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Photo du rédacteurAnne

Célébrer la beauté des champignons

Dernière mise à jour : 16 déc. 2024




Dans son Histoire des champignons comestibles et vénéneux (Fortin, Masson et Cie Libraires-Éditeurs, 1841) le Dr Joseph Roques, célèbre la variété des formes et des couleurs des champignons :


Que de variété dans leurs formes, leurs dimensions, leurs nuances , leur parfum, leur saveur ! Les uns s'élancent du sein des bruyères, comme de petites pyramides ; les autres étalent, au milieu des bois, leurs chapiteaux de pourpre mouchetés de pellicules semblables à des perles ; telle on voit la fausse- oronge, dont le poison subtil fait perdre la raison, et quelquefois la vie. D'autres se colorent d'un léger incarnat : ceux- là imitent les teintes du saphir et de l'améthyste ; ceux-ci, les nuances du tigre et de la couleuvre. Quelques-uns sont comme diaprés, ou rayés de couleurs diverses ; d'autres, parsemés de zones livides, imprégnés d'un suc qui s'échappe en gouttes de lait ou de sang par la plus légère pression, inspirent un sentiment de défiance, et peut- être ont-ils servi jadis aux conjurations de quelque génie malfaisant.

Certaines espèces se dessinent en parasol, en rameaux de corail, ou bien prennent la forme d'un globe, d'une mitre, d'une coupe élégante ; d'autres se contournent d'une manière bizarre, se hérissent de pointes ou d'écailles, se couvrent d'un doux coton, ou se parent de collerettes soyeuses. D'autres encore, véritables protées, changent, dans leur développement, de structure, de forme et de couleurs. Ceux-là se présentent dans une nudité parfaite ; ceux-ci, recouverts d'un voile blanc dans leur enfance, sont ensuite tout rayonnants d'or en brisant leur prison ; ainsi paraît l'oronge, champignon d'un goût exquis, dont les Romains étaient si friands, et que Néron appelait l'aliment des Dieux.

Ici de petits champignons, enveloppés de mousse, exhalent un doux parfum qui s'envole avec le léger souffle des airs ; là d'autres espèces répandent au loin une odeur nauséeuse ou fétide, narcotique ou enivrante. Les uns sont doux, sucrés, aromatiques ; les autres ont une saveur acide, âcre ou amère.

On en voit d'une ténuité extrême, d'un tissu si délicat, si fin , qu'ils se dissolvent et s'évanouissent, pour ainsi dire, au moindre contact ; d'autres ressemblent à de fortes massues, et peuvent résister aux plus puissants efforts. Ceux-ci croissent solitaires ; ceux-là se rassemblent en formant des traînées ou des cercles symétriques ; d'autres se groupent, se réunissent en touffes et vivent en famille. La plupart végètent sur la terre, quelques-uns se cachent dans son sein ; d'autres pullulent au pied des arbres ; il en est qui règnent à leur sommet, où ils déploient des formes gigantesques. Certaines espèces croissent d'une manière lente, insensible, et n'atteignent leur entier développement qu'au bout de quelques années ; beaucoup d'autres naissent avec une rapidité inconcevable ; il suffit de quelques heures, de quelques instants, pour en voir paraître de nouveaux : c'est surtout après une pluie fécondante qu'on les voit éclore par milliers. Quelques espèces sont précoces, et se montrent aussitôt que le soleil de mars a ranimé leurs germes ; d'autres se développent pendant l'été et une partie de l'automne, et fixent nos regards par leurs formes pittoresques ; d'autres, enfin, lorsque la plupart des plantes perdent leur parure , viennent embellir la solitude des forêts par l'éclat et la diversité de leurs couleurs. (*)


Note : *) Les champignons de nos provinces méridionales, et surtout ceux d'Italie, se font remarquer par la richesse de leurs nuances. On en voit de couleur aurore et d'un bleu d'azur magnifique ; d'autres ont la surface du chapeau sillonnée de bandes dont la teinte brune tranche admirablement sur un fond cramoisi ou gris de perle.

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Pierre Dubois et René Hausman, auteurs de L'Elféméride - Le grand légendaire des saisons - Automne-Hiver (Éditions Hoëbeke, 2013) mettent à l'honneur les champignon dans le chapitre consacré au mois de septembre :


Les Champignons

Le monde des champignons s'approche à reculons.

Jules Renard


Si les filandres appartiennent au monde aérien et lumineux, aux rêveries d'infinis, les champignons d'automne, à l'inverse, ramènent aux royaumes souterrains, au mystère du sous-bois, aux essences intérieures et secrètes. Pour les trouver, il faut non seulement se pencher, mais respecter certains rituels que l'antique mémoire instinctivement répète. Il faut un tant soit peu connaître leurs habitudes, les atmosphères propices à leur apparition, les lieux où les dénicher - que l'on garde pour soi -, savoir les cueillir et les reconnaître, respecter leurs changeants et capricieux territoires. Se plier aux exigences de leur cache-cache. D'aucuns n'hésitent pas à prétendre que l'on trouve les champignons comme on peut apercevoir les fées - du coin de l'œil - en cherchant ailleurs. Il y a toujours quelque chose du hasard de la surprise, teinté de ravissement.

Même le simple mousseron des prés demande du respect. Là où hier il était, demain il n'y sera plus si on a négligé de lui demander la permission de le cueillir en récitant la formulette : « Champignon, petit champignon, Fai-moi trouver tes compagnons. »

Souvent ils poussent en rond sur les cercles que les Belles Dames et Demoiselles ont, sur l'herbe et la mousse, laissé en dansant. Ou bien ils se pressent l'un derrière l'autre sur leur promenade. Ceux-ci sont fermes et frais, jolis d'aspect, pourtant il est recommandé de toujours se méfier car un sournois caraquin peut toujours les imiter.

Les champignons indiquent les lieux maudits et les lisières de Féerie. Entre ombre et lumière ou confondus aux deux... Entre la cruelle amanite tue-mouches, l'agressif et lubrique phallus à l'affût d'assaillir bergers-bergères, et l'agréable et dodu cèpe... processionnent un grand nombre de champignons des limbes ; ni comestibles, ni vénéneux, sans saveur, mais pas sans esprit...

 

Jean-Louis Etienne, dans son ouvrage intitulé Persévérer : On ne repousse pas ses limites, on les découvre (Éditions Paulsen, 2015) loue la beauté du règne fongique :


Les champignons, ces modestes émergences de la terre, déclament leurs poèmes dans le silence des sous-bois. Leur vie, éphémère et mystérieuse, se déroule en secret, tissant des versets dans la trame du sol. Ils sont les troubadours de l’humus, les poètes de l’obscurité.

Sous les feuilles mortes, ils naissent, timides et discrets, leurs chapeaux frémissant comme des strophes murmurées. Leurs pieds, tels des vers libres, s’enfoncent dans la terre, cherchant la mélodie des racines. Leurs lamelles, comme des rimes, s’étirent et se déploient, captant la rosée du matin.

Ils sont les gardiens des secrets, les gardiens des cycles. Leur poésie est celle du renouveau, de la décomposition et de la renaissance. Ils se dressent, solennels, dans la lueur pâle de l’aube, puis s’effacent, laissant derrière eux des strophes de spores, des versets de vie.

Chaque champignon est un haïku, une brève éternité inscrite dans la terre. Leur silence parle aux âmes attentives, révélant les mystères de la forêt. Ils sont les poèmes de la terre, les versets de la nature, et leur fugace beauté nous rappelle que la vie, même cachée, est une éternelle création.

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Alberto Villoldo, Colette Baron-Reid et Marcela Lobos ont imaginé un jeu de cartes intitulé L'Oracle du chaman mystique (Éditions Véga, 2019) dans lequel une carte concerne la Beauté :


La signification : La Voie de la Beauté est à la fois un chemin que vous suivez et une pratique quotidienne. Le chemin est l'endroit où vous choisissez de ne percevoir que la beauté devant vous, derrière vous et tout autour de vous pendant votre passage dans cette vie. La pratique est là où vous vous efforcez d'apporter de la beauté à chaque situation dans laquelle vous vous trouvez. Quand les choses deviennent laides, vous agissez pour apporter l'intégrité et la paix dans une situation difficile. Quand tout le monde ne perçoit que les ténèbres, vous montrez la lumière et aidez à dévoiler les trésors cachés.


L'interprétation : La Voie de la Beauté vous invite à créer la beauté dans votre vie et à reconnaître celle qui se trouve à l'intérieur de vous-même et des autres. Arrêtez-vous pour sentir le parfum des roses, prenez une profonde inspiration, admirez les étoiles et reconnaissez la splendeur qui vous entoure. Voyez la beauté dans toutes les situations dans lesquelles vous vous trouvez et vous recevrez la leçon que la vie vous enseigne d'une manière aimable et douce.


La stratégie : Cessez d'essayer de réparer les relations que vous croyez brisées. Admettez que les choses sont exactement telles qu'elles doivent être en ce moment, et reconnaissez la beauté inhérente à cela. Quand vous comprendrez cela, vous serez en mesure d'apporter le changement que vous voulez. Ne faites pas courir des rumeurs sur les côtés sombres et les défauts des autres. Soyez vigilant et ne vous laissez pas séduire par la beauté superficielle d'un projet ou d'une relation avec laquelle vous êtes en train de jouer, à moins que vous ne soyez prêt à en payer le prix plus tard.

 

Michael Lim et Yun Shu, auteurs de Champignons - Alimentation, Médecine, Psychédéliques (Éditions Jonglez, 2022) sont également sensibles à la beauté des champignons :


Les champignons sont une célébration - ils signalent une nouvelle génération de fungi, contenant des trillions de spores prêtes à être disséminées. Les spores perpétueront le même cycle encore et encore, tout comme il s'est perpétué depuis un milliard d'années. La nature n'est pas une sentimentale ; les champignons pourrissent dès que leur travail est effectué. Ils ont rempli leur mission, non sans nous avoir offert un aperçu de la beauté viscérale de la nature. Voilà peut-être la raison pour laquelle les champignons sont si admirés, Ils sont le plus beau moment du cercle de vie fongique.

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Arts visuels :


Vous pouvez admirer le travail du photographe Dirk Erken sur son site personnel.

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