs malignes du cancer et craignent la contamination (WEINER, 1972).

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