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Le Populage des marais

Dernière mise à jour : 4 oct.



Étymologie :


  • POPULAGE, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1752 (Trév. : Populago. Tournefort et quelques autres Botanistes l'ont nommée Populago, a populo, parce qu'elle naît ordinairement entre les peupliers) −1771, Trév. ; 1755 populague (Prév.) ; 1778 populage (Lamarck, Flore fr. t.3, p. 323, n°911). Empr. au lat. mod. des botanistes populago (cf. Tournefort, Bot. t. 1, p.237 : Tabernoemontanus a donné le nom de Populago à cette plante, parce qu'elle se trouve souvent le long des eaux parmi les Peupliers. Ce nom est préférable à ceux de Caltha ... que les Auteurs ont donné à cette plante, car il ne laisse aucune équivoque), dér. de populus «peuplier», sur le modèle de noms de plante comme plantago « plantain » et tussilago « tussilage ». Dans la lang. des botanistes, populage a été supplanté par caltha.


  • SOUCI, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. Mil. xiiie s. sussie fém. (Gl. Glasgow, 157b ds T.-L. : hoc solsequium, sussie) ; 2. 1538 soulci masc. (Est., s.v. sol, solis [herba]). Le type soussie, fém. est empr. au b. lat. solsequia « tournesol, chicorée sauvage » (vie-viie s., Isidore d'apr. André Bot.) avec adapt. de la finale d'apr. le suff. -ie*, fréq. dans la terminol. bot. (cf. a. fr. celidonie déb. xive s., FEW t. 2, p. 634a, celidoine* ; agrimonie, ibid. t. 24, p. 270a, aigremoine*; centorie, ibid., t. 2, p. 583a, centorée*), la forme pop. devant être *souciece. Le type masc. soussi est empr. au masc. solsequium (xiiie s., Gl. Glasgow, loc. cit. ; id. [ms. de Bruges] Dict. de Jean de Garlande, éd. A. Scheler, § 75 ds Jahrbuch rom. engl. Lit. t. 6 1865, p. 160 ; v. aussi FEW t. 12, p. 75a, note 27). Cf. d'autres formations sav., dont le genre est difficile à préciser : a. fr. soucicle (1334 Normandie ds Gdf.) ; agn. solsecle (xiii e, Recettes méd. en vers, éd. P. Meyer ds Romania t. 32 1903, p. 83 ; mil. xiiie s., Gl., Brit. Mus. Harley 2742, 140b ds T.-L. ; d'où l'ags. solicle ca 1290, Gautier de Bibbesworth, Traité, éd. A. Owen, 641 ; 1310 solsecle, NED).


Lire également les définitions des noms populage et souci (d'eau) afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Caltha palustris agg. - Caltha des marais - Chaudière-d'enfer - Gannille - Grand-bassin - Pacoteure - Sarbouillotte - Souci d'eau - Souci des marais -

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Botanique :


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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les vertus thérapeutiques du Populage des marais :


Propriétés Physiques et Usages Médicinaux : Cette plante est peu caustique. Le bouton de la fleur amer et âcre se confit dans du vinaigre à la façon des boutons du câprier ; les fleurs ne sont pas âcres ; elles teignent en jaune et sont employées pour colorer le beurre ; les feuilles sont amères et un peu âcres.

 

Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Certaines plantes à suc âcre et irritant sont employées comme rubéfiants ou comme escharrotiques. [...] Les feuilles du populage des marais, Caltha palustris [...] sont les agents les plus actifs des plaies artificielles et les plus estimés parmi les membres de cette honorable corporation.

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; le Populage raconte la sienne dans un conte venu de Slovaquie et intitulé "La fille du meunier" :


"Dans un village vivait un meunier. Il était veuf et n'avait qu'une fille que tout le monde aimait pour sa beauté, sa gentillesse et sa modestie", commença ainsi à conter le svelte Populage, souriant à la reine Rose, épanoui comme la pleine lune. "Comment s'appelait-elle déjà ?" disait-il en grattant sa petite tête dorée. "J'y suis. Elle s'appelait Florine. Florine était son nom."

Un jour, la jeune fille approcha du vieux meunier et caressa sa tête grise.

"Mon petit papa," lui dit-elle, "tu veilles sur moi comme sur la prunelle de tes yeux. Tu vas au-devant de tous mes désirs et me combles. Et pourtant, je ne suis pas heureuse. J'aimerais avoir quelqu'un à qui je pourrais confier mes secrets de jeune fille. Cherche-moi une nouvelle maman."

Le meunier essaya de la raisonner, mais Florine tint bon. De guerre lasse, il se mit en quête d'une fiancée. Finalement, il jeta son dévolu sur une belle veuve qui avait une fille de l'âge de Florine. Gaie comme un pinson, la jeune veuve ne faisait que rire et plaisanter, abreuvant le meunier de belles paroles. Quant à sa fille, elle traitait Florine mieux que si elle était sa propre sœur. La veuve accepta avec joie la demande en mariage et, bientôt, on célébra la noce dans le moulin.


Hélas ! Jusqu'au mariage, Florine et le meunier vécurent dans la joie. La fiancée et sa fille rivalisaient de prévenances. Mais dès que l'affaire fut conclue, elles montrèrent leur vraie nature. Du matin au soir, la meunière grognait, invectivait les gens et menait toute la maisonnée à la baguette. Son nouvel époux et sa belle-fille devinrent ses souffre-douleur. Sa fille - elle s'appelait Thérèse - était le portrait de sa mère. C'était tout juste si elle répondait aux bonjours. En plus, elle était honteusement paresseuse, capricieuse et hypocrite. Dès lors, Florine ne connut que misère. Sa marâtre ne lui accordait pas un instant de répit, la tourmentant pour des peccadilles, alors qu'elle gâtait et dorlotait sans cesse sa propre fille. Florine était chargée des travaux les plus vils et devait en plus servir Thérèse. Elle-même ne mangeait que du pain sec et dormait sur le pas de la porte. maintes fois, elle s'était repentie d'avoir poussé son père à se remarier, mais n'osait lui révéler sa peine. Lui-même avait le cœur gros et si, par malheur, il s'arrêtait pour échanger deux mots avec sa fille, les deux furies l'accablaient de reproches.

Ne pouvant plus supporter cela, un jour, Florine fit son petit ballot et sortit du moulin à pas de loup.

"J'irai chercher du travail", décida-t-elle. Elle marcha longtemps avant d'arriver dans un grand pré détrempé, constellé de populages en fleurs. Un petit pont branlant enjambait le ruisseau qui traversait le pré fleuri.

"Bonjour, petit pont", salua Florine. "Permets-moi de passer de l'autre côté. Je me souviendrai de toi avec gratitude."

"Passe donc, pourquoi ne passerais-tu pas ?" rétorqua le petit pont. "Mais, auparavant, sois gentille, retourne-moi de l'autre côté. Ce va-et-vient incessant m'a donné mal au dos."

La jeune fille ne se fit pas prier et fit ce que le pont lui demandait. Celui-ci voulut savoir où elle allait.

"Je cherche à me placer, cher petit pont," lui confia Florine, "mais je ne sais pas où aller."

"Choisis dans mon pré la plus jolie fleur de populage en souvenir. Elle te conduira vers ton bonheur", proposa le pont à la jeune fille, avant de lui faire ses adieux. Florine reprit la route et marcha longtemps, jusqu'à arriver à une croisée de chemins. Trois voies s'offraient à elle : la première était de cuivre, la seconde d'argent, la troisième d'or pur.

"Laquelle choisir ?" se demanda la jeune fille indécise. Soudain, sa fleur de populage s'entrouvrit, révélant une minuscule fée toute jaune.

"L'or te porterait malheur,

L'argent ne fait pas le bonheur,

C'est la voie de cuivre

Qu'il te faudra suivre."


conseilla la fée avant de se dissimuler à nouveau dans les pétales jaunes.

Florine la remercia et s'engagea sur le chemin en cuivre. Au fur et à mesure qu'elle avançait, le chemin s'effaçait derrière elle, comme s'il n'avait jamais existé. Bientôt, la jeune fille fut arrêtée par un buisson de ronces impénétrable.

"Bonjour, petites ronces !" salua-t-elle poliment. "Soyez gentilles, écartez-vous pour me laisser suivre ma route !"

Bien qu'on fût au printemps, les rameaux ployaient sous les fruits mûrs. Les ronces répondirent :

"Ne vois-tu pas que nous peinons sous le poids de nos fruits ? Soulage-nous d'abord et remplis ton petit ballot de mûres. Après, nous te laisserons passer."

Florine ne se le fit pas dire deux fois. Lorsqu'elle eut cueilli les fruits sucrés, les ronces s'ouvrirent comme une tonnelle. Un peu plus tard, la jeune fille fut arrêtée par un buisson d'églantines ; le sentier de cuivre se perdait en serpentant dans les épines. L'églantier ployait sous les fruits rouges et lorsque Florine s'empressa de l'en débarrasser, il s'écarta devant elle, sans l'accrocher d'une seule épine. Enfin, le chemin de cuivre s'arrêta au pied d'un rocher escarpé, percé de trois portes ouvragées. La première était de cuivre, la seconde d'argent et la troisième d'or pur. Une fois de plus, Florine ne sut que faire. Le Populage s'ouvrit et la petite fée lui conseilla :


"L'or est signe de malheur,

L'argent ne fait pas le bonheur.

Si mon conseil tu veux suivre,

Frappe à la porte de cuivre !"


Florine lui obéit et frappa à la porte de cuivre qui s'ouvrit grand devant elle. Stupéfaite, la jeune fille entra dans une immense grotte. Une vieille femme hideuse se prélassait dans une énorme toile d'araignée qui pendait du plafond. Elle démêlait sa chevelure avec un peigne de cuivre chauffé à blanc.

"Bonjour, grand-mère !" fit Florine, après avoir rassemblé tout son courage. "Le sentier de cuivre m'a conduite vers vous. Prenez-moi à votre service."

La vieille ricana.

"Pourquoi pas ?" dit-elle, "Prends-deux sacs et entre dans le four. Tu y trouveras trois petites grottes. la première est remplie de ténèbres, la seconde est pleine de lumière. Je veux que tu y fasses le ménage comme il faut : tu enfermeras l'obscurité et la lumière dans les sacs, mais tu te garderas bien de jeter ne serait-ce qu'un regard furtif dans la troisième grotte, sinon il t'en cuira !"

Sur ces paroles, la sorcière enfourcha un balai chauffé à blanc et s'envola pour rejoindre ses compagnes.

Florine fut bien embarrassée. Des flammes jaillissaient du four comme de la gueule d'un dragon. Acculée, la jeune fille demanda de l'aide à la petite fée.

"N'aie pas peur", lui dit-elle. "Je marcherai devant toi pour t'ouvrir le passage dans le feu." Et elle fit comme la fée avait décidé. Les flammes s'écartèrent comme par enchantement devant la fée du populage qui les traversa sans se brûler, suivie par Florine. Elles atteignirent la première grotte, daines et sauves. On n'y voyait pas à deux pas. La fée ouvrit prestement la fleur de populage pour puiser l'obscurité avec sa corolle et la verser dans le sac. Bientôt la lumière se fit dans la grotte, comme en plein jour, et les ténèbres disparurent, sans laisser de trace. Dans la deuxième grotte, la fée remplit le second sa ce de lumière et, soudain, il fait noir comme en pleine nuit.

"Nous avons réussi,", dit la fée du populage en souriant. "Maintenant, tu dois continuer seule", ajouta-t-elle avant de s'enfermer dans sa fleur.

"Comment vais-je sortir des flammes du four ?" pensa Florine avec frayeur. mais, bientôt la curiosité l'emporta sur la peur. "Que peut-il y avoir dans la troisième grotte ?" se demanda-t-elle. Elle s'arma de courage et jeta un regard furtif dans la grotte. Merveille des merveilles ! Un petit lac cristallin étincelait sous la voûte, des nénuphars somptueux ornaient sa surface. Florine eut le vertige devant tant de splendeurs. Ne pouvant y résister, elle entra dans le sac pour se rafraîchir. Pendant qu'elle s'ébattait dans l'eau, les fleurs s'emmêlaient les unes après les autres dans ses cheveux. Lorsque la jeune fille sortit de l'eau, sa têt en était pleine. elles étaient d'or et d'argent le plus pur et, quand Florine secoua sa tête, des perles roulèrent à ses pieds à la place des gouttes d'eau. Ne voulant pas s'attarder, la jeune fille saisit ses deux sacs et sortit du four en toute hâte. Les flammes s'écartèrent devant elle, comme par un coup de baguette magique. elle se retrouva dans la grande grotte, face à la sorcière en colère.

"Attends, tu me le paieras !" siffla la vieille, et elle brandit son peigne de cuivre chauffé à blanc pour récupérer les fleurs de la chevelure de Florine. Celle-ci se faufila comme une anguille sous son bras et sortit de la grotte en courant à toutes jambes. Dans sa hâte, elle ne s'aperçut même pas qu'elle emportait les sacs de la sorcière. Dehors, il faisait nuit noire. La pauvre jeune fille trébuchait dans les ornières, se heurtait contre les arbres, ne voyant pas son chemin. En plus, elle peinait sous le poids des sacs. Enfin, l'idée lui vint de dénouer celui qui enfermait la lumière. Florine la répandit devant elle et, aussitôt, il fit jour. Le buisson d'églantine se dressait devant elle. La jeune fille joignit ses mains et supplia l'églantier de la laisser passer. Un étroit sentier s'ouvrit devant elle pour disparaître, aussitôt après son passage, sous les branches hérissées d'épines. Et il était temps ! L'affreuse sorcière brandissait déjà son peigne ardent pour l'enfoncer dans la chevelure de Florine. Le temps de se dégager des rameaux épineux, la jeune fille était déjà loin devant. hélas ! Pas pour longtemps ! Bientôt, la vieille la talonnait à nouveau. A bout de souffle, Florine s'arrêta devant les ronces. Elle les salua et les pria gentiment de s'écarter pour la laisser passer. Les ronces lui ouvrirent volontiers le chemin. En revanche, elles se refermèrent sur la sorcière. sans attendre, la vieille chaussa ses sabots magiques, franchissant sept lieues à chaque pas. Bientôt, elle tendit ses griffes vers Florine. Celle-ci, au comble du désespoir, défit le nœud du second sac et répandit l'obscurité derrière elle. Le temps que la sorcière perce les ténèbres de son regard de braise, la jeune fille entendait déjà le bruit familier du ruisseau qui traversait le pré aux populages.

"Pont, petit pont, aide-moi dans mon malheur", supplia-t-elle, et le pont branlant, reconnaissant, la laissa passer de l'autre côté. La sorcière surgit comme une tempête. Elle soufflait, grognait, brandissant déjà son peigne de feu au-dessus de la têt de la malheureuse jeune fille. mais, dès que l'affreuses vieille posa son pied sur le petite pont, celui-ci céda sous son poids. La brave ruisseau emporta la sorcière loin, très loin jusqu'à la mer. Sans même savoir comment, Florine, à bout de forces, se retrouva dans son moulin. Son père pleura de joie, heureux d'avoir retrouvé sa fille. Sa marâtre et sa demi-sœur étaient folles de jalousie. Tout de suite, elles voulurent savoir où Florine avait trouvé les précieuses leurs qui ornaient sa chevelure. la jeune fille leur conta gentiment son aventure et, aussitôt, les deux femmes se mirent en route. Elles connurent des tribulations sans fin. Arrivées au bord du ruisseau, la mère et la fille ne saluèrent pas le petit pont de bois qui refusa de les laisser passer. Elles durent marcher loin en amont avant de trouver un gué. Arrivées à la croisée des chemins, l'une prit la voie d'or, l'autre la voie d'argent. Après s'être frayé péniblement un chemin à travers les ronces et le buisson d'églantine, les deux femmes épuisées se retrouvèrent enfin au pied du grand rocher. L'une frappa à la porte d'or, l'autre à la porte d'argent. Le rocher s'ouvrit, et la marâtre, imitée par sa fille, se ruèrent à l'intérieur. Les portes se refermèrent sur elles avec grand fracs, et on n'entendit plus jamais parler des deux femmes cupides.

"L'or porte malheur et l'argent ne fait pas le bonheur", conclut sentencieusement le svelte populage, souriant comme la pleine lune.

"Et qu'est-il advenu de Florine à la chevelure fleurie d'or et d'argent ?" voulut savoir la Rose.

"Le roi vint la chercher. Il l'embrassa tendrement et la conduisit dans son beau palais. Et voilà toute l'histoire."

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