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L'Ipéca




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1. a) 1640 Ygpecaya (J. de Laet, L'Hist. du Nouv. Monde ou Descr. des Indes Occ., p. 501 ds König, p. 113); b) 1694 Ipecacuanha (Pomet, Hist. gen. des Drogues, VII, II, chap. 1, ibid.); 2. a) 1802 ipéca (Bull. des Sciences de la Soc. Philomatique de Paris, an X, Thermidor, 124 d'apr. FEW t. 20, p. 69a) ; b) arg. milit. 1861 Ipéca « le major » (d'apr. Esn.); 1886 Père Péca (ibid.). Empr. au port. ipecacuanha, attesté dep. 1648 (Piso et Marcgraf ds Fried.), aussi Igpecacoaya (1595, Cardim, ibid.), d'abord Pecacuem (1587, Soares de Souza, ibid.), lui-même empr. au tupi; 2 représente une abrév. de 1. Cf. König, loc. cit.; Fried.; FEW, loc. cit.


Lire également la définition du nom ipéca, afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Carapichea ipecacuanha - Ipécacuana -




Botanique :






















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Découverte de l'Ipeca par les Européens :


Dans l'article intitulé "Thérapeutique, Toxicomanie et Plantes Américaines." (In : Cahiers d'outre-mer. N° 179-180 - 45e année, Juillet-décembre 1992. Les plantes américaines à la conquête du monde. pp. 263-286) Denis Lemordant résume l'histoire de l'Ipeca :


Le nom d'ipéca, abréviation du portugais ipecacuanha, s'applique à l'origine à diverses racines émétiques parmi lesquelles il convient de distinguer les ipécas vrais fournis par des espèces de Rubiacées et parmi elles les deux espèces officinales, ipéca annelé mineur et ipéca annelé majeur tandis que les drogues qui proviennent d'autres familles sont les faux ipécas. Comme les faux ipécas, l'ipéca ondulé et l'ipéca strié sont considérés comme des falsifications.

La drogue a été rapportée en Europe vers 1600 par Tristram, jésuite portugais au Brésil depuis 1570. La plante n'a été bien connue qu'au XIXe siècle. Peut-être s'agit-il de l'ipécaya de Purchas (1625) . Probablement, c'est l'ipécoanha de Marcgraff etPison (1648). Linné appela la plante Uragoga mais sans lui rapporter la drogue qu'il croyait être une Violacée (lonidium ipecahuanca L.). Linné fils, d'après Mutis, et, plus tard Humboldt, l'attribuèrent à un Psychotria. En 1800, B. Gomes rapporta la plante en Europe et la distingua du Psychotria et de l'ipéca blanc. F. de Avellar Brotero la décrivit en 1 803 sous le nom de Callica ipecacuanha. L.C. Richard créa le genre Cephœlis qui fut étudié par Ach. Richard, études poursuivies par Weddell et A. de St Hilaire.

C'est un sous-arbrisseau de 20 à 40 cm de haut, vivacc par un rhizome traçant portant de longues racines latérales à étranglements circulaires lui donnant un aspect caractéristique.

Comme le quinquina, on retrouve la drogue dans les mains de Talbot en 1672. D'autres sources indiquent que le Dr. Legras l'avait rapportée du Brésil et l'employa à trop forte dose ce qui nuisit à la réputation du nouveau remède. En 1686, Grenier (ou Garnier ?) possédait 150 livres de la racine ; l'ayant expérimenté sur lui-même, il en vanta les propriétés antidysentériques à son médecin Afforty dont l'élève Helvetius, médecin hollandais en France, l'employa avec succès et l'entoura de secret pour mieux en tirer profit, manœuvre classique, ancêtre de bien des pratiques actuelles autour de la phytothérapie. En 1690, Daquin, médecin du roi, ayant guéri le Dauphin, Louis XIV, comme pour le quinquina, paya 1 000 louis d'or le secret de la «racine brésilienne». Sloane, un médecin irlandais, contribua à la réputation de la nouvelle drogue qui ne fut cependant pas admise sans difficulté dans l'usage courant.

A la Pharmacopée sont inscrites deux espèces : l'ipéca annelé mineur ou ipéca de Rio ou ipéca du Brésil, Cephœlis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. = Uragoga ipecacuahca H. Br. ; il y a figuré dès la première édition de 1818 ; l'ipéca annelé majeur ou ipéca de Carthagène ou ipéca de Colombie, Cephœlis acuminata Karsten = C. granatensis H. Bn. , admis en 1965 seulement.

D'après la littérature, avec les réserves habituelles concernant des noms vernaculaires, surtout anciens, mal entendus et mal transcrits par des non spécialistes, ipecacuanha signifierait « racine rayée » en guarani. On trouve aussi une origine tupi, i = petit et pecaoguene = plante vomitive. Sont également indiqués les noms poaya et poayera.

L'ipéca annelé mineur a été introduit à la fin du XIXe siècle dans diverses régions tropicales : en Inde, en Malaisie, au Bengale et près de Singapour qui fournit l'ipéca dit de Johore. Des essais d'introduction ont eu également lieu en Afrique tropicale. Les principaux pays producteurs sont le Brésil, la Colombie, la Malaisie et le Nicaragua, par tonnage décroissant.

Drogue très chère, l'ipéca est fréquemment falsifié. Sont employées à cet effet les espèces suivantes :

  • l'ipéca ondulé ou ipéca blanc, Richardsonia scabra Kunth = R. brasiliensis Gomez, Rubiacée du Mexique et du Brésil où il est connu sous le nom de paoya do campo ;

  • l'ipéca strié mineur ou ipéca des mines d'or ou ipéca strié noir est une espèce de Richardsonia indéterminée, rare et donc sans grand intérêt ;

  • l'ipéca strié majeur ou ipéca violet ou ipéca cendré ou ipéca mou, Psychotria, emetica Mutis du Pérou et de Colombie, a été longtemps pris pour ipéca vrai.

Les faux ipécas sont des racines de diverses espèces d'ionidium Violacées) provenant surtout du Brésil, mais on trouve aussi des Asclépiadacées, Euphorbiacées, Liliacées, Rosacées, Malpighiacées.

Les principes actifs de l'ipéca sont des alcaloïdes présents à raison de 2 à 3 %. Chronologiquement, l'historique de la composition chimique est le suivant: 1817,Pel1etieretMagendieisolentrémétine; 1 887, Kunz obtient une émétine impure cristallisée ; 1894, Paul et Cownley isolent l'émétine pure, la céphéline et la psychotrine ; 1914, Hess et surtout Carr et Pyman précisent leurs constitutions et leurs formules et Hess obtient l'ipécamine, isomère de la psychotrine et l'hydro-ipécamine, isomère de la céphéline ; 1917, Pyman trouve l'émétamine et la méthyl-psychotrine ; 1949, la structure de l'émétine est définitivement établie et en 1959 c'est le tour de sa stéréochimie.

A côté des alcaloïdes, on trouve un tanin catéchique, l'acide ipécacuanhique, qui participe à l'activité. Berrens et Young ont isolé en 1962 une glucoprotéine allergisante. Bellet a isolé en 1954 un glucoside azoté, l'ipécoside, dont Battersby a établi la structure en 1967 ; il avait découvert la proémétine en 1957.

L'emploi de l'ipéca repose sur celui empirique et séculaire qu'en faisaient les indigènes au Brésil pour « arrêter les flux de sang », le tanin astringent étant responsable de cette activité antidysentérique. Par ailleurs, à dose faible, il est expectorant et fluidifiant des sécrétions bronchiques ; à dose plus forte, c'est un vomitif (émétique), propriété elle aussi connue des Indiens. Pour ces actions, étaient utilisés poudre, extrait, teinture et sirops. Le sirop de Desessartz a résisté jusqu'à nos jours et entre dans la composition de plusieurs spécialités pharmaceutiques.

L'obtention de l'émétine a permis de constater son action antiamibienne et de l'employer par voie sous-cutanée. Son efficacité contre le parasite Entamœba histolytica a été démontrée in vitro en 1912 par Rogers à Calcutta. Son inconvénient est d'être dépresseur cardiaque, ce qui a conduit à la synthèse en 1959 de la déhydro-2-émétine moins toxique.

En 1954, ont été mises en évidence des propriétés anti bactériennes et anti virales. Depuis 1970, la recherche s'oriente vers l'obtention de produits anti tumoraux à la suite du constat de l'inhibition de la biosynthèse des protéines dont l'émétine est responsable.

Depuis 1980, l'ipéca est revenu au premier plan pour son emploi en sirop administré comme vomitif en cas d'accident par ingestion de toxique. Voilà, dit le Pr. Delaveau, « des Indiens du Brésil aux centres anti-poisons . une plante ancienne projetée dans l' actualité ».

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Colette Charlot et Marie-Sophie Guibert, autrices d'une "Petite histoire de la Racine Brésilienne en France au 17ème siècle." (38th International Congress for the History of Pharmacy, Sevilla, September 19-22 2007. 2007) ajoutent quelques informations =>


 


Bienfaits thérapeutiques :


Edouard Egasse et al. auteurs de Les plantes médicinales indigènes et exotiques: leurs usages thérapeutiques, pharmaceutiques et industriels. (Doin, 1889) vantent les vertus de l'ipéca :


Thérapeutique — La racine d'Ipéca, employée de temps immémorial au Brésil, ne fut connue en Europe que lorsque Helvétius, qui la tenait d'un marchand du nom de Garnier, l'eut employée et guéri avec elle le dauphin d'une dysenterie. C'est un vomitif excellent, qui agit plutôt modérément que l'émétique et convient aux enfants, aux personnes débilitées. On le donne en poudre en 2 ou 3 doses que l'on fait prendre dans l'eau tiède, à 10 minutes d'intervalle, en arrêtant l'administration si la première dose a produit son effet. La dose est alors de 15 à 20 centigrammes en 4 prises pour les enfants de 1 à 2 ans, de 60 centigrammes pour ceux de 2 à 12, de 1 gramme et même 2 grammes pour les adultes. Il détermine parfois un peu de diarrhée.

L'Ipéca est utile dans le catarrhe bronchique avec fièvre, quand l'expectoration est rare ou visqueuse. On le prescrit alors sous forme de sirop (Codex), dont 20 grammes correspondent à 20 centigrammes d'extrait d'Ipéca. La dose est alors de 5-10-60 grammes, suivant l'effet à produire.

Dans la dysenterie, l'Ipéca a une efficacité tellement grande qu'on lui a donné le nom de racine dysentérique. C'est surtout sous la forme suivante que Delioux de Savignac, médecin en chef de la marine, l'employait sous le nom d'Ipéca à la brésilienne. On verse un verre d'eau bouillante sur 2, 4 ou 8grammes de racine concassée. On laisse en contact plusieurs heures, on décante. On fait subir 4 fois le même traitement au résidu et chaque macération est ingérée chaque jour par le malade. On ne fait avaler au malade le tout, poudre et liquide, que lorsque la tolérance s'est établie.

La poudre d'Ipéca, respirée, provoque de la dyspnée, de la suffocation, un accès d'asthme. Aussi doit-on pulvériser la racine en se mettant à l'abri des poussières. Projetée dans l'oeil, elle provoque une vive irritation. Il importe de remarquer que, lors- qu'on l'administre à la dose de 1 à 2 centigrammes toutes les demi-heures ou toutes les heures, l'Ipéca ne provoque plus de vomissements, mais un malaise avec sueurs générales, etc .; en un mot, il agit alors comme contro-stimulant.

L'émétine, rarement employée, se prescrit à la dose de 5 à 10 milligrammes. C'est une substance toxique : 10 centigrammes tuent une grenouille, 30 centigrammes font périr un chien. Sur la peau dénudée, elle dé- termine une irritation vive amenant la formation de pustules. Elle irrite fortement les muqueuses. A la dose de 1 centigramme, elle est vomitive.

 

Selon Christian Moretti, auteur de Valorisation et exploitation des plantes médicinales de la Guyane : le point de vue d'un phytochimiste. (In : Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 40ᵉ année, bulletin n°1-2, 1998. Conserver, gérer la biodiversité : quelle stratégie pour la Guyane ? pp. 279-297) :


La découverte de l'Amérique tropicale par les Européens conduisit à l'introduction en Europe de drogues végétales qui jouèrent un rôle de premier ordre dans l'histoire de la pharmacie. Parmi celles, nombreuses, qui furent importées d'Amazonie parfois en quantités considérables, trois sont encore de nos jours des drogues majeures en pharmacie : le jaborandi, l'ipéca et le quinquina1. Leur notoriété se répandit rapidement en Europe et la forte demande suscita rapidement l'importation de nombreuses falsifications qui étaient parfois plus appréciées que la drogue de référence. Ainsi, selon Paumet (1735), on distinguait 3 ipécas : la brune, « la meilleure et par conséquent la plus chère » ; la blanche, « qui agit avec moins de violence » et « qui purge assez bien » et « l'ipéca bâtard ». Plusieurs espèces ont ainsi été importées de Guyane comme ipéca : Hybanthus calceolaria Schultze, Noisettia longifolia HBK, Asclepias curassavica L. (citées dans Eckel, 1897). Les deux premières ont figuré dans les éditions de la Pharmacopée française du début du siècle. Leurs propriétés émétiques semblent maintenant tombées dans l'oubli car à notre connaissance elles ne sont plus employées.

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Symbolisme :


Édouard Grimard, auteur de L'esprit des plantes, silhouettes végétales. (Éditions Mame, 1875) propose sa propre vision des plantes :


LE CÉPHAELIS IPÉCACUANHA : Ipecacuanha, - mot terrible qui généralement vous fait faire une faute d'orthographe, signifie racine rayée, et fait allusion aux anneaux rapprochés qui sillonnent, en effet, transversalement l'écorce grise de la racine du Céphaëlis. C'est dans cette écorce que résident les propriétés médicinales de cette plante.

« L'Ipecacuanha, nous raconte M. le Maout, n'a été connu en France qu'au milieu du XVIIe siècle. Les botanistes voyageurs qui l'avaient vu employer avec succès au Brésil le préconisèrent en Europe ; mais on n'ajouta pas foi à leurs affirmations. En 1686, un marchand français nommé Grenier rapporta du Brésil cent cinquante livres de racines d'Ipecacuanha, et s'associa pour en tirer parti avec un Hollandais nommé Helvetius, qui exerçait la médecine à Paris, et à qui il révéla les vertus anti-dyssentériques du Céphaëlis. Helvetius ne tarda pas à opérer des cures qui attirèrent sur lui l'attention publique ; il fut mandé auprès du Dauphin, atteint d'une dyssenterie, et il le guérit. Ce succès lui valut l'autorisation de faire, à l'Hôtel-Dieu de Paris, des expériences publiques sur les vertus de son remède secret. Les expériences ayant réussi, Louis XIV lui accorda le privilège exclusif de débiter sa précieuse racine, et lui donna en outre une récompense de mille louis. C'est alors que Grenier, l'associé d'Helvetius, voyant que ce dernier cumulait hardiment les honneurs de la science et les profits de l'industrie, revendiqua sa part, et plaida contre lui devant le Parlement. Le Parlement donna gain de cause à Helvetius. Grenier, furieux de cette solution inattendue, jura de se venger, et pour rendre infructueuse la victoire de son adversaire, il divulgua son fameux secret. A dater de ce jour, l'Ipecacuanha fut enregistré dans les livres de matière médicale, et sa vogue, qu'avait préparée le charlatanisme, fut consolidée par le scandale d'un procès. »

L'Ipecacuanha, que son premier historien, Pisan, appelait une ancre de salut, a conservé de nos jours sa réputation acquise dès le XVIIe siècle. Dans certaines maladies spéciales, il agit « héroïquement », disent les médecins, qui, en effet, citent des cures vraiment merveilleuses.

Les indigènes du Brésil racontent que les vertus du Céphaëlis ont été révélées à leurs ancêtres par un chien sauvage, dont l'histoire nous a conservé le nom, il s'appelait Guara. Cet animal, disent-ils, à demi empoisonné quelquefois par l'eau corrompue des marécages qu'il avait bue, mâchait des racines d'Ipecacuanha, qui le faisaient... enfin bref, qui le rendaient à la santé.

Tous les habitants du Brésil considèrent l'Ipecacuanha comme une panacée universelle, dont le prix s'élève de jour en jour, au point de faire craindre la disparition d'une denrée dont aucune loi ne protège la conservation.

Dans cette même famille, et tout à côté des Céphaëlis, qui sont fort nombreux, se place un végétal américain, le Chiococca, dont nous ne pouvons ne pas mentionner en passant les propriétés curatives dans le cas de morsure par les serpents venimeux. Le célèbre botaniste voyageur Martius raconte les effets de ce remède violent, souvent employé par les indigènes. Ils enlèvent l'écorce de la racine, l'écrasent dans l'eau et en obtiennent un breuvage d'un goût nauséabond qu'ils font boire au malade. Celui-ci, glacé par le poison, est plongé dans un assoupissement léthargique, accompagné de tous les symptômes d'une mort prochaine. Mais, peu après l'ingestion du breuvage, le moribond est agité par des mouvements convulsifs d'une violence effrayante que suivent d'abondantes déjections, lesquelles, à leur tour, amènent un sommeil paisible, précurseur d'une guérison complète.

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