Étymologie :
Étymol. et Hist. − 1751 astrantia (Encyclop.) ; 1752 astrance (Trév.). Dér. de astre* à cause de la fleur de cette plante en forme d'étoile ; suff. lat. -antia, -ance*.
Étymol. et Hist. 1778 bot. subst. fém. (Lamarck, Flore françoise, no 987, p. 403) ; 1796 hist. nat., adj. « disposé en rayons » (B. des Sc. de la Sté Philomatique de Paris, an IV, p. 110) ; 1803 subst. masc. plur. (Boiste : Radiaires, mollusques dont les organes internes sont disposés en rayons). Dér. sav. du lat. radius « rayon », d'abord « baguette, piquet » ; suff. -aire1*.
Autres noms : Astrantia major - Astrance à grandes feuilles - Astrance à grandes fleurs - Astrance à larges feuilles - Astrancée - Astrance élevée - Astrance majeure - Autruche noire - Étoile des prés - Grande astrance - Grande astrantie - Grande radiaire - Otruche noire - Radiaire comestible - Sanicle de montagne - Sanicle femelle -
Astrantia minor - Petite astrance - Petite astrantie - Petite radiaire - Sanicle de montagne -
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Botanique :
Eugène Rambert, auteur de Les Alpes Suisses : études d'histoire naturelle. (1888) propose une description des deux Astrances des Alpes dans un langage fleuri du XIXe siècle, qui ouvre déjà des perspectives symboliques intéressantes :
Mais au moins cueillerons-nous encore la plante par excellence des Sous-Alpes, la Grande Astrance, bonne fille robuste, qui n'a dans la tenue rien de roturier ni de vulgaire, mais qui ignore également les vaines délicatesses. La tige en est haute et ferme, sans raideur ni légèreté, juste ce qu'il faut pour se faire largement place dans le gazon. De la base se détachent quelques feuilles portées sur de longs supports, amples et digitées ; près du sommet, une autre feuille également digitée simule un involucre, d'où naît un bouquet de pédoncules ayant chacun leur ombelle de fleurs. Les fleurs proprement dites sont très petites ; mais leurs ombelles sont enveloppées d'une sorte de calice collectif, formé d'une ceinture de sépales fermes et consistants, tantôt verdâtres, tantôt blancs ou rosés, qui ne ressemble pas mal à une fraise à la Henri IV. La réunion de ces calices diversement colorés, abritant chacun une gerbe de corolles, qu'on prendrait pour des étamines, est d'un effet original et pittoresque. Les prés où abondent les Grandes Astrances ont un air de gaîté, de propreté rustique et de beau luxe villageois.
[...]
Auprès d'elle fleurit d'ordinaire la Petite Astrance, timide sœur de celle du Pré d'Avant. Ce sont les deux seules astrances de nos Alpes, et l'on reconnaît aussitôt le même type ; mais la seconde a accaparé tout ce qu'il y a dans la famille de sang robuste et de riche santé; au lieu que la première. s'est réservé la grâce exquise, l'élégance, la délicate poésie. On voit de ces partages entre frères ou sœurs. Quelle main légère que celle qui a découpé ces feuilles si bien groupées, et quelle sera la jardi nière aux doigts de fée dont les œuvres pourront rivaliser avec cette fleurette , qui est, à elle seule, une corbeille ? Le vase en est d'un pur albâtre, encore une fraise à la Henri IV, comme dans l'Astrance du Pré d'Avant, mais plus petite, plus déliée, plus transparente ; il s'en dégage tout un bouquet de fines corolles, que des pédoncules élancent à la hauteur convenable, et qui sont assez rapprochées pour l'effet d'ensemble, pas assez pour se gêner et se froisser mutuellement. C'est là le vrai bouquet, aigrette légère, joyeuse gerbe épanouie, et non l'entassement confus de toutes sortes de merveilles étouffées et manquant d'air.
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François Couplan, auteur de Les plantes et leur nom - Histoires insolites (Éditions Quae, 2012) nous en apprend davantage sur le nom de l'Astrance :
Astrance : Apiacées (Ombellifères) Le nom de ces jolies Ombellifères dérive du grec astêr, étoile, par allusion à l’inflorescence en forme d’étoile – une ombelle simple entourée d’un involucre de bractées, exceptionnelle dans cette famille où les ombelles sont généralement doubles.
Dans un article intitulé "Regarder la nature pour développer l’empathie" (Permagazine, 11 mars 2016) Ben Bidules évoque une propriété particulière de la Grande Astrance que mes trop maigres connaissances en physique (et en botanique) ne me permettent pour l'instant pas de comprendre :
"Faire un herbier comme celui disponible au lien ci-dessous (hélas sur un écran…), nous fait comprendre d’où vient notre alimentation et nous donne un minuscule aperçu de l’incroyable diversité qui nous entoure. A partir de ces observations, on a d’abord un émerveillement, une inspiration nouvelle pour des tâches que l’on peut concevoir comme déconnectées du naturel (Pourquoi la thermodynamique devrait-elle se soucier des sépales de la grande astrance ?)."
NB : toutes les explications sont les bienvenues...
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Vertus médicinales :
Sur le site Magic Garden Seeds on peut lire :
[...] En Autriche notamment, la grande astrance est exploitée pour ses propriétés médicinales en herboristerie. Celle-ci est séchée entière et utilisée comme plante à thé, dotée d’un léger effet déshydratant. La racine de la plante, qui a souvent été confondue dans les dossiers médicaux avec celle de l'aralie en raison de sa similarité visuelle, a un effet laxatif et est récoltée en automne. Le principal ingrédient actif est la saponine alpha-héréine, que l'on trouve également dans le lierre.
Sur le site Les Compléments alimentaires, Anita ajoute dans un article daté du 16 novembre 2022 :
La grande astrance fait partie des plantes médicinales européennes, elle agit principalement en tant que diurétique et purgatif, elle est préconisée pour les troubles du transit. La grande radiaire soigne les cas de constipation et elle est un stimulant de l’appétit, à ce titre on la donne aux bétails pour cet effet. Cet herbacé est efficace pour aider à la sécrétion des sucs gastriques.
[...] L’intégralité de la plante prise sous forme d’infusion ou tisane est prescrite pour les cystites à répétition.
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Usages traditionnels :
Jean Henri Jaume Saint-Hilaire, auteur de Plantes de la France : décrites et peintes d'après nature. Vol. 1. (Chez l'auteur, 1808) transmet le savoir suivant :
USAGES. La racine de cette plante est âcre, aromatique, et purgative ; on s'en sert rarement en médecine. C'est une des ombelles dont les fleurs produisent l'effet le plus agréable dans les parterres.
On peut lire dans la Pharmacopée française, ou Code des médicamens. (J.-B. Baillière Libraire-Éditeur, 1827) de Félix-Séverin Ratier :
Isolée, cette plante est sans usage ; elle entre dans les vulnéraires de Suisse.
Selon Marion Tarery, autrice de Les pratiques de cueillette de fleurs sauvages dans les Pyrénées centrales. (2005. Thèse de doctorat) :
La valeur esthétique des fleurs trouve une nouvelle fois sa place dans les paroles des informateurs locaux. Elle renvoie sur certains points à l’argumentation des « découvreurs pédagogique ». Les grosses fleurs fleurissant en grande quantité ont toujours leur succès : « J’aime beaucoup la grande astrance. C’est une fleur très très, une assez grosse fleur et qui est j’sais pas qui est très élégante, très très graphique. Elle est blanche, légèrement rosée. » (Solange), « Y’en a de ces champs, c’est beau. » (Jacques). L’aspect visuel à travers la couleur, la forme, le nombre sensibilise le regard de nombreuses personnes.
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Symbolisme :
D'après Jules Néraud, auteur de La Botanique de l'enfance. Vol. 67. (G. Bridel Libraire-Éditeur, 1847) :
Outre le « Ne m'oubliez pas », ils [les Allemands] ont encore le « Pensez à moi », c'est l'astrance majeure, belle plante de montagnes, à fleurs en ombelle, en collerette de taffetas.
Le même auteur, dans La Botanique de ma fille (Bibliothèque d'éducation et de recréation, 1866) ajoute une raison à cette appellation :
Le Myosotis des marais fournit une jolie petite fleur bleue que les Allemands ont appelée d'un nom encore plus joli : Ne m'oubliez pas. (Ils ont dans leurs montagnes une autre fleur charmante, mais fort différente du Myosotis, c'est l'Astrance majeure ; de peur de se répéter ils l'ont nommée : Pensez à moi.)
Stéphane Chouleur, met en valeur une caractéristique botanique de la Grande Astrance, qui devient symbolique, pour expliquer le choix du nom de son site :
"Astrantia.net est né d’une volonté de partager des concepts, des images, des outils, autour des sciences de la vie et de la Terre.
La Grande Astrance (Astrantia major) est une plante de la famille des Apiacées (Ombellifères), dont l’organisation en ombelles des inflorescences rappelle l’idée de diffusion depuis un point vers plusieurs directions."
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Le site Promesse de fleurs fait de l'étoile des prés une fleur emblématique des jardins de curé :
L'Astrantia major, également appelée grande astrance ou encore grande radiaire, fait partie de ces vivaces emblématiques des jardins de curé. Elle semble surgir un jour d'été dans le jardin, ses drôles de petites ombelles d'une infinie délicatesse, blanches à rosées sont légèrement assombries de nuances vertes. Son charme intemporel opère tout l'été. Originaire de nos régions montagneuses, elle a pour elle sa grâce toute simple, son caractère accommodant et la robustesse des plantes sauvages. Elle se marie à merveille avec toutes les floraisons pastel dans les massifs de vivaces, et fait bonne figure dans les bouquets secs ou frais.
Contes et légendes :
Anita, dans l'article correspondant à la Grande astrance sur le site des Compléments alimentaires, affirme sans pour autant citer ses sources que :
Il a été rapporté parmi les contes et légendes concernant les plantes, que la racine déterrée durant la nuit de la Saint Jean, et que l’on mettait sous le linteau dans l’étable avait pour fonction magique de prémunir le bétail contre toute maladie et accident.
Littérature :
Gérard Genette, Apostille. (Média Diffusion, 2012) :
Astrance.
Dans un coin de prairie, le long du sentier qui menait du portail à la façade « moderne » (en fait, vaguement Directoire) de Launay, poussaient dès le printemps des herbes folles ombellifères (je ne garantis pas cette spécification botanique) dont nul parmi nous ne connaissait le nom véritable et que notre hôtesse baptisait, mi-dédaigneuse mi-attendrie, « fleurs de carotte ». Désireux d'ennoblir un peu la chose, je lui proposai un jour, à tout hasard, le mot plus savant « astrance », qui la fit rêver un peu (c'était bien le moins), mais qu'elle refusa finalement comme trop « poétique » pour si peu de chose, revenant vite à sa désignation cavalière, et sans doute pas beaucoup plus erronée. Sur ce point comme sur d'autres, on ne lui imposait pas facilement un changement de répertoire ou de nomenclature. Je gardai donc pour moi cette aristocratique astrance, que je me promets vainement chaque été de semer au printemps suivant, et qui est devenue entre-temps le nom d'un plutôt chic restaurant parisien, mais j'avoue que l'inexacte et familière « fleur de carotte » me fait un charme plus intense, et plus persistant.
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