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La Molène

Dernière mise à jour : 10 oct.



Étymologie :


  • MOLÈNE, subst. fém.

Étymol. et Hist. Ca 1265 moleine (Voc. plantes, Ms Harley 978, 140 a ds T.-L.). Sans doute dér., sur le modèle de verveine* (tout comme la molène, cette herbe a des fleurs en épis de cymes), de mol (mou*), cette plante ayant été ainsi nommée à cause de ses feuilles souples au duvet moelleux. Cf. a. angl. moleyne att. vers 1440 ds NED, angl. mod. mullein, tous deux empr. au fr..


Lire également la définition du nom molène afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Verbascum - Bonhomme - Bouillon blanc - Cierge de Notre-Dame - Cierge royal - Fleur de grand chandelier - Herba luminaria - Herbe de Saint-Fiacre - Oreille de Saint-Cloud - Queue de loup - Tabac du diable -

Verbascum thapsus - Blan bouion (Wallonie) - Blanc-de-mai - Blhonde - Bonhomme - Bouillon ailé - Bouillon blanc - Bouillon mâle - Bouyonne - Brandelon - Brizan - Capsula - Chandelier de Notre-Dame - Cierge de Notre-Dame - Chou d'âne - Cierge - Druize - Flanelle - Fleur de Grand Chandelier - Gamou - Grande molène - Herbe à bonhomme - Herbe à chandelle - Herbe à la clavelée - Herbe chandelière - Herbe de Saint-Fiacre - Herbe Saint-Fiacre - Molène bouillon-blanc - Molène thapsus - Orne - Parapluie - Poumonise - Prud'homme - Topasse - Verge de Saint-Jean -

Verbascum blattaria - Blataire - Herbe-aux-mites - Molène blattaire -

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Botanique :


Dans sa thèse de Doctorat en pharmacie intitulée Les plantes médicinales des pelouses calcaires de la Réserve Naturelle de Montenach (57) (Nancy, 2010), Stéphanie Schaal propose la description suivante :


Description botanique : C’est une plante herbacée dont la hampe florale peut dépasser un mètre de hauteur. Les feuilles sont lancéolées, crénelées, vertes-blanchâtres et très velues ; elles peuvent atteindre 40 cm de longueur. La première année de végétation, elles forment une rosette, puis la hampe florale se développe l’année suivante. En effet, Verbascum thapsus est bisannuelle. Les feuilles sont épaisses, grandes, pétiolées, serrées sur la base de la plante. Elles ont une forme oblongue ou elliptique et elles se prolongent en aile le long de la tige. Celles de la tige sont brièvement pétiolées ou sessiles. Le bord est entier ou légèrement denté. Les fleurs, visibles de juin à novembre, presque sessiles, forment des glomérules groupés en longues grappes ressemblants à des épis, pouvant atteindre plus de 1 m. Chacune comprend un calice peu irrégulier, à 5 divisions lancéolées, et une corolle jaune souvent de grande taille (jusqu’à 4 cm de diamètre) dont le tube très court s’étale en une roue de 5 pétales inégaux. Sur les 5 étamines, les trois supérieures sont les plus courtes avec un filet fortement velu. Les fruits sont des capsules ovoïdes s’ouvrant en deux parties, à maturité libérant des graines rugueuses. (GARNIER et al, 1961, GIRRE, 2001).

La période de cueillette pour les feuilles et les fleurs est de juin à septembre. Laissez-les sécher au soleil quelques heures puis placez-les dans un endroit ventilé et sec (TICLI, 1999).

 

François Couplan, auteur de Les plantes et leur nom - Histoires insolites (Éditions Quae, 2012) nous en apprend davantage sur le nom du Bouillon blanc :


Bouillon blanc (Scrofulariacées) - Le nom de « bouillon blanc » n’a, en fait, rien à voir avec une tisane ou une soupe… Il dérive du bas latin bugillo, issu d’un mot gaulois désignant une plante indéterminée, par attraction de « bouillon », en raison de l’emploi en décoction des fleurs aux vertus pectorales. L’épithète « blanc » fut ajoutée par la suite du fait de la couleur des feuilles, couvertes d’un duvet blanchâtre. On nomme également la plante « cierge de Notre-Dame », car la longue tige, trempée dans le suif, fournissait à peu de frais des torches efficaces, bien que peu durables.

Le nom botanique de l’espèce est Verbascum thapsus. Le premier terme désignait ces plantes en latin. C’est une déformation de barbascum ou barbatum, barbu, par allusion aux filets des étamines couverts de poils. L’épithète vient du grec thapsos, qui nommait une plante poussant l’antique cité grecque du même nom, près de Syracuse en Sicile, dont on tirait une couleur jaune. Les fleurs du bouillon blanc sont d’un beau jaune.

Le nom français des plantes appartenant au genre Verbascum est « molène » (mullein en anglais), dérivé de « mol », mou, du fait des propriétés émollientes de ces plantes, en particulier du bouillon blanc.

Parmi les espèces les plus courantes, citons la molène noire, Verbascum nigrum, aux feuilles de couleur sombre (mais pas vraiment noires) ; le Verbascum lychnitis, dont l’épithète désignait dans l’Antiquité une plante qui servait à faire des mèches de lampe à huile, du grec lychnos, lampe ; et la molène à feuilles sinuées, Verbascum sinuatum, caractéristique du Midi avec ses grandes rosettes de feuilles aux contours sinueux.

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de la Molène :


Propriétés Physiques et Chimiques. ― Les feuilles et les fleurs surtout ont une odeur douce et suave ; leur saveur est herbacée, mucilagineuse, d'une amertume très faible. Elles cèdent leurs propriétés à l'eau par infusion à chaud. Les fleurs contiennent, d'après Morin, une huile volatile jaunâtre, plusieurs acides, des sels de chaux, du sucre incristallisable, de la gomme et de la chlorophylle.


Usages Médicaux. Le bouillon-blanc est un remède populaire comme adoucissant et pectoral dans les catarrhes pulmonaires ; on donne dans ces cas l'infusion théiforme qu'il convient de passer à travers un linge pour en séparer les poils staminaux. Les feuilles sont béchiques et calmantes ; elles paraissent posséder des propriétés légèrement narcotiques ; on les a données aussi comme antispasmodiques. On les prescrit d'ordinaire dans les bronchites, les crachements de sang et la phtisie ; aussi dans la diarrhée, la dysenterie et contre les douleurs hémorroïdaires. Pour ces derniers usages , les feuilles sont également recommandées à titre d'émollient ; on emploie souvent les feuilles en cataplasme après les avoir fait tremper dans l'eau bouillante ou mélangées avec l'axonge sous forme d'onguent.


Formes et doses. - Infusion 10 à 30 grammes par kilogramme d'eau. Extérieur, décoction, 50 à 60 grammes.


Cette espèce peut être remplacée par les Verbascum nigrum, lychnitis, tapsiforme qui jouissent aussi de propriétés émollientes, adoucissantes et pectorales.

 

A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les propriétés thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :


Bouillon blanc, molène. Verbascum maslatifolium et flore luteo.

Bouillon blanc femelle - Verbascum femina flore lutea majus.

Bouillon blanc des Parisiens, rameux. Verbascum ramosum.

Fleurs monopétales, jaunes, autour d'un bâton qui vient d'une hauteur d'un mètre et plus, feuilles grandes, larges, blanches et très cotonneuses. (Fleurs, 20 à 30 grammes par litre.)


VERTUS : Pour récolter les fleurs il faut les faire sécher promptement et les serrer à l'abri de la lumière en les tassant, car sans cela elles noircissent et perdent leurs propriétés. Infusées comme le thé elles sont très adoucissantes, un peu astringentes, ce qui donne du ressort aux fibres. En infusion dans l'huile, on on fait un baume très adoucissant, résolutif et anodin dans le ténesme (dysenterie), les hémorroïdes, les plaies récentes. Toute Ia plante en fomentation (cataplasme) est souveraine pour les plaies avec inflammation, les tournioles, etc.


Blataire. Herbe aux mites. Blataria flore luteo. Fleurs jaunes, feuilles longues lasciniées, fleur monopétale en rosette partagée en cinq parties, le fruit ou coque est rond, ovale, plus pointu que dans le verbascum ; seule différence, cette coque est divisée en deux loges, remplies de petites semonces anguleuses, feuilles sans poils ni duvet, vertes, brunes.


VERTUS - La racine est apéritive, vermifuge, les feuilles en cataplasme sont résolutives et émollientes, on peut l'employer è l'intérieur comme l'aunée

 

Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102,‎ 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :


Bonömo, m. / bonömo dzôno, m. (dzôno = « jaune ») / = molène, bouillon blanc = Verbascum sp.

Pour les bronches et contre les refroidissements, on met sur la poitrine une feuille de bouillon blanc enduite de pommade camphrée ; on prépare de la tisane en cas de toux, diarrhée, manque d'appétit.

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Dans sa thèse de Doctorat en pharmacie intitulée Les plantes médicinales des pelouses calcaires de la Réserve Naturelle de Montenach (57) (Nancy, 2010), Stéphanie Schaal recense les usages thérapeutiques du Bouillon blanc :


Sous le nom commun de « bouillon-blanc », on confond souvent 3 ou 4 espèces de Verbascum, ce qui ne porte pas à conséquence, car les propriétés sont les mêmes. Verbascum, son étymologie est inconnue ou cela provient de barbascum, barbu (barba : barbe), à cause de l’aspect des filets staminaux. Bouillon blanc vient de : bouillon, car les fleurs s’emploient en infusé pectoral (GARNIER et al, 1961). La fleur de bouillon blanc est inscrite aux Pharmacopées Française 10ème édition et Européenne 6ème édition. [...]


Utilisation traditionnelle : Le bouillon blanc est utilisé traditionnellement comme antalgique dans les affections de la cavité buccale et ou du pharynx. On peut utiliser la recette suivante: laissez infuser 10 g de fleurs dans 500 ml d’eau bouillante pendant 10 minutes. Buvez jusqu’à trois tasses par jour de cette infusion (TICLI, 1999). Il entre dans la composition des espèces pectorales. La fleur et ses préparations sont traditionnellement utilisées dans le traitement symptomatique des pathologies inflammatoires ORL et broncho-pulmonaires (ARKOPHARMA)

 

Marie d'Hennezel, autrice de Les Plantes pour tout guérir et booster sa santé (Éditions Rustica, 2015) nous offre des recettes concrètes :


Un peu d’histoire : Son nom proviendrait du gaulois Bujllo. Il est dédié à saint Fiacre, patron des jardiniers.

Pline l’Ancien au Ier siècle après J.-C. le recommandait pour les lésions et les irritations pulmonaires et ses prescriptions sont restées ancrées dans les traditions médicinales populaires.

Sainte Hildegarde au XIIe siècle le préconisait pour guérir les enrouements

[...]

Utilisations : On utilise uniquement les fleurs du bouillon blanc.

Consommées en tisane, les fleurs sont un remède souverain pour soigner la bronchite, l’asthme, le rhume et la toux. Elles provoquent la transpiration et sont conseillées en cas de « coup de froid ».

Leurs vertus adoucissantes doublées d’une action antispasmodique permettent de les recommander aussi pour soulager les angoisses, les troubles du rythme cardiaque, les crampes d’estomac et les névralgies.

En usage externe, grâce à leurs propriétés adoucissantes, on emploie les fleurs en décoction concentrée, pour calmer les démangeaisons, gerçures, crevasses et piqûres d’insectes. En Allemagne, macérées dans de l’huile d’olive, les fleurs de bouillon blanc sont utilisées pour soigner les infections auriculaires et les hémorroïdes.


Préparation : On prépare plutôt une tisane en décoction légère de 3 minutes dans l’eau frémissante, suivie d’une infusion de 3 minutes à feu éteint, à raison de 3 pincées de fleurs séchées pour 1 litre d’eau. Prenez soin de bien filtrer cette tisane car les poils sont très irritants. Buvez cette préparation tout au long de la journée.

L’odeur agréable de cette tisane se retrouve dans son goût délicieux qui rappelle le miel et reste longtemps en bouche.


Une recette simple : Devant recevoir un jour, à Mazet, une équipe de journalistes, je me suis éveillée le matin précédent souffrant d’une sévère extinction de voix. J’ai sans tarder réalisé une tisane, en décoction, de fleurs de bouillon blanc et l’ai bue tout au long de la journée et de la soirée. Le lendemain matin, j’avais retrouvé ma voix et reçu là, s’il en était besoin, la confirmation du bien-fondé des préceptes de sainte Hildegarde de Bingen.


Toxicité et précaution d’emploi : Aucune toxicité connue à ce jour.

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


La toux, les rhumes, les maladies de poitrine sont combattues par les tisanes émollientes bien connues : bouillon blanc, orne, Verbascum thapsus.

[...]

Le pansement des plaies récentes se fait avec les feuilles couvertes d'un duvet épais, telles que celles du bouillon blanc ou bonhomme, orne, Verbascum Thapsus [...]. Elles agissent comme isolant.

[...]

Eclairage - Si rares et coûteux étaient autrefois les moyens d'éclairage par les mèches trempée dans l'huile ou enduites de graisse et par les torches de résine, que certains paysans les remplaçaient par un flambeau moins dispendieux fait avec les tiges du bouillon blanc, ôma ou erba à standèla, Verbascum thapsus, etc., macérées dans l'eau, réunies et serrées plusieurs ensemble, puis convenablement desséchées.

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Croyances populaires :


Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des croyances liées aux cycles de la vie et de la nature :


238. - La toute-bonne (sorte de bouillon blanc) trempée dans du sucre guérit les plaies.

239. - La graine de toute-bonne ramasse la crasse des yeux qui s'en va toute seule.

 



Symbolisme :


Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


BOUILLON-BLANC - BON NATUREL .

Les fleurs du bouillon - blanc sont employées en médecine comme pectorales . Bernardin de Saint-Pierre assure qu'ils croissent dans la saison où les rhumes de chaleur les rendent plus nécessaires.

 

Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Molène Bouillon-blanc (Verbascum thapsus) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Saturne

Élément : Feu

Divinité : Zeus-Jupiter

Pouvoirs : Protection ; Force ; Courage ; Divination amoureuse.


Utilisation magique : Pour écarter des troupeaux les maléfices, on allumait, le jour de la Saint-Jean, un feu avec des brassées de Bouillon-blanc et on passait à travers la fumée en poussant des cris perçants ; on rapportait quelques-unes de ces tiges à demi-brûlées et on les suspendait dans l'étable.

La plante protégeait contre les bêtes sauvages; le voyageur en avait sur lui pour traverser une forêt sombre et profonde ; en Europe centrale, lorsque des comités de village se formaient pour traquer un loup-garou, les hommes portaient sur eux une pièce d'argent enveloppée dans une feuille de Bouillon-blanc.

Une ancienne tradition recommande à ceux qui font des métiers de force, en particulier à ceux qui ont à porter de lourdes charges, d'envelopper une feuille de Molène dans le foulard qu'ils se nouent autour du front pour empêcher la sueur de ruisseler ; la charge leur paraît moins lourde et le seuil de la fatigue est reculé.

Dans le nord de l'Inde, cette plante est hautement protectrice ; on en suspend, la tête en bas, autour des maisons, des granges, des étables ; aux époques de mousson, on en garnit les berges des fleuves en crue pour les empêcher de quitter leur lit.

Dans la région montagneuse des Ozarks (Etat du Missouri ; aux États-Unis, les « gens des Ozarks » ont une réputation de montagnards un peu arriérés, vivant en clans fermés, repliés sur leurs traditions et méfiants à l'égard des personnes étrangères à leur terroir), les hommes se servent de cette plante à des fins de divination amoureuse. Leur méthode est des plus simples. Le galant concerné se rend dans un pré où il a repéré de belles et hautes Molènes. Il choisit la plus forte tige et la fait ployer dans la direction de la maison où habite l'élue de son cœur. Puis il fait une marque sur la plante pour la reconnaître et s'en va. Pendant dix jours, il doit se tenir à l'écart de ce pré. Lorsqu'il y retourne, si le Bouillon-blanc s'est bien redressé, s'il a repris sa forme verticale de grand et fort chandelier, alors la fille l'aime. Dans le cas contraire, le pied est mort.

Les feuilles et sommités fleuries, séchées et réduites en poudre fine, peuvent remplacer la terre de cimetière dans les recettes (rares) où cet ingrédient entre dans la composition du charme.

Dans les campagnes, les feuilles roulées servaient autrefois de mèches pour les lampes à huile ; les sorciers avaient une prédilection pour cet éclairage propice aux incantations et aux rites magiques.

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Selon Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani :


Cette plante à fleurs jaunes, familière des lieux incultes, dont les feuilles desséchées servaient jadis à faire des mèches de lampe, est surnommée "cierge (chandelier) de Notre-Dame" : la légende veut en effet que "la Sainte Vierge les recouvrait de poix pour s'en servir pour l'éclairage de la maison de Nazareth". Les sorciers, dit-on, appréciaient également les lampes à huile dont les mèches étaient constituées de feuilles de bouillon blanc considérant qu'elles étaient propices aux rites magiques.

Le bouillon blanc a de grandes vertus de protection : des tiges de ses fleurs ayant servi à allumer le feu de la Saint-Jean et placées à demi brûlées au-dessus des portes des étables en écartent les maléfices. Qui s'en munie pour traverser une forêt n'a rien à craindre des animaux sauvages. Autrefois, "en Europe centrale, lorsque des comités de village se formaient pour traquer un loup-garou, les hommes portaient sur eux une pièce d'argent enveloppée dans une feuille de bouillon blanc.

La plante, censée donner force et courage, est tout spécialement recommandée à ceux qui portent de lourdes charges : s'ils en glissent une feuille dans leur foulard, "la charge leur paraît moins lourde et le seuil de la fatigue est reculé".

Dans le nord de l'Inde où du bouillon blanc ornent souvent les maisons et les étables en vertu de son heureuse influence, on en répand aussi, à l'époque des moussons, sur les berges des fleuves en crue, croyant empêcher ainsi les inondations.

Selon un usage des montagnards des Ozarks (Missouri), un jeune homme qui veut savoir s'il est aimé doit se rendre dans un pré, choisir une belle tige de bouillon blanc et la tordre dans la direction de la maison de l'élue de son cœur. Si, dix jours plus tard, a plante s'est redressée, le jeune homme est rassuré sur les sentiments qu'il inspire ; ce qui n'est pas le cas si le pied est mort.

Selon Hippocrate, le bouillon blanc soignait les blessures, tandis que Pline lui reconnaissait de grandes vertus pour les maladies pulmonaires. Plus tard, au Moyen Âge, il fut utilisé contre les rhumatismes, furoncles, panaris, dartres et hémorroïdes.

Pour guérir les écrouelles, une jeune fille vierge devait placer sur le mal une feuille de bouillon blanc, chauffée et arrosée de vin et invoquer Apollon par cette formule : Neque Appollo pestum posse crescere quam nuda virgo restingat (Morvan). Les fiévreux, sans dire un mot et en récitant le chapelet, cherchaient un pied de la plante qu'une fois trouvé ils jetaient en l'air ; la fièvre disparaissait aussitôt. Dans la Vienne, on guérissait un chien enragé en le frottant avec le jus de bouillon blanc.

Le bouillon blanc, qui rend inoffensives les morsures de serpent, n'a pas toujours bonne réputation puisqu'en Anjou celui qui le piétine se perd et ne peut plus retrouver son chemin. Dans la Vienne, on soutient que "les personnes qui aiment et manient cette plante sont nées en hiver ; elles ne sont pas très amoureuses."

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Roger Tanguy-Derrien, auteur de Rudolph Steiner et Edward Bach sur les traces du savoir druidique... (L'Alpha L'Oméga Éditions, 1998) s'inspire du savoir ancestral pour "récapituler de la manière la plus musclée les informations sur les élixirs" :


Bouillon blanc ou Molène (Verbascum) : Vous souhaitez développer l'harmonie dans votre famille ou au sein d'un groupe de travail car vous travaillez tous sur un gros projet. Vous décidez d'être encore plus sincère avec vous-même ou exploiter votre propre potentiel qui généralement voisine 10% (Einstein 15%). Vous avez hérité d'un terrain tuberculinique qui se manifeste parfois par un lupus, une coxalgie, une arthrite fongueuse, une amygdalite hypertrophiée, une blépharite ciliaire. En espérant que vous n'avez rien de cela, cependant votre peau est plutôt blanche, les chairs sont molles (comme Molène) et bouffies, vos lèvres sont charnues et votre nez assez large. Votre peau ou vos muqueuses sont parfois l'objet d'inflammations traînantes. Des ganglions gonflent de temps en temps dans la région du cou. Vous n'avez pas toujours eu une hygiène de vie convenable ou votre alimentation a souffert parfois de carence (anorexie, privation en période troublée).

Cette plante de la famille des scrofulariacées vous intéresse. Scrofule a été remplacée au 20e siècle par le mot tuberculose. Début 16e siècle, Paracelse appelait cette affection diathésique humeur froide ou écrouelles. Donc cette plante bisannuelle ne développe la première année qu'une grosse rosette appliquée au sol, faite de grandes feuilles laineuses et pétiolées. Ce gros poumon invaginé, sortant de terre, a quelque chose de monstrueux. Il se concentre dans ce sol pierreux, sec et chaud. Dans sa future fleur, on devine déjà un processus favorable pour l'appareil respiratoire humain. Oui, quelque chose qui peut lutter efficacement contre la bronchite aiguë, l'asthme, les complications pulmonaires, la trachéite (il porte aussi le nom de cierge royal). La présence d'un principe mucilagineux contenu dans sa fleur y est pour quelque chose. Mais ce n'est pas tout. Il s'y trouve encore de la saponine, des amers, des glucosides, de la vitamine E et toute une panoplie d'avantages qui devraient combattre très énergiquement cette nouvelle maladie appelée la mucoviscidose. Mais cela reste un nouveau domaine d'expérimentation...

La deuxième année, la plante s'élance avec fougue vers le ciel et la lumière et au plus fort de l'été, elle profite du maximum des conditions estivales pour éclore ses fleurs d'or pâle. Ces dernières adhèrent à la hampe épaisse, feutrée d'un duvet gris, tel un cierge royal et fière de montrer sa virilité. C'est ce même sentiment d'accomplissement qui pénètre l'homme quand il aboutit au but recherché à la suite d'un projet difficile à réaliser.

L'élixir de Bouillon blanc vous aide à jouir du fruit de votre travail tout en libérant des forces créatives au niveau du hara appelé encore le centre de l'honneur (bien connu des samouraïs qui se faisaient hara-kiri). Ce centre s'appelle en énergétique chinoise la réserve de l'énergie ancestrale. C'est peut-être sur cet endroit qu'il faut insister pour vaincre certaines maladies génétiques ? Légèrement aphrodisiaque, il accroît la virilité et soigne la cystite.


Mots-clés : Ce bouillon est en fait un bon bouillon de onze heures qui stimule l'aine et la gorge (principalement leurs ganglions). Mollène est anti-mol-aîne et nous retiendrons aussi le mot verbe dans verbascum : la gorge n'est-elle pas un des organes de l'expression du Verbe (Verbascum) bien ou mal utilisé.

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Eliot Cowan, auteur de Soigner avec l'Esprit des Plantes, Une voie de guérison spirituelle (Édition originale 2014 ; traduction française Éditions Guy Trédaniel, 2019) raconte plusieurs histoires de guérison dont il a fait l'expérience à partir du moment où il est entré sur la voie de la Guérison avec l'Esprit des plantes :


"J'ai donné à une époque un cours dans lequel les élèves m'amenaient des patients à traiter. Un de ces patients était un homme d'un certain âge qui venait de sortir de l'hôpital. Il souffrait de leucémie et frôlait déjà la mort. Il avait abandonné sa carrière artistique et errait à la recherche d'un traitement qui pourrait lui épargner la souffrance de se derniers jours. Un voyage en rêve jusqu'à son âme m'a révélé un paysage intérieur aussi aride et désespéré que le plus rébarbatif des déserts. J'ai traité cet homme avec les esprits de deux plantes. Quelques jours après, il est retourné chez lui, et, peu de temps après, j'ai reçu cette lettre de l'élève qui assurait le suivi de son traitement :


"L'homme qui avait une leucémie, que nous avons vu plus tôt ce mois-ci, m'a appelé cette semaine pour me dire qu'il avait ressenti de bons résultats du traitement, et qu'il voulait venir me voir pour un autre traitement. Quand il est arrivé, il a commencé à me raconter ce qui lui était arrivé. Le lendemain de votre traitement, il s'était réveillé dans ce qu'il appelle "un état différent de conscience", qui ne l'a plus quitté depuis. Il a parlé de "s'être souvenu de qui il était" en allant dans une île où sa famille avait passé beaucoup de temps, et près d'une pierre portant une inscription, qui était importante pour lui, et qui un jour lui avait parlé.

La semaine dernière, son médecin a réduit de moitié sa dose de chimiothérapie parce que son nombre de leucocytes avait baissé de moitié. Il a nettoyé son atelier et a recommence à peindre. Il a eu ce qu'il appelle des "rêves lucides", et il parle du pouvoir thérapeutique de ces rêves.

Anticipant de son traitement, j'avais décidé d'utiliser sur l'esprit de la molène. Le jour précédent sa visite, j'ai moi-même trouvé de la molène dans une combe. Le lendemain matin, avant qu'il n'arrive chez moi, j'ai fait un autre voyage en rêve auprès de la molène. Je me suis retrouvé dans un endroit où un corbeau m'attendait au milieu d'un groupe de molènes. Près de là, il y avait un arbre, et, dans ses branches, des feuilles de molène et des plumes de corbeau entremêlées formant un nid. A cet endroit, quelqu'un ayant besoin de soins aurait été rempli d'un flot de bénédictions. Et, quand cette personne aurait été prête, le corbeau se serait envolé.

Quand notre patient est arrivé, je l'ai traité avec l'esprit de la molène. Alors qu'il était étendu sur la table de soins, il a entendu un corbeau devant ma fenêtre. Il a commencé à raconter une histoire selon laquelle il avait recueilli un bébé corbeau qui avait été offert à une de ses petites amies... Il avait alors préparé un nid pour lui, et en avait pris soin pendant des mois. Il m'a expliqué à quel point il s'était senti profondément impliqué, allant jusqu'à apprendre les mœurs des corbeaux. Et, quand le moment était venu, le corbeau dont il avait pris soin s'était envolé."

La chose la plus remarquable dans cette histoire est que le patient est entré dans un "état différent de conscience". Cette nouvelle conscience lui a permis de trouver un remède dans ses rêves et de retrouver la connexion magique avec la nature qu'il avait connue dans sa jeunesse. Dans cette magie, la vie valait à nouveau la peine d'être vécue, et le corps de cet homme a réagit en se mobilisant pour combattre la maladie. la preuve qu'il était guéri est qu'il a nettoyé son atelier et recommencé à peindre. En d'autres termes, il était ressuscité. il était revenu à la vie.

Grâce à une union extatique avec la nature, cet homme a obtenu une chance de survie, alors qu'avant il n'en avait aucune. Cependant, la guérison n'a rien à voir avec le fait de mourir ou non. La guérison a à voir avec le fait de vivre pleinement.J'espère que cet artiste a poursuivi une vie longue et fructueuse, mais, quelle que soit la date de sa mot, ce fut de toute façon un grand succès, parce qu'il avait réellement vécu entre-temps.

[...]

La molène bouillon-blanc, Verbascum thapsus, est une plante commune aussi bien dans le Nouveau Monde que dans l'Ancien. Ses feuilles sont douces, duveteuses comme de la flanelle. Sur les plantes de deux ans pousse une grande tige centrale avec des fleurs odorantes d'un jaune éclatant. Un macérat chaud de ces fleurs dans de l'huile d'olive est utilisé en gouttes pour les douleurs d'oreilles des enfants.

Souvent, dans mes rêves de plantes, je ne vois et je n'entends rien, mais j'éprouve une sensation intérieure précise. Si cette sensation est désagréable je fais l'hypothèse que la plante peut la guérir ; et, si elle est agréable, je suppose que l'esprit de la plante me montre les avantages qu'il a à offrir. Mon rêve avec la molène fut de ce type. Rien ne semblait se passer, et pourtant je me sentais dorloté et en sécurité, comme si ma mère venait juste de me donner un lait chaud, m'avait bordé dans mon lit dans des draps en flanelle de molène, et m'avait chanté une douce berceuse. Depuis lors, j'ai utilisé la molène pour apporter du confort et de la sécurité à beaucoup de personnes souffrant d'un déséquilibre de l'élément Terre."

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Alexandre Arnoux nous propose un Calendrier de Flore (Éditions Bernard Grasset, 2014) dans lequel il évoque la Molène ou Bouillon-Blanc :


... ni ne se fendille, à la pénombre ensuite, au plein feu du Bourguignon enfin, pour lui donner sa dureté, son inflexibilité, son éternité indéformable, sa patine. Voilà. Les kilomètres désormais ne mesurent plus pour vous que la moitié, les deux tiers au plus, de leur parcours réglementaire, et votre sac perd dix bonnes livres de son poids. Grâce à la molène, au bouillon-blanc.

Ainsi, entre 1914 et 1918, le bobosse arpentait les chaussées et le bouillon-blanc trimait de compagnie, la racine en haut, le sommet en bas, tandis que les autres, ceux des accotements, flammes jaunes vers le zénith, racines en terre, le regardaient passer d'un œil d'envie. J'ai compris. S'il pousse, le chandelier royal, à la lisière des chemins, c'est qu'il désire devenir canne, qu'il aime l'art, le voyage, la main de l'homme et son humeur vagabonde, que la sédentarité et la brutalité non encore stylisée de sa gangue lui pèsent, qu'il appelle silencieusement, de toutes ses lampes, le passant qui le modèlera et l'emmènera loin, au-delà de sempiternel virage, de ce poteau télégraphique d'une sèche et monotone conversation, qui l'arrachera à cette fonction d'apparat, flamboyante et stérile.

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Maïa Toll, auteure de L'Herbier du chaman, 36 cartes divinatoires, A la rencontre de la magie des plantes (Édition originale 2020 ; Édition française : Larousse, 2021) nous révèle les pouvoirs de la Molène (Verbascum spp.) :


Mot-clef : Intégration


La Molène apparaît là où on a besoin d'elle et a du mal à rester là où elle se sent inutile. En raison de son goût inné pour le mouvement, elle a appris beaucoup sur des tas de choses au fil des années, ce qui en fait un guide précieux pour vous accompagner dans n'importe quel voyage. Elle rassemble des connaissances diverses et variées, construisant facilement des ponts intellectuels entre des éléments apparemment disparates ou incohérents - parce qu'elle a le talent de voir la structure globale. Elle va chanter la relation entre l'os et l'eau, ou entre l'air et la peau, d'une manière qui vous pousse à vous demander comment vous avez fait pour ne pas voir ces liens. Faites appel à la molène quand vous avez besoin d'une lumière dans l'obscurité ou d'une vue d'ensemble vous permettant de comprendre les différentes parties d'un tout.


Rituel : Pensez global

Comprendre comment les choses s'influencent mutuellement est la clé pour identifier les structures profondes à l’œuvre dans ce monde. Dans votre tête, sous forme de petit dessin ou dans votre journal intime, trouvez les fils qui relient ces choses apparemment séparées.

Un gland et un papillon

La lune et un bateau

Votre tête et votre cœur

Relier des choses disparates

Il y a de nombreuses années, j'ai suivi un atelier avec Tom Robbins, l'auteur de Un parfum de Jitterbug. Cela fait longtemps, et je ne me rappelle pas ses mots exacts, mais j'ai retenu l'essentiel, à savoir que le job d'un écrivain est de relier des choses disparates, par exemple un Choco BN et Jupiter, ou le carillon de l'horloge de votre grand-père et la trajectoire rapide d'une hirondelle qui sort de l'avant-toit de la grande. L'écriture peut vous aider à établir des liens et voir la globalité.


Réflexion : Mettez-vous dans la peau de l'araignée

La molène ressemble à une araignée, au milieu de sa toile, qui sent les vibrations de ses nombreux fils et a une vision d'ensemble de sa toile. Imaginez que toutes les parties de votre vie forment un immense réseau où les personnes, les lieux et les objets sont interconnectées. Et que vous êtes l'araignée au centre de sa toile. Visualisez les fils qui partent dans différentes directions à partir du centre. Insufflez de la conscience à votre connectivité. Certaines parties de votre vie doivent-elles être intégrées à l'ensemble ? Puis choisissez une action à mener ou une décision que vous êtes en train de prendre. Sentez vibrer votre toile. Sur qui ou sur quoi votre décision aura-t-elle un impact, une influence ?


« Aussi loin en arrière que vous alliez, vous verrez que toutes vos expériences sont reliées par des fils infimes. »

(Robert Hellenga, Philosophy Made Simple)

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Mythologie :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


LUMINAREA-DOMNULUI (illumination du Seigneur). — Chez les Roumains, on appelle ainsi la molène (verbascum) ; d’après le professeur Hasdeu, le peuple roumain lui attribue des propriétés extraordinaires contre la toux, croyance qui concorde parfaitement avec la donnée de Pline : « Tanta huic vis est, ut jumentis etiam non tussientibus modo, sed ilia quoque trahentibus, auxilietur potu.

 

Tony Goupil, dans un article intitulé "Croyances phytoreligieuses et phytomythologiques : plantes des dieux et herbes mythologiques" (Revue électronique annuelle de la Société botanique du Centre-Ouest - Evaxiana n°3 - 2016), cherche à déterminer les plantes associées par leur dénomination aux divinités antiques :


[...] Il existe un certain nombre de plantes qui sont revendiquées d’un côté par la mythologie et de l’autre par la religion. [...]

On peut citer le cas du bouillon-blanc qui est consacré à la fois à Hermès et à la Vierge. En effet le bouillon-blanc était autrefois appelé Hermu rhabdos par les Anciens, mais aussi « cierge de Notre Dame », car la forme allongée de la plante en faisait une très bonne torche, après avoir été trempée dans la suie.

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; la Molène raconte la sienne dans un conte venu de Bohême et intitulé "Trente" :


"Je suis chez moi partout et nulle part", se confiait gaiement la modeste princesse Molène. Elle portait une jaquette duveteuse, sa chevelure était ornée de fleurs jaunes. "Je me contente de peu : une poignée de sol pauvre et peut-être une belle histoire avant de m'endormir. Si vous le souhaitez, je vous en conterai une qui vient d'un très beau pays. Écoutez bien !"


Il était une fois une colline et, sur cette colline se trouvait une maison. Cette maison abritait une table à laquelle s'accoudait toute la journée un jeune homme paresseux. C'était un garçon beau et fort. Il avait de la force pour trente, si bien qu'on le surnomma ainsi : tout le monde l'appelait Trente. Hélas ! Il n'y avait pas plus fainéant que lui. Les voisins hochaient la tête, consternés, et demandaient souvent à sa mère :

"Comment se fait-il que votre fils soit aussi fort ? "

"Je n'en sais rien", répliquait alors la mère. "C'est peut-être l'infusion de molène que je lui préparais lorsqu'il était petit pour le protéger des maladies qui l'a rendu aussi costaud. Mais à quoi me sert sa force s'il reste toute la journée à ne rien faire ? Un jour il restera collé à sa chaise et ne se relèvera plus."

Un beau jour, le jeune homme en eut assez d'entendre les remontrances de sa mère.

"Cela suffit, maman ! Je descendrai dans la vallée pour chercher du travail comme garçon de ferme chez un riche paysan, puisque c'est cela que tu veux."

Ce fut facile à dire ! Trente, qui ne faisait pas un pas si ce n'était pas absolument nécessaire, devait tout d'n coup entreprendre un long voyage. il se laissa tomber de sa chaise en marmonnant et se mit à dévaler la pente sans réfléchir, faisant rouler devant lui un tas de pierres. Le riche paysan, qui était justement en train d'agrandir ses étables, se réjouit de ces pierres tombées du ciel.

"J'aurais besoin d'un rude travailleur comme toi", dit-il. "Voudrais-tu rester chez moi comme garçon de ferme ? "

"C'est bien pour cela que je suis venu," répondit le jeune homme, "mais, auparavant, payez-moi ce que vous me devez pour le travail que je viens d'effectuer avec toutes ces pierres."

Le maître l'autorisa gracieusement à emporter chez lui tout le blé qu'il serait capable de charger sur son dos. Bien mal lui en prit ! Il ne pouvait pas supposer, en effet, que Trente allait prendre d'un seul coup, et si promptement, tous les sacs de blé entassés dans la grange. Le lendemain matin, lorsque Trente se présenta pour demander ce qu'il avait à faire, son maître l'envoya dans la forêt pour couper du bois de chauffage. Trente fut de retour en un clin d’œil, portant sur son dos toute la forêt liée en un seul fagot.

"Je n'avais pas envie d'y aller deux fois", expliqua le singulier jeune homme en riant. "Pour tout vous dire, je suis extrêmement paresseux, du moins, c'est ce que ma mère prétend. Mais à présent, j'ai une faim de loup."

Affolé à l'idée que ce luron allait vider son garde-manger, le maître se mit à tergiverser :

"A l'impossible nul n'est tenu, mon brave. La récolte n'a rien donné à cause de la grande sécheresse. Va donc dans le verger et monte sur l'arbre pour y cueillir quelques fruits et te sustenter."

Le paresseux Trente ne l'entendit pas de cette oreille. Il n'allait tout de même pas se mettre à grimper aux arbres ! Il saisit plutôt par la bride le meilleur cheval du maître et le lança dans la frondaison. Aussitôt, les poires tombèrent comme la pluie. Le cheval, bien entendu, rendit son dernier soupir. Effrayé, le maître se mit à réfléchir pour savoir comment se débarrasser habilement du redoutable jeune homme. Il n'osait pas le renvoyer car ce brise-fer aurait immédiatement cherché querelle. Finalement, le paysan eut une idée. "Écoute-moi, mon garçon ! Tu es très fort. Toutefois, je suis prêt à parier que tu ne saurais pas rapporter un diable des enfers sur ton dos."

"Pourquoi pas ? " répliqua Trente.

"Et n'oserais-tu lui demander un sac rempli d'or ? "

"Pourquoi pas ? " grommela le jeune homme.

Ils conclurent donc un marché. l'enjeu en était précisément le sac d'or. Le maître se frottait les main, satisfait de la façon dont tout s'arrangeait.

Pendant ce temps, Trente regardait autour de lui en quête d'une arme. Ses yeux s'arrêtèrent sur des tenailles à charbon. "Prépare-toi, diable, je viens te chercher", menaça-t-il. "Je regrette seulement que l'enfer se trouve si loin ! " Et, comme il était le plus grand fainéant sur terre, Trente chargea sur ses épaules un lit en chêne pour pouvoir se reposer en chemin.

La route fut longue et à cela rien d'étonnant : le jeune homme passait la plupart du temps sous les couvertures. Il finit tout de même par arriver à la porte de l'enfer.

"Qui est-ce ? " demanda le roi des enfers en personne.

"Moi", répondit le jeune homme.

"Qui est ce moi ?" s'enquit le diable.

"Trente", marmonna le jeune homme. "Ouvrez tout de suite ou je transforme la porte en passoire."

Le diable prit peur, s'imaginant que trente coupe-jarrets se tenaient devant sa porte. Aussi l'ouvrit-il sans se faire prier. mal lui en prit ! A peine eut-il montré le bout de son vilain nez diabolique que Trente le saisit dans les tenailles à charbon et serra fort, à faire jaillir des larmes de douleur des yeux de Satan.

"Donne-moi un sac plein d'or ! " ordonna Trente. Le malheureux diable frappa le sol de son sa bot et, aussitôt, un énorme sac rempli de pièces d'or apparut devant eux.

"A quoi te servira-t-il ? Tu ne sauras même pas le porter", geignait le diable.

"Qui dit que je vais le porter ? " rit Trente. Il ordonna à Satan de mettre le sac au dos, s'allongea sur le lit, puis serra la queue du diable dans les tenailles.

"Et maintenant, tire ! En route ! " ordonna-t-il. Le diable tira de toutes ses forces et l'attelage disparut bientôt dans un nuage de poussière. Très vite, ils arrivèrent à la ferme. Le paysan resta comme foudroyé et Trente rit à gorge déployée :

"Ce sac d'or m'appartient, je l'ai gagné. en revanche, t peux garder le diable comme garçon de ferme", décida-t-il. Il chargea le sac sur son épaule aussi facilement que s'il s'était agit d'un simple oreiller d'enfant et rentra chez lui.

A compter de ce jour, Trente et sa mère, qui se moquait bien de savoir que les pièces d'or provenaient de l'escarcelle du diable, ne connurent plus de misère. Ceci prouve que, quand on boit de l'infusion de molène, on n'a peur de rien, pas même de l'enfer. Et le riche paysan ? Il n'arriva pas à déloger le diable de sa ferme. Pour s'en débarrasser, il finit par lui céder son âme."

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque ainsi la Molène :

28 novembre

(Au-dessus de Peille)


Sur le velours des feuilles, les gouttes de rosée s'évanouissent au soleil de neuf heures. La rosette basale de la molène est tout ouate, coton vert ou gris tendre.

C'est l'ornement discret de la garrigue venteuse, avec les buissons de thym ovales et les graminées sèches.

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