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Epona, la déesse chevaline

Dernière mise à jour : 19 août





Symbolisme :


Selon Arnold Van Gennep, auteur de Culte populaire des saints en Savoie (Éditions G.-P. Maisonneuve et Larose (Paris), 1973) :


Van Gennep énumère comment dans 125 communes, à la saint Antoine ermite (dans lequel il voit le successeur de la déesse chevaline Epona), on fait bénir les sacs de grain et le sel destinés aux bestiaux, bénir aussi les équidés. [...] Comme protecteur des chevaux, des ânes et des mulets en Tarentaise et en Maurienne, saint Antoine doit être mis en parallèle avec la déesse chevaline Epona et avec le dieu Mulet (Mars Mullo).

[...] La déesse Epona est représentée en Savoie par une statue assez grossière trouvée à Viuz-en-Sallaz et une petite statue de cheval découverte récemment à Boutae (Annecy) (...)Epona était, ou devint peu à peu, la protectrice de toutes les bêtes de somme (...) et Apulée décrit une écurie où se trouve, placée dans une niche, l'image d'Epona soigneusement parée de guirlandes de roses.

[...] Le fait, en tout cas, que c'est après la mi-janvier, donc en plein hiver des montagnes, que se célébraient à la fois la fête d'Epona et celle de saint Antoine comme protecteurs des chevaux, ne laisse pas que d'apporter un argument à l'opinion exposée ci-dessus d'une survivance germano-gauloise (...). C'est la Bourgogne et la Franche-Comté qui semblent fournir le plus de représentations et de sanctuaires d'Épona.

[...] On peut rattacher les cavalcades de ces vallées [après la bénédiction des animaux] à un ancien culte, strictement alpestre, d'Epona ou de quelque autre divinité protectrice des Équidés dont le nom serait sorti de la mémoire populaire.

 

Paul-Marie Duval, auteur de "Cultes gaulois et gallo-romains. 3. Dieux d'époque gallo-romaine." (Publications de l'École Française de Rome, 1989, vol. 116, no 1, pp. 259-273) consacre une notice à Epona :


Epona : Nom celtique d'une déesse gauloise et, plus largement, celtique, la seule divinité des Celtes dont le culte ait connu une ample diffusion, attestée par les sources littéraires, épigraphiques et figurées à l'époque romaine. Le nom, qui n'a pas de variantes, est composé du radical epo-, l'équivalent celtique du latin equo- et du grec hippo-, désignant le cheval ou la jument, et du suffixe -ona qui n'a d'autre sens que « relatif à » (on a parfois voulu le rapprocher d'une glose onno = flumen du Glossaire de Vienne et y voir un suffixe évoquant l'eau, parce que, notamment, le nom de la fontaine sacrée de Bordeaux évoquée par Ausone est Divona : mais ce mot signifie « divine », sans plus). « Cavalière, chevaline, équestre, relative aux chevaux, aux équidés » sont diverses traductions possibles du mot. En revanche, «jument» serait un contresens, «relative aux juments» une traduction abusive : il n'y a aucune preuve qu'Epona ait été à l'origine une divinité zoomorphe, une déesse jument, ni même une jument sacrée; nous ne la connaissons que sous son aspect humain, à l'époque romaine impériale et sous son nom : «qui concerne les équidés». L'importance de la déesse en Gaule tient à celle du cheval, de son élevage et de la cavalerie.

Le nom a servi à former des anthroponymes et des toponymes : Eponicus, Eponinè, Eponius ; Epona (Epône, Yvelines).

Les dédicaces et les représentations figurées d'Epona sont nombreuses, et proviennent de la Gaule (de l'Est notamment), d'Italie, d'Espagne, de Grande-Bretagne et, surtout, des provinces danubiennes : cette large diffusion s'explique en partie par le rôle des cavaliers dans les armées. Son nom figure sur un calendrier romain (fête le 18 décembre). L'Âne d'or d'Apulée atteste que son image ornait les écuries des militaires à Rome. La déesse n'a jamais de compagnon; parfois, une petite fille est à ses côtés.

Epona n'est pas seulement la patronne de tous les équidés (chevaux et juments laitières, mulets, ânes), de tous les cavaliers civils et militaires, des palefreniers et conducteurs ; elle protège aussi les voyageurs et, mythiquement, le voyage de l'Au-delà : c'est pourquoi elle figure sur des stèles funéraires. Elle est également, en tant que femme, déesse de la fécondité : on lui voit la corne d'abondance, une corbeille de fruits, une patère, à ses côtés, un enfant, un poulain. Elle ressemble alors, sa monture mise à part, aux déesses-mères mais elle s'en distingue par l'absence de compagnon. Protectrice de la maison, a-t-on dit, puisqu'elle tient, sur un bas-relief, un objet qui ressemble à une grande clé. Il est moins sûr qu'elle ait quelque rapport avec les sources; elle ne paraît pas avoir eu le caractère d'une divinité guérisseuse.

Des survivances païennes dans l'épopée irlandaise peuvent être évoquées à son propos : la jument reine Rhiannon, les trois Mâcha dont la légende met en scène chevaux et juments. Il ne faut pas, toutefois, parler d'Epona à propos de tout mythe où femme ou déesse est en rapport avec des équidés.

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Dans Cycle et Métamorphoses du dieu cerf (Toulouse : Lucterios, 2014, pages 265-273) Gérard Poitrenaud évoque le symbolisme de certains attributs de la déesse :


Épona partage le symbolisme de la rose avec Vénus et sa coiffure, à Saint-Valérien, évoque une sorte d’omphalos féminin. Mais encore ? Il est certain en tout cas que les roses de la déesse que mange Lucius transformé en âne ne lui apportent pas la délivrance, mais une volée de coups de bâtons. Une figuration d’Épona découverte au lieu-dit les Chuzeaux près de Meursault, c’est-à-dire encore une fois en pays éduen permet d’en savoir plus : elle se trouve sur un chapiteau corinthien décoré d’une grande rosace entourée de volutes et surmontée d’un « cheval accroupi », dit Thévenot. Il y a fort à penser que la rose signifie ici le sexe féminin. De quoi motiver la popularité de la déesse auprès des soldats !

[...]

Le symbolisme d’Épona rejoint celui des Mères : sur les reliefs d’Hagondange et d’Uckange et sur le groupe de Nanzweiler, qui montre trois mères au dos desquelles est sculpté un poulain. Sur la stèle de Jabreilles qu’on a vue, c’est à l’opposé trois « mères » qui figurent debout au dos de la représentation d’Épona, tandis qu’une stèle de Spire montre d’un côté deux déesses mères assises et de l’autre un cheval portant une housse sur le dos. Le costume drapé ainsi que les attributs liés à la fertilité (corne d’abondance, patère, corbeille de fruits) évoquent l’archétype de la mère qui donne naissance aux hommes, les nourrit et les soutient pendant leur vie et les accueille à leur mort. Le motif du cheval ou plutôt de la jument est manifestement lié à ces thèmes qui tournent autour du principe féminin. Les Grandes Mères celtiques appelées aussi Junones chez les Trévires ne sont pas seulement des divinités secourables pourvoyeuses d’abondance. Tout en incarnant le principe féminin, elles sont aussi les divinités du destin comparables aux Parques et à la triple Hécate. Mais cette triple Épona se distingue des Mères en ce qu’elle incarne un destin en marche qui suit ce qu’on peut appeler le mouvement cosmique, et que ce mouvement cosmique est figuré par la marche du cheval. L’Épona de Perthes a une place à part, parce que sa fabrication a été interrompue à l’état d’ébauche. Elle montre la déesse comme une forme rectangulaire avec un cercle gravé en guise de visage, sur lequel une ligne brisée marque le nez et les sourcils. L’esquisse trahit peutêtre quelque chose de l’idée primitive : le cercle parfait du visage confirme son être lunaire. Exprime-t-il aussi un rapport essentiel avec le cercle ou le cycle ? La fécondité associée au renouvellement éternel ?

Figurée sur de nombreuses stèles funéraires, comme dans la nécropole d’Horgne-auSablon près de Metz, Épona conduit à l’instar d’Hermès, les âmes des défunts au royaume des morts. En Gaule, un grand nombre de figurines en terre cuite à son effigie ont été trouvées dans des tombes.

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Dans L'Oracle de la sagesse gauloise (Éditions Le Courrier du Livre, 2021) Caroline Duban et Lawrence Rasson propose une carte spécialement dédiée à Epona :


Epona

De epos, « le cheval »


Déesse protectrice des chevaux et des cavaliers, Epona est un thème largement répandu dans toute la Gaule et plus loin encore. On suit sa trace de la Bulgarie aux îles Britanniques. En pierre, en bronze, en bois ou en terre cuite, les effigies d'Epona montrent qu'elle renait plusieurs rôles. Garçons d'écurie, éleveurs de chevaux et soldats à cheval lui vouaient un culte sans faille, mais rares sont les sources écrites mentionnant des temples dédiés à la déesse. Elle était plus volontiers vénérée dans les écuries, aux carrefours des routes ou dans les relais de poste. En effet, sa popularité est telle que lors de la conquête romaine des territoires gaulois, Epona fut l'une des divinités celtes exceptionnellement adoptées par Rome. Elle devint alors la patronne des troupes de cavaleries auxiliaires gallo-romaines, et était particulièrement révérée sur les postes-frontières où l'on a retrouvé de nombreuses statuettes et inscriptions à son intention. La plupart du temps, Epona chevauche une jument en amazone ; elle est plus exactement assise sur le dos de l'animal comme sur un trône D'autres sculptures la montrent assise devant un couple de chevaux qui se font face ou qui, au contraire, se tournent le dos. Quelquefois, ce sont des poulains qui lui tiennent compagnie, et elle porte parfois un grand panier d'osier rempli de victuailles, et une patère (utilisée pour les libations aux dieux), ce qui la rattache aussi à la fertilité. On peut aussi percevoir son aspect guerrier lorsqu'elle se tient à cheval comme un homme, le poing serré et levé devant elle, prête à charger droit devant.

En outre, le cheval est un animal solaire, accompagnant d'autres divinités comme Taranis. Créature psychopompe pour les Gaulois, et plus généralement pour les Celtes, le cheval devient un guide pour les âmes des défunts vers leur nouvelle demeure. C'est aussi un animal emblème du caractère guerrier, c'est pourquoi Epona est à la fois combattante et conductrice des âmes.


Interprétation : Epona galope dans votre direction pour vous accompagner dans votre voyage. Elle préserve votre monture, c'est-à-dire votre endurance, et vous porte assistance lorsque vous vous trouvez à la croisée des chemins, face à un choix complexe qui vous laisse perplexe. Epona vous guide sur la route la plus sûre et vous protège des mauvaises rencontres. Qu'il s'agisse d'un voyage de courte ou de longue drée ou de distance variable, sa présence vous précède, dégageant les embuches qui pourraient vous faire douter ou trébucher. Ce voyage peut également être symbolique. La déesse des chevaux est aussi une conseillère avisée qui vous poussera dans la bonne direction comme le vent qui vient gonfler les voiles d'un navire en pleine mer. Elle est discrète, mais pas absente. Elle chevauche à vos côtés à chaque instant. Qu'il s'agisse d'un de vos guides spirituels, ou d'une personne qui incarne ces qualités (homme ou femme), soyez rassuré et continuez votre route, votre cheminement progressivement.

Ménagez-vous car, comme tous les chevaux, pour voyager loin, il faut savoir faire halte et prendre son temps. Epona vous invite à lever le pied, à ralentir votre cadence qui risque de vous essouffler en cours de route. Vous pouvez atteindre vos objectifs sans pour autant vous démener comme vous le faites. Vous n'irez pas plus vite, au contraire, en brassant de l'air ou en perdant votre temps à parler, vous inquiéter, faire d'une petite chose tout un drame, ou courir dans tous les sens, même si émotionnellement vous sentez que vous bouillonnez. Canalisez toute cette énergie utilement. Avant de foncer tête baissée, posez-vous un moment et récapitulez la situation.. Préparez votre voyage comme un pèlerin qui s'apprête à parcourir une longue, très longue route. Voyez les lieux et les moments où une étape serait la bienvenue, même si vous ne ressentez pas la fatigue physique ou nerveuse. Celle-ci peut en effet s'installer sournoisement et vous faire chuter entre deux étapes si vous en manquez une. Prenez le temps de respirer, de faire des pauses. Dressez une carte virtuelle de votre progression s'il s'agit d'une situation que vous vivez. Préparez votre périple si vous vous apprêtez à voyager réellement.

Les compétences psychopompes de la déesse vous signalent une affinité avec un ou plusieurs défunts près de vous. Ce sont peut-être des êtres qui vous étaient proches, ou de parfaits inconnus. Epona souhaite attirer votre attention sur vos capacités extrasensorielles, et notamment en tant que passeur d'âmes. On ne parle pas de médiumnité, car le but n'est pas nécessairement de comprendre le phénomène, mais plutôt de l'accompagner. Si vous avez des réveils nocturnes brutaux ou soudains, des angoisses ou des colères inexpliquées, des sensations désagréables physiquement, en particulier au niveau de la tête, ou encore si vous ressentez une présence insistante depuis quelques temps, c'est que l'on vous demande de l'aide pour passer. On vous a choisi parce qu'on vous sent / sait capable, même si vous-même ignorez ces sens indéfinissables. Avez-vous des exemples de passeurs d'âmes dans votre famille ? Si oui, vous avez hérité de ce don et êtes prêt à l'activer dès que le besoin s'en fera sentir. N'ayez pas peur, ces énergies ne viennent pas pour vous nuire ; de plus, il s'agit parfois de formes-pensées ou d'émotions, et non d'entités, qui ont besoin de trouver un endroit plus serein pour évoluer. Soyez sincère et honnête dans vos démarches, agissez selon vos convictions et vos instincts. Plus le rituel vous est naturel, plus le passage sera fluide et rapide. Cela peut prendre quelques secondes ou demander plus de patience : tous les êtres n'avancent pas à la même allure. Prenez un temps de recueillement, ne cherchez pas à connaître la nature de ces émotions ou de ces entités. Agissez de sorte que ces perceptions troublantes s'estompent pour votre bien-être et celui des formes qui vous appellent au secours. Plusieurs méthodes sont exposées pour parvenir à cet état. La plus courante consiste à fermer les yeux et visualiser une colonne de lumière vers le ciel, colonne qu'emprunteront les énergies. d'autres personnes s'installent de manière plus sophistiquée, allument une bougie, préparent des encens, parlent à voix haute. Comme toute forme de rituel, le meilleur sera celui que vous réaliserez en conscience, aussi limpide et clair que possible, sans mentaliser. Si certains préfèrent réciter des prières, pour d'autres devoir lire, apprendre par cœur, ou ne serait-ce que s'entendre à voix haute, crée un blocage qui ne favorise pas le passage des âmes. Si vous le souhaitez, invente vos propres prières, même si elles changent à chaque session ; exercez vos compétences en intérieur ou en extérieur selon vos préférences et possibilités... Tout est faisable du moment que vous demeurez sincère et centré. Ne dispersez pas vos idées et restez concentré sur ce moment qui vous libère et vient en aide à cet hôte invisible.

Enfin, si votre question comprend un animal, cheval ou autre, consultez un vétérinaire, car celui-ci a besoin de soins venant d'un spécialiste.

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Mythologie :


Dans Les Noms d'origine gauloise - La Gaule des Dieux (Éditions Errance, 2007) Jacques Lacroix recense les lieux dédiés à la déesse Epona tout en revenant sur ses attributs :


Il faut surtout évoquer la déesse Epona, que de très nombreuses figurations gallo-romaines - près de 160 connues en France - nous montrent comme une divinité toujours associée aux chevaux. On la connaît dans bien des pays d'Europe : son théonyme, disséminé à travers une bonne partie de l'ancien Empire roman, a été retrouvé sur les dédicaces dans une douzaine de pays différentes : Allemagne, Angleterre, Autriche, Bulgarie, Espagne, France, Hongrie, Italie (elle fut révérée jusqu'à Rome, puisqu'on y retrouve son nom et son image) ; aussi Luxembourg, Roumanie, Suisse, ex-Yougoslavie. Ce seraient des soldats mercenaires gaulois des armées romaines qui auraient contribué la diffusion de son culte et à sa popularité (ils étaient souvent recrutés pour leurs talents de monteurs). Sans doute priaient-ils la déesse aux chevaux en pensant à leur pays ; ils communiquèrent aux autres soldats leur dévotion. L'origine du culte et son premier développement ont été sans conteste gaulois : le théonyme s'est formé directement sur l'appellation celtique du cheval, epo- (la forme ne peut être latine : on aurait *Equona). A été adjoint un suffixe héonymique -ona, augmentatif et laudatif - qu'on retrouve dans le nom de nombreuses déesses gauloises). Epona était donc pour les Gaulois la « Grande-Équine », la « Divine Écuyère » ou la « Maîtresse des chevaux ».

Elle est parfois entourée d'équidés ; mais elle est plus souvent représentée assise sur une jument (comme sur un trône), perpendiculairement à l'animal, qui se dirige vers la droite. Un poulain peut tirer le cou vers une patère que la déesse lui tend, ou bien téter sa mère. L'un des rares fragments de légende connus de la mythologie gauloise, rapporté d'un écrivain grec du IIe siècle avant J.-C. (un certain Agésilas), relate qu'un dénommé Fulvius Stellus (le « Divin-Stellaire » : traduction latine probable d'un théonyme gaulois) s'était uni à une jument. De leurs amours naquit une fille, devenue déesse des chevaux, et qui a régné depuis sur les populations gauloises. Epona est donc la fille de la Matrice-Jument (la Terre-mère) et du Père souverain, grand cavalier céleste qui a créé l'étincelle de toute vie.

Ayant succédé à ses divins parents (dont elle a les qualités), elle « règne » à présent. De fait, on qualifie Epona, de « Reine » sur plusieurs inscriptions retrouvées dans l'ancien Empire. [...] En Gaule, elle est assez souvent figurée avec un diadème. Alésia fut l'un des hauts lieux où la déesse était révérée [...]. Son souvenir a pu se conserver dans le culte d'une légendaire martyre, sainte « Reine », priée sur les lieux déjà au IVe siècle, et pour toujours présente dans le nom d'Alise-sainte-Reine : ce nom de Reine ne serait-il pas la traduction chrétienne d'un qualificatif gaulois : *Rigantona, la « Grande-Reine », jadis appliqué à Epona ?

La déesse avait reçu de ses mythiques parents l'aptitude divine à donner la vie, le don royal de savoir la nourrir et l développer : elle a symbolisé le pouvoir de génération sur la Terre (et ce pouvoir étant féminin, c'est une déesse qui le représente). Pourquoi l'avoir associé à un équidé ? Si le cheval exprime facilement l'impétuosité des désirs, la jument est normalement perçue comme une reproductrice, une « poulinière », modèle de fertilité (du reste un poulain est souvent représenté auprès d'Epona et de sa jument). Cette image magnifie donc le don de la déesse. Ses fidèles vont lui demander d'appliquer ses qualités généreusement, comme une « Grande-Jument » : en continuant à féconder les existences, en créant aussi la richesse terrienne des épis et des fruits (elle arbore sur ses figurations, corne d'abondance, corbeille de fruits ou patère nourricière). Eponine, fille spirituelle d'Epona (comme ses sœurs Epadumnaca, Epato ou Epaxia) recevra les meilleurs présents de la vie.

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Gérard Poitrenaud, auteur de Cycle et Métamorphoses du dieu cerf (Toulouse : Lucterios, 2014, pages 265-273) consacre une notice à la déesse Epona :


[...] Épona est souvent figurée montant une jument en amazone. Elle semble léviter au-dessus de la monture. Pas de selle. Aucun harnachement autre que le mors et encore rarement. Le cheval marche seul, la déesse est le plus souvent de face, tournée vers le fidèle. Peut-être est-elle emmenée vers un lieu qu’elle ne doit pas voir, ou qu’elle n’a pas besoin de voir, car elle le connaît très bien. Elle tient dans ses mains une corne d’abondance, un épi, une patère ou une corbeille de fruits, qui font d’elle une pourvoyeuse de fertilité et d’abondance17. Elle peut tenir un oiseau, un quadrupède, une couronne ou une clé, comme sur le basrelief de Gannat (ESP. 1818). Mais Hatt propose avec raison d’interpréter cette clé comme celle des enfers, plutôt que comme une quelconque clé d’écurie. Il en trouve la confirmation dans le fait que sur le bas-relief de Várhély, Herecura, la déesse infernale qui accompagne Sucellos, tient aussi une clé, et qu’Épona elle-même tient un flambeau, attribut des divinités funéraires, sur le bas-relief de Néris (Esp. 1562). La clé et le flambeau infernal doivent être mis en rapport avec ses autres attributs. Le thème dynamique lui interdit de n’être qu’une geôlière des enfers, ou d’y demeurer. L’important est le voyage entre ce monde et l’autre. Apporte-t-elle le salut en annonçant ou en provoquant le retour des temps18 ? Le rapport du voyage dans l’autre monde avec l’abondance apportée par la déesse fait penser au mythe de Coré associée au retour printanier de la végétation dans les Mystères d’Éleusis.

D’autres attributs permettent de préciser : le chien, le fouet et le joug d’attelage excluent l’idée d’une délivrance, et font penser au contraire à une déesse dont un des traits principaux est la domination. De même, parmi les titres qui la qualifient, on relèvera Voveria (de sens inconnu, peut-être Volveria « celle qui tourne »), mais surtout Potia (« puissante dame ») et Catona (« batailleuse ») qui correspondent plutôt à une maîtresse dangereuse. Cette domination est-elle en rapport avec la marche « automatique » de sa monture ? Elle est vêtue d’une longue tunique et d’un manteau qui se soulève parfois en auréole derrière sa tête : un mouvement rapide et/ou un caractère céleste, car, précise aussi Jean-Jacques Hatt, la draperie flottante est prêtée par les Romains aux divinités du ciel. Notons en passant que le trait infernal n’exclut pas le trait céleste, ce qui se retrouve chez d’autres divinités « gallo-romaines » comme Sucellos.

[...]

Épona est impliquée dans l’hiérogamie d’un dieu ouranien et d’une jument non moins divine. Mais elle semble être à la fois la mère et la fille. Paul Savignac considère le nom du misogyne comme la traduction d’un nom celte et pense que dans ce mythe la divinité créatrice se confond avec sa création, ou — exprimé autrement — que l’acte créateur et la création ne font qu’un, que cette union cosmique assure la création, l’existence et la permanence de l’univers. Et c’est exactement cette fonction que remplit chez les Celtes l’hiérogamie royale à l’échelle des hommes. Ces éléments conduisent à l’hypothèse que la déesse Épona (« la jument » en gaulois) est la « matrice » qui procure l’abondance sur la terre en s’unissant chaque année avec le « Père souverain, grand cavalier céleste qui a créé l’étincelle de toute vie ». Claude Sterckx a montré que le « rite royal archaïque » n’a rien d’extraordinaire chez les Indoeuropéens.

[...]

La déesse est la mère, l’épouse et la fille du dieu fécondateur. Elle est une mère primordiale qui correspond au Père Universel, comme elle primordial et éternel, de même que Jupiter, père des dieux, est le fils, le frère et l’époux de Junon85. La Déesse-Mère apparaît à la fois comme femme et jument, tandis que son parèdre s’incarne sous la forme d’un jeune garçon ou d’un poulain. On doit en déduire, avec Sterckx, que le Dieu-Père prend également la forme d’un cheval ou d’un cavalier. Ce n’est donc pas un hasard si, comme Lambrechts l’a montré, l’aire de dispersion des reliefs d’Épona coïncide avec celle des monuments du cavalier à l’anguipède. On doit donc envisager en conséquence qu’elle est la variante féminine de l’idée mythique incarnée par le cavalier.

Le lecteur se souvient qu’Épona a été parfois représentée comme une nymphe des sources, notamment en lieu et place du géant anguipède des colonnes au cavalier. Nous avons proposé d’interpréter ces monuments en tant que symbole de la colonne du ciel des Gaulois, phallus et axe du monde à la fois, dont la chute mettrait fin à l’existence de l’univers. Le thème d’Épona montre l’autre côté de la médaille, c’est-à-dire le côté féminin du couple divin primordial ; le point de vue mythique qui peut-être est le plus archaïque. Nombre de reliefs gaulois représentent ce couple sous les traits de Cernunnos, puis de Mercure (dont le côté phallique est bien attesté) en compagnie d’une parèdre dotée d’une corne d’abondance. On le voit sur le relief d’Alésia mentionné plus haut, qui figure Épona à côté d’un Mercure barbu.

Le sujet n’est pas épuisé, tant s’en faut. Mais les indices rassemblés ici montrent au moins que la déesse celte Épona est la parèdre du dieu primordial des Celtes. En bas la jument — la matrice corps, la matière — et en haut le « grand cavalier » — la tête, l’esprit. Leur union charnelle est fondamentalement le principe de la fécondation universelle qui permet à l’univers de se développer, de se maintenir et de ne pas retomber dans le néant. Cette fécondation universelle en action qui ressort au niveau humain dans l’institution de la vierge « porte-pieds » des rois de l’ancienne Irlande me semble la clé principale pour comprendre l’iconographie de la déesse. Il ne s’agit pas seulement de l’acte sexuel des deux divinités. L’union divine est créatrice, mais elle est en même temps la création dans la profusion et dans l’abondance. Elle est donc à la fois la cause et le résultat. On prendra comme dernier exemple la stèle de Kapersburg en Hesse, où Épona tient précieusement dans son giron une coupe vraisemblablement remplie d’eau. Un symbole probable de la matrice. De chaque côté, deux petits chevaux semblent sortir d’elle comme s’ils étaient ses créatures. Ils tiennent un sabot levé devant le feu qui s’élève d’un brasero88. Tout se passe comme si l’union hiérogamique était aussi celle de l’élément masculin, le feu, et de l’élément féminin, l’eau. Un feu et une eau que produit aussi l’acte créateur. On objectera, là aussi trop vite, qu’aucune union hiérogamique n’est représentée sur ce bas relief. Mais l’accouplement est tabou, l’artiste procède par allusions, et il réunit en une seule scène la conception et la naissance, la création et le résultat de la création qui est encore création.

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Symbolisme du Tarot :


Laura Tuan, autrice d'un livret d'accompagnement intitulé Les Tarots celtiques (Éditions De Vecchi S.A., 1998) assimile l'Arcane XX à la déesse gauloise Epona :


La plus ancienne information concernant cette déesse nous vient de Juvénal, au dire duquel son image étati peinte sur les mangeoires des chevaux.

Vénérée surtout dans le cadre militaire, Epona (dont le nom dérive justement du latin equus, cheval) revêt l'apparence d'une reine au galop. Il s'agit donc d'une figure anthropomorphe à cheval (cet animal jouait un rôle fondamental dans la pensée celtique, et il était tabou de le manger ou de lui faire du mal), et non pas d'une divinité véritablement équine, ce qui est en revanche le cas de Rhiannon (Rigantona), dans la version galloise : l'épouse du dieu des morts injustement accusée d'avoir enlevé et tué son jeune enfant Pryderi (et devenue pour cette raison la protectrice des femmes victimes d'injustice) ; ou bien de l'Irlandaise Macha qui contrainte de relever un défi, meurt en donnant le jour à des jumeaux et en maudissant tous les guerriers d'Irlande.

Ses liens avec l'au-delà ressortent néanmoins clairement de la présence des oiseaux, qui chantent à son passage pour réveiller les morts, et de l'attribut qu'elle tient dans la main : la roue du destin et de la renaissance.

La carte : Manteau bleu, cheveux au vent. Epona est une figure sauvage en très étroite relation avec les forces incontrôlées de la nature. Plusieurs espèces d'oiseaux l'accompagnent, dont un hibou, un rossignol et un aigle, qui connaît et transmet la magie, et qui indique la route pour l'au-delà.


Signification ésotérique : Le cheval qui surgit brusquement au galop symbolise le changement.

Seul celui qui renonce à s'attacher et qui se plie à la force du destin, comme l'herbe sous les sabots, vit chaque jour de son existence comme une surprise exaltante. Le mal devient alors le bien, et la joie vient récompenser la douleur : rien dans l'univers ne demeure inchangé : tout se transforme nécessairement, car c'est de la transformation que naît la vie.


Mots-clés : Fatalité - Renaissance - Changement - Destin - Surprise.


A l'endroit : Destin, changement, transformation, évolution, événements positifs, rapides et inattendus - victoire sur les ennemis, réussite, conquête, reprise après une crise - guérison complète et miraculeuse, résolution de tous les problèmes, rajeunissement, satisfaction matérielle ou spirituelle - décisions à prendre sans tarder, occasions à saisir au vol - tournant décisif de l'existence, période propice à de nouvelles initiatives - récompenses, notoriété, jugement définitif, verdict juste, comptes rendus, éclaircissement de doutes ou d'ambiguïtés - protection céleste - lettres, nouvelles, enthousiasme, propagande, prophétie, liberté, ascèse, miracle - génie, idées fulgurantes - personnes retrouvées, bonheur en amour, coup de foudre, tournant d'une relation - changement professionnel, promotion, talent artistique ou littéraire - affaires bien conclues - fin des souffrances, pranothérapie - télévision, radio, voyages en avion.


A l'envers : Besoin d'accepter le destin et de remettre en question des choses considérées comme révolues - renouvellement difficile - décision repoussée, incertitude - frustration, mauvaises nouvelles, déception, crise - exaltation, inconscience, conflits, agitation - injustices, jugement injuste ou défavorable - crise de couple, divorce - procès ajournée, querelles, complications, perte, vol, affaires en suspens - mauvaise santé, accidents, fractures, ictus, tension, stress, abus de ses propres forces, alcoolisme.


Le temps : Samedi - Février.


Signes du zodiaque : Sagittaire - Verseau - Poissons.


Le conseil : n'essayez pas de changer le destin par vos seules forces, laissez le ciel décider pour vous : une intervention venant d'en-haut saura bien renverser votre situation ; remettez-vous-en aux choix du ciel et acceptez ce qu'il vous envoie.

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Festuaire :


Patrice Lajoye, auteur de « A la recherche des fêtes celto-romaines : les inscriptions votives datées », (in Ralph Haeussler et Anthony King (éd.), Continuity and Innovation in Religion in the Roman West, Journal of Roman Archaeology, supplementary series, 67, 2, 2009, pp. 131-147) s'efforce de mieux comprendre le festuaire celtique :


[...] Un grand nombre d'inscriptions votives portent une date. A quoi correspond cette date ? L'inscription est-elle dédiée à n'importe quel moment de l'année ou bien lors de la fête de la divinité ?

Pour essayer de comprendre cela, les inscriptions votives mentionnant à la fois une divinité indigène et une date ont été sélectionnées sur l'ensemble des anciens territoires celtiques et examinées en fonction de leur contexte local (autres inscriptions datées, fêtes chrétiennes ultérieures, éléments topographiques, etc.)


Fête bien attestée par un calendrier : Epona

Epona est attestée ) Guidizzolo par un calendrier rustique sur tuile fragmentaire. Il ne reste que les deuxièmes moitiés des derniers mois, ainsi que la moitié d'une treizième colonne dans laquelle étaient mentionnées les fêtes. Epona est indiquée au 18 décembre. Le reste des fêtes est conforme au calendrier romain.

 

Patrice Lajoye, dans une "Note sur une source antique méconnue concernant le culte d'Epona en Cisalpine" (Etudes celtiques, XLII, 2016, pp. 59-64) donne quelques précisions sur le culte rendu à Epona :

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