J'ai rencontré l'Homme Vert pour la première fois en Cantabrie, en 2007 je crois, lors d'une randonnée avec les élèves du collège Fernand Léger de Saint-Martin d'Hères et mes deux collègues d'espagnol. La ballade était magnifique et nous a permis de découvrir des châtaigniers millénaires tout simplement extraordinaires !
Je me suis adossée au tronc de l'un d'eux et j'ai alors entendu très distinctement :
« Acquiers la sagesse du Vieil Homme Vert : elle se trouve dans les creux et les dépressions. »
Etant donné le contexte que nous traversions.... cette parole tombait à pic et m'a beaucoup aidée...
Puis, j'ai perdu le petit bout de papier sur lequel j'avais hâtivement noté les mots tombés dans mon oreille... et les années ont passé...
Et c'est cet été lors d'une initiation aux Ecoles des Mystères avec Gaël Rosewood et Sabine Mead que ce personnage archétypique s'est de nouveau rappelé à moi. Je n'ai pas encore repris ses enseignements et ne peux rien en dire aujourd'hui....
Mais en rentrant de cette expérience incroyable, je décide de faire un grand ménage dans mes papiers et bouquins et, contre toute attente, je retrouve le petit bout de papier de 2007 !
Tout est en place !!!
Symbolisme :
Anne-Marie Lassallette-Carassou, autrice de « Les ‘Sorciers blancs’ de l’Amérique contemporaine », (Cercles 15 (2006) pp. 96-119) étudie la figure de l'Homme vert, réactualisée par les néopaïens :
[...] . Depuis quelques années, une nouvelle figure masculine accompagnée de ses rituels d’invocation a fait son apparition dans le panthéon et dans l ‘iconographie des néopaïens, celle de l’Homme Vert, ou Green Man (fig. 8). Bien que l’Homme Vert n’ait été découvert que récemment par les néopaïens, toujours à l’affût de nouvelles représentations pour alimenter leur esthétique spirituelle, c’est à la fin des années trente que l’expression Green Man a été forgée et utilisée dans la littérature. On l’y appelle aussi Jack in Green ou Jack of the Green.
Cette figure est gravée dans la pierre de certains ouvrages de maçonnerie datant de l’époque médiévale un peu partout en Europe. On pense qu’elle représente une ancienne divinité de la végétation. L’Homme Vert est décrit et représenté comme « une tête feuillue », c’est-à-dire faite de feuilles et de lianes au milieu desquelles on peut distinguer plus ou moins clairement un visage humain et parfois mi-humain, mi-animal — dans ce dernier cas, la face de la créature est parfois surmontée de cornes à peine visibles qui se fondent dans la végétation. La figure médiévale pourrait être une adaptation d’une autre figure utilisée dans la maçonnerie décorative de l’époque romaine ou bien elle pourrait être d’origine celte, puisqu’elle est très proche de certaines figures représentées dans les entrelacs de pierre des cultures celtes et scandinaves. L’Homme Vert serait alors le Derg Corra (l’homme dans l’arbre) du mythe celte ou une variante de Cerunnos, le dieu-cerf. Mais l’Homme Vert n’est pas une figure strictement européenne puisqu’il apparaît aussi dans les architectures et les iconographies asiatiques, indiennes et arabes. La plupart des néopaïens pensent donc que cette figure ne fait que représenter une idée, celle que l’Homme et la Nature ne font qu’un. Finalement, l’Homme Vert symbolise peut-être simplement la personnification de la nature sauvage. Dans ce cas, ce serait un emblème du principe masculin qui vient contrebalancer le pouvoir écrasant de la Déesse et un symbole d’énergie vitale.
Lorraine de Coppin, autrice de "Le Rire véritablement catholique" (Éditions Beya) évoque l'Homme vert de la tradition islamique :
Selon E. d’Hooghvorst, c’est la filiation des maîtres qui nous transmettent le secret. C’est au printemps, le 25 mars, qu’a lieu la visitation de Marie, qui 9 mois plus tard enfantera le Christ. Nous retrouvons la même chose dans la tradition islamique, où cette filiation est représentée par Al Khidr, l’homme vert, détenteur du secret de Dieu, qui vient nous apporter la bénédiction.
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Clara de Raigniac, dans « Voix & silences de « l’homme sauvage » », (Acta fabula, vol. 22, n° 1, Essais critiques, Janvier 2021) rapproche l'Homme vert de l'Homme sauvage :
L’homme sauvage, dès l’Antiquité comme le note M. Courrént, se rapproche également de l’animal dans son mode de vie ; c’est aussi le cas d’Enkidu dans l’Épopée de Gilgamesh, dont l’apparence (sa nudité, sa pilosité, sa chevelure) et le type de sociabilité (il ne fréquente qu’un troupeau de gazelles), le rapprochent d’abord davantage de l’animal que de l’humain. L’importance du champ lexical de la chevelure et de la pilosité, désignées par les mêmes termes pour parler de l’homme vert en Grèce ancienne (l’adjectif lachnê et les substantifs etheira et phobê), montre aussi les liens étroits entre sphères animale, végétale et humaine. [...]
L’homme sauvage : un homme sylvestre
Sans doute pour ne pas enfermer la figure de l’homme sauvage dans un cadre d’emblée trop restreint, l’étymologie de sauvage n’est pas rappelée en introduction, mais évoquée dans l’article de M. Banniard : la « forêt », silua, « a donné naissance à l’étymon silvaticum, muté en salvaticum en latin parlé tardif, avant de se réaliser sous sa prononciation romane médiévale “salvage/sauvage...” » (p. 86-87). L’homme sauvage, en effet, est d’abord un homme sylvestre, un homme des bois lié à la nature.
La nature, souvent la forêt mais pas seulement, dans laquelle évolue l’homme sauvage implique régulièrement un « état de nature » : le motif recouvre alors la question de « l’homme primitif », en opposition à « l’homme civilisé », la culture étant acquise avec le temps. Dans l’Antiquité, deux conceptions de l’histoire se superposent, rappelées par J.‑C. Carrière et M. Courrént. Le mythe de Prométhée soutient une conception du temps comme progrès, et l’homme sauvage est une figure négative qui vit dans un monde bestial et sans règles ; c’est ainsi que le Barbare antique, tout comme Perceval d’ailleurs dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes avec une opposition médiévale entre nature et norreture, est considéré comme un homme primitif qui n’a pas encore été éduqué. Au contraire, avec le mythe des six âges humains qui s’ouvre par un âge d’or originel idyllique, l’homme sauvage est une figure positive ; de même, dans la conception judéo-chrétienne du temps, la chute entraîne une décadence de l’humanité. C’est dans ce dernier contexte que le mythe du « bon sauvage » replace les peuples colonisés dans un commencement judéo-chrétien édénique ; on renvoie en particulier à certaines images étudiées par Cl. Rousseau, qui illustrent les récits missionnaires dominicains (1650-1750), développées dans le but de faire glisser l’homme sauvage « dans une histoire sainte, temporelle qui, seule, peut absorber l’énigme de ses origines et lui dessiner un avenir acceptable, celui du Salut » (p. 316). L’autrice propose notamment une illustration intitulée « Les Deux Sauvages », où les deux personnages, un homme et une femme presque nu.e.s, sont autour d’un papayer ; le texte confirme la dimension idyllique : les plantes sauvages (et par métaphore, les hommes sauvages) ont « les vrayes vertus & les proprietez dans leur force & dans leur entiere vigueur, que bien souvent nous corrompons par nos artifices, & alterons beaucoup lorsque nous les plantons dans nos jardins » (cité p. 309).
Mais l’homme sauvage sylvestre n’est pas seulement un homme primitif : la nature peut aussi être un lieu parallèle, autre, où l’homme civilisé peut se réfugier et se revivifier. Dans les romans de Chrétien de Troyes, la nature est un instrument d’éducation pour l’homme de la cour, qu’il s’agisse d’Yvain qui devient lui-même un homme sauvage ou des hommes sauvages mis sur le chemin d’Erec. De même, l’ensauvagement des deux chevaliers Partonopeu de Blois et Jehan (héros du Dit du Prunier), tous deux réfugiés dans le pied creux d’un arbre pourri, est une épreuve salvatrice qui leur permet de se recentrer sur eux-mêmes. On peut ajouter un autre exemple médiéval tiré de l’article d’A. Sobczyk : la forêt, pour Marie l’Égyptienne, est un lieu d’expiation et, malgré l’ambiguïté de la nature qui est aussi le lieu des pulsions sexuelles bestiales, « rien ne vaut la nature pour exprimer la transformation profonde du personnage, sa conversion, ainsi que les contrastes entre péché et la sainteté » (p. 101).
Dans le cadre d’un monde industrialisé, la forêt devient ensuite un lieu de repli pour l’homme moderne urbain. Au tournant du xxe siècle, Ch. Brion relève une représentation contrastée de l’homme vert : il est certes, chez Zola, une marque d’enlisement puisque la puissance technique est valorisée pour dominer une nature dysphorique, mais il est aussi, déjà, un symbole de ressourcement chez Hardy, Hesse et Dorset pour une société où l’humain est de plus en plus coupé de luimême14. Cette vision de l’homme sauvage annonce notre fascination moderne pour le terroir et le patrimoine, que l’on retrouve par exemple dans le roman Un peu de bleu dans le paysage de P. Bergounioux ; l’auteur considère la forêt comme un des derniers lieux de retrait possibles :
La sauvagerie, sa racine l’indique, c’est les bois, leur primitif empire sur le corps et l’esprit de ceux qu’ils tiennent captifs. Le contraire, c’est le rêve de pierre des grandes cités, les procédés qu’on observe à la ville, la distinction. L’urbanité.
[...] Plus encore, l’homme sauvage sylvestre est investi d’une puissance particulière ; il peut s’agir de la puissance créatrice de Merlin mais aussi de la résistance héroïque d’Arminius dans le bois de Teutobourg contre l’armée romaine (c’est la fameuse clades Variana). Dans le récit tel qu’il est fait par Cassius Dion, les Germains l’emportent, dans une synergie avec le lieu. En lisant l’article de G. Krulic, qui suit l’article de M. Platon, on comprend que cet épisode devient, à travers Arminius, un mythe fondateur pour une « ethnicité forestière » germanique. [...]
Par ailleurs, l’homme sauvage ne se rattache jamais entièrement au milieu naturel ; l’expression même d’« homme sauvage » est paradoxale, et la complexité de la figure tient du fait qu’il s’agit plutôt d’un homme des « seuils ». On renvoie ainsi au titre de la deuxième partie du recueil. Dans l’Épopée de Gilgamesh, Enkidu passe « de la steppe à la ville » mais également « de la ville à la steppe » dans un aller-retour constant20. À l’autre bout du spectre temporel, l’homme vert meurtrier de la première saison de True Detective incarne une nature forte et violente tandis que les deux détectives qui le poursuivent apparaissent comme des coureurs des bois, colons commerçants du XVIIe siècle, et renvoient à une « nature domestiquée, [à] des surfaces de pelouses tondues et [à] un bâtit plus dense ». La question de la manière dont se fait le passage du seuil, entre nature et culture, peut aisément être interrogée à la lumière du corpus proposé par le recueil. On retiendra un point en particulier : dans deux cas au moins, c’est le « féminin » qui permet d’apaiser l’homme sauvage et de canaliser la force naturelle et violente dont il est porteur. Dans Regain de Giono, étudié par J.‑Y. Laurichesse, c’est Arsule qui, en faisant l’amour avec Panturle, permet de le « ren[dre] à une relation naturelle et sans violence à autrui » : « à l’aube, l’homme sauvage a retrouvé grâce à la femme son humanité » (p. 391‑392). Dans True Detective, M. Maillos et M. Asté mettent en avant un monde dyadique qui oppose christianisme (lié au « masculin » et au « civilisé ») et paganisme (lié au « féminin » et à la « nature ») ; ce n’est que quand le détective Rustin Cohle « abandonne sa virilité lorsqu’il se fait poignarder » que l’opposition est rompue et qu’une renaissance peut se faire, « mais sous une forme non-dyadique, une forme syncrétique en elle-même : Jésus-Christ » (p. 185). Il nous semblerait donc fructueux d’intégrer, dans cette réflexion sur l’homme sauvage sylvestre, des outils issus de la critique écoféministe qui permet notamment de mettre en avant les liens qui ont historiquement été fait entre le « féminin » et la nature, et la puissance spécifiquement féminine qui en découle.
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Symbolisme celte :
Frédéric Armao, dans une thèse intitulée O Samhain Go Bealtaine : Folklores, mythes et origines de la fête de mai en Irlande. (Anthropologie sociale et ethnologie. Université de Lille, 2006) remet en question l'ancienneté de certains rites actuels :
[...] Les protagonistes allument un grand feu de joie ; une Reine de mai couronne un « Homme Vert », censé représenter un dieu ancien de la fertilité ; l’Homme Vert change son costume hivernal pour une tenue plus printanière afin d’annoncer la venue de l’été. C’est peut-être oublier qu’en Ecosse, les Reines de mai furent pratiquement inexistantes et que l’Homme Vert écossais n’existe que dans les fantasmes des plus fervents adeptes des groupements néopaïens. (1) Aux côtés de l’Homme Vert de Calton, on trouve également des « Hommes Bleus » censés faire écho, par leur déguisement, à l’apparat des guerriers pictes et des « Hommes Rouges » dont le rôle consiste à « débaucher » les participants.
Notes : 1) Remarquons cependant que la tradition s’inspire d’une coutume ayant réellement existé, mais certainement pas en Ecosse. Voir infra, pour des exemples de personnages que l’on pourrait apparenter à ces « Hommes Verts » (en l’occurrence le « Feuillu » (2), voire le personnage carnavalesque portant le nom d’« Homme sauvage » en France) à savoir certains personnages portant des vêtements décorés de feuilles et de fleurs, que l’on retrouve notamment en Angleterre (Jack-in-the-Green), en France et dans un grand nombre de traditions de mai continentales. Pour la France, voir notamment Le Folklore français, Op. cit., pp. 1240-50.
2) Le terme « Feuillu » ou « Moussu », désigne un jeune garçon (plus rarement une jeune fille) habillé de verdure « qui représente manifestement le renouveau de la végétation et qui est conduit en tête du cortège de quête. [...] La théorie agraire de Mannhardt-Frazer est [ici] pleinement valable ». Le Folklore français, Ibid., p. 1240 ; voir Ibid., pp. 1240-50.
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Anecdote historique :
Charles Joisten, dans un article intitulé "De quelques sources d'influences dans la formation des récits légendaires alpestres". (Arts et traditions populaires, 1970, vol. 18, no 1/3, pp. 141-158) fait un parallèle entre un épisode historique et la légende du Comte vert :
Parmi les innombrables faits de toute nature qui ont, à différentes époques, plus ou moins vivement frappé l'imagination des hommes, quelques-uns ont joué un rôle dans la formation et l'évolution des légendes ; tantôt ils ont pu donner naissance à des légendes nouvelles, tantôt ils ont pu se greffer sur des légendes déjà existantes en leur redonnant vie, en les enrichissant, en modifiant éventuellement leur sens ou leur forme. Dans la plupart des cas, une fois engagés dans le processus de folklorisation, ces faits ont continué d'être mémorisés grâce aux seuls rouages de la transmission orale, sans le concours de l'imprimerie. [...]
Le Comte Vert : D'après la Chronique de Jean d'Orreville, citée par Francesco Cognasso («), Amédée VI, comte de Savoie, reçut le surnom de Comte Vert à la suite d'un grand tournoi qui eut lieu en 1353 à Bourg (au Verney, à Chambéry, selon Costa de Beauregard), tournoi au cours duquel Amédée VI et ses compagnons apparurent vêtus de vert de la tête aux pieds, s'appelant eux-mêmes les « Chevaliers verts ». Outre les chevaliers, leurs chevaux et leurs dames étaient également couverts de soie verte. Cette couleur, dont le choix peut s'expliquer par l'influence des romans de chevalerie (la cour de Savoie s'était constituée en « Ordre de la Table Ronde ») et par une question de mode propre à l'époque, finit, chez Amédée VI, par tout submerger : chambre à coucher, tentes de camps, voiles de navires qui prirent part à la croisade de 1366..
Peu après le « transport » du Dauphiné à la France (1343), Jean le Bon, roi de France, et Amédée VI, signent les traités de Paris (1355) par lesquels le dauphin cède le Faucigny à la Savoie et reçoit en échange les possessions savoyardes enclavées du Viennois. La population du Faucigny, restée très attachée aux dauphins, refuse de se soumettre à son nouveau maître. Deux expéditions militaires, qui se succèdent dans l'année 1355, sont nécessaires au Comte Vert pour conquérir la province insoumise. La première de ces « chevauchées » ou « cavalcades » était forte de plus de 14.000 hommes. « Ce devait être un beau spectacle que cette forêt d'hommes d'armes adoubés de toutes pièces, mais revêtus d'armures diverses », écrit Lavorel.
Spectacle frappant, en effet, puisque six siècles après ces événements, des récits légendaires courent encore dans le Faucigny soit sur la Bande du Comte Vert (cavaliers sans tête montés sur des chevaux sans tête) - thème proche de celui de la Chasse Sauvage - soit sur un mystérieux Homme Vert chevauchant une monture de la même couleur, que le curé d'Arâches « conjura en oiseau ». On ne peut s'empêcher de penser à l'hutzeran du Pays de Vaud, sorte de génie des forêts tout habillé de vert, à certains esprits et au diable en personne que l'on se représente parfois, en Haute-Savoie, entièrement vêtus de vert.
Un des documents les plus étonnants a été recueilli à Samoëns, en 1964, auprès d'un cultivateur âgé de 89 ans. Selon ce dernier, les gens de la goga (francs-maçons, magiciens) se réunissaient, la nuit, dans des bosquets où on les entendait crier : « Nous sommes la Bande des Contreverts, nous sommes quatorze mille cinq cents ! ». Si le nom du Comte Vert se trouve légèrement déformé, la concordance du chiffre donné par la légende avec le nombre réel des hommes qui composèrent la première « cavalcade » de 1355, ne laisse pas de surprendre.
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Contes et légendes :
Savinien Lapointe, dans Il était un fois... contes. (Lemerre, 1853) rapporte un conte dont l'Homme vert est le personnage principal :
Jean-François Bladé collecte des Contes populaires de la Gascogne. (Vol. 19. Maisonneuve frères et C. Leclerc, 1886) dont deux évoquent l'Homme Vert :
LE ROI DES CORBEAUX
Il y avait, une fois, un homme qui était vert comme l'herbe, et qui n'avait qu'un œil , au beau milieu du front. Cet Homme Vert demeurait au bord du bois du Ramier, dans une vieille maison. Avec lui, vivaient ses trois filles : l'aînée belle comme le jour, la cadette plus belle que l'aînée ; la dernière, qui n'avait que dix ans, plus belle que les deux autres.
Un soir d'hiver, l'Homme Vert était à sa fenêtre. La nuit venait, et la brume montait de la rivière du Gers. Tout à coup, il se fit un grand bruit d'ailes. Un oiseau, grand comme un taureau, et noir comme l'âtre, vint se jucher au bord de la fenêtre.
« Couac ! couac ! couac ! Je suis le Roi des Corbeaux.
- Roi des Corbeaux, que me veux-tu ?
- Couac ! couac ! couac ! Homme Vert, je veux une de tes trois filles en mariage.
- Roi des Corbeaux, attends-moi là . »
L'Homme Vert s'en alla dans la chambre de ses trois filles.
« Mes filles, écoutez. Le Roi des Corbeaux est venu. Il veut une de vous trois en mariage.
- Père, dit l'aînée , je me suis fiancée, il y a bientôt un an, avec le fils du roi d'Espagne, qui était venu acheter des mules, à Lectoure, le jour de la foire de la Saint-Martin . Hier, mon galant m'a fait dire, par un pèlerin de Saint-Jacques, qu'il viendrait bientôt me chercher, pour me mener dans son pays. Vous voyez bien, père, que je ne peux pas épouser le Roi des Corbeaux.
- Père, dit la cadette, je me suis fiancée, il y bientôt un an, avec le fils du Roi des Iles de la mer. Hier, mon galant m'a fait dire, par un matelot de Bordeaux, qu'il viendrait bientôt me chercher, pour me mener dans son pays. Vous voyez bien, père, que je ne peux pas épouser le Roi des Corbeaux. >>
Alors, l'Homme Vert regarda sa dernière fille. En la voyant toute jeunette, il prit pitié d'elle, et pensa :
« Si je marie cet enfant au Roi des Corbeaux, je suis damné pour toujours, comme ceux qui meurent sans confession. »
Donc, l'Homme Vert ne demanda rien à sa dernière fille, et revint trouver le Roi des Corbeaux, toujours juché sur le bord de la fenêtre.
« Roi des Corbeaux, aucune de mes filles ne veut de toi. >>
Alors, le Roi des Corbeaux entra dans une terrible colère. D'un grand coup de bec, il creva l'œil que l'Homme Vert avait au beau milieu du front. Puis, il s'envola dans la brume. L'Homme Vert se mit à crier, comme un possédé du Diable. A ces cris, ses trois filles accoururent. .
« Père, qu'avez-vous ? Qui vous a crevé l'œil.
- C'est le Roi des Corbeaux. Toutes trois, vous l'avez refusé en mariage.
- Père, dit la dernière fille, je ne suis pas née pour vous démentir. Pourtant, je n'ai pas refusé le Roi des Corbeaux en mariage. =>
Autre conte mettant en scène l'Homme Vert
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