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  • Photo du rédacteurAnne

La Fauvette


Étymologie :


  • FAUVETTE, subst. fém.

Étymol. et Hist. Ca 1223 fauvete ornith. (G. de Coinci, Miracles de Nostre Dame, éd. V. F. Kœnig, II Ch. 9, 1330). Dér. de fauve*; suff. -ette*.


Lire également la définition du nom fauvette afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Becfigue ; Vinette ;




Usages traditionnels :


Selon Jean Anthelme Brillat-Savarin auteur de la Physiologie du gout ou méditations de gastronomie transcendante : Ouvrage théorique, historique... dedié aux gastronomes Parisiens. Edition accompagnée des ouvrages suivants: Traité des excitants modernes, par H. de Balzac, Anecdotes et fragments d'histoire culinaire par du amateurs. Pensées et préceptes, zécueillis par un philosophe. Recettes et formules par un Cordon-Bleu, La Gastronomie, poème pas Berchoux, L'art de diner en ville, poème, par Colnet. (Charpentier, 1853) :


Parmi les petits oiseaux, le premier, par ordre d'excellence, est sans contredit le becfigue.

Il s'engraisse au moins autant que le rouge-gorge ou l'ortolan, et la nature lui a donné en outre une amertume légère et un parfum unique si exquis, qu'ils engagent, remplissent et béatifient toutes les puissances dégustatrices. Si un becfigue était de la grosseur d'un faisan, on le payerait certainement à l'égal d'un arpent de terre.

C'est grand dommage que cet oiseau privilégié se voie si rarement à Paris : il en arrive à la vérité quelques- uns, mais il leur manque la graisse qui fait tout leur mérite, et on peut dire qu'ils ressemblent à peine à ceux qu'on voit dans les départements de l'est ou du midi de la France. (1)

Peu de gens savent manger les petits oiseaux ; en voici la méthode telle qu'elle m'a été confidentiellement transmise par le chanoine Charcot, gourmand par état et gastronome parfait, trente ans avant que le nom fût connu.

Prenez par le bec un petit oiseau bien gras, saupoudrez-le d'un peu de sel, ôtez-en le gésier, enfoncez-le adroitement dans votre bouche, mordez et tranchez tout près de vos doigts, et mâchez vivement : il en résulte un suc assez abondant pour envelopper tout l'organe, et vous goûterez un plaisir inconnu au vulgaire :


Odi profanum vulgus, et arceo. HORACE.


Note : 1) J'ai entendu parler à Belley, dans ma jeunesse, du jésuite Fabi, né dans ce diocèse, et du goût particulier qu'il avait pour les becfigues. Dès qu'on en entendait crier, on disait : Voilà les becfigues , le père Fabi est en route. Effectivement, il ne manquait jamais d'arriver le 1er septembre avec un ami ils venaient s'en régaler pendant tout le passage ; chacun se faisait un plaisir de les inviter , et ils partaient vers le 25. Tant qu'il fut en France, il ne manqua jamais de faire son voyage ornithophilique, et ne l'interrompit que quand il fut envoyé à Rome, où il mourut pénitencier en 1688. Le père Fabi (Honoré) était un homme de grand savoir ; il a fait divers ouvrages de théologie et de physique, dans l'un desquels il cherche à prouver qu'il avait découvert la circulation du sang avant ou du moins aussitôt qu'Harvey.

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante

Comme le rouge-gorge, la fauvette « chante pitié près des corps morts et se tient auprès d'eux jusqu' à ce qu'on soit venu les chercher ».

 

Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000) :

"A l'instar du faucon, il existe de très nombreuses espèces de fauvettes, dont le chant mélodieux et flûté enchante les campagnes d'Europe dès le mois de mai. Celle que nous connaissons bien, c'est la fauvette des jardins qui, comme son nom l'indique, aime à venir nicher dans les buissons des jardins, des parcs, mais aussi des cimetières ou au bord des ruisseaux, rivières ou étangs. C'est un petit oiseau fort sympathique, qui se nourrit presque exclusivement d'insectes. La femelle pond 4 à 5 œufs, qu'elle couve avec le mâle pendant deux semaines environ. Ensuite, après nous avoir égayés de son chant ravissant au printemps et tout l'été durant, en septembre la fauvette des jardins s'envole vers les pays chauds.

La fauvette et son chant sont en relation avec les mystères de la nuit dans les féeries du Moyen Âge. La fauvette orphée, que l'on trouve plus communément dans les bois - et qui est un des rares oiseaux dont on entend le chant à la nuit tombée -, tient son nom du fait qu'elle fut associée aux mystères de ce dieu grec qui brava et vainquit la mort pour sauver Eurydice, son épouse, des enfers. La fauvette des jardins, quant à elle, est souvent représentée, dans l'art floral et animalier du Moyen Âge, posée sur une fleur.

La fauvette ayant la particularité de percer des feuilles dans les trous desquelles elle fait passer des brindilles pour construire son nid, elle devint la patronne des couturières."

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Contes et légendes :

La Fauvette qui saute et qui chante


Il était une fois un homme qui allait partir pour un grand voyage. À l'heure des adieux, il demanda à ses trois filles ce qu'elles aimeraient avoir à son retour. L'aînée désirait des perles, la seconde des diamants, mais la troisième lui dit :

- Je voudrais, mon cher père, pour moi une fauvette qui saute et qui chante. - Oui, mon enfant, si je peux m'en procurer une, tu l'auras ! dit le père, qui les embrassa toutes les trois et s'éloigna.

Le temps passa et quand vint le moment, pour lui, de prendre le chemin du retour, il avait fait l'acquisition de perles et de diamants pour ses deux filles aînées, mais nulle part il n'avait pu trouver la fauvette qui saute et qui chante que désirait la cadette; il en était bien peiné, parce que c'était aussi sa fille préférée. Son chemin traversait une grande forêt au cœur de laquelle se dressait un superbe château, et tout contre le beau château, il y avait un arbre; et tout en haut, à la pointe de l'arbre, il y avait une fauvette qui sautait et chantait. Il la vit et s'exclama, tout heureux : « Voilà qui tombe bien ! » Et vite, il dit à son serviteur de monter à l'arbre pour attraper le petit oiseau; mais quand l'homme approcha de l'arbre, un lion surgit de dessous, hérissant le poil et hurlant si. férocement que les feuilles en tremblaient partout alentour.

- Celui qui veut me prendre ma fauvette qui saute et qui chante, je le dévore ! menaça le fauve d'une voix terrible. - Je ne savais pas que l'oiseau fût à toi, répondit le voyageur; mais je suis prêt à réparer mon tort et à me racheter à prix d'or, pourvu que tu me laisses la vie sauve. - Rien ne peut te sauver, répondit le fauve, à moins que tu ne me promettes la première créature que tu rencontreras en arrivant chez toi. Si tu le fais, par contre, je t'accorde non seulement la vie, mais aussi l'oiseau pour ta fille.

Le voyageur ne voulait pas accepter.

- Ce sera peut-être ma cadette, réfléchit-il. C'est celle qui m'aime le plus et elle vient toujours en courant à ma rencontre. - Pourquoi serait-ce justement votre fille ? observa le serviteur dans son épouvante. Cela pourra tout aussi bien être un chat ou un chien !

Le père finit par se laisser convaincre, prit la fauvette qui saute et qui chante et promit au lion, en échange, la première créature qu'il rencontrerait en arrivant. Mais quand il arriva chez lui et fut dans sa maison, la première personne qu'il rencontra n'était autre que sa fille cadette, la bien-aimée : elle accourut vers lui, lui sauta au cou et l'embrassa, tout heureuse et n'arrivant plus à contenir sa joie quand elle vit qu'il lui avait rapporté une fauvette qui saute et qui chante. Devant cette explosion de joie, le malheureux père ne sut pas retenir ses larmes.

- Ma chère, chère enfant, lui dit-il, ce petit oiseau, hélas ! je ne l'ai eu qu'à un prix énorme : il a fallu qu'en échange je te promette à un lion féroce qui va te déchiqueter et te dévorer dès qu'il te verra.

En sanglotant, il lui raconta comment les choses s'étaient passées ; puis il la supplia de ne pas se livrer, quoi qu'il pût advenir. Mais elle le consola et lui dit :

- La promesse que vous avez faite, mon cher père, il faut la tenir ; je me livrerai et je saurai attendrir le fauve suffisamment pour vous revenir en vie et en santé, croyez-moi.

Dès le lendemain matin, elle se fit montrer le chemin, dit adieu et s'enfonça sans crainte au cœur de la forêt. Elle avait pleine confiance. Quant au lion, la vérité était qu'il avait été enchanté, ainsi que tous les siens, et qu'il était un prince, ne devenant lion que pendant le jour pour retrouver sa forme humaine pendant la nuit. Et tous ses gens, de même, étaient des lions le jour, mais des hommes la nuit. Parvenue au château, la cadette y reçut bon accueil ; et quand la nuit fut venue, elle connut le prince qui était fort bel homme, et leurs noces furent célébrées en grande joie et magnificence. Ils s'aimaient et se plaisaient beaucoup l'un avec l'autre, dormant le jour et veillant la nuit.

Le temps passa, puis vint une fois que le prince lui dit : « Demain on donne une grande fête dans la maison de ton père pour le mariage de ta sœur aînée ; s'il te plaît de t'y rendre, mes lions te feront escorte. Elle accepta, tout heureuse de revoir son père, et elle y alla avec les lions qui l'accompagnèrent.

Ce fut la plus grande joie à son arrivée, car ils avaient tous cru que le fauve la déchirerait, et ils la croyaient morte et dévorée depuis longtemps. À son tour, elle leur raconta quel bel homme était le prince et combien elle était heureuse de l'avoir comme époux, les assurant que tout allait au mieux pour elle; tout le temps qu'on fêta les noces de sa sœur, elle resta avec eux; ensuite, elle repartit pour aller vivre au cœur de la forêt. Lorsqu'elle sut que sa deuxième sœur allait se marier et qu'elle était invitée à ses noces, elle dit à son lion : « Cette fois-ci, je n'irai pas seule : il faut que tu viennes avec moi. Mais le lion s'en défendit, déclarant que c'était trop risqué pour lui, car si jamais le moindre rayon de lumière venait à le toucher là-bas, il serait changé en colombe pour sept ans et s'en irait voler avec les autres oiseaux de cette race.

- Oh ! Insista-t-elle, viens quand même avec moi, je saurai bien veiller à ce qu'aucune lumière ne te touche !

Ils partirent donc ensemble et prirent encore avec eux leur petit enfant. Là-bas, elle fit murer une pièce en redoublant l'épaisseur et la solidité des cloisons pour être bien sûre que nul rayon n'y pût passer; ainsi, quand on allumerait les flambeaux de la noce, il n'aurait qu'à s'y enfermer et il ne courrait aucun risque. Seulement, la porte avait été faite de bois trop frais et il s'y fit, à l'insu de tous, une imperceptible fente que nul ne vit; et lorsque le brillant cortège revint de l'église avec tous ses flambeaux et ses lanternes, il défila devant la porte et un fil de lumière pas plus gros qu'un cheveu toucha le prince, qui fut à l'instant même transformé. Quand elle revint dans la pièce murée, elle le chercha mais ne le trouva point : il n'y avait là qu'une colombe blanche se tenait à la place du .prince. Et la colombe lui parla :

- Il faut que pendant sept ans je vole d'un bout à l'autre du monde; mais pour t'indiquer le chemin, je vais laisser tomber tous les sept pas une goutte rouge de sang et une blanche plume. Si tu suis cette trace, tu peux me délivrer.

Alors l'oiseau s'envola par la porte et elle le suivit, et tous les sept pas il tombait une goutte rouge de sang avec une blanche plume qui lui montraient le chemin. Elle alla ainsi toujours plus loin et plus loin encore dans le vaste monde, sans voir ni regarder jamais rien autour d'elle, sans jamais prendre de repos ; et les sept ans eurent tôt fait de passer, pas tout à fait, mais presque, et déjà elle se réjouissait en pensant que la délivrance était proche, alors qu'elle en était bien loin encore !

Oui, bien loin, car une fois, il n'y eut plus de petite plume qui tomba devant elle, ni la moindre petite goutte rouge de sang. Elle leva les yeux, mais la colombe avait disparu. Que faire ? « Les hommes, pensa-t-elle, ne peuvent ne m'être d'aucun secours en pareille occurrence. Alors, elle monta jusqu'au soleil et lui dit :

- Toi qui déverses tes rayons sur les pics les plus hauts comme dans les plus creux vallons, n'as-tu pas vu une colombe blanche qui volait ?

- Non, répondit le soleil, je n'ai rien vu de ce genre; mais je vais te donner un petit coffret, que tu ouvriras quand tu seras en grand péril.

Elle remercia le soleil et s'en alla, marchant jusqu'au moment du soir où apparut la lune, qu'elle s'en fut questionner

- Toi qui brilles toute la nuit durant sur les champs et sur les forêts, n'as-tu pas aperçu une colombe blanche qui volait ?

- Non, répondit la lune, je n'en ai vu aucune; mais je vais te donner un œuf, que tu casseras si jamais tu te trouves en grand péril. Elle remercia la lune et s'en alla plus loin, où elle rencontra le vent de la nuit qui s'était mis à souffler, et elle l'interrogea :

- Toi qui souffles sur tous les bois et par-dessous toutes les feuilles, n'as-tu pas aperçu une colombe blanche qui volait ?

- Moi je n'en ai pas vu, répondit le vent nocturne, mais je vais demander aux trois autres vents si, peut-être, ils l'ont aperçue.

Le vent d'est et le vent d'ouest arrivèrent, mais ils n'avaient rien vu; par contre, le vent du sud avait quelque chose à dire

- La colombe blanche, oui, je l'ai vue qui volait : elle est allée jusqu'à la mer Rouge où elle est redevenue un lion, maintenant que les sept ans sont passés; et ce lion se bat avec un dragon, qui est lui-même une princesse enchantée.

- Je vais te donner un bon conseil, lui dit alors le vent de la nuit. Tu vas aller jusqu'à la mer Rouge où tu verras, sur le rivage de droite, de grands roseaux ; ces roseaux, tu les compteras, et le onzième tu le couperas pour en frapper le dragon, ce qui permettra au lion de le vaincre. Alors ils reprendront tous les deux leur vraie forme humaine. À ce moment, tu chercheras des yeux autour de toi et tu verras l'oiseau-griffon : c'est là-bas qu'il se tient, au bord de la mer Rouge; tu monteras sur son dos avec ton bien-aimé, car l'oiseau vous ramènera tous les deux par-dessus la mer Rouge jusque chez vous. Et voici une noix que tu devras jeter quand vous serez au milieu de la mer, car elle va croître aussitôt et donner un immense noyer qui sortira de l'eau; c'est là que le griffon viendra se reposer; parce que s'il ne pouvait pas se reposer, il n'aurait pas la force de vous porter sur toute la distance; et si tu oubliais de lancer la noix, il vous laisserait tomber à la mer.

Elle se rendit là-bas et y trouva toutes choses comme le lui avait dit le vent de la nuit. Elle compta les roseaux de la mer et coupa le onzième, dont elle frappa le dragon; et le lion triompha. Les deux animaux reprirent instantanément leur forme humaine. Mais dès que la princesse, qui avait été un dragon, se trouva délivrée de l'enchantement, elle serra le jeune prince dans ses bras et sauta avec lui sur le dos de l'oiseau-griffon, qui prit son vol et les emporta tous les deux. Celle qui avait tant voyagé, et si loin, la malheureuse ! se trouva là toute seule et abandonnée à nouveau; alors elle se laissa tomber par terre et pleura. Mais après ce premier moment de désespoir et de lassitude, elle reprit tout son courage et dit : « Tant que le coq chantera, et aussi loin que soufflera le vent, j'irai et je le trouverai. »

Ainsi elle marcha et fit un long chemin, un chemin immensément long, jusqu'au jour qui l'amena enfin au château où ils vivaient tous les deux : celle qui avait été dragon et celui qui avait été lion. Et la première chose qu'elle entendit, c'est qu'il allait y avoir une grande fête au château, parce que le prince et la princesse célébraient leurs noces.

- Que Dieu m'assiste encore et vienne à mon secours ! s'exclama-t-elle en apprenant la chose.

Elle ouvrit alors le coffret que le soleil lui avait donné et trouva dedans une robe aussi belle et aussi brillante que le soleil même. Elle prit la robe et s'en revêtit pour monter ensuite au château, émerveillant tout le monde sur son passage, et la fiancée elle-même, à qui cette robe plut tellement qu'elle songea aussitôt à la porter comme robe nuptiale.

- Ne consentiriez-vous pas à la vendre ? demanda-t-elle. - Ni pour or, ni pour argent,, fut la réponse, mais chair et sang en sont le prix.

La fiancée voulut savoir ce que signifiaient ces paroles et ce qu'elle entendait par là.

- Que je puisse une nuit dormir dans la chambre où dort le fiancé, répondit la jeune femme.

La fiancée ne voulait pas de cela, mais elle voulait pourtant tellement la robe qu'elle finit par consentir, non toutefois sans obliger le serviteur personnel du prince à lui administrer un puissant somnifère. La nuit venue, quand le prince fut endormi, elle fut introduite dans sa chambre; une fois seule avec lui; elle vint s'asseoir près de son lit et lui parla.

- Pendant sept ans, je t'ai suivi partout; je suis allée chez le soleil et chez la lune et chez les quatre vents me renseigner sur toi ; et contre le dragon je t'ai aidé à vaincre, lui dit-elle. Peux-tu vouloir m'oublier complètement ?

Mais le sommeil du prince était si profond qu'il lui sembla seulement entendre le bruissement du vent dehors, dans les sapins. À l'aube, on vint la chercher et il fallut qu'elle donnât la robe de soleil. Quelle tristesse et quel désespoir pour elle, de voir que même cela n'avait encore servi à rien ! Tristement, elle quitta le château et s'en fut dans un pré, où elle se laissa tomber à terre et pleura. Au milieu de ses larmes, elle songea soudain à l’œuf que lui avait donné la lune ; elle le cassa pour l'ouvrir, et il en sortit une poule avec douze poussins qui étaient d'or, d'or vivant, et qui couraient et sautillaient et picoraient et pépiaient, tournant autour de la mère poule ou se glissant par-dessus pour se cacher sous ses ailes : quelque chose de plus joli à voir cela, n'existe pas ! Séchant ses larmes, elle se leva et les poussa doucement devant elle, sur le pré, afin de les amener jusque sous les fenêtres de la fiancée, qui en fut si charmée qu'elle descendit aussitôt et lui demanda s'ils ne seraient pas à vendre.

- Ni pour or, ni pour argent, mais chair et sang en sont le prix. Laissez-moi passer encore une nuit dans la chambre où dort le fiancé, dit-elle.

- Oui, je veux bien, répondit aussitôt la fiancée, qui comptait bien utiliser le même subterfuge que la veille.

Mais cette fois le prince, en allant se coucher, demanda à son serviteur quels étaient ces murmures et ces bruissements qu'il avait entendus dans la nuit; et le serviteur lui raconta comment il avait dû lui administrer un somnifère parce qu'une pauvre demoiselle avait secrètement dormi dans sa chambre, et il ajouta que ce soir encore, il devait lui faire absorber le narcotique.

- Tu n'auras qu'à le verser à côté du lit, lui dit le prince.

La nuit venue, on la réintroduisit dans la chambre ; mais il reconnut sa voix dès qu'elle commença à vouloir lui conter combien les choses étaient tristes pour elle, et il sauta sur ses pieds en s'exclamant, à l'adresse de son épouse adorée :

- C'est maintenant seulement que je suis délivré ! Je vivais comme dans un étrange rêve, car cette princesse inconnue m'avait ensorcelé afin que je t'oublie ; mais Dieu m'a quand même arraché au bon moment à cet égarement de l'esprit et des sens !

Tous les deux, en cachette, dans la nuit, se glissèrent, hors du château et s'éloignèrent ensemble, car ils avaient à redouter le père de la princesse qui était un sorcier. Ils se mirent sur le dos de l'oiseau-griffon qui les enleva au-dessus de la mer Rouge, et lorsqu'ils furent au beau milieu de la mer, elle laissa tomber la noix. Un énorme noyer poussa aussitôt, sur lequel le griffon se reposa, après quoi il les porta d'un coup d'aile jusque chez eux, où ils retrouvèrent leur enfant, un grand et beau garçon maintenant ; et depuis lors, ils ont vécu heureux ensemble jusqu'à la fin de leurs jours.

Jacob et Wilhelm Grimm

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Littérature :


La Fauvette et le Rossignol


Une fauvette dont la voix Enchantait les échos par sa douceur extrême Espéra surpasser le rossignol lui-même, Et lui fit un défi. L'on choisit dans le bois Un lieu propre au combat. Les juges se placèrent : C'étaient le linot, le serin, Le rouge-gorge et le tarin. Tous les autres oiseaux derrière eux se perchèrent. Deux vieux chardonnerets et deux jeunes pinsons Furent gardes du camp, le merle était trompette. Il donne le signal : aussitôt la fauvette Fait entendre les plus doux sons ; Avec adresse elle varie De ses accents filés la touchante harmonie, Et ravit tous les cœurs par ses tendres chansons. L'assemblée applaudit. Bientôt on fait silence : Alors le rossignol commence. Trois accords purs, égaux, brillants, Que termine une juste et parfaite cadence, Sont le prélude de ses chants ; Ensuite son gosier flexible, Parcourant sans effort tous les tons de sa voix, Tantôt vif et pressé, tantôt lent et sensible, Étonne et ravit à la fois. Les juges cependant demeuraient en balance. Le linot, le serin, de la fauvette amis, Ne voulaient point donner de prix : Les autres disputaient. L'assemblée en silence Écoutait leurs doctes avis, Lorsqu'un geai s'écria : victoire à la fauvette ! Ce mot décida sa défaite : Pour le rossignol aussitôt L'aréopage ailé tout d'une voix s'explique. Ainsi le suffrage d'un sot Fait plus de mal que sa critique.


Jean-Pierre Claris de Florian, Fables, 1792.

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Georges Sand, dans une pièce intitulée Le Diable aux champs (1869), met en scène deux oiseaux emblématiques dès le début de l'intrigue :


UN MOINEAU et UNE FAUVETTE, sur la branche.


LA FAUVETTE. — Les voilà partis. Retournons à nos alizes et ne nous querellons plus. Il y en a bien assez pour nous deux.

LE MOINEAU. — Tu en parles à ton aise. J’ai six enfants à nourrir, et ma femme ne peut pas encore les quitter, parce qu’ils sont trop jeunes.

LA FAUVETTE. — Les miens sont au moment de sortir du nid, mon mari m’aide à en prendre soin, mais ils sont de grand appétit.

LE MOINEAU. — Allons, la nuit vient, dépêchons-nous. Mais qu’est-ce que je vois ? Quelque chose d’inouï, d’affreux, là, au bout de la branche ! Sauvons-nous.

LA FAUVETTE. — Tu me fais peur !… Attends donc ! cela ne remue pas. Ce n’est rien.

LE MOINEAU. — Je n’y vais pas.

LA FAUVETTE. — Moi, je me risque. Mes enfants ont faim, et je les entends qui piaillent.

LE MOINEAU. — Eh bien, qu’est-ce que c’est ?

LA FAUVETTE. — Je ne sais pas, mais ce n’est pas méchant. Viens donc, poltron ?

LE MOINEAU. — Ah ! me voilà dessus ! Ce n’est rien, en effet… Ah ! cela est plein de bouts de fil et de chiffons que ma femme sera contente d’avoir pour compléter la couchette de ses petits. Je les lui porterai. Aide-moi à tirer celui-ci…

LA FAUVETTE. — Quelque chose vient dans le bois ! partons !

(Ils s’envolent.)

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque à plusieurs reprises la Fauvette :

26 octobre

(La Bastide)


La fauvette mélanocéphale est grise, hormis cette calotte anthracite qui la rend si belle. C'est un oiseau d'estampe orientale - le poème-peinture d'un ermite de la Chine.

Chaque fois que je l'observe, je m'attends à découvrir une calligraphie de Li Bai au coin de la page.


Fauvette à tête noire

Boule de bonheur pur

Posée sur la branche

[...] 26 novembre

(La Bastide)

Capuchon d'encre de Chine

Un nuage de pluie au ventre

Fauvette mélanocéphale

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