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L'Orchis vanille





Autres noms : Nigritella rhellicani - Gymnadenia nigra subsp. rhellicani - Brunette - Herbe du caillé - Jalousie - Main de gloire - Main du bon Dieu - Main du diable - Manette - Monette - Nigritelle à feuilles étroites - Nigritelle de Rellikon - Nigritelle de Rhellicanus - Nigritelle noire - Nigritelle noirâtre - Orchis noir - Orchis vanillé - Palme-de-Christ - Palme du Christ - Passe-velours - Petite brunette - Satyrion - Vanille des montagnes - Zalousi (Savoie) -




Botanique :


Selon Gabriela Koch, Xenia Hofer, Bärbel Junge et Beatrice Schüpbach, autrices de "Paysage et biodiversité uniques dans la région d ‘estivage." :


Les nardaies sont un autre type de végétation caractéristique de la région d’estivage. On les trouve sur des sols acides, pauvres en éléments nutritifs, le plus souvent entre 1000 et 2000 d’altitude. Outre le nard raide (Nardus stricta), qui a donné son nom à ce type de végétation, l’arnica (Arnica montana) et la campanule barbue (Campanula barbata) sont également des espèces typiques qu’on ne peut pas confondre. La nigritelle noirâtre (Nigritella nigra) est une espèce d’orchidée remarquable par son aspect, mais aussi par son parfum envoûtant de vanille et de chocolat.

 

Pierre Delforge, s'interroge dans un article intitulé "La Nigritelle robuste du Mont Cenis (Savoie, France)" (Les Naturalistes belges, 2003, 84, hors série : spécial orchidées n°16, pp. 117-132) sur la pertinence de la découverte d'une nouvelle nigritelle noire :


La Nigritelle du Mont-Cenis : La Nigritelle du Mont-Cenis Gymnadenia cenisia, est une très proche parente de G. rhellicani. Les deux taxons sont en effet diploïdes (2n=40) et se reproduisent sexuellement; ils possèdent des fleurs de couleurs foncées, des bractées inférieures bordées de denticules et fleurissent sur les mêmes sites de la fin de juin au début d’août, avec tout au plus un décalage de quelques jours de la floraison chez G. cenisia, qui, possédant plus de fleurs, fleurit plus longtemps que G. rhellicani (FOELSCHE et al. 1999A, B).

Sans colorimètre, la couleur des fleurs des nigritelles foncées est difficile à définir, d’autant qu’elle n’est pas la même à l’extérieur du bouton floral que lorsque la fleur est épanouie et qu’elle peut varier chez celle-ci avec l’état d’avancement de la floraison. Elle est, d’autre part, très difficile à reproduire en photographie. FOELSCHE et al. (1999A, B) reconnaissent ces problèmes, mais distinguent néanmoins Gymnadenia cenisia par la couleur des fleurs « […] les boutons très foncés, presque rouge noirâtre, donneront des fleurs d’un ton rouge foncé qui, à l’inverse des Nigritelles à fleurs foncées, ne variera guère et ne présentera que rarement […] des nuances brunes ou violettes. » (FOELSCHE et al. 1999B: 237). Ce qui est traduit, dans les tableaux synoptiques par: « G. rhellicani : couleur des fleurs brun chocolat à rouge brun ou brun rouge foncé; boutons noirâtres; des populations [à fleurs] rouges ou claires existent — G. cenisia : couleur des fleurs rouge foncé (rarement rouge brun foncé); boutons rouge noirâtre à noirâtres. » (FOELSCHE et al. 1999B: 239). Ces formulations rendent bien compte de la difficulté de qualifier les couleurs des nigritelles à fleurs foncées et indiquent qu’il n’y a pas d’hiatus dans la variation de couleur puisque des individus à boutons floraux noirâtres et à fleurs brun rouge foncé existent chez les deux taxons.

Un caractère de la morphologie florale est mis en exergue pour différencier Gymnadenia cenisia de G. rhellicani : le labelle est « plutôt enroulé en cornet », une « combinaison fleurs foncées/labelle resserré jusqu’alors inédite pour les Nigritelles alpines » (FOELSCHE et al. 1999A : 468, B : 237). Cependant un des deux articles est illustré notamment de deux croquis dont l’un (FOELSCHE et al. 1999A : 454, Abb. 2) montre une fleur munie d’un labelle qualifié, avec raison, de relativement largement ouvert (« relativ weit geöffnete Lippe »).

En définitive, Gymnadenia cenisia semble surtout se différencier de G. rhellicani, écrivent les descripteurs, par des caractères quantitatifs. Cependant, les mesures respectives des deux taxons ne montrent pas d’hiatus puisque les intervalles de variation se recouvrent largement. Ce fait est en partie occulté dans les tableaux diagnostiques publiés (FOELSCHE et al. 1999A : 476, Tab. 2, B : 239) parce que, seules, des moyennes y sont données pour les dimensions de l’inflorescence, le nombre de fleurs, la longueur du labelle et celle de l’éperon.

[...] ). Tout au plus, donc, G. cenisia paraît un G. rhellicani « plutôt grand et vigoureux » (FOELSCHE et al. 1999A: 460) dont la hauteur et l’épaisseur de la tige, la longueur des bractées inférieures, le nombre de feuilles et de fleurs, ou encore la densité de l’inflorescence sont en moyenne plus amples.

Lorsque l’on s’éloigne du massif du Mont Cenis, qui semble être le centre de distribution de Gymnadenia cenisia, « les pieds de [G.] cenisia sont souvent plus petits […] » (FOELSCHE et al. 1999A : 469) et les intermédiaires entre les deux taxons sont de plus en plus nombreux. Cette présence très fréquente d’intermédiaires est soulignée (FOELSCHE et al. 1999A : notamment 464, 475, 482, 486). Même au Mont Cenis, les populations ne sont que « relativement pures … [et] l’identification de certaines plantes est un véritable casse-tête… » (ibid.: 483, 485).

[...]

La convergence de tous ces éléments de conclusion indique que, très vraisemblablement, les deux taxons, impossibles à délimiter nettement, ne forment pas deux espèces mais une seule, Gymnadenia rhellicani, et, qu’en conséquence, les intermédiaires souvent nombreux, signalés dans presque toutes les populations concernées, ne sont pas des hybrides interspécifiques occasionnels mais font partie intégrante de la variation spécifique de G. rhellicani.

La Nigritelle robuste du Mont Cenis n’est probablement qu’une simple forme de Gymnadenia rhellicani. Cependant, elle peut parfois constituer certaines années, des micro-populations “pures” sur quelques sites alpins (cf. FOELSCHE et al. 1999A, B : massif du Gran Paradiso), ce qui peut justifier, avec une certaine cohérence systématique (DELFORGE 1994, 2001 ; DELFORGE & GÉVAUDAN 2002), le rang variétal.

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Sur le site Biodiversité en Savoie, on peut lire :


LE SAVIEZ-VOUS ?

  • Les fleurs d’orchis vanille ont la particularité de présenter un labelle losangique, dirigé vers le haut, alors qu’il est dirigé vers le bas chez la plupart des orchidées.

  • Comme toutes les orchidées, les orchis vanille ne peuvent se développer qu’en présence d’un champignon vivant dans le sol. Cette association, ou symbiose, qui se fait entre les racines de la plante et un champignon, est appelée mycorhize.




Usages traditionnels :


Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102,‎ 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :


foumëta, f. (vient de foumïn = « fumée ») / tsalomöte, f. / èrba du kâlon, f. = « herbe du caillé » / = orchis vanillé = Nigritella nigra.

S'il est mangé par le bétail, le lait ne caille pas.

 

Jacques Rime, auteur de "La permanence de l’esprit magique" (in Le baptême de la montagne, Préalpes fribourgeoises et construction religieuse du territoire (XVIIe-XXe siècles), Éditions Alphil, 2021) développe cette caractéristique d l'orchis vanillé :


Parmi les causes liées à l’échec de la caséification se trouve la nigritelle ou orchis vanillé, petite fleur parfumée qui pousse dans les Alpes. La plante, qui permettait la transformation du lait aigri en fromage, l’empêchait dans l’encaillage par présure. Écoutons cette histoire rapportée à son sujet. Elle est récente, mais les témoignages suivants indiqueront que son caractère magique est ancien. Une nuit, un fromage explose dans un chalet au-dessus de Montbovon :


« Alors ils ont soulevé l’inretchyà [table à presse] qui reposait sur deux murettes et ils ont trouvé une petite racine comme ça, pas plus grosse, mais qui fait les cinq doigts comme la main ; ça fait comme une main et en patois on dit la rê a la man […]. Ils ont pensé après qu’il y en avait un qui lui en voulait parce qu’il aurait aimé venir ici à sa place. »


Récit de Louis Magnin (Bulle), in Détraz Christine, Grand Philippe, Contes et légendes…, p. 70-71.

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Croyances populaires :


Sur le site Biodiversité en Savoie, on peut lire :


LE SAVIEZ-VOUS ?

  • Les orchis vanille, tout comme de nombreuses orchidées, ont été considérés comme des plantes magiques, voire diaboliques. Cette croyance s’est fondée à partir de l’observation de leurs deux racines tuberculeuses. Le tubercule de l’année, blanc et gonflé était « la main de dieu », celui de l’année précédente, flétri et brun, était « la main du diable ».

 

Selon Pierre Canavaggio, auteur d'un Dictionnaire des superstitions et des croyances populaires, p. 189 :


« Les sorciers frottaient le seuil et le chaudron des maisons avec de l’orchis noir pour que les vaches de ceux qui leur résistaient ne donnent plus de lait »

 

Dans "La permanence de l’esprit magique" (in Le baptême de la montagne, Préalpes fribourgeoises et construction religieuse du territoire (XVIIe-XXe siècles), Éditions Alphil, 2021) Jacques Rime évoque des croyances relatives à la génération :


L’orchis vanillé était réputée pour sa racine aux propriétés puissantes et redoutables. On l’appelait la rê à la man [racine à la main], ou main du diable, et l’on avait coutume de la baptiser d’antonymes bienveillants : main de Dieu, palme du Christ. Dans son ascension du Stockhorn au XVIe siècle, retenue comme l’une des premières excursions botaniques en Suisse, Rhellicanus décrit son aspect bienveillant. Parmi la multitude des herbes et des fleurs, « l’une d’elles est de couleur brune et noirâtre, l’odeur en est plus suave que le musc lui-même, la racine a la forme d’une double main : de là son nom de Main-du-Christ ». Selon les croyances, la racine de l’année, claire, était la main de Dieu, celle de l’année précédente, brune, la main du diable. La racine à la main était aussi utilisée comme aphrodisiaque (orchis signifie testicule en grec) ou comme contraceptif. L’histoire d’Allières ressemble à un épisode de la vie en pays cathare vers 1300. À son amant, et prêtre par-dessus le marché, qui connaissait une herbe contraceptive, une femme demande :


« De quelle espèce est cette herbe ? […] S’agit-il de celle que les vachers posent sur la marmite de lait dans laquelle ils ont mis la présure, pour empêcher que le lait ne se caille, aussi longtemps que cette herbe séjourne sur la marmite ? »

Le Roy Ladurie Emmanuel, Montaillou…, p. 248


L’enfant naissait dans le ventre de sa mère, le fromage caillait dans la chaudière. La nigritelle permettait à la fois la naissance de l’amour et la non-conception de l’enfant. Elle servait aussi à produire le fromage ou à l’empêcher. Par les propriétés ambivalentes qu’elle offrait, la plante mystérieuse n’accordait-elle pas à celui qui les maîtrisait le contrôle de la génération et de la caséification ? Nous voilà confrontés à une question cruciale, la capacité de l’homme d’utiliser à son gré des forces mystérieuses, selon ses besoins du moment. Une telle croyance était partagée par nombre de personnes, mais l’Église la refusera.

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. Sur le blog Trekking de Bernard, on peut lire :


Elle est également surnommée main du diable ou "racine de main" en Savoie à cause de ses racines en forme de doigts pouvant servir à jeter des sorts. Réputée pour être aphrodisiaque elle est au centre de vieilles croyances de sorcellerie. 

Par exemple : 

  • mettre des fleurs sous l'oreiller ou dans la chaussure pour être payé de retour par l'être aimé ;

  • celui qui porte en amulette la racine n'aura jamais de désir de la femme ni de péché ;

  • frotter le seuil des maisons et les chaudrons de ses ennemis fait tarir le lait de leurs vaches.


 



Contes et légendes :


Géraldine Picot, autrice de Les Racines, la face cachée des plantes (mai 2013) rapporte une légende qui explique un des noms vernaculaires de l'Orchis vanille :


Légende de la nigritelle ou orchis vanillé : Il était une fois dans la montagne, une petite chapelle avec la statue d’une vierge à l’enfant très ancienne, mais très belle, qui faisait la fierté des gens du village. Un jour, un malhonnête homme voulut voler la statue, mais il ne put la déplacer. Il ne réussit qu’à casser la main de l’enfant. Du membre mutilé, des gouttes de sang perlèrent. Pris de panique, il s’enfuit avec la petite main, mais dans sa course il la perdit dans la montagne. Les gens du village la retrouvèrent et à côté poussait déjà une petite fleur couleur de sang et odeur de vanille, dont les racines avaient pris la forme de deux petites mains. L’une pleine de force et de vitalité, la main du Christ ou main de Dieu ; l’autre flétrie, la main du diable.




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