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III. L'Impératrice / Matrona




Étymologie :


  • MATRONE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1223 « femme d'âge mur et de caractère grave » (Gautier de Coinci, Miracles de Nostre Dame, II mir. 16, 172, éd. V. F. Koenig, IV, p.90) ; 2. 1340 « sage-femme » (Miracles de Nostre Dame, éd. G. Paris et U. Robert, I, 92) ; 3. 1352-56 antiq. romaine « mère de famille » (Bersuire, Tite-Live,, B.N. 20312 ter, fo66 ds Gdf. Compl.) ; 4. 1718 ``(Le Roux, p. 325 : on se sert de ce mot satyriquement, pour dire maquerelle, Dame d'honneur de bordel, gouvernante qui élève des jeunes filles à la débauche) ; 5. 1835 (Ac. : Il se dit quelquefois, par plaisanterie, d'une femme d'un certain âge, d'une certaine gravité). Empr. au lat. matrona « femme mariée, dame ; mère de famille » (de mater « mère »).


Lire également la définition de matrone afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Symbolisme :


Voici la présentation du Tarot du Sepher de Moïse qui met en avant les lames du Livre de Thot :


Lame du nombre 3 - lettre hébraïque Guimel - l’Impératrice


Le Nombre Trois, l’Impératrice dans le livre de Thoth ; le Destin du Ternaire Divin ; dans l’Ennéade Héliopolitaine le Trois est Tefnout. C’est aussi la séduction et la manifestation des désirs, qui sera le principe des Formes animées qui ne pourront se manifester dans la sphère temporelle qu’en recevant la Conscience animatrice du Deux. La réunion de la Forme à la Conscience se faisant suivant l’état d’évolution karmique de cette dernière. Unification sans laquelle ni la Forme ni la Conscience ne pourraient se cristalliser, et resteraient en dissolution dans l’Océan infini du non manifesté le Zéro. Sur le plan planétaire Vénus sera la manifestation symbolique de ce pouvoir séducteur et attractif qui viendra attirer l’âme-de-vie dans la matière et le mâle vers la femelle, afin de permettre une fructification concrète. Le Nombre Trois est aussi un feu destructeur, celui qui va décomposer l’enveloppe qui protège le germe pour lui permettre son développement dans sa terre matricielle. Feu que nous retrouvons dans les passions amoureuses dévorantes, comme l’était la déesse Sekmet à tête de lionne de l’ancienne Égypte et qui personnalisait le principe de la puissance ignée du Nombre Trois. La couleur verte attribuée à Vénus sera aussi celle de la végétation dont la puissance du Nombre Trois est, au travers de l’arbre de vie, la fonction transformatrice par la métamorphose des formes. Il est donc, par cette fonction, le Nombre de la Magie Sacrée celui des miracles de la Nature qui parvient à unir le visible et l’invisible l’esprit et la matière, le haut et le bas, le subtil et l’épais, le fixe et le volatile.

Eliphas Levi s’agissant du Nombre Trois écrivait : Le ternaire est le dogme universel.

En magie, principe, réalisation, adaptation ; en alchimie, azoth, incorporation, transmutation : en théologie, Dieu, incarnation, rédemption ; dans l’âme humaine, pensée, amour et action ; dans la famille, père, mère et enfant. Le ternaire est le but et l’expression suprême de l’amour : on ne se cherche à deux que pour devenir trois.

Il y a trois mondes intelligibles qui correspondent les uns avec les autres par l’analogie hiérarchique : Le monde naturel ou physique, le monde spirituel ou métaphysique, et le monde divin ou religieux.

De ce principe résulte la hiérarchie des esprits divisés en trois ordres, et subdivisés dans ces trois ordres toujours par ternaire.

Toutes ces révélations sont des déductions logiques des premières notions mathématiques de l’être et du nombre. L’unité, pour devenir active, doit se multiplier. Un principe indivisible, immobile et infécond, serait l’unité morte et incompréhensible.

Si Dieu n’était qu’un, il ne serait jamais créateur ni père. S’il était deux, il y aurait antagonisme ou division dans l’infini, et ce serait le partage ou la mort de toute chose possible : il est donc trois pour créer de lui-même et à son image la multitude infinie des êtres et des nombres. Ainsi il est réellement unique en lui-même et triple dans notre conception, ce qui nous le fait voir aussi triple en lui-même et unique dans notre intelligence et dans notre amour.

Ceci est un mystère pour le croyant et une nécessité logique pour l’initié aux sciences absolues et réelles. Je ne m’attarderai pas davantage sur les implications du Ternaire Divin (Un, Deux, Trois), que j’ai suffisamment développé tant dans ce tome II, que dans le tome I, juste une précision qu’il convient de conserver à l’esprit, le Nombre Un, le Nombre Deux, et le Trois ne peuvent se concevoir séparément ; la création ne se manifeste que polarisée et dans les limites de temps et d’espace d’une forme, ce Ternaire étant un principe, il est contingent et toujours invisible et constitue la fameuse et universelle Sainte Trinité. Trinité que définit si bien le Ta-Tô-King :


Mes yeux s’écarquillent, et je ne le vois pas: il s’appelle l’Invisible. Mon ouïe est en alerte, et je ne l’entends pas : il s’appelle l’Inaudible. Mes mains se tendent et ne rencontrent rien : il s’appelle l’Impalpable. Trois aspects indéfinis qui font l’unité. En haut il n’est pas lumineux, en bas il n’est pas obscur. Son éternité défie même le temps. Il n’a pas de nom. Il vient d’un monde où rien de sensible n’existe. Car la lumière appelle l’obscurité et l’obscurité existe par la lumière. Le Tao est une forme sans forme, une image sans image. Il est l’Indéterminé. Si l’on marche devant lui, on ne voit pas son principe. Si l’on va derrière lui, il paraît sans fin. En suivant l’antique voie, on maîtrise le présent. Car le Tao est le fil qui guide l’homme à travers le temps.


Le Nombre Trois a pour lettre hébraïque Guimel, nom divin Gadol (qui agit par les forces Aralym).

Vocabulaire radical de La langue hébraïque restituée :


Ce caractère appartient, en qualité de consonne, à la touche gutturale. Celui par lequel je le transcris, est d’une invention assez moderne, et lui répond assez imparfaitement. Plutarque nous apprend que ce fut un certain Carvilius, qui le premier, ayant ouvert une école à Rome, inventa, ou introduisit la lettre G, pour distinguer le double son du C : on se servait avant du C tout seul, au moyen duquel on représentait le G des Grecs. Comme image symbolique le Guimel hébraïque peint la gorge de l’homme, tout conduit, tout canal, tout objet creux et profond. Employé comme signe grammatical, il exprime l’enveloppement organique, et sert à produire toutes les idées dérivant des organes corporels et de leur action. Son nombre arithmétique est 3.

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Marie-Claire a la gentillesse de partager avec nous son travail de condensation par extraits choisis des Méditations sur les 22 Arcanes Majeures du Tarot d'un auteur qui a préféré garder l'anonymat (Éditions Aubier, 1980, 1984) :


Arcane III : L’Impératrice

L’enseignement du troisième Arcane "l’Impératrice" se rapporte à la Magie sacrée ou divine. Sa couronne à deux étages, son sceptre et son bouclier (l’écu avec l’aigle en envol) sont les trois instruments de son pouvoir :


- La couronne : c’est pouvoir être doublement heureux de servir à la fois ce qui est en haut et ce qui est en bas. C’est le pouvoir du divin sur la conscience. Le "Mage" sert de point de contact et de point de concentration terrestre par l’opération conçue, voulue et mise en action en haut et porte la couronne de la légitimité de la Magie sacrée. La Magie sacrée est la puissance de l’amour née de l’union dans l’amour de la volonté divine et de la volonté humaine puisque l’Amour agit partout où il existe. C’est la mise en pratique de la révélation mystique ! D’abord le contact réel avec le divin (mystique) puis prise de conscience de ce contact (gnose) et enfin, la mise en œuvre de ce que la révélation mystique a fait connaître comme étant la tâche à accomplir et la méthode à suivre. La Magie sacrée est l’enfant de la Mystique et de la Gnose.


- Le sceptre : il est formé de trois parties : une croix, un globe formé de deux coupes et une baguette terminée par une petite boule en forme de gland. La coupe surmontée de sa croix tournée vers le bas est la volonté divine, la coupe supportée par la baguette tournée vers le haut est la volonté humaine. Leur union active est le sceptre ou le pouvoir de la conscience sur la force. Cette puissance résulte de l’influx de la croix qui coule de la coupe supérieure dans la coupe inférieure vide et de là descend par la baguette pour se concentrer à son extrémité comme un gland ou comme une goutte. Le Saint-Sang d’en-haut se concentre et devient une goutte de sang humain par la parole et l’action humaines. C’est le Saint-Graal, l’Eucharistie Mystique !!! Aucune parole, aucune action n’est vraiment sincère quand elle n’est que cérébrale et qu’elle n’est pas une saignée vitale. L’Amour est plus fort que l’Etre nous enseigne la Papesse. Lorsqu’il arrive que le désir humain soit en accord avec le désir divin, le Saint-Sang s’unit alors à l’essence vitale du sang humain et le mystère du Dieu- Homme se répète et, de même, se réitère la puissance miraculeuse du Dieu-Homme. C’est là que réside la puissance de la Magie sacrée !


- L’écu : le but de la Magie sacrée est représenté par l’écu avec l’aigle (bouclier). Le but est l’action libératrice ou la restauration de la liberté pour les êtres qui l’ont perdue. L’Aigle en vol du bouclier symbolise la devise " Rendre la liberté à quiconque est esclave". Elle n’a pas d’autre but que de rendre la liberté de voir, d’entendre, de marcher, de vivre, de poursuivre son idéal et d’être véritablement soi-même càd de rendre la vue aux aveugles… L’objet de la Magie sacrée est plus que la guérison pure et simple, c’est la restauration de la liberté y compris la libération de l’emprise du doute, de la peur, de la haine, de l’apathie et du désespoir. Que l’on ne craigne pas le diable mais que l’on craigne ses propres penchants pervers indépendants de la volonté consciente humaine et tendant à l’asservir (névroses d’obsession… peurs…idées fixes…) C’est le pouvoir de l’énergie sur la masse, du volatil sur le lourd… L’Impératrice est là pour sublimer la matière (l’écu remplace le Livre).


- Le cathèdre : il représente la place et le rôle de la Magie sacrée dans le monde qui trouve sa raison d’être dans la chute car elle est la vie telle qu’elle fut avant la chute. Le dossier de la cathèdre ressemble à deux ailes pétrifiées qui attendent d’être libérées par l’action manifestée de la Magie sacrée. Les formules et les gestes ne sont pas secrets mais il ne faut pas les trahir, ni les profaner. Le Mystère est protégé par la lumière (le Livre) et le secret par l’obscurité (les sciences occultes). L’Arcane est le degré moyen entre le Mystère et le secret. C’est le demi-jour qui le protège car il se cache et se révèle à la fois par le moyen du symbolisme. Ainsi, les Arcanes du Tarot sont des formules rendues visibles et accessibles à tout le monde. Le cathèdre est le phénomène de la Magie sacrée comme il s’est manifesté, se manifeste, se manifestera dans l’Histoire de l’humanité. C’est son corps historique qui révèle son âme et son esprit et montre sa place indiscutable ; formules et gestes magiques, rituels de ses opérations universelles qui transcendent le temps et l’espace (sept sacrements de l’Eglise…), personnes qui ont la mission et le don de perpétuer la Tradition de la Magie Sacrée.


Pierre dit : "Enée ! Jésus-Christ te guérit, lève toi et fais toi-même ton lit !" Rendre au paralysé la mobilité est l’action libératrice représentée par l’Aigle sur l’écu ; réaliser la guérison par la parole seule "la voix pleine de sang… la parole vivante…" est mettre en jeu le sceptre surmonté par la croix ; l’accomplir au nom de Jésus-Christ, c’est avoir la tête couronnée du divin, c’est l’autorisation divine de la Magie ! Le Logos, le fils du Père devait s’incarner, devenir le Dieu-Homme pour accomplir l’œuvre suprême de la magie sacrée, l’œuvre de la Rédemption, l’œuvre d’Amour ! Cet œuvre exigeait l’union parfaite dans l’amour de deux volontés distinctes et libres ; la volonté divine et la volonté humaine, le généré résultant de l’union d’un principe générateur et d’un principe générant. Les miracles exigent deux volontés unies pour qu’une puissance nouvelle naisse chaque fois qu’il y a unité de la volonté divine et de la volonté humaine.

Cette action perpétuelle libératrice constructive de la Vie était - et est encore - la fonction de la Magie sacrée ou divine. Et c’est cette fonction transformatrice opposée à la fonction destructrice de la mort que la Genèse désigne par "l’Arbre de Vie". L’Impératrice est l’Arcane de la Vie telle qu’elle fut avant la chute et, en même temps, celui de la génération verticale d’avant la chute "du plan supérieur au plan inférieur" au lieu de la génération horizontale qui s’accomplit sur un seul plan. Or la chute avait changé le destin de l’humanité en ce sens que l’union Mystique fut remplacée par la lutte et l’effort, la Gnose par la souffrance et la recherche de sens et la Magie sacrée par la mort qui libère la conscience par la destruction des formes qui l’enferment. Les effets de la chute peuvent être surmontés, le chemin de l’évolution humaine peut redevenir celui de l’union Mystique, de larévélation reflétée immédiatement (la Gnose) et de la Magie sacrée où la vie transformatrice peut reprendre la place de la mort destructrice.

"Je suis la Voie, la Vérité et la Vie !" C’est bien le résumé des trois premiers Arcanes ; l’Arcane de la vraie Voie ou de la spontanéité Mystique (union sans effort), l’Arcane de la Vérité révélée ou de la Gnose (révélation directe sans souffrance) et de l’Arcane de Vie transformatrice ou de la Magie sacrée où il n’y a plus de mort. La Magie sacrée est donc l’Arbre de Vie qui se manifeste dans le miracle universel de l’histoire humaine ! La vie n’est qu’une série de miracles si nous entendons par miracle l’effet visible d’une cause invisible ou l’effet sur le plan inférieur dû à une cause située sur un plan supérieur. L’Arbre de Vie est le Grand-Œuvre de la Magie sacrée ! L’Arbre est la synthèse vivante de la lumière céleste et des éléments de la Terre. C’est la synthèse du ciel et de la terre ! Il synthétise constamment ce qui descend d’en-haut et ce qui monte d’en-bas. Le Grand-Œuvre est donc l’état de l’être humain qui est paix, alliance, harmonie et collaboration avec la Vie. C’est le fruit de l’Arbre de Vie ! Au lieu d’avancer la main pour se servir et prendre, l’homme ouvre son intellect, son cœur et sa volonté pour recevoir l’inspiration, l’illumination et l’intuition qu’il cherche (on ne trouve que ce que l’on cherche). Dons d’en-haut précédés de la volonté humaine en vue de devenir digne de les recevoir. L’Arbre de Vie est l’unité ou synthèse de la conscience, de la force et de la matière. Il reflète l’Unité de la Sainte Trinité "générateur, générant et généré"… il est en même temps l’Unité de la Mystique, de la Gnose et de la Magie. Il arrive que la conscience humaine sépare l’inséparable en oubliant l’Unité. C’est alors que la Magie de l’Impératrice séparée de la Gnose de la Papesse et de la Mystique du Bateleur cesse d’être la Magie sacrée.

C’est parce qu’au commencement était le Verbe et que toutes choses lui doivent leurs existences et parce que le Verbe primordial vibre encore en tout ce qui vit, que le monde vit encore et qu’il y a un élan vital qui n’est autre chose que l’Amour, l’Espérance et la Foi inspirés par le Verbe Créateur. Vouloir vivre !!! Quelle profession de Foi ! Quelle manifestation d’Espérance ! Quelle ardeur d’Amour ! La Foi (expérience du souffle divin) est la source du pouvoir magique (tous les miracles de l’Evangile lui sont attribués). Les révélations de la Gnose n’ont qu’un but : donner, préserver et accroître l’Espérance (expérience de la lumière divine). La mystique est un feu sans réflexion qui est l’union avec le divin dans l’Amour (expérience du feu divin).


L’Arcane de la magie sacrée nous invite à prendre le chemin de la régénération, à nous démécaniser pour devenir Mage. On devient mage en devenant essentiel comme l’est le sang "est sang ciel" dans notre organisme vivant. La magie sacrée est toute entière Vie… la Vie telle qu’elle se révèle dans le Mystère du Sang… l’être entièrement vivant dans lequel il n’y a rien de mécanique. L’Impératrice exprime le mystère de l’union de la volonté divine et de la volonté humaine dans l’élément sang. Le Sang, dans son triple sens Mystique, Gnostique et Magique, est le sceptre ou la puissance de la Magie sacrée. L’Impératrice est l’Arcane du Mystère de l’Incarnation du Verbe toujours renouvelé.


Attention : Il y a trois sortes de magie nous avertit le Bateleur ; la magie où le mage est l’instrument de la puissance divine, c’est la Magie sacrée… la magie où le mage lui-même est source de l’opération magique, c’est la magie personnelle… la magie où le mage est l’instrument de forces élémentaires ou d’autres forces obscures de l’inconscient, c’est la sorcellerie.

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Dans LE TAROT ET LES TECHNIQUES INITIATIQUES ou Comment se construire un programme de préparation aux techniques initiatiques par le Tarot (Éditions Phosphénisme, 1997), Jean Tan Ham nous éclaire sur sa vision de l'Impératrice :


III. L'IMPÉRATRICE


Jeune femme ailée, de face, dévoilée, dynamique, portant un spectre et un blason à aigle déployé, blanc sur fond rouge, le pied posé sur un croissant de lune inversé, auréolée d'étoiles et portant une couronne.

Les ailes, omniprésentes dans le tarot, évoquent d'une part l'exe rcice de pensée rythmée et symétrique, et d'autre part l'effet d'élévation dans l'espace qui se produit souvent à l'endormissement (inversement, au réveil, l'esprit réintègre le corps par une sensation de chute).

Rêve et rythme sont intimement liés. Le pied, posé sur la lune, symbole de l'inconscient (la lueur qui perce la nuit est l'équivalent de la conscience onirique qui surgit dans le sommeil), démontre la pleine maîtrise (impératrice-sceptre) du personnage sur son imaginaire.

L'aigle est l'animal qui, sur un plan mythique, est capable de fixer le soleil (technique Phosphénique) et dont le vol lent et majestueux évoque l'ambiance feutrée du rêve et des sensations d'envol (reprise du symbole des ailes).

Riche du programme entraînement qui lui a été enseigné par la Papesse, l'Impératrice apparaît au grand jour, épanouie, active…


MYTHOLOGIE : La princesse des contes de fées.


DIVINATION : L'épouse (mystique ?) ; La femme, à la fois inspiratrice par son intuition et active.


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Alexandro Jodorowsky et Marianne Costa, dans La Voie du Tarot (Éditions Albin Michel, 2004) nous proposent leur interprétation personnelle de l'Impératrice :


III. L'Impératrice

Eclatement créatif ; Expression.


L'Impératrice, comme toutes les cartes du degré 3, signifie un éclatement sans expérience.

Tout ce qui était accumulé dans le degré 2 explose de façon foudroyante, sans savoir où aller. C'est le passage de la virginité à la créativité, c'est l'œuf qui s'ouvre à la vie et laisse sortir le poussin. En ce sens, L'Impératrice renvoie à l'énergie de l'adolescence, avec sa force vitale extrême sa séduction, son manque d'expérience. C'est aussi une période de la vie où on est en pleine croissance, où le corps a un potentiel de régénération exceptionnel. C'est aussi l'âge de la puberté, la découverte du désir et de la puissance sexuelle.

L'Impératrice tient son sceptre, élément de pouvoir, appuyé contre la région du sexe. Sous sa main, on voit pousser un petite feuille verte : elle pourrait représenter la nature naturante, un printemps perpétuel. La petite tache jaune qui ferme le bâton du sceptre indique que son pouvoir créatif s'exerce avec une grande intelligence. Les jambes ouvertes, très à l'aise dan sa chair, on pourrait la voir dans une position d'accouchement, comme si après un processus de gestation elle accouchait d'elle-même. A son côté, sur la droite de la carte, on découvre une pile baptismale : elle est prête à baptiser ou à être baptisée, célébrant incessamment dans la vie comme une naissance sans cesse renouvelée. La Lune croissante qui se dessine dans sa robe rouge renvoie à la réceptivité de La Papesse. Elle nous rappelle ainsi que nous ne sommes pas à l'origine de notre force sexuelle et créative, mais qu'il s'agit d'une énergie cosmique ou divine qui nous traverse. Sa réceptivité à cette puissance est symbolisée par le trône bleu clair qui dépasse derrière ses épaules comme une paire d'ailes célestes. C'est dans cette réceptivité que L'Impératrice puise toute sa force, toute sa séduction et sa beauté.


Mots-clefs : Fécondité - Créativité - Séduction - Désir - Pouvoir - Sentiments - Enthousiasme - Nature - Elégance - Abondance - Moisson - Beauté - Eclosion - Adolescence.

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Sur le site de Philippe Camoin, on peut trouver un petit fascicule intitulé Le Tarot de Marseille restauré ou "L'Art du Tarot" par Alexandro Jodorowsky qui propose une liste de mots clefs impressionnante, glanés selon les œuvres de différents auteurs :


III. L'IMPÉRATRICE


Intelligence créatrice - Harmonie - Fécondité - Expansion de la nature - Gestation - Vie éternellement mobile - Union entre la mort et la naissance - Mère possessive - Amour humain - Famille - Prostituée - Belle femme - Femme dominatrice qui utilise ses attraits sexuels - Enceinte - On veut lui enlever son enfant - Cache sa masculinité - Gorge - Matière dominant l'esprit - Incarnation - Puissance évolutive de la matière fécondée - Vierge Marie enceinte - Force libre de la nature - Désir au-delà du bien et du mal - Illusion du monde - Justifie sa vie par la maternité - Ne laisse pas croître - Problèmes dans le ventre - Initiative - Inaction -Séduction - Envie du pouvoir - Difficulté de concentration - Stérilité - Recettes - Pertes - Transmission - Dissémination - Division - Folies sensuelles - Mère-Nature - Intelligence lumineuse - Glande pinéale - Fécondité universelle de l'Être Suprême - Esprit droit dans l'activité productive - Succès - Aphrodisiaque - Principe inactif qui doit devenir actif - Bonheur - Plaisir - Réalisation - Charme - Élégance - Luxure - Orgie - Sentiments - Émotions - Dévorée par ses enfants - Malveillance - Compréhension - Foi - Obéissance à l'instinct et à l'intellect - Union - Désir irrésistible - Force contre laquelle on ne peut lutter - Tristesse maternelle - Solitude - Nymphomanie - Indulgence envers soi-même - Extravagance - Illumination - Semence dans l'obscurité. - Pensée amoureuse - Nouveautés - Cadeaux - Lettres - Instructions - Matrice des civilisations - Festivités publiques - Violence - Haine de l'homme - Fermentation - Vanité - Orgueil - Amante - Hypersensitivité - Domine sexuellement n'importe quel homme - Orgasme intense - Porte des plaisirs sexuels - Action potentielle qui s'actualise - Retour à Dieu - Désirer ce qui est juste - Destruction - Avortement - Stérilité - Domine le macrocosme - Activités productives et génératrices de l'Inconscient - Multiplie les images - Déesse de l'amour - Richesse - Mariage - Fertilité pour les laboureurs - Bonne récolte - Perte des possessions matérielles - Fin de la guerre et de la faim - Instabilité psychologique - Homosexuel - Imagination créatrice - Pénétration de la matière par la connaissance des choses pratiques - Compréhension de l'âme des êtres - Refuge - Espérance - Situation meilleure - Discussions - Confusion - Sensible aux flatteries - Matérialisation du verbe - Sel de la terre - Principe transformateur - Vie extérieure - Matrice - Moule - Matriarcat - Mer - Créer des fils charnels et spirituels - Digestion - Inspiration supérieure - Paralysie - Autodestruction - Obscurité - Nuit - Société - Bienfaitrice - Voleuse - Stabilité domestique - Retard dans le progrès - Apothéose mystique réalisée dans la fermentation - Courtoisie - Source vitale - Main qui prend - Circulation - Relations occultes - Union de l'astral et du physique - Déterminisme - Dévotion - Sans âme - Servile - Femme célèbre ou de haut rang - Pensée perçue non encore exprimée - Étude - Savoir - Douceur - Coquetterie - Sœur - Femme d'affaires - Infidélité -

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Symbolisme celte :


Le Tarot de Merlin (The Aquarian Press, 1992 ; Éditions Véga 2004 pour la traduction française) proposé par R.-J. Stewart et illustré par Miranda Gray ne conserve pas l'ordre traditionnel du Tarot de Marseille, ni même celui du Rider Waite :


L'Impératrice - XIX


Monde : Le Monde Solaire.


Roue : La Deuxième Roue, Justice (connecte Justice et la Première Roue, Destinée).


Êtres : Anges - L'Archange solaire - Êtres du monde intérieur et ex-humains.


Conscience : Énergies solaires anaboliques ou constructrices incarnées dans une conscience individuelle ou une conscience collective.


Atouts partenaires : Partenaire Polaire : le Gardien - Harmonique supérieur : l'Empereur.


Sphères et Planètes : Sphères : 4e et 7e, Merci et Victoire - Planètes : Jupiter et Vénus.


Attributs : Pouvoirs positifs, donateurs, généreux et favorables. - Émotions positives ou saines dans la conscience humaine. - Les forces vitales sont attirées l'une vers l'autre et se développent vers la forme.


Formes du Dieu et de la Déesse : Jupiter et Vénus, les déités qui confèrent les bénédictions - La Dame des Fleurs (ou de Nature). - La Déesse du Don.


Phrases clefs : Victoire miséricordieuse - Déesse compatissante - Dame des Fleurs, donatrice de vie -


Textes relatifs à Merlin : Vision prophétique de Merlin : Une jeune fille visualise la contrée au moyen de forces mystérieuses - Vita Merlini : la Femme de Merlin Gwendoloena.


Sens divinatoire : Indique un état ou une position positive, donatrice. Peut avoir trait aux émotions ou aux partenaires personnels, ou symboliser une situation créative ou bénéfique. Tend à indiquer des situations dans lesquelles l'attention ou la culture sont requises pour réaliser le potentiel inhérent, mais cela varie selon la position et les autres cartes du tirage.


Cartes numérotées apparentées : Les Quatre et les Sept.

Quatre : Trêve - Générosité - Promesse - Accroissement.

Sept : Malhonnêteté - Capacité - Humour - Attention.

 

Dans le livret accompagnant le jeu de cartes du Tarot des Druides de Philip et Stephanie Carr-Gomm (Édition originale 2004 ; traduction française : Édition Véga, 2014), on trouve le petit texte explicatif suivant à propos de l'archétype de la Mère, qu'ils préfèrent nommer "La Dame" :


Le Message : Ouvrez-vous au pouvoir nourricier de la Déesse. Ce pouvoir vous remplira de passion et de créativité et vous permettra de jouir d'une vie d'abondance et de plaisir sensuel.


Mots-clefs : Fertilité - Passion - Créativité - Sensualité - Attention - Maternité - Beauté - Bonheur - Guérison.


Signification : S'ouvrir à l'amour, à la confiance et à l'abondance -

- Passion sexuelle ou maternelle -

- Suivez les sentiments ou la sensualité plutôt que l'intellect -

- Mariage ou grossesse -

- Cela se manifeste comme une nouvelle relation ou un nouveau cycle de stabilité et d'abondance, ou la conception d'une idée ou d'un désir -

- Les qualités chaleureuses et attentives de la maternité - qu'il s'agisse d'enfants réels ou d'idées, de relations ou de projets. -


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Mots-clefs : Sentiments refoulés - Rationalité - Manque - Obstacle à la créativité - Pauvreté - Stérilité.


Sens inversé : Vous devez aborder tous les défis de votre vie avec une approche calme, rationnelle - Sentiments refoulés, particulièrement la sexualité - Problèmes d'impuissance ou de stérilité - Ce peut ne pas être un problème physique, mais plutôt des blocages qui perturbent votre capacité à être créatif et efficace dans le monde.

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Selon John Matthews, auteur de L'Oracle celtique, exploration des mondes intérieurs (Ixos Press, 2005 ; Guy Trédaniel Éditeur, 2006) C'est Modron qui est une image de l'archétype de la Mère :


Description : Une femme forte, calme et puissante est assise sur un trône. Elle tient sur ses genoux un panier de pommes. Derrière elle, et de chaque côté, se tiennent des personnages encapuchonnés.


Clé : Conception.


Comme pour la carte précédente [le Père], l'énergie de la Mère est équilibrée par celle du Père. Sa force est généreuse, puissante, maternelle, tempérée par la douceur. Son amour embrasse tout - mais, comme celui du Père, il peut devenir étouffant s'il n'est pas équilibré par sa polarité contraire. Quand on a affaire à des idées ou des projets nouveaux, elle peut donner un conseil avisé et aimant.

Arrière-plan : Dans la tradition galloise, l'histoire de Modron (le nom signifie simplement « mère » ou peut-être « mère divine ») est racontée dans l'histoire de "Cullwch et Olwen", du Mabinogion. L'une des nombreuses tâches du héros est de découvrir où se trouve "Mabon, fils de Modron", l'enfant-dieu qui a été volé à sa mère alors qu'il n'avait que trois mois d'âge.

Caitlin Matthews fait remonter l'histoire à l'époque médiévale, mais, essentiellement, Modron est plutôt un titre qu'un nom : elle est la Mère et comme telle, elle inclut toutes les autres déesses qui possèdent aussi la qualité maternelle. Les déesses mères au triple aspect de la tradition celtique sont appelées les Matrones, et l'on trouve des consécrations à elles dans tout le monde celtique. L'iconographie de la déesse-mère est cependant universelle : enfants, fruits, blé, pain - tous les symboles de la fertilité et d'abondance. Cela se reflète dans le dessin de la carte, qui est fondé en partie sur des statues des Matrones découvertes en Grande-Bretagne.


Voyage : Rendez-vous en un lieu de jardins et de cours d'eau, de prés à l'herbe verte et grasse, et de pommiers aux branches ployant sous le poids de leurs fruits. Ici, sur un petit tertre au milieu d'un cercle d'arbres, est assise Modron. Sur ses genoux sont posés un peigne et des ciseaux, et quand elle vous le demande, vous vous asseyez devant elle, et vous la laissez vous couper les cheveux - une ancienne passation de pouvoirs symbolique, et un signe d'appartenance à sa famille.

Tandis qu'elle coupe, Modron entame un chant calme, dont les paroles et la mélodie s'unissent inextricablement à son travail. Quand elle a fini et devient silencieuse, vous pouvez l'interroger sur vos rêves et ses espoirs d'avenir, et toutes les idées nouvelles que vous avez en tête.

Quand vous revenez à la conscience ordinaire, notez tout ce que vous avez appris dans votre journal.

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Claude Sterckx, auteur de la Mythologie du monde celtique (Éditions Hachette Livre (Marabout), 2009) nous permet de comprendre les différents avatars de la Mère Divine dans le monde celte :


Dans l'Antiquité celte, une  « Divine Ana » (di-ana) était déjà réputée comme la mère de tous les dieux et l'épouse d'un dieu-père jupitérien (c'est-à-dire d'un caractère comparable à celui du Jupiter classique). Cette grande Mère, incarnation de la Terre elle-même, était aussi surnommée Matrona, « la Mère Divine ».

Appelée Ana ou Dana en Irlande, Anna ou Dôn en Galles, elle s'est maintenue comme sainte Anne, la « grand-mère de tous les Bretons », en Armorique.

Sa fécondation par le dieu/géniteur/créateur n'est pas un acte ponctuel mais un processus constant : la déesse est conc constamment vierge (puisque chaque instant est un nouveau microcosme temporel) et mère.

Les dieux d'Irlande sont canoniquement étiquetés comme les Tuatha Dé Danann : « les Lignages issus de la déesse Dana », et, de fait, tous les textes confirment que cette déesse était leur mère à tous.

Son nom, analogue au mot grec chthon, « le sol, la terre » (que l'on retrouve dans le français « chtonien »), la fait bien reconnaître comme une incarnation de la Terre elle-même, ce que confirment son autre appellation fréquente - Ana  « la Mère, la Nourrice » -, sa présentation comme celle qui assure la nourriture des occupants du monde, son identification même au microcosme irlandais et celle, encore aujourd'hui, de deux collines du Munster à ses seins.

L'identification de mamelons naturels aux seins de la Terre-mère n'a rien d'exceptionnel. Plusieurs en France conservent des noms d'origine gauloise et témoignent ainsi de leur assimilation antique à des seins ou des mamelles de la Terre : les collines de Bron (Rhône), Bronne (Marne), etc.

[...]

Si l'Irlandaise Dana/Ana, la Galloise Dôn/Anna, l'Armoricaine Anne, la Diane gauloise... peuvent ainsi être reconnues comme les formes locales de la grande Mère, il ne fait guère de doute que c'est aussi cette dernière que désignent les appellations spécifiques de « Mère » que connaissent toutes les traditions brittoniques.

L'Antiquité celte compte ainsi parmi ses divinités les plus invoquées Matrona (latinisation du gaulois matir,  « mère », magnifié par le suffixe théonymique -ona), plus souvent même détriplée en trois Matronae ou Matres ( « les Mères » en latin). Tout comme l'Iffy et la Boyne irlandaises gardent des noms d'Eithne Boinn, la Downy galloise celui de Dôn, le Danube peut-être celui d'une Dana antique, Matrona a laissé son nom a plusieurs cours d'eau, dont la Marne. Les représentations la montrent le plus souvent sous l'aspect d'une triple déesse du destin, analogue au trios des Parques grecques ou des Nornes scandinaves. En témoignent leurs attributs : le grand livre (ou plutôt ce qui en tient lieu à l'époque : un rouleau) où tout est écrit, le fuseau qui file les destinées, la balance, la barque assurant le passage vers l'au-delà... et leurs visages d'âges différents qui représentent la jeunesse, la maturité et la vieillesse, ou la naissance, la vie et la mort...

La Matrona antique survit indubitablement dans la mythologie galloise sous les noms de Madrun et de Modron. La première est associée à une Annun, censée être sa servante : comme Madrun est une évolution de Matrona, Annun serait une évolution d'une Annona, « Divine Anna ». La seconde ne joue aucun rôle dans les légendes conservées et n'y apparaît que comme la mère d'un Mabon, dont le nom est une évolution de Maponos,  « le Fils Divin », un dieu bien attesté dans l'Antiquité celte. La Matrona antique survit pareillement dans la tradition cornouaillaise qui associe une famille de saints manifestement très peu « catholiques » : sainte Modron - est-ce un hasard si l'église du village qui porte son nom est dédiée à ... saint Materne ?-, saint Mabyn et un saint Guron dont le nom dérive d'un Vironos, « le Divin Mari ».

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François-Joseph Onda, auteur d'une thèse intitulée Le féminin dans les paysages pré-chrétiens irlandais. (Archéologie et Préhistoire. Université Rennes 2, 2012. Français.) nous renseigne sur la triplicité de la Déesse Mère :


Les Celtes voyaient dans les courbes des collines, dans le cours des rivières et dans les sources qui parsèment le pays, les lignes du corps de la déesse-mère, ainsi que certains de ses organes vitaux.

[...]

Il est apparu que le terme « Cailleach » en lui-même ne faisait clairement référence qu’à l’une des trois apparences physiques que cette figure féminine peut revêtir, celle de « La vieille femme » (les autres aspects étant ceux de « La mère » et de « La jeune fille/La vierge »). Cette triplicité physique se retrouve dans la figure de Cailleach Bheara et fait écho au fonctionnement en triade des autres divinités féminines de la mythologie celte.

[...]

On voit bien que ces trois aspects de Cailleach illustrent les trois âges de la femme : vieillesse/sagesse, maturité/maternité et jeunesse/virginité. La terre d’Irlande étant très fortement associée au corps de la déesse, nous pouvons dès lors déduire que ces trois phases correspondent également aux changements visibles qui s’opèrent dans la nature au fil des saisons. De ce fait, on peut établir un lien entre les phases de Cailleach/la femme/la terre d’Irlande et l’alternance cyclique des phases biologiques du monde végétal et animal. Ceci montre clairement les similitudes qui existent entre la déesse et la nature, au sens le plus large du terme, et nous permet de les rapprocher l’une de l’autre. En effet, ces trois phases, qui transforment de la même façon l’aspect du paysage et celui de la femme, correspondent aux trois étapes du cycle de la vie : une période de latence et de gestation en automne/hiver, une période de jaillissement de la vie au printemps et enfin, une période de maturation en été. L’ordre dans lequel apparaissent les différents aspects de Cailleach, tel qu’il nous est donné à lire par exemple dans le mythe mettant en scène Niall aux neuf otages, et qui est relaté par Patricia Monaghan, (d’abord « La vieille femme », suivie de « La jeune fille » et de « La mère »), reflète la façon dont les Celtes envisageaient le monde qui les entourait. Cette conception particulière se retrouve dans leur façon d’appréhender la vie, et plus précisément le lien étroit qu’ils lui reconnaissaient avec la mort. Elle se retrouve également dans leur façon de mesurer le temps, puisque la nuit était pour eux le commencement, l’origine et la source de toute forme de vie, et c’est pourquoi ils la considéraient comme une phase clef, et le point de repère absolu.

[...]

Cailleach elle-même reflète symboliquement ce fonctionnement cyclique car, elle a la capacité de se régénérer et de se perpétuer sous la forme de « La jeune fille », qui elle-même devient « La mère » puis « La vieille femme » et ainsi de suite. Nous voyons ainsi que les trois phases de Cailleach se superposent au découpage de l’année en fonction des quatre fêtes rituelles célébrées par les Celtes insulaires. Le découpage que nous proposons ici montre que la phase de « La vieille femme » correspond à la période qui commence à Lughnasagh et qui se termine à Imbolc ; la phase de « La jeune fille » commence alors, pour se terminer à Bealtaine. A ce moment-là commence la période qui correspond à celle de « La mère », qui prend fin à Lughnasagh, fête rituelle qui correspond au point culminant de la maturation (« et donc l’ouverture de la période d’abondance »), mais également au début du déclin. [...] Cette vieille femme préside aux moissons et laisse mourir ce qui n’est plus productif, rappelant ainsi son lien avec la mort et la rapprochant de son essence hivernale. [...] Cailleach nous apparaît sous cette forme comme la gardienne des forces vitales de la nature et de ce fait, comme protectrice de la fertilité et de l’abondance, ce qui nous permet de la rapprocher des déesses de la triade d’Ériu. Elle préside au changement, au renouveau de la vie issue de l’obscurité gestatrice.

[...]

Cailleach, ancienne déesse de la terre, comporte également un élément de fécondité, illustrée par les récits de Maeve et de Derbforgaill, où elle est présentée aussi comme déesse-mère, du fait du fonctionnement en prisme des différents mythes constitutifs de la mythologie pré-chrétienne irlandaise. En effet, les lacs que Cailleach a créés sont source de vie, cette fécondité tient au fait que les lacs sont créés de son urine, fluide féminin à connotation sexuelle. C’est pourquoi, pour les Celtes, fleuves, rivières et lacs étaient traditionnellement associés à des figures divines féminines, qui symbolisaient le rapprochement entre les fluides féminins et l’eau vitale.

[...]

L’océan, organe vital de la déesse : Nous avons remarqué que les eaux des fleuves et rivières étaient considérées respectivement comme le sang et les veines de la déesse. Mais nous pouvons aller encore plus loin dans l’élaboration de ce tableau métaphorique, jusqu’à « reconstituer » le corps de la déesse, et plus précisément ce que l’on peut considérer comme étant son « système circulatoire » symbolique, au travers de l’association d’un élément topographique (l’océan) et de l’influence de l’astre lunaire. L’interaction de ces deux éléments donne naissance au phénomène naturel des marées, dont nous allons analyser la symbolique corporelle pour les populations pré-chrétiennes de l’île dans son ensemble. En effet, les fleuves (les veines) se dirigent vers l’océan où les eaux (le sang) se régénèrent. Selon cette configuration, l’océan, symbole des eaux abyssales, de l’origine de la vie ainsi que de la régénérescence, est assimilable au cœur, organe vital par excellence. De ce fait, tout ce réseau aquatique constitue symboliquement le système cardio-vasculaire de la déesse-mère.

[...]

Conclusion : [...] Pour ce qui est des Celtes, nous avons montré que la matrifocalité s’exprimait aussi au travers des figures de plusieurs déesses transfonctionnelles (majoritairement organisées en triades) qui sont la mère du monde mortel (incluant les hommes, les animaux et les végétaux), mais également la mère du monde divin. Rappelons à cet égard l’exemple d’Anu, qui est la mère du peuple divin des Tuatha Dé Danann, comme l’indique le nom de la tribu. Citons également l’exemple de Brigid donné par Françoise Le Roux et Christian-Joseph Guyonvarc’h qui précisent qu’elle « est présentée dans le Glossaire de Cormac sous l’appellation mater deorum Hibernensium ou “la mère des dieux de l’Irlande” ». Ajoutons enfin que la déesse était conçue comme celle qui engendre également la terre même (naturelle ou mégalithique), complétant ainsi son portrait de « mère cosmique ». Les déesses celtes éponymes (ou celles représentant une même fonction) déclinent donc les diverses facettes d’une seule et même déesse trivalente qui serait la déesse-mère. Celle-ci ne se manifeste jamais de façon concrète ni dans sa plénitude mais toujours sous son aspect fragmenté qui correspond à la situation ou au thème abordé. La multiplicité des figures divines celtes reflète la complexité du monde, chacune d’entre elles symbolisant des concepts abstraits tels que la fécondité, l’abondance, la vie, la mort, mais aussi les activités humaines ou avancements technologiques (l’agriculture, la guerre, la ferronnerie par exemple), les éléments naturels constitutifs des paysages, qui peuvent se révéler effrayants car parfois destructeurs (à savoir la mer, les rivières et les lacs). Toutes ces figures divines sont unifiées et regroupées en une seule entité qui fonctionne comme un prisme, ce qui la rend intelligible et plus accessible à l’homme. La déesse-mère, quel que soit l’aspect sous lequel elle apparaît ou le domaine dans lequel elle intervient, est une force vitale, une dynamique, une source de changement et de prospérité.

La conception d’une déesse-mère unique tripliquée, dont chaque composante symbolise les trois fonctions primordiales inhérentes à la mère, explique le caractère féminin de la projection mythique effectuée par les Celtes sur le paysage insulaire. La « triple triplicité » de la construction mythologique propre à un grand nombre de sociétés archaïques indo-européennes (dont celle des Celtes), représente « la perfection de la perfection, l’ordre dans l’ordre, l’unité dans l’unité, […] la plénitude, […] le symbole de la multiplicité faisant retour à l’unité et, par extension, celui de la solidarité cosmique » [Chevalier et Gheerbrant]. La symbolique du chiffre neuf met ainsi l’accent sur la fonction structurante de l’ensemble des déesses qui, toutes, influent sur chacun des domaines de la vie. Cette fonction, on l’a vu, se répercutait sur la formation géophysique du territoire, l’organisation sociale, politique, militaire et magico-religieuse du peuple. Elle permettait la répétition infinie et par conséquent la permanence infinie de toute chose. C’était ce rapprochement de l’éternité qui donnait accès au divin. Ceci est résumé par une autre symbolique du neuf que rappellent Jean Chevalier et Alain Gheerbrant. Ils précisent que ce chiffre,

étant le dernier de la série des chiffres, annonce à la fois une fin et un recommencement, c’est-à-dire une transposition sur un nouveau plan. On retrouverait ici l’idée de nouvelle naissance et de germination, en même temps que celle de mort. […] Dernier des nombres de l’univers manifesté, il ouvre la phase des transmutations. Il exprime la fin d’un cycle, l’achèvement d’une course, la fermeture de la boucle.


Annexes : Brigit/Brigid : Sainte Brigit est l’évhémérisation de la déesse Brigid. Le terme lui-même semble plutôt faire référence à un titre honorifique qu’à une déesse en particulier. Fille de Daghdha, elle est célébrée dans le calendrier chrétien le 1er février, ce qui correspond au festival d’Imbolc du calendrier celte. Elle initie la saison estivale et représente l’une des phases de Cailleach, à savoir celle de « La Jeune Fille ».

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Kristoffer Hugues, dans Les secrets du tarot celtique (Llewellyn Publications, 2017 ; Éditions De Vinci, 2021) présente ainsi l'Impératrice :


Niché dans les bras aimants de la Mère,

Et gracieux de la Nature, vous ne craignez rien.


Affirmation : Je suis le début et la fin.


Mots-clefs : Maternité - Nature - Abondance.


Je trône dans les champs arrivés à maturité, mon flanc est plein de la vie de la terre. Des graines tombent de ma main, dons de la première moisson, mais la vie elle-même est un cadeau des dieux. Remarquez le sang carmin qui contraste avec le maïs asséché, exprimant le mystère de la maternité - car je suis ventre et tombeau, berceau et caveau. Vous aurez toujours besoin de moi, et je serai toujours là pour vous. Je vous apporte l'abondance. Comme les glands de l'Arbre du Monde, allez, poussez, grandissez, soyez tout ce que vous pouvez être.

Je suis votre mère ; je suis la terre. Louez-moi, mais ne me traitez pas durement, car vous aurez toujours plus besoin de moi que je n'aurai besoin de vous. Je contemple le passage du temps et vois dans les courants de la vie plus de mystère et de sens qu'un enfant ne devrait savoir, mais ne vous éloignez pas. Vous pouvez m'aimer, et je peux vous aimer en retour, mais sachez que je sais me montrer sauvage. Je vous fais percevoir la divinité et la joie maximales, car je suis la nature indomptée. Ne cherchez pas à m'apprivoiser, car je suis votre mère, douce mais impitoyable. Les grands magiciens du Royaume Blanc surgissent de mes entrailles, leurs bâtons dressés entre la mer, la terre et le ciel. Les saisons défilent sur moi ; regardez-moi et vous connaîtrez le vrai cœur du mystère, car tout ce qui est visible et invisible peut être perçu à travers ma beauté.


Interprétation : Pendant les neuf mois que dure une grossesse, on ne peut rien faire d'autre qu'attendre. Lorsque la Mère (l'Impératrice) apparaît dans un tirage, elle suggère que certaines choses sont hors de notre contrôle - dans les mains de la nature, si vous préférez. L'inaction a peut-être autant d'intérêt que l'action, car il faut laisser la nature suivre son cours. Laissez votre intuition vous guider ; écoutez attentivement ce que vous disent votre instinct et vos sens. Cette lame représente l'accouchement et la préservation - le fait de donner vie à quelque chose, au sens strict du terme ou par le biais de la création.

Toutefois, si la lame est inversée, la Mère signale que quelque chose est coincé, que le flux naturel des choses est gêné. A l'image du passage des saisons, tout a sa place dans le temps, alors qu'est-ce qui, dans cette situation, peut bien stagner ?

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Symbolisme alchimique :


Hervé Delboy dans Le Tarot alchimique dévoile la signification de l'Arcane III :


Troisième carte, l'Impératrice représente la force motrice et l'intelligence souveraine par laquelle : « vit tout ce qui vit ».


Cette image doit être rapprochée de la planche IX du De Lapide Philosophorum de Lambsprinck qui lui est superposable. Mais le Mercure terrassant le dragon est ici remplacé par l'oiseau fabuleux que l'on aperçoit sur l'écu que nous présente la Mère cosmique à laquelle est souvent comparée l'Impératrice. Observez le bourdon et l'emblème de la stibine des Sages, autrement nommée l'antimoine saturnin d'Artephius ou le stibium de Jacques Tol. Plusieurs alchimistes croient encore qu'il s'agit du sulfure d'antimoine vulgaire ; Fulcanelli a mis en garde l'étudiant contre le danger qu'il y a à trop vouloir prendre les textes alchimiques par le Verbe, alors qu'ils doivent être lus par l'Esprit. On présente l'Impératrice assise sur un trône de couleur chair, les cheveux blancs ; elle revêt une tunique bleue sur une robe rouge. C'est un aigle qu'elle tient sur son écusson [sur l'aigle, cf. recherche] ; cet aigle désigne l'élément EAU et non l'élément AIR comme on le croit trop souvent [cf. lame XXI]. On a interprété la stibine comme :


« l'âme intellectuelle, l'influence ascensionnelle ou spiritualisante, l'esprit se dégageant de la matière, l'évolution, la rédemption. »


Sans vraiment confirmer ces réflexions qui nous paraissent un peu confuses, voilà ce que l'on peut ajouter : l'âme intellectuelle représente le Soufre rouge dissous dans le Mercure philosophique, désignant le Compost ; il est certain qu'à un moment du 3ème œuvre, l'Esprit va commencer à se sublimer, c'est-à-dire à s'évaporer, déterminant dans la solution sursaturée le début de la cristallisation : c'est ce que l'on l'appelle l'incarnation de l'Âme ou, si l'on préfère, l'envenimation du Monde [cf. Jamblique et Festugière]. Sur Isis, à laquelle on a comparé l'Impératrice, cf. Atalanta fugiens. C'est la Vertu de la Force qui est symbolisée avant tout et cette lame de tarot a déjà été commentée dans la section des Gardes du Corps, lorsque nous avons évoqué Court de Gébelin. Nous avions d'ailleurs assimilé l'Impératrice non pas tant à Isis qu'à Minerve. L'Impératrice, au plan alchimique, représente donc le Mercure philosophique, dument préparé et animé sous l'espèce de l'aliment qui nourrit le Rebis : il s'agit du Lait de Vierge. L'Impératrice, comme le dit à propos M. Carneiro, incarne la Vierge blanche, comme la Papesse incarnait la Vierge noire, correspondant au sujet primitif brut, tel qu'il est tiré des gîtes miniers. Ici, l'Aigle et la stibine sont les deux ingrédients dont l'Artiste aura besoin pour nourrir sa matière avant la renaissance du phénix. Toutefois, il faut noter que dans le tarot de Dodal, 1715, conservé à la bnf, l'aigle est noir et la stibine possède une croix patée dont nous avons parlé dans la section des Gardes du Corps. Papus, d'après ce qu'en rapporte Jollivet-Castelot, écrivait que :


« l'Impératrice, nous indique le Saint-Esprit, médiateur plastique, lien entre Force et Matière, fixe et volatil, le Sel ou Mouvement (vau) général. » [Opuscule..., le Tarot alchimique, cap. II, p. 67]


Ce n'était pas mal trouvé : mais il faut traduire ; la Force représente le Soufre rouge en puissance, le rayon igné solaire que l'Artiste doit capter dans un écrin, désigné ici par la Matière et peut-être aussi par le Sel [nous sommes à peu près certain que Papus ne voulait pas désigner le Corps de la Pierre ou Soufre blanc, mais le hasard fait parfois bien les choses...]. Quant au Saint-Esprit, il désigne évidemment le Mercure philosophique, à l'œuvre en plein du signe de la Balance jusqu'au signe du Verseau inclus.

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Littérature :


Dans son roman intitulé L'Île des âmes (Rizzoli de Mondalori Libri S.p.A., 2019 ; Éditions Gallmeister, 2021), Piergiorgio Pulixi explique les particularités du culte de la Déesse-Mère en Sardaigne :


- Selon un anthropologue que j'ai contacté, l'homicide représentait un sacrifice semblable à ceux pratiqués dans l'Antiquité en l'honneur de Dionysos, dieu de la végétation en plus d'être celui de l'ivresse et de l'extase, qui chaque année renaissait au printemps et réveillait la terre et dont les bons auspices étaient indispensables pour obtenir de la pluie et des récoltes abondantes.

- Mais Dionysos n'était pas une divinité grecque ? Quel rapport avec la Sardaigne ? demanda Mara.

- Son culte s'est propagé dans l'île avec les migrations mycéniennes et grecques. Mais il vaut peut-être mieux revenir un peu en arrière. Eva, que sais-tu de la civilisation nuragique ?

- Pas grand-chose, si ce n'est que c'est une des plus anciennes du bassin méditerranéen.

- Pour te la faire courte, elle s'est développée en Sardaigne entre le deuxième et le premier millénaire avant Jésus-Christ, principalement durant l'âge du Bronze. En réalité, la période prénuragique - celle qui nous intéresse en premier lieu - recouvre une séquence temporelle incroyable. Durant cette période, les Sardes prénuragiques, auxquels les archéologues associent la culture dite d'Ozieri, pratiquaient une religion animiste particulière qui provenait vraisemblablement de l'archipel des Cyclades. Ils adoraient le soleil et le taureau, symboles de force masculine, et la lune et la Méditerranée, signes de fertilité féminine.

- C'est-à-dire la Déesse-mère ? demanda Rais.

- Exactement. A l'instar de l'Europe à la même époque ou du Proche-Orient, il est aujourd'hui attesté qu'il existait alors en Sardaigne un culte de la Déesse-mère prenant racine dans le Paléolithique, qui fut observé pendant tout le Néolithique. Initialement, cette Déesse-mère évoquait une divinité primitive, la seule à détenir le secret de la vie. Un être spirituel capable d'une part de soulager l'événement traumatique de la mort, de l'autre de garantir la vie après le trépas. On la disait née par parthénogenèse, sans la médiation d'un élément masculin qui...

- Hé là, arrête-toi une seconde, je suis déjà perdue, admit Rais, déconcertée. On est là pour rouvrir une affaire d'homicide ou pour passer un examen d'anthropologie ? Calme un peu tes ardeurs, Moreno, et parle-nous en italien normal.

- Excuse-moi... Disons-le comme ça : cette figure représentait une divinité féminine protectrice des défunts, donc du monde de l'au-delà, et incarnait un idéal religieux naturaliste qui renvoyait aux déesses-mères des Cyclades et de Crète, auxquelles étaient liées trois dimensions très fortes : la vie, la mort et la renaissance. C'est mieux comme ça ?

- Jusqu'ici, ça va... Mais ma question reste la même : qu'est-ce que Dionysos vient foutre là-dedans ? explosa Mara, agacée.

- Avec le temps, la Déesse-mère a été remplacée par des figures viriles qui incarnaient mieux la fonction masculine dans les nouvelles structures sociales de ces peuples... Vous savez ce que sont les protomés taurins ?

- Des cornes de bœuf ou de taureau, répondit Eva.

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