Étymologie :
Le nom latin de ces champignons vient du latin Armilla, signifiant bracelet ou collier, armille en français :
ARMILLE, subst. fém.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Apr. 1174 « bracelet » (B. de Ste Maure, Chron. Ducs de Norm., II, 7418, Michel. ds Gdf. : Ses armilles, qu'om bous apele) − xvie s. ds Hug. ; 2. 1611 archit. synon. d'astragale (Cotgr.) ; 3. 1838 astron. plur. (Ac. Compl. 1842). Empr. au lat. armilla, « bracelet » 1 dep. Plaute, Men., 536 ds TLL s.v., 615, 30 ; terme techn. « anneau de fer utilisé dans la construction de différentes machines » dep. Caton, Agr., 21, 4, ibid., 616, 23 ; plus spéc. 3 en lat. médiév. (Albert Le Grand, Cael., 2, 4, 8 ds Mittellat. W. s.v., 966, 29); au sens 3 armille a remplacé armillet, de même sens, 1556 ds Gdf.
Lire également la définition d'armille afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Armillaria mellea - Armillaire couleur de miel - Bolet d'Amourié (Provence) - Cassenado (Languedoc) - Naratake - Piboulado -Pourridié - Tête de méduse - Sauzénado - Souchette - Souchier - Souquarel (Tarn) -
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Mycologie :
Présentation du livre L’armillaire et le pourridié-agaric des végétaux ligneux de Jean-Jacques GUILLAUMIN, coordinateur, avec la collaboration de Philippe LEGRAND, Brigitte LUNG-ESCARMANT et Bernard BOTTON =>
Description :
Chapeau de couleur jaune miel, avec des mèches brunes, appelées aussi squames au centre ;
Stipe fibreux et sinueux, avec un anneau pelucheux ou membraneux, de couleur jaune clair parsemé à sa base de squamules de même couleur. A la base, présence de rhizomorphes noirs très importants ;
Hyménophore à lames adnées à peu décurrentes, blanche à crème puis brunâtres voire tachées de rouille en fin de vie ;
Chair blanche et ferme, fibreuse dans le pied ;
Sporée blanche ;
Odeur agréable de champignon ;
Goût amer ;
Comestible cuit, sans le pied, trop coriace.
Écologie / Répartition :
Lignicole sur bois de feuillus qu'il parasite ;
Très commun.
Voici le résumé d'un article intitulé Les armillaires (ARMILLARIA spp.), champignons indicateurs potentiels de l’ancienneté des forêts de Philippe Legrand (Revue Forestière Française, 2018) :
Les forêts anciennes jouent un rôle clé dans la composition et la diversité de la flore et de la faune, et par conséquent dans la conservation de la biodiversité. L’identification de l’ancienneté et l’établissement de la continuité de l’état boisé sont principalement basés sur les cartes anciennes et les archives forestières. De nombreuses études ont été consacrées aux plantes indicatrices des forêts anciennes, mais peu de données sont disponibles pour les autres groupes taxonomiques. Cet article résume la biologie, l’écologie et la structure des populations des armillaires (Armillaria spp.), champignons parfois pathogènes qui jouent un rôle important dans les écosystèmes forestiers en tant que décomposeurs du bois mort. Plusieurs études menées sur les grands clones d’armillaire, et l’estimation de leur âge, impliquent une association entre armillaires et forêts pendant plusieurs centaines d’années, ou même plusieurs millénaires pour les plus grands clones.
Pour lire l'article complet =>
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Francis Martin, auteur de Sous la forêt, pour survivre il faut des alliés (Éditions humenSciences, 2019) "racont[e] comment les scientifiques ont découvert et étudié ce géant invisible" :
A la fin du siècle dernier, les forestiers chargés de gérer la forêt nationale du Malheur, dans l'Est de l'Oregon, se désespéraient : des centaines d'arbres mouraient, affaiblis par une maladie inconnue. Ils firent alors appel à nos collègues phytopathologistes (les médecins des plantes), afin d'obtenir leur diagnostic. Parcourant la forêt, d'arbre malade en arbre malade, ils eurent la surprise de constater que l'intérieur de tous ces mourants était colonisé par les filaments noirâtres d'un mycète au nom charmant, l'Armillaire couleur de miel. Ce champignon est un agent de décomposition, à l'origine de la « pourriture blanche », qui parasite de nombreux arbres. On le rencontre souvent dans les forêts, om il constitue des groupes impressionnants de plusieurs dizaines d'individus au chapeau couleur miel, recourant les souches en décomposition - d'ailleurs, les forestier l'appellent un « souchier ». [...]
Ce pied et ce chapeau, dont sont dotés les champignons comme l'armillaire, sont l'œuvre d'un organisme beaucoup plus discret constitué de filaments microscopiques, appelés « hyphes », dont le diamètre est d'un à di micromètres - soit lins d'u centième de millimètre. Chacun de ces filaments, dix fois plus fin qu'un cheveu, est totalement invisible à l'œil nu. Mais l'ensemble forme un véritable réseau : le mycélium. Le filament mycélien initial émerge d'une spore sous forme d'un tube germinatif, l'hyphe, qui se multiplie par croissance dans le sol ou les débris végétaux. Ce réseau mycélien, souterrain, dense et ramifié, constitue la partie principale des mycètes : il peut s'étendre sur de vastes surfaces et représenter jusqu'à 99% du poids de chacune de ces entités fongiques. Eh oui, vous n'aviez certainement pas réalisé que lors de vos promenades automnales en forêt, vous marchiez entre les sexes turgescents de champignons ! Le corps de ces organismes échappe au regard, caché sous terre ou dans les arbres en décomposition. Sous vos pieds un monde invisible s'agite, une multitude de microorganismes grouille, vit et meurt.
De façon plus surprenante encore, els fructifications de l'armillaire récoltées par les chercheurs américains dans l'Orégon appartenaient à un seul et même individu, envoyant ses filaments à travers toute la forêt. Les résultats de l'analyse ADN étaient irréfutables : tous les filaments collectés, toutes les fructifications produites sur les souches, présentaient un profil génétique identique. Ce champignon séculaire serait né d'une seule spore, ol y a plus de 8 500 ans ! Les ramifications microscopiques de ce colosse souterrain se propagent sur 10 kilomètres carrés ; sachant que le front de colonisation de l'armillaire se déplace d'une trentaine de centimètres chaque année. Ce vénérable et gigantesque organisme reste le plus souvent invisible au promeneur et au forestier ; il rampe de racine en racine, à travers l'humus couvrant le sol et ne se manifeste à l'œil attentif qu'à l'automne om il génère les milliers de fructifications de l'Armillaire couleur de miel sur les souches des arbres morts. Selon certaines estimations, sa masse totale pourrait bien atteindre mille tonnes.
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Hugues Demeude, dans Les Incroyables Pouvoirs de la Nature (Éditions Arthaud, 2020) nous fait découvrir l'internet mycélien :
Chapitre 9 : Réseaux mycéliens de champignons : un Internet souterrain
Avec sa biomasse évaluée à plusieurs centaines de tonnes, le champignon de l'espèce armillaire couleur de miel qui prospère sous une forêt américaine de l'Oregon est considéré comme l'un des plus grands organismes vivants de la planète.
Il partage la tête de cet improbable palmarès avec le peuplier faux-tremble dont les clones forment la forêt Pando dans l'Utah. Comme lui, sous les fruits en forme de parapluie couleur de miel qui poussent à partir du réseau de filaments souterrains de ce champignon sont génétiquement identiques. Il s'agit donc du même organisme, né d'une même cellule il y a des milliers d'années, qui s'est répandu jusqu'à couvrir aujourd'hui une superficie de 10 kilomètres carrés.
Comment peut-il occuper une telle surface ? Nous retrouvons ces mystérieux champignons dont nous avons détaillé précédemment le rôle fondamental dans les écosystèmes, en particulier celui de nourrir les plantes en développant dans le sol une arborescence de filaments microscopiques qui explorent le milieu souterrain pour y collecter les éléments nutritifs que ces ramifications vont ensuite mette à disposition des racines de la plante ou de l'arbre.
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Usages traditionnels :
Dans le n°8 de Grenoble Mycologie du 8 janvier 2016, Eric Michon propose un article d'ethnomycologie sur les champignons et la guerre, intitulé "Guerre et cèpes" :
Dans les pays anglo-saxons, on désigne par le terme foxfire la lumière produite par les champignons en forêt la nuit. Guillot, dans son « Dictionnaire des Champignons », indique que la lueur des rhizomorphes de l'armillaire couleur de miel permettait aux soldats de la Première Guerre mondiale de lire les lettres et titres de journaux. Les poilus pouvaient lire les gros caractères des journaux grâce aux mycéliums des armillaires qui poussaient en quantité sur les poteaux de soutènement (Jean-Pierre Méra). Omphalotus illudens est connu également pour la phosphorescence de ses lames.
Lors de la Première Guerre mondiale, on a recouvert de bâches de toile opaque des billes de bois luminescentes à cause d'une atteinte par des rhizomorphes d’armillaire de crainte qu’elles ne servent de repères ou de cibles à l’aviation nazie.
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Symbolisme :
Selon Pauline Agator, dans un "Paradigme mycélaire et pouvoir messianique des champignons : une épistémologie de crise. Paul Stamets, Mycelium running : how mushrooms can help save the world. Berkeley : Ten Speed Press, 2005| Anna L. Tsing, Le Champignon de la fin du monde. Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, trad. Philipe Pignarre. Paris : La Découverte, 2017". (Revue d’anthropologie des connaissances, 2020, vol. 14, n°14-4) :
[...] Pourtant, le règne des Fungi est antérieur à tous les autres. Ignorer le mycélium, c'est en quelque sorte ignorer le liant des écosystèmes, entre bactéries, animaux, végétaux et minéraux, dans l'espace et dans le temps. S'il y a antériorité évolutive, il y a aussi primauté évolutive, en ce que le mycélium est un promoteur de vie et un vecteur de colonisation. De nombreux mycologues, explique Stamets, pensent que les Fungi ont donné naissance aux eucaryotes et permis la colonisation des terres par les végétaux. Les Fungi, dont certains représentants sont les plus grands et vieux organismes de la planète (1), ont survécu et assisté à plusieurs extinctions massives d'espèces. Leur grande diversité et leur activité de recyclage, d'épuration et d'enrichissement des sols en font selon Stamets « the interface between life and death » (MR, p. 5). Leur longue histoire évolutive leur confère une richesse génétique et, donc, une capacité d'adaptation et de résilience dont profitent les éco-systèmes : « Fungi are the keystone species (…) which allow future plant and animal generations to flourish. Without fungi, all ecosystem would fail ». Stamets invite alors à exporter les paradigmes au sein desquels travaillent les mycologues, dans d'autres disciplines, et plus largement dans la société. [...]
Note : 1) Armillaria, en Oregon, vieux d'au moins 2200 ans et large de 3,5 kilomètres.
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Dans Le Monde caché, comment les champignons façonnent notre monde et influencent notre vie (Édition originale, 2020 ; traduction française : First Éditions, 2021), Merlin Sheldrake nous invite à reconsidérer notre vision des Fungi :
Les « champignons », terme ambigu utilisé pour désigner aussi bien les fungi (aussi appelés mycètes) que leurs fruits, sont un des règnes du vivant : ils forment une catégorie aussi large et fournie que les « animaux » ou les « plantes ». Les levures microscopiques sont des champignons, tout comme les réseaux tentaculaires de l'armillaire couleur de miel, ou Armillaria, qui compte parmi les plus grands organisme du monde. Le détenteur actuel du record se trouve dans l'Oregon : il pèse plusieurs centaines de tonnes, s'étend sur des kilomètres carrés, et a entre 2000 et 8000 ans. Il existe probablement de nombreux spécimens plus anciens et plus vastes dont nous ignorons l'existence (1).
Note : 1) Ferguson et al (2003). Il existe de nombreux rapports qui font état de gigantesques réseaux d'Armillaria. Une étude par Anderson et al (2018) s'est penchée sur un réseau mycélien du Michigan qui s'étend sur 75 hectares dont l'âge est estimé à 2500 ans et la masse à 400 tonnes minimum. Les chercheurs découvrirent que le fungus présentait un taux de mutation génétique extrêmement faible, ce qui indique qu'il dispose d'un mécanisme pour se protéger contre l'altération de son ADN. Nous ne savons pas exactement comment le fungus est en mesure de garder son génome aussi stable, mais ce facteur contribue probablement à expliquer sa capacité à vivre aussi longtemps.
=> donc symbole de gigantisme et de longévité ; de stabilité également.
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Littérature :
Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque les Armillaires :
21 octobre
(La Bastide)
Un village d'armillaires couleur de miel a envahi la souche. Je suis fasciné par ces champignons, qui m'ont toujours paru trop jaunes pour être honnêtes.
Aujourd'hui, tel l'enfant qui lit Alice, je veux visiter chaque quartier, chaque immeuble de cette cité de rêve. Je veux me perdre en frissonnant dans le dédale des ruelles obscures qui courent entre ces maisons sans portes ni fenêtres - et habitées par qui ?
Demain matin, pourriture !
Les champignons de légende ne seront plus qu'excréments spongieux, fondants, noirâtres, sans autre mystère que celui des fermentations essentielles - redevenus, déjà, terre fertile et mortelle.
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