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La Grive




Étymologie :


  • GRIVE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. 1280-90 ornith. (G. de Bibbesworth, Traité, éd. A. Owen, 32) ; 1456-67 plus estourdy [var. de la fin de 1486 : saoul] que une grive (Cent Nouvelles Nouvelles, éd. Fr. P. Sweetser, VI, 44) ; 2. 1628 arg. « guerre » (Le Jargon de l'Argot réformé, 42 ds Sain. Sources arg. t. 1, p. 234) ; p. ext. 1821 « troupe, armée » ici en partic. « corps de garde » (Ansiaume, loc. cit.). 1 fém. de l'a. fr. grieu, griu 1119 (Ph. de Thaon, Comput, 1553 ds T.-L.) du lat. greacus, v. grec, la grive étant un oiseau migrateur dont on pensait qu'il hivernait en Grèce. 2 d'orig. obsc.; aucune des hypothèses − emploi métaphorique de 1, l'oiseau étant particulièrement querelleur (FEW t. 4, p. 212 a), ou forme altérée et subst. du fém. de l'a. fr. grief « pénible », grief* (Lar. Lang. fr.) − n'étant réellement satisfaisante.


Lire également la définition du nom grive afin d'amorcer la réflexion symbolique.

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Dans la tradition dualiste de la création des différentes espèces, la grive passe pour l'œuvre du diable. Selon une croyance du Béarn, manger cet oiseau allonge la vie, voire rend immortel. En Mayenne, particulièrement à Fougerolles, la grive était considérée comme un oiseau augural : en prendre une au piège le matin annonçait une mauvaise nouvelle mais l'après-midi présageait une bonne nouvelle.

La grive est surtout connue pour prédire par son chant le froid ou la pluie : dès qu'on l'entend, « cherche la maison pour t'abriter ou du bois pour te chauffer » disait-on en Dordogne, ou « enfermez le bois propre à vous chauffer » recommandaient les Bretons.

Dans les Ardennes, sont également signes de mauvais temps les grives qui « abandonnent le taillis pour aller dans les terrains labourés ». Chez les Anglo-Saxons, si l'oiseau a fait son nid particulièrement haut dans une haie d'aubépines, c'est signe de calamités.

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Jean Jamin propose une étude symbolique dans un article intitulé "De la grive imaginée à la grive imaginaire.

De la grive imaginée à la grive imaginaire
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Essai sur le symbolisme et la connaissance des grives chez les Ardennais du plateau" , 1973 (paru dans L’homme et l’animal, ler Colloque d’Ethnozoologie, Juin 1975, Institut International d'Ethnosciences, Paris) :

 

Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Hachette Livre, 2000) :


"Ce petit passereau de la même famille que le merle tient son nom des marques ou petites tâches brunes qu'il porte sur son plumage blanc, tandis que ses ailes sont brunes, marques dont il semble "criblé" - le latin cribrum, "crible", ayant fini par donner grivel en ancien français, puis "grive". Le chant bruyant de la grive musicienne, notamment, que l'on trouve dans toute l'Europe, ressemble à celui du merle, dont il se distingue toutefois par le fait qu'elle aime à répéter plusieurs fois différents motifs Si l'on dit communément "saoul ou étourdi comme une grive", c'est tout simplement parce que ce petit oiseau de 20 ou 22 centimètre adore le raison dont elle se gorge lors de la période des vendanges, juste avant de migrer vers les régions d'Europe méridionale ou d'Afrique du Nord.

Depuis des temps immémoriaux, dans toutes les campagnes d'Europe, on sait qu'entendre le chant de la grive est annonciateur de pluie. Ainsi, ce petit oiseau familier a joué un grand rôle augural chez nos proches ancêtres. On pensait même qu'il était un signe de longévité et qu'en manger pouvait rendre la vie plus longue. Son chant timbré, si distinctif et mélodieux, a beaucoup impressionné l'imaginaire des hommes et des femmes du Moyen Âge. A ce point qu'ils crurent y reconnaître le chant de l'oiseau du paradis, porteur de la Bonne Nouvelle chère aux Chrétiens."

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Contes et légendes :

D'après Jean-Jacques Brochier dans son Anthologie du Petit Gibier :


« La meilleure est la grive de vigne, ou musicienne, c’est elle qui chante le mieux. Particulièrement à l’époque des vendanges, quand elle se gorge de raisins bien mûrs, qui la rendent pompette. De là la légende de ces grives saoules qu’on poursuivait entre les rangs de vigne et qu’on prenait à la main, ou d’un revers de casquette, treize à la douzaine. On a lu ça cent fois dans les livres, mais que celui qui a assisté personnellement à la chose me fasse signe. Je promets de le régaler d’une fricassée dont il se souviendra. Dans les mêmes livres, on dit aussi que les grives s’abattaient en si grand nombre sur les ceps qu’il fallait battre le tambour jour et nuit pour sauver la vendange. »

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Littérature :

La Grive


Une grive picorait dans un bosquet de myrtes, et, charmée par la douceur de leurs baies, elle ne pouvait le quitter. Un oiseleur, ayant remarqué qu’elle se plaisait en ce lieu, la prit à la glu. Alors, se voyant près d’être tuée, elle dit : « Malheureuse que je suis ! pour le plaisir de manger, je me prive de la vie. »

La fable s’adresse au débauché qui se perd par le plaisir.


Ésope, (fin VIIè siècle - début VIe siècle av. J. C.) ; traduction par Émile Chambry, Fables

Société d’édition « Les Belles Lettres », 1927.

 

Georges Sand, dans une pièce intitulée Le Diable aux champs (1869), met notamment en scène deux amoureux de la nature :


FLORENCE. — La grive cause mieux et a bien plus d’esprit : L’entendez-vous ?

JENNY. — Comment, c’est une grive qui chante si bien que ça ? Le joli air ! ça ressemble à une chanson, et je crois que je pourrais la chanter.

FLORENCE. — Que croyez-vous qu’elle dise ?

JENNY. — Mon Dieu, je crois qu’elle dit ce que nous disons : « Le ciel est beau, les étoiles brillent, et l’air sent bon ! »

FLORENCE. — Oui, voilà ce qu’elle dit, je le crois aussi. Je crois que la nature ravit de joie tous les sens de toutes les créatures, et que les plantes elles-mêmes…

 

Jean Giono, dans Les Grands Chemins (Éditions Gallimard, 1951, collection folio n°311) est très attentif à toute la vie qui sourd, bruisse et luit dans la nature :


J'aime cette saison. Elle est tendre. La grive chante dans les taillis. Ce qu'elle dit est exactement en rapport avec les feuilles mortes dorées et le petite vent froid. C'est un oiseau modeste mais qui connaît son affaire.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque la grive :

1er avril

(Fontaine-la-Verte)


Deux grives musiciennes construisent leur nid dans les rameux du poirier sec, contre le vieux mur de pierres.

L'architecture de la coupole est de Brunelleschi. Les oiseaux maçonnent l'intérieur avec un mortier très doux, composé de salive et d'argile. La femelle dépose quatre œufs turquoise, mouchetés de brun pâle.

Je visite les nids dans le même état d'esprit que jadis, lorsque je m'avançais vers l'autel au moment de l'eucharistie. Je savais que ma lueur de foi s'éteindrait au premier vent du rationalisme. Le mystère du nid égale celle du ciboire. Le souffle du naturalisme chasse la grive. Oiseau qui s'envole, fois qui s'évapore : frissons d'éther.

[...]

30 août

(Fontaine-la-Verte)

[...]

Ce matin, trois grives draines ont dansé sur la pelouse : poitrines d'ivoire et de flammes mouchetées de brun. L'une d'elles a donné un fruit rouge à sa voisine.

J'ai accepté l'offrande et j'ai gonflé mon poitrail de grive draine.

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Trois cailloux dans mon sac

je les montre à la grive

elle chante trois fois


J ‘ai remis mes cailloux

dans mon sac et merci

merci merci la grive.


Olivier BOURDELIER, dans Dans la lune n° 2, septembre 2004,

et dans Un oiseau compliqué, Tarabuste, 2008.

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