Étymologie :
Étymol. ET HIST. − 1611 bot. (Cotgr. : Amanite. The name of a wholesome toadstoole). Empr. au gr. α ̓ μ α ν ι ́ τ η ς « sorte de champignon », Galien, 6, 370 ds Bailly. − Amanitine, 1838 chim. (Ac. Compl. 1842).
Étymol. et Hist. 1. 1596 bot. iouquille [on a proposé de voir dans cette forme une coquille ; notons cependant qu'elle est correctement placée entre jouir et jour] sans indic. de genre (Hulsius) − 1628, Stoer d'apr. FEW t. 5, p. 67a, note 9 ; 1660 ionquille (Oudin Fr.-Esp.) ; 2. 1715 couleur de jonquille (doc. ds J.-J. Guiffrey, Inventaire général du mobilier de la Couronne sous Louis XIV, t. 1, p. 325) ; 1748 adj. de couleur (Livre-journal de Lazare Duvaux, éd. L. Courajod, II, 2 ds IGLF : moulures en vernis jonquille). Empr. à l'esp. junquillo (dep. 1192, Junquello, n. propre d'apr. Cor., s.v. junco ; terme de bot. 1599, Percivale d'apr. Al.), dér. dimin. de junco (jonc*). Le genre fém. du mot fr. a été prob. déterminé par la finale.
Étymol. et Hist.1. Fin xe s. pentecostem « fête chrétienne célébrée le 7edimanche après Pâques » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, glose du v. 475) ; 1119 pentecuste (Philippe de Thaon, Comput, 3305 ds T.-L.) ; fin xiie s. pentecoste (Lai cor, 8, ibid.) ; 2. 1534 « fête juive » (Lefevre d'Etaples, Bible, II, 12, fo394 vo). Du lat. eccl. pentecoste « Pentecôte », gr. π ε ν τ η κ ο σ τ η ́ « cinquantième jour après la Pâque, la Pentecôte », trad. de l'hébreu shābhū ōth « fête des Semaines », c'est-à-dire « la Pentecôte ».
Autres noms : Amanita junquillea - Amanita gemmata - Amanite à pierreries - Amanite gemmée - Amanite perlée - Pentecouste -
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Mycologie :
Marcel Locquin dans Les champignons (Presses Universitaires de France, collection Que sais-je ?, 1979) classe encore l'intoxication causée par l'Amanite jonquille dans ce qu'il nomme :
Les syndromes inconstants : Ils diffèrent des précédents par le fait que l'inconstance dans la toxicité n'est liée ni à la cuisson, ni à la quantité, ni au sujet. Deux ou trois espèces entrent dans cette catégorie, on fera bien de s'abstenir de les consommer : le Paxille enroulé et l'Amanite gemmée, ainsi, peut-être, que l'Hygrophore conique, au moins hors d'Europe (Paxillus involutus, Amanita gemmata, Hygrocybe conicus).
Les troubles commencent deux à trois heures après l'ingestion, comme une gastro-entérite banale, puis vont en s'aggravant, avec troubles circulatoires et cardiaques ; il y a parfois hémolyse et libération dans le sang d'une multitude de gouttelettes graisseuses, conduisant à une véritable embolie graisseuse.
Le pronostic n'est grave qu'avec les sujets faibles ou âgés. Le traitement est celui de l'hémolyse lorsqu'elle existe avec vitamine B6, antiseptiques intestinaux, pansements gastriques.
Dans Les Champignons mortels d'Europe (Collection De Natura Rerum, Éditions Klincksieck, 2015) Xavier Carteret présente et peint à l'aquarelle la belle Amanite Jonquille :
Cette amanite se reconnaîtra d'abord à sa couleur. Dans le genre Amanita, presque toutes les colorations existent - l'espèce bleue n'a pas encore été trouvé. L'amanite jonquille, pourrait-on dire, c'est « la jaune ». Un jaune parfois très pâle (crème), parfois mêlé d'ochracé, ou au contraire un jaune vif, citron, cadmium, voire tirant légèrement sur l'orangé. L'espèce est de taille moyenne, le chapeau n'excédant guère 10 centimètres de large. Sur sa surface, le voile général laisse des traces d'aspect variable : parfois des flocons, mais plus souvent des lambeaux de diverses tailles et localisations. Ces vestiges blancs peuvent manquer totalement. Le reste du champignon est blanc - le pied peut être un peu crème - avec un anneau fragile (pouvant disparaître) et une volve presque membraneuse souvent peu apparente. Enfin, la chair blanche n'exhale aucune odeur bien sensible.
L'amanite jonquille se rencontre dès le printemps, sur terrain acide. Sa poussée est un peu curieuse, car elle se déclenche surtout dans les périodes pauvres du point de vue mycologique. En mai-juin, elle est courante un peu partout, sous les conifères ou les feuillus ; elle pullule particulièrement en lisière des pinèdes sableuses du littoral atlantique et méditerranéen (1). N'ayant pas d'habitat bien défini, on la retrouve en montagne (jusqu'à 1 200 mètre d'altitude), dans les pessières à myrtilles, où elle se raréfie brutalement quand vient la grande poussée automnale.
Toxicité : Cette belle amanite ne doit pas être consommée, car elle est responsable d'intoxications de type « panthérinien ». Sa toxicité précise reste assez mal connue, car elle semble aléatoire.
[...] Le syndrome panthérinien [provoqué par l'amanite panthère] est le même que celui provoqué par l'amanite tue-mouches : relativement court (une demi-heure à trois heures), il se caractérise notamment par des nausées, des vomissements, de la tachycardie, des sensations d'ébriété engendrant des hallucinations puis un état de torpeur, avec risque de coma. Cependant l'intoxication se montre ici plus grave, quelques cas mortels ayant été signalés.
Note : 1) Il existe toutefois, en Méditerranée, un sosie de l'amanite jonquille, l'Amanita gioiosa, plus grosse, croissant sous eucalyptus et un peu dans le maquis, dont la comestibilité est, à ce jour, inconnue.
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Le site MycoCharentes propose une fiche récapitulative :
Usages traditionnels :
Victor Demange, auteur d'« Observations sur la comestibilité de quelques champignons réputés vénéneux ou suspects. » (In : Annales de la Société linnéenne de Lyon, tome 66, Année 1919. 1920. pp. 33-39) partage son expérience culinaire :
Amanita janquillea Quel. Très bonne espèce qui apparaît une des premières dans les forêts siliceuses feuillues ou aiguillées des environs d'Epinal. La poussée du printemps ne peut pas donner lieu à confusion parce qu'elle disparaît avant l'apparition des Amanita citrina. Une deuxième poussée, parfois très abondante survient à l'arrière automne (10 novembre 1918), à ce moment il peut y avoir confusion avec Amanita citrina. Cette confusion ne résiste pas au coup d'œil d'une cuisinière intelligente. Amanita junquillea n'a pas d'odeur spéciale, la chair est nettement jaune sous la cuticule, tandis que Amanita citrina sent le radis et sa chair apparaît blanche sous la pelure. J'ai consommé Amanita junquillea à toutes saisons, sans blanchiment et par grosses quantités sans ressentir jamais aucun malaise.
Julien Costantin, auteur d'un Atlas des Champignons comestibles et vénéneux (1ère édition, 1933 ; Éditions Frédérique Patat, 2016) rend compte de l'ambiguïté qui plane sur l'Amanite jonquille :
Quélet, qui l'a découvert, le signale comme comestible ; cependant Barla rapporte qu'il est commun dans la région de Nice, mais il le donne comme suspect. Sa grande ressemblance avec l'Amanita citrina ou mappa peut prêter à des confusions redoutables : il s'en distingue cependant parce que le bulbe n'est pas globuleux et marginé ; on fera bien de ne pas le consommer.
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Symbolisme :
Selon Lucien Baillaud, auteur d'un article intitulé « Langue parlée, langue écrite : la botanique. » (In : Le Journal de botanique, n°32, 2005, pp. 43-72) :
Les champignons sont peut-être de mauvais chrétiens. À part le nom de "pentecouste" de l’Amanita gemmata (= junquillea), de "peigne blanc de la Saint-Jean" du Russula delica, de mousseron "de la Saint-Georges" et quelques autres "saints", ils sont plus diaboliques qu’angéliques : Boletus satanas, "Œuf du diable" (le jeune Phallus), "oreille de Judas" (Auricularia auricula-judae).
Ce vocabulaire relève d’un esprit aussi simple que des comptines enfantines. Le plus sourcilleux des dévots n’a rien à redire : c’est presque utiliser la nature comme un aide-mémoire du catéchisme.
=> cette dénomination chrétienne de l'Amanite jonquille est-elle due à la période à laquelle on peut cueillir ce champignon ou y a-t-il une autre raison, par exemple liée à ses vertus hallucinogènes ? Ou serait-ce encore pour valider un usage alimentaire de l'Amanite jonquille au contraire des espèces vénéneuses assimilées au diable et à ses acolytes ?
Carole Chauvin-Payan dans le préprint de l'article intitulé "Les noms populaires des champignons dans les populations européennes mycophobes" (Quaderni di Semantica, 2018, Prospettive della semantica / Perspectives on Semantics / Perspectives de la sémantique / Perspectivas de la semántica, pp.159-189 ) rend compte de l'aversion ressentie envers certains champignons :
En Espagne un certain nombre de dénominations issues de la forme latine CACĀRE "chier" sont présentes. [...] La forme linguistique Cacaforra attestée en Galice est construite à partir de CACĀRE et de forrar ‘tapisser un mur’, peut être comprise comme « fourreau de merde ». Cette forme est utilisée pour désigner l’ensemble des amanites. Ainsi, l’amanite panthère AMANITA PANTHERINA est nommée Cacaforra marxa ; l’amanite jonquille AMANITA GEMMATA est nommée Cacaforra dourada ; l’amanite printanière AMANITA VERNA se nomme Cacaforra branca ; l’amanite phalloïde est nommée Cacaforra da morte. Ces différentes désignations nommant les champignons par le terme ‘merde’ sont très péjoratives et sont, à notre sens, le reflet d’une attitude très mycophobe. Selon Pavlovna et Wasson [in Lévi-Strauss, 1973 : 265], nos attitudes d’attraction ou de répulsion vis-à-vis des champignons reflèteraient de très anciennes traditions, remontant aux temps néolithiques, voire même aux temps paléolithiques. Ces anciennes traditions auraient d’abord été refoulées par les invasions celtiques et germaniques, puis par l’arrivée du christianisme. Ces changements successifs ont très certainement amené l’apparition de nouvelles dénominations faisant intervenir les démons, les sorcières ou le diable.
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L'Amanite à pierreries tirerait son nom vernaculaire des petites mèches blanches qui couvrent son chapeau et qui, par temps humide, brillent au soleil comme des pierres précieuses.