Suite de l'article commencé en mars 2016 et que vous pouvez lire ici.
Symbolisme celte
Dans L'Oracle des Druides, Comment utiliser les animaux sacrés de la tradition druidique (1994, traduction française 2006) de Philip et Stephanie Carr-Gomm, les mots-clefs qui rendent compte du pouvoir de cet animal sont :
"force primordiale ; souveraineté ; intuition et instinct.
La carte représente un ours à l'entrée d'une grotte, sa patte posée sur une masse ressemblant à celle de Stonehenge. C'est l’époque du solstice d'hiver, où brille la "Lumière d'Arthur". Au premier plan repose une couronne, et l'étoile polaire scintille au loin parmi les étoiles de la constellation connue sous le nom de Grande Ourse.
L'ours nous relie à nos racines ancestrales, à Artio, la déesse-ours, la mère primordiale qui nous protège férocement du danger. Il nous relie aussi à Artois, le dieu-ours, au puissant guerrier Arthur, et à l'étoile polaire, qui sert de guide au milieu de la Grande Ourse. Si nous l'écoutons dans l'obscurité silencieuse de la nuit, notre intuition ne nous trahira pas. L'ours vous permet de devenir, comme Arthur, un Guerrier de l'esprit. Vous découvrirez votre puissance en associant force et intuition. Vous unirez ainsi votre pouvoir stellaire et votre pouvoir animal, tous deux symbolisés par Art, l'Ours.
Renversée, la carte indique clairement que vous devez prendre garde de ne pas vous laisser écraser par la mère ourse déchaînée, par le guerrier furieux, par les forces de la colère et de la férocité primordiale qui, sans les qualités humaines de compassion et de raisonnement, risquent de menacer votre vie et celle des vôtres. Mais vous pouvez compter sur la présence de l'ours et sur son immense puissance qui vous permettront, si vous persévérez, d'associer vos qualités spirituelles et intuitives à vos ressources primordiales et instinctives.
L'Ours dans la Tradition
Par la grâce du grand ours des cieux étoilés
et de la terre profonde et généreuse,
nous en appelons aux pouvoirs du Nord.
Extrait d'un cérémonial druidique.
Le fil d'Ariane de la légende d'Arthur relie les courants druidiques actuels les plus complexes aux origines druidiques des périodes celtiques et pré-celtiques, en reconnaissant, tout comme on le faisait depuis la nuit des temps, l'importance de l'ours.
Pour bien saisir l'importance du roi Arthur dans les mystères druidiques, il nous faut revenir aux origines de son nom. Le nom Arthur provient du mot celtique Art, qui signifie à la fois ours, pierre et Dieu. Arthur est "l'homme-ours", fort et puissant comme l'animal lui-même. Dans la tradition celtique, le plus beau compliment que l'on puisse faire à un héros de dire qu'il était "fort comme un ours", Art an neart. Ces associations ne semblent pas provenir uniquement de la force et de la férocité légendaires de l'ours. De tous les animaux sacrés des traditions druidiques et celtiques et des cultures européennes et nord-américaines, l'ours est probablement l'un des tous premiers à avoir fait l'objet d'un véritable culte.
Le culte de l'Ours
La découverte d'autels de pierre et d'importants amas d'os d'ours à Drachenloch en Suisse nous prouve qu'il y a 70 000 ans de cela, l'homme de Néandertal vénérait déjà l'ours des cavernes comme le maître des animaux. On a retrouvé dans les grottes de Lascaux en France, l'effigie sans tête d'un ours, datant de 17 000 ans av. J. C. que l'on enveloppait très probablement de fourrure pour les cérémonies avant d'y attacher une tête d'ours.
On a retrouvé également dans les anciens sites celtiques, des lieux sacrés, des statues votives et des parures rituelles dédiées à l'ours, qui sont le signe du culte rendu à Artio, ou Andarta ("l'ourse puissante"), et à Artois, Ardehe ou Arthe. Une représentation d'Artio a été trouvée à Berne (la ville de l'ours), de même qu'une "grotte aux ours" qui était utilisée lors des cérémonies. A Saint-Pé-d'Ardet en France, on a retrouvé un autel dédié à Ardehe et datant du VIème siècle avant J. C. dans la vallée de l'Ourse, près de Lourdes. La fourrure d'ours était un vêtement très apprécié ; on a mis au jour à Welwyn dans le Hertforshire, la tombe d'un chef de la fin de l'âge de fer reposant sur une peau d'ours.
Puissance primordiale de l'Ours
Les hommes du néolithique chassaient l'ours brun, animal que l'on pouvait encore trouver en écosse jusqu'à la fin du XIème siècle. les dents d'ours étaient considérées comme de puissantes amulettes et plusieurs d'entre elles ont été retrouvées dans le nord de la Grande-Bretagne. A Rome, l'ours calédonien, comme on l'appelait alors, était un animal très prisé pour son extraordinaire férocité. Il était très certainement invoqué avant les batailles et les guerriers s'habillaient souvent de peaux d'ours pour s'identifier à l'animal et à bénéficier de sa puissance.
A l'avènement du christianisme, l'ours perdit sa place d'honneur dans la tradition druidique et devint un animal de foire. Au temps des Tudor, chaque ville importante se devait de posséder un ours et de nommer un "Gardien des ours du roi ou de la reine". Les montreurs d'ours étaient chose courante : ils promenaient les ours ornés de rubans ou de fleurs dans tout le pays, leur cachant souvent les yeux pour les faire obéir. De nos jours, les Tziganes perpétuent cette coutume dans les Balkans.
Le besoin, ancré dans ses origines païennes, qu'avait chaque ville de posséder un ours, se retrouve encore au XVIIème siècle. Les citoyens de la ville de Congleton dans le Cheshire, dont l'ours venait de mourir, décidèrent de consacrer l'argent qu'ils venaient de rassembler pour l’achat d'une nouvelle Bible au remplacement de leur animal. Ils furent l'objet de la rime suivante :
Les gens de Congleton, écoutez tous
Ont vendu la Bible pour s'acheter l'ours.
D'après la légende, l'ourson était à sa naissance un paquet de chair que l'ourse devait lécher pour lui donner forme, d'où l'expression d' "ours mal léché", qualifiant quelqu'un dont le comportement bourru n'a pas été adouci par cette mise en forme initiale. Une autre croyance tout aussi extraordinaire voulait que les pattes de l'ours sécrètent une substance que l'animal léchait pour se nourrir pendant les longs mois d'hiver. De nos jours encore, les Chinois coupent les pattes des ours vivants pour leur valeur médicinale supposée.
Dans les cérémonies et l’enseignement druidiques, Arthur a une telle importance qu'il est symboliquement lié à l'étoile polaire. Il devient notre intuition, notre seul guide, quand tout nous semble noir, quand le solstice d'hiver est là, avec la plus longue des nuits, et que notre raison et nos sens ne nous sont d'aucune aide. C'est pour cette raison que le solstice d'hiver est aussi appelé la "Lumière d'Arthur".
En ce sens, le lien entre chamanisme primitif des temps les plus reculés et tradition druidique des mystères d'Arthur influencée par le christianisme est bien l'image de l'ours, étoile et animal."
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Selon Thierry Jolif, auteur de B. A.-BA Mythologie celtique (Éditions Pardès, 2000),
"Irlandais art, gaulois artos, gallois arth, le nom celtique de l'ours se retrouve de façon particulièrement frappante dans le nom du roi Arthur, mais il y a eu en Irlande un roi suprême nommé Art. Le mot art semble aussi se confondre avec le nom de la pierre ou du rocher, ce qui ne fait que renforcer le caractère royal du symbolisme. En effet, en Irlande, la Pierre de Fal apportée des îles au nord du monde par les Tuatha Dé, poussait un cri lorsque celui qui devait devenir roi l'enjambait. De même, c'est en retirant une épée d'un roc qu'Arthur fut reconnu comme roi. Le symbolisme est aussi polaire, car l'ours peut désigner l'étoile polaire, symbole de stabilité et d'immuabilité."
D'après Divi Kervella dans Emblèmes et symboles des Bretons et des Celtes (2001),
"L'ours est le symbole de la classe guerrière et du pouvoir temporel. nombre de noms celtiques comportent ce terme élogieux et désignent des guerriers. Le plus connu en est bien sûr Arthur mais on peut également noter Arzhel (=Armel ; de arzh + mael "prince"), "Alan Cagnard", comte de la Cornouailles bretonne (+ 1058) est en fait pour ken + arzh "bel ours", et bien d'autres encore.
Dans les langues brittoniques on désigne par "Char d'Arthur" la constellation du Grand Chariot, partie de la Grande Ourse."
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Dans Animaux totems celtes, Un voyage chamanique à la rencontre de votre animal allié (2002, traduction française : Éditions Vega, 2015), John Matthews nous propose la fiche suivante :
"Ours = irlandais : math, mathgamamhain ; gallois : arthe, arthes ; gaélique : math-ghamhainn ; langue de Cornouailles : ors.
Bien qu'il ait aujourd'hui disparu des campagnes britanniques, il fut un temps où l'on croisait l'ours régulièrement dans toute l'Europe. Il n'existe plus de récit celte dans lesquels l'ours apparaît, mais il est présent dans les manuscrits enluminés préparés par des moines celtes, ainsi que sur des gravures encore plus anciennes, datant de l'époque romaine britannique. Sa force et sa résistance ainsi que son habitude d'hiberner, en font non seulement un puissant compagnon à avoir à ses côtés, mais également un excellent guide dans les royaumes du sommeil et du rêve.
Le héros Arthur, lui-même tient son nom de l'ours, l'ayant peut-être hérité d'un Dieu antérieur. Le Dieu Math dispose également de qualités associées à l'ours. En tant qu'animal totem, l'ours et le blaireau sont parfois interchangeables, car tous deux hibernent et ils ont également de nombreux attributs en commun.
Préceptes du totem :
Éclaireur : Ton véritable chemin n'est jamais caché.
Protecteur : Méfie-toi des pièges invisibles.
Challenger : Pourquoi évites-tu cette question ?
Aide : Le sommeil peut guérir bien des maux."
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Pour Gilles Wurtz, dans Chamanisme celtique, Animaux de pouvoir sauvages et mythiques de nos terres (2014),
L'ours brun a une vue médiocre : il ne voit nettement qu'à quelques dizaines de mètres. Par contre, son ouïe, et surtout son odorat, sont très développés : il possède le meilleur odorat parmi les animaux terrestres, il est ainsi capable de flairer une odeur à plusieurs kilomètres.
Malgré sa taille, il peut courir jusqu'à 50 km/h. L'ours brun est principalement nocturne. En été, il grossit de près de 30% par rapport à son poids habituel, se constituant ainsi une réserve dans laquelle il puise pendant l'hiver. Il devient très léthargique, mais n'entre pas dans un véritable état d'hibernation. C'est pourquoi il est plus juste de parler de sommeil hivernal dans son cas. La plupart du temps, les ours sont timides et facilement effrayés par les humains, mais les femelles défendront férocement leur progéniture si elles la sentent menacée.
Vers l'an mille, l'ours brun était encore présent dans toutes les forêts des montagnes françaises. de nos jours, il n'en reste plus qu'ne poignée dans les Pyrénées.
La période d'accouplement s'étend de la fin avril à la mi-juin. Quelques jours après la fécondation, le développement embryonnaire s'interrompt. Il est différé jusqu'au mois de novembre. A cette période, juste avant l'hibernation, la femelle peut alors avorter spontanément si elle n'a pas constitué suffisamment de réserves de graisse pour l'hiver. Si elle garde l'embryon, celui-ci reprend son développement. La gestation effective ne dure que deux mois environ et la mise bas a lieu en tanière en janvier ou en février.
Applications chamaniques celtiques de jadis
L'ours a longtemps été considéré comme l'ancêtre de l'homme, sans doute parce qu'il se dresse sur ses pattes arrière : certains voyaient en lui un homme sauvage. Et souvent, il avait le statut d'un dieu.
Nombre d’initiations et de rites de passage dont on retrouve trace dans les récits héroïques qui ont marqué l'Europe entière dont donné lieu au culte de l'ours. L'ours était célébré pour sa force, son courage et son invincibilité ; il était considéré comme le roi des animaux (avant d'être détrôné par le lion, par l'entremise de l'Eglise et de ses clercs). Et de ce fait, il symbolisait la royauté chez les Celtes. Un dieu gaulois était notamment nommé "Matugenos", qui signifie fils de l'ours. Les puissants aimaient se parer de son effigie. De nombreux rituels lui étaient dédiés, il passait pour un intermédiaire entre le monde humain et le monde animal en raison de ses ressemblances avec l'homme.
L'ours occupait souvent la place de l'animal de pouvoir par excellence et était particulièrement associé aux guerriers. Chez les Goths par exemple, lors des rites de passage des jeunes à l'âge adulte, une épreuve consistait à affronter un ours au corps-à-corps.
Le plus célèbre rituel lié à l'ours chez les anciens Scandinaves est celui des berserkir, guerriers ours réputés pour l'état de fureur guerrière dans lesquels ils entraient et qui les rendait surpuissants. Ils adoptaient la démarche de l'ours, revêtaient une peau d'ours, poussaient des cris de fauves et, lors d'un rituel chamanique, ils absorbaient un breuvage leur ôtant tout sentiment de peur avant les combats. Ils devenaient quasiment invincibles. Le fait est tellement spécifique que les chercheurs allemands l'ont qualifié d'un terme précis : Bärenhaftigkeit, qui désigne donc l'état bestial que pouvait atteindre le berserk partant en guerre : à la croisée de la nature humaine et de celle de l'ours brun.
Dans une grande partie de l'Europe, on célébrait l'ours le 11 novembre, jour théorique de son début d'hivernation et de l'hivernage pour les paysans. Cette fête symbolisait "le passage du dehors au dedans, de la vie à la mort". Et le 1 ou le 3 février était associé à la fin de l 'hibernation. A la résurrection. on célébrait des deux dates importantes particulièrement dans les Ardennes et le croissant alpin, deux régions où on honorait des déesses celtes liées à l'ours, Arduinna et Artio.
L'ours, le plus grand prédateur terrestre de nos jours comme au temps des Celtes, a toujours fasciné et impressionné. Sa puissance et son assise sont sans pareilles. Il occupait donc une place privilégiée parmi les animaux de pouvoir. Il n'est pas surprenant que les nobles, les grands chefs; les guerriers d'exception se soient souvent approprié son symbole... Le fait qu'il se redressait sur ses pattes arrière le rapprochait singulièrement de l'être humain en lui donnant une posture égale. Son allure inspirait immédiatement la stabilité robuste et la puissance dont un guerrier avait besoin et la classe guerrière en particulier le vénérait souvent tel un dieu. Les Celtes voyaient en son repos hivernal, sa retraite, son repli sur lui-même, le signe d'une grande sagesse. L'ours acceptait par là de se livrer au repos régénérateur régulier, indispensable à tout être vivant, même au plus forts. Ignorer ces moments pouvait avoir des conséquences désastreuses, voire fatales. C'était aussi le temps propice pour mourir symboliquement à soi, à certains aspects de soi, pour pouvoir ensuite mieux renaître et devenir plus fort.
Nos ancêtres celtiques sollicitaient beaucoup la force de l'ours, dans de nombreux domaines. La force physique était très souvent requise : pour labourer les terres, déboiser les forêts, extraire les minerais, travailler les métaux.... et surtout pour galvaniser les guerriers avant qu'ils ne s'élancent sur le champ de bataille. Ils se mettaient alors dans la peau d'un ours prêt à l'attaque. C'était comme l'apogée d'un long travail chamanique préalable, qui visait à accumuler la puissance de l'ours pour la libérer au combat.
La stabilité de l'ours était également recherchée quand les actes à accomplir demandaient un ancrage - physique ou psychique - solide, que ce soit pour un chef de clan, une mère ou un père de famille.... Nos ancêtres savaient comment exploiter cette vertu tout simplement à des fins personnelles dans la vie quotidienne. Leur relation avec l'esprit de l'ours était toute naturelle.
Applications chamaniques celtiques de nos jours : Un praticien chamanique celtique peut aujourd'hui faire appel à la force et à la stabilité de l'ours comme le faisaient les Celtes à leur époque dans toutes les situations où ces vertus sont nécessaires. Lorsque nous voulons être bien ancrés, bien présents : parents vis-à-vis de leurs enfants, dans notre couple, dans nos relations professionnelles... dans toute situation délicate où il s'agit de ne pas perdre notre sang-froid.
Une pratique régulière avec l'esprit de l'ours permet que sa force et sa stabilité deviennent de très bons remèdes aux états dépressifs, baisses de moral et autres sentiments de découragement contemporains... Ces qualités nous permettent de revenir en nous-même, de nous centrer, d'affermir notre présence.
Mots-clefs : La stabilité ; La force."
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Symbolisme onirique :
Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),
Quel ours doit-on s'attendre à voir surgir des replis de l'imaginaire ? S'agira-t-il de l'ours blanc, de l'impressionnant plantigrade errant dans les espaces glacés ? Sera-ce l'ours brun, redoutable seigneur des montagnes et des forêts de régions tempérées ? Le rêve parlera-t-il de ces créatures au destin pitoyable, partagé entre la cage et la danse en place publique ? Verra-t-on les ours en peluche de l'enfance participer à la ronde des souvenirs de l'âge tendre ? L'exploration des rêves autorise une réponse claire : le plantigrade sera présent sous chacune de ces formes.
Ce constat n'est pas sans intérêt car c'est lui qui constituera la structure de notre conclusion. Lorsque nous aurons développé ce que l'inconscient projette sur l'image de l'ours en général, chacune des formes évoquées ci-dessus révélera une relation spécifique du rêveur au symbole.
Les contes, le folklore, les noms de lieux, témoignent de la force d'une image qui s'est imposée au long des siècles, face à la présence redoutable de l'animal. Cependant les recherches menées à travers ces matériaux débouchent sur des interprétations peu satisfaisantes. Par contre, l'étude des rêves confirme ce que nous écrivions à propos du plantigrade dans Le Test de l'Arche de Noé. Pour cette raison nous serons conduits à faire, exceptionnellement, de larges emprunts à ce texte. Le mythe affirme que l’ours, à sa naissance, n'est qu'une masse informe, sans pieds ni mains, ni peau, ni tête. Il demeurerait une masse de chair indéfinie et à peine vivante si sa mère, en le léchant, ne l'amenait à prendre forme et ne lui façonnait des membres. Symboliquement, cette production mythique affirme l'existence d'une matière préexistant à la création formelle. Ce thème est étroitement lié à l'image de l'ours. Ce dernier conserve, même à l'état adulte, la faculté de provoquer l'idée d'une forme mal dégagée de la matière, non finie, pour tout dire d'une ébauche. Dieu, pétrissant la glaise dont il allait faire Adam, se fût-il arrêté aux premiers instants de l'œuvre qu'il eût probablement créé ce personnage grossier, large en base, dodelinante caricature de l'homme !
La littérature inspirée offre bien des passages qui associent l'ours et la notion d'ébauche. Ainsi, Victor Hugo, dans "Masferrer" :
"Quand on peut s'enfoncer entre deux pans de rocs
Et, comme l'ours, l'isard ou les puissants aurochs,
Entrer dans l'âpreté des hautes solitudes
Le monde primitif reprend ses attitudes
Et, l'homme étant absent, dans l'arbre et le rocher,
On croit voir les profils d'infini s'ébaucher..."
Outre la solitude, notion liée à l'ours, ces vers montrent l'ébauche d'un univers en formation, dans un temps antérieur, racines du devenir. A entendre les mots du poète on sent tout de suite en résonance avec des expressions telles que ours des cavernes et hommes des cavernes. Sonorités étranges qui évoquent un temps où tout le devenir de l'humanité civilisée n'était encore que potentialités. Dans quelque direction que l'on prolonge la réflexion, des arguments se proposent pour consolider la corrélation entre la notion d'ébauche et le plantigrade.
En ne retenant que la France, six saint Ours ont été honorés, plusieurs étant des personnages historiques. Mais leur nom, souvent considéré comme venant de ursus, "l'ours", découle en réalité d'Orsus qui désigne, d'après Virgile, "celui qui parla le premier". renvoyant ainsi à la naissance du verbe, à l'origine de la communication par la parole, cette locution oblige à rappeler que l'expression c'est un ours désigne celui qui se réfugie dans l'introversion.
Pour les alchimistes, l'ours symbolise la materia prima, matière première sur laquelle l’œuvre va s'exercer. C'est le stade initial, la nigredo, l'oeuvre au noir.
Ainsi le mythe, les productions littéraires, les rêves et la symbolique alchimique confèrent à l'ours la signification de début de cycle. C'est le noir dont sortiront les couleurs, le chaos qui contient les principes de la création ordonnée, l'informe, terreau d'où jaillira l'élaboration formelle, les forces inconscientes qui nourriront l'accomplissement de la conscience.
C. G. Jung voit dans l'ours la représentation effrayante des contenus indépendants, incontrôlables, de l'inconscient et même un indice possible de régression. L'ensemble des considérations qui précèdent désignent le plantigrade comme le symbole du danger que font courir les pulsions inconscientes, non formulées par la conscience.
L'ours blanc apparaît assez peu dans les scénarios. Il est toujours associé au Nord, au froid, à la glace. Il arrive même que le rêveur accomplisse un itinéraire qui le mène du Grand Nord à partir duquel un ours blanc l'accompagne, jusqu'à des contrées tropicales où l'animal perd sa fourrure blanche et prend l'apparence d'un "ours normal". L'investigation systématique fait ressortir une observation intéressante :quel que soit le spécimen d'ours, blanc ou brun, c'est presque toujours le mot glace qui le provoque ou annonce sa manifestation ! La subtilité des mécanismes neuroniques transparaît une fois encore à travers cette remarque car le mot glace, dans ces rêves, désigne indifféremment l’eau cristallisée, la crème glacée ou un fragment de miroir !
Le Nord, la glace, c'est le gel, la cristallisation du sentir, la domination de l'intellect. Le Sud, c'est le naturel, le sentiment libre, l'eau qui coule, l'anima reconnue, les forces féminines de la psyché.
Face à l'ours, face à l'inconscient terrifiant, les rêveurs et les rêveuses vont adopter des comportements qui se laissent ranger sommairement parmi quatre types de rapports :
rapport de reconnaissance, d'intégration ;
rapport de réduction ou de régression positive ;
rapport d'esquive ou de transgression ;
rapport d'affrontement héroïque.
Dans tous les cas la présence de l'ours manifeste la dynamique évolutive. L'élargissement du champ de conscience et la liberté d'être s'accompliront. Seuls les chemins diffèrent en fonction de la structure réactionnelle du patient.
Rapport de reconnaissance, d'intégration. C'est la situation dans laquelle la personne découvre la richesse de l'inconscient vis-à-vis duquel elle abandonne sa peur. Le dixième rêve de Catherine marque une étape dans une cure très active. Une éducation rigoriste, très normative, s'est opposée à l'épanouissement d'une nature riche, vive, pleine d'élans. A vingt-trois ans Catherine, de séance en séance, a la révélation de ce qu'elle est. Être ne lui fait plus peur. L'explosion des sens est une fête à laquelle participent - fait assez rare dans un scénario - toutes les sensations possibles : la dans,e le rire, la musique, les lumières, les couleurs, les odeurs et les impressions gustatives.
« C'est le soir, au bord de la mer... odeurs des algues... il doit y avoir une fête dans la ville car les gens vont et viennent... je ne suis pas seule... c'est la fête... il y a des cris, des rires... on arrive sur une place très vivement éclairée... y a un marchand de glaces... je prends une glace à la fraise... oh ! je sens réellement le goût de la fraise ! C'est plus une crème glacée qu'une glace... je m'amuse dans cette fête... y a une partie de moi qui est encore en recul mais j'entre de plus en plus dans la fête... y a des gens déguisés... y a un bagnard et y a plusieurs arlequins, avec des habits très colorés, rouges, roses, jaunes, verts... je bats des mains... j'essaie de terminer ma glace... y a un ours brun qui est sur une scène... c'est un ours savant... y a un stand où l'on vend des essences naturelles, plein de parfums... on sent toutes ces odeurs... y a des glaces aussi, des miroirs... j'ai encore faim, je mange une brioche... quelle bonne odeur !... »
Ici l'ours est placé sur la scène, mis en évidence. C'est un ours savant. Il représente la connaissance inconsciente, inoffensive à partir du moment où elle est reconnue, acceptée comme une force créatrice. Il est au centre de la fête et précédé de l'épisode d'une glace "qu'il faut terminer" !
Rapport de réduction ou de régression positive. Dans près du tiers des scénarios, l'ours se manifeste sous la forme d'un jouet ou d'un déguisement. Il peut s'agir d'un simple stratagème utilisé par l'imaginaire pour faciliter l'approche d'un symbole effrayant, par la réduction de ses caractéristiques. Le plus souvent, cependant, de telles images renvoient le rêveur au temps de la première enfance où le mental était peu différencié et la relation à l'inconscient naturelle. L'ours, alors, se mêle aux souvenirs douillets du temps de l'innocence.
Cette traduction est particulièrement fondée ce ce qui concerne le seizième scénario de Diane qui, dès l'âge de quatre ans, a dû subir les agressions sexuelles de son père : « ... Je vois un homme, qui vient de frapper une femme... oui... il l'a frappée... elle est par terre, elle a peur de lui... elle recule, toujours par terre... et là, je vois des habits d'enfant, de petite fille, avec beaucoup de couleurs... c'est dans une chambre bleue... il y a un petit ourson et peut-être un lapin blanc... tout ça se confond... et puis, je vois le bras d'un fauteuil... on dirait... qu'il a la forme d'un phallus... là, je vois une ou deux petites filles... c'est moi et ma sœur... on se prend par la main... »
Ce rêve intervenait à un moment de la cure où Véronique s'autorisait à retrouver la fraîcheur de souvenirs antérieurs à la souillure.
Rapport d'esquive ou de transgression. Le plantigrade, dans sa dimension redoutable, apparaît souvent dans les scénarios produits par les hommes. Il prend alors l'allure provocante de la bête monstrueuse, obstacle dressé sur le chemin de l'accomplissement psychologique. Chargé de la puissance terrifiante de l'anima, il s'oppose à l'avancée du rêveur qui doit choisir entre deux attitudes : l'esquive ou l'affrontement. Reculer est impossible puisque, lorsqu'il se donne à voir l'ours dans son rêve, le patient ne peut plus ignorer le défi qu'il s'est lancé ! L'esquive, ici, ne signifie pas la fuite mais le passage sans combat. Le vingt-deuxième scénario de Gérard illustre d'autant mieux cette situation que l'ours ne représente que l'un des obstacles dont le rêveur doit franchir toute une série :
« Je suis dans une galerie souterraine, éclairée par des torches accrochées sur les parois... j'avance... j'entends des sifflements, ce sont des reptiles... je les enjambe mais ils sont de plus en plus nombreux... je dois marcher dessus... j'arrive devant une immense paroi en verre qui semble très épaisse. En la touchant, je m'aperçois que c'est une feuille de glace en fait et, en la chauffant avec une torche, je n'ai pas de mal à passer au travers... de l'autre côté c'est très noir... il fait nuit et froid... c'est un désert de glace... [...] Après des jours de marche j'arrive dans une forêt tropicale... je me trouve soudain nez à nez avec un ours... il semble vouloir m'empêcher d'avancer... il reste immobile, à me fixer... et soudain je cours... j'arrive à l'esquiver, à passer à côté de lui... il s'est retourné pour m'attraper mais trop tard, je suis passé... je saute dans une pirogue et je pars au fil de l'eau... »
Un peu plus tard dans le rêve, Gérard devra sortir d'une grotte par un passage trop exigu qu'il agrandira avec... « des éclats de glace, de miroir qui se trouvent là » !...
A travers ces franchissements successifs, Gérard réapprend l'attitude d'engagement, après une longue période de dépression.
Rapport d'affrontement. Comme dans la situation précédente, l'ours demeure ici l'expression des forces terrifiantes de l'inconscient. Mais le plantigrade apparaît cette fois comme une provocation au courage héroïque. La disposition à vaincre la peur engendrée par l'inconscient trouve dans l'affrontement avec l'ours la plus classique des occasions de s'exercer. Des extraits de la dixième séance d'Adrien s'offrent opportunément à la démonstration :
« ... Là, j'ai trouvé une épée... pas une épée ordinaire ! C'est comme l'une de ces épées célèbres, un peu magiques... je prends une attitude de combat, avec cette épée, ramassé pour offrir le moins possible de prise... j'ai l'impression d'être hors du temps, comme si cette épée faisait un pont entre le passé tel que je l'ai vécu, pesant, et le futur... qui n'existe pas encore... ce qui est à venir... je la manie avec une rapidité et une facilité stupéfiantes... les gens s'écartent à mesure que j'avance... elle me semble digne d'affronter un ours... j'oublie même d'avoir peur contre l'ours, parce que je possède l'épée... je mesure l'ours du regard... il me dépasse énormément en taille... il est debout... il a un coup de patte extrêmement rapide et dangereux... mais je sens qu'avec cette épée je peux gagner... je suis aussi rapide que la patte de l'ours... mon épée va encore plus vite que ma pensée et je lui envoie un coup terrible dans la tête... au centre de la tête... et je roule en dessous de lui ! L'épée est tombée à terre... l'ours est comme fou d'abord... puis il tombe, il meurt... je récupère mon épée, tachée de sang... l'ours est par terre, inoffensif... je mets l'épée contre moi et je me salis du sang de ma victime... puis je la plante en terre... je m'agenouille et je remercie Dieu... »
A l'issue de la lutte héroïque, l'ours est rendu inoffensif. L'animal se range ainsi dans la famille des symboles tels que le loup, la pieuvre ou le dragon dont la vocation est de se laisser vaincre par celui qui accepte d'aller à la rencontre de ces peurs.
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Le praticien qui reçoit l'image de l'ours se trouve-t-il en présence d'un indice de régression et doit-il s'en alarmer ? L'expérience autorise confirmer que le symbole agit le plus souvent dans le sens de la réhabilitation des ressources instinctuelles au détriment d'une emprise intellectuelle abusive. Tel patient, sur les traces de l'ours, achève son rêve dans un campement de bûcherons dont il apprend le métier et partage le mode d'existence rustique. Tel autre voit le plantigrade se métamorphoser en renard, heureux de vivre parmi les renards. dans toutes les situations qu'il nous a été donné d'observer, ces images avait pour finalité une réconciliation du rêveur avec ses élans les plus naturels. représentation de la prima materia, étroitement associé à la notion d'ébauche, d'informe, l'image de l'ours apparaît au commencement d'un cycle d'évolution. De celui-là, il est à la fois l'annonce et l'un des premiers acteurs.
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Mythologie :
Selon Hélène Vial auteure d'un article intitulé "Le rire dans le mythe ovidien de la métamorphose" (paru dans la revue Humoresques, CORHUM Humoresques, 2006) :
Si, dans ces deux exemples [voir le gecko et la belette], la métamorphose animale intervient explicitement comme une interruption et un châtiment du rire, il est plus fréquent qu’elle donne naissance à ce que l’on peut voir comme une forme caricaturale et douloureuse du rire : le rictus, signe de la sauvagerie du nouvel être. (1)
[...] Quand Callisto, métamorphosée en ourse par Junon au livre II, vit le tragique dédoublement d’un être dont l’âme, toujours humaine, se retrouve captive d’un corps de bête sauvage, c’est encore l’apparition du rictus, signe avant-coureur de la transformation de la voix, qui constitue le pivot narratif de la transformation :
La nymphe lui tendait ses bras suppliants ; ses bras commencent à se hérisser (horrescere) de poils noirs ; ses mains se courbent et, prolongées par des griffes crochues, lui font office de pieds ; sa bouche, naguère admirée de Jupiter, s’élargit sous la forme d’une gueule hideuse (Ora… lato fieri deformia rictu). Pour qu’elle ne puisse exciter la pitié par des prières et par des discours suppliants, le don de la parole lui est ravi (eripitur) ; de sa gorge rauque il ne sort plus qu’une voix irritée, menaçante, qui répand la terreur (Plenaque terroris). Cependant, devenue une ourse, elle est encore animée des mêmes sentiments qu’auparavant (Mens antiqua manet (facta quoque mansit in ursa)) ; un gémissement continuel atteste sa douleur, elle lève vers le ciel et vers les astres ses mains (manus) telles quelles ; sans pouvoir parler, elle sent toute l’ingratitude de Jupiter.(2)
L’étape la plus traumatisante de la chute dans l’animalité est ici la perte de la beauté du visage, qu’un vers très dense met en scène jusque dans sa structure : entre Ora et rictu, origine et fin du vers, mais aussi de la métamorphose, tout le processus se trouve résumé par l’entrelacement Ora… deformia… lato… rictu et par la place centrale, entre deux coupes, du verbe par excellence de la métamorphose : fieri. Une fois le visage remplacé par un hideux rictus, c’est aussi la voix qui, d’implorante, se fait menaçante. La violence tragique de ce processus est omniprésente, dans l’infinitif horrescere (qui, bien qu’employé dans son sens physique, suggère aussi l’épouvante de Callisto), l’adjectif deformia, le verbe eripitur et le nom terroris (dont on ne sait s’il désigne la terreur suscitée par la voix nouvelle de l’ourse ou celle qu’elle éprouve elle-même). Le tragique de la nouvelle condition de Callisto est contenu dans l’expression Mens antiqua manet, reprise en uariatio – comme pour souligner le caractère prodigieux de l’événement – par la parenthèse facta quoque mansit in ursa, dont la construction montre la permanence (mansit) insérée au cœur même du changement (facta… in ursa). Ce vers, qui pourrait être la formule matricielle de bien d’autres récits ovidiens, révèle que l’âme peut survivre au corps sacrifié, et même marquer de son empreinte le nouveau corps : Callisto conserve la capacité de souffrir, mais aussi de manifester sa douleur, à défaut de paroles, par des gémissements et surtout par le geste de supplication dans lequel sa métamorphose l’a surprise. L’emploi du mot manus, désignant « humainement » ce qui n’a plus rien d’humain, ne fait que souligner le drame vécu par Callisto, qui, l’âme enterrée vivante dans le corps effrayant de l’ourse, subit « la dislocation complète de sa personnalité, provoquée par une métamorphose incomplète avilissant le corps sans altérer l’esprit. ». (3)
Notes : 1) : Aucune association étymologique ne peut être établie entre risus (de rideo, « rire ») et rictus (de ringor, « montrer les dents ») ; cf. A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Klincksieck, 1994, p. 573-574. Cependant, il nous semble que, outre leur proximité phonique et métrique, ces mots peuvent être rapprochés dans la mesure où ils désignent tous deux un étirement, voire (pour le second au moins) une ouverture de la bouche. D’ailleurs, dans un passage de l’Art d’aimer (III, 281-290), Ovide conseille aux femmes de n’ouvrir que légèrement la bouche (rictus) pour laisser la place à un rire (risus) doux et agréable à l’œil comme à l’oreille, opposant à cet idéal l’évocation repoussante d’un rictus déformant hideusement la bouche ou ne s’ouvrant que sur des sons rauques qu’il compare au braiment d’un âne. C’est surtout ce second rictus que nous rencontrerons ici, variante animale, souvent agressive et sinistre, du mouvement du visage qui caractérise le risus.
2) : Ovide, Métamorphoses, II, 477-488.
3) : J.-M. Frécaut, « Un thème particulier dans les Métamorphoses d’Ovide : le personnage métamorphosé gardant la conscience de soi (Mens antiqua manet : II, 485) », in Journées ovidiennes de Parménie, éd. J.-M. Frécaut et D. Porte, Bruxelles, « Latomus », n° 189, 1985 (p. 115-143), p. 135.
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Pour Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique (LLewellyn Publications, 2017 ; traduction française Éditions Véga, 2017), l'Ours Nandi est défini par les caractéristiques suivantes :
Traits : L'Ours Nandi, selon la légende, était un animal fabuleux qui vivait en Afrique de l'Est. Il était carnivore avec de larges épaules de plus de 1.20 m, la face d'un ours et un dos sinueux comme celui d'une hyène. Il avait une fourrure longue et épaisse, de grosses dents et des griffes dont il se servait pour creuser dans la terre ou comme arme pour attaquer. Il se tenait sur ses pattes de derrière et il avait la démarche traînante des ours d'aujourd'hui. La légende dit que l'ours Nandi ne sortait que par les nuits sans lune et que sa bouche luisait de rouge. Lorsqu'il tuait, il ne mangeait que le cerveau de ses victimes. Le folklore local raconte qu'en 1919 un fermier a dénombré plus de 57 chèvres et moutons tués sur une période de dix jours, dont les cerveaux avaient été mangés mais les corps n'avaient pas été touchés.
Talents : Capacité à se cacher ; Équilibre ; Confiance en soi ; Courage ; Creuse les choses ; Liberté ; Harmonie ; Pouvoir ; Ingénieux ; Force ; Victoire ; Guerrier.
Défis : Agressif ; Féroce ; trop sûr de soi ; Imprévisible ; Violent.
Élément : Terre.
Couleurs primaires : Brun ; Rouge.
Apparitions : Lorsque l'Ours Nandi apparaît, cela signifie que vous devez vous servir de votre cerveau et de votre intelligence pour prendre des décisions raisonnables. L'Ours Nandi était connu pour ne manger que le cerveau de ses victimes. Cela indique aussi que vous êtes connecté à la connaissance ancienne. En ayant accès à cette connaissance, vous pouvez mieux comprendre la nature humaine, la vie et le plan spirituel. Grandir en esprit est votre droit divin. Selon la tradition, l'Ours Nandi terrorisait les villageois de l'endroit. C'est pour vous le signe qu'il vous faut chercher dans votre communauté ou à votre travail ceux qui vous semblent négatifs. Y a-t-il des raisons à leurs sentiments, ou s'agit-il simplement de malheureux qui ne voient jamais le bon côté des choses ? Si vous comprenez les raisons de leur comportement, pouvez-vous les aider ? Peut-être ont-ils récemment perdu un être cher et traversent-ils une période de deuil ou de chagrin ? Peut-être passent-ils par des difficultés financières ? L'Ours Nandi a la faculté de se cacher là où personne ne va le trouver, mais il a également un esprit guerrier. Il est plein de puissance, plein de ressources, et il est sûr qu'il va réussir. Malgré cette histoire de décerveler ses proies et même s'il est un animal violent et imprévisible, il vit aussi en harmonie dans son monde et trouve intérieurement son équilibre. Vous aussi, vous êtes plein de ressources, de confiance dans vos capacités, et vous avez l'étoffe d'un héros. Vous savez vous battre pour ceux qui ont besoin de votre aide. Mais laissez à l'ours Nandi la consommation de cerveaux !
Aide : Vous devez vous connecter au courage qui est en vous pour triompher. Il se peut que vous soyez dans une situation où vous ne vous sentez pas à l'aise avec ce qui se passe. L'Ours Nandi peut vous aider à vous connecter à la force du guerrier en vous pour avoir le courage et la force d'âme de suivre la situation jusqu'à son dénouement. Il y a des leçons de vie à apprendre de tous les événements dans lesquels vous vous trouvez. L'Ours Nandi vous signale qu'il vous faut prendre conscience et tirer bénéfice de la croissance que vous expérimentez ainsi. Parfois des situations inconfortables vont vous aider à trouver en vous l'équilibre et l'harmonie.
Fréquence : L'énergie de l'Ours Nandi bouge sur un rythme pesant. Sa sonorité est celle d'un rugissement. Elle est très chaude, avec une sensation de fourrure contre votre peau.
Imaginez...
Vous essayez de résoudre un problème à votre travail, mais rien de ce que vous avez trouvé n'a marché. Avant d'aller dormir, vous demandez à vos guides de vous aider à trouver une solution dans vos rêves et de faire en sorte que vous vous en souveniez en vous réveillant. Vous rêvez que vous êtes en Afrique et qu'un gros ours semblable à une hyène vous pourchasse. Lorsqu'il vous attrape, il saisit votre tête dans sa bouche et se met à en sucer toutes les pensées jusqu'à ce qu'il n'en reste rien, sauf la solution à votre problème. Et il vous laisse partir. Alors, vous touchez votre tête, mais il n'y a pas de sang. Vous lui demandez pourquoi il ne vous a pas mangé le cerveau. "Pas faim, dit-il, je voulais juste aider."
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Littérature :
L'ours
Le grand ours est dans la cage,
Il s’y régale de miel.
La grande ourse est dans le ciel,
Au pays bleu des orages.
Bisque ! Bisque ! Bisque ! Rage !
Tu n’auras pour tout potage
Qu’un balai dans ton ménage, Une gifle pour tes gages,
Ta chambre au dernier étage
Et un singe en mariage !
Robert Desnos, "L'Ours" in Chantefables, 1970 (posthume)
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Dans le roman policier intitulé Dans les Bois éternels (Éditions Viviane Hamy, 2006), Fred Vargas fait revenir le commissaire Adamsberg à Paris après un intermède pyrénéen destiné à le remettre de ses aventures québécoises, pour repartir aussitôt vers la campagne normande où il fait quelques découvertes zoologiques étonnantes :
- Une première menace contre Pascaline ? demanda Justin.
- Je ne crois pas. On l'a tué pour prélever ses parties sexuelles. Comme le chat était déjà castré, c'est donc sa verge qu'on a ôtée. Danglard, expliquez le truc de l'os.
Le commandant réitéra son enseignement sur les os péniens, les carnivores, les viverridés, les mustélidés.
- Qui d'autre savait cela parmi vous? demanda Adamsberg.
Seules les mains de Voisenet et de Veyrenc se levèrent.
- Voisenet, je comprends, vous êtes zoologue. Mais vous, Veyrenc, d'où le tenez-vous ?
- De mon grand-père. Quand il était jeune, un ours avait été tué dans la vallée. Sa dépouille avait été trimbalée de village en village. Mon grand-père en avait conservé l'os pénien. Il disait qu'il ne fallait pas l'égarer ni le vendre, à aucun prix.
- Vous l'avez toujours ?
- Oui. Il est là-bas, à la maison.
- Savez-vous pourquoi il y tenait ?
- Il affirmait que l'os tenait la maison debout et la famille à l'abri.
- Quelle taille fait un os pénien de chat ? demanda Mordent.
- Comme ça, dit Danglard en espaçant les doigts de deux à trois centimètres;
- Ça ne tient pas une maison, dit Justin.
- C'est symbolique, dit Mordent.
- Je m'en doute, dit Justin.
Adamsberg secoua la tête, sans repousser les cheveux qui lui retombaient dans les yeux.
Je pense que cet os de chat a une valeur plus précise pour celle qui l'a prélevé. Je pense qu'il s'agit du principe viril.
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Dans Un lieu incertain (Éditions Viviane Hamy, 2008) de Fred Vargas une anecdote à propos d'un ours carnivore revient à plusieurs reprises dans le roman, comme un leitmotiv lancinant :
"- Moi, dit Arandjel, j'ai connu un homme qui a mangé son propre doigt, dit-il en levant son pouce. Il l'a coupé et il l'a fait cuire. Seulement, il ne s'en souvenait plus le lendemain et il réclamait partout son doigt. Cela se passait à Ruma. On a hésité longtemps entre lui dire la vérité et lui faire croire qu'un ours l'avait avalé dans la forêt. Finalement, une ourse est morte peu de temps après. On lui a rapporté sa tête et l'homme s'est rasséréné en pensant que son doigt était dedans. Il a conservé cette tête pourrie.
- Comme l'ours blanc, dit Adamsberg. L'ours qui avait mangé un oncle sur la banquise et que le neveu rapporta à Genève à la veuve, qui le garda dans son salon.
- Remarquable, jugea Arandjel. Tout à fait remarquable.
Et Adamsberg se sentit fortifié, même s'il avait du venir aussi loin pour trouver un homme qui appréciât à sa valeur l'histoire de l'ours. Mais il ne savait plus où il avait laissé la conversation et Arandjel le lut dans ses yeux."
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Dans Réparer les vivants (Éditions Gallimard, 2014) Maylis de Kérangal imagine un personnage de jeune actrice embauchée pour jouer les symptômes de différentes maladies afin d'aider les étudiants à parfaire leur diagnostic.
"Cependant, jamais elle ne fut meilleure que ce jour de décembre où elle dut simuler une angine de poitrine. La cardiologue de renom qui dirigeait l'étude lui avait décrit la douleur en ces termes : un ours s'est assis sur votre thorax. Rose avait arrondi des yeux en amande, éblouie, un ours ? Elle dut rameuter des émotions enfantines, la vaste cage malodorante aux rochers de plastique crème grossièrement modelés, et l'animal énorme, cinq à sept cents kilos, le museau triangulaire et les yeux rapprochés, faussement bigleux, la fourrure rubigineuse empoussiérée de sable et les cris des enfants quand il s'était levé sur ses pattes arrière, atteignant deux mètres de hauteur ; elle repensa aux scènes de chasse de Ceausescu dans les Carpates - les ours rabattus par les paysans et appâtés par de la nourriture déposée dans des seaux, sortant du fond de la clairière devant une cabane de bois montée sur pilotis, s'avançant pile dans le cadre de la lucarne de tir, derrière quoi un agent de la Securitate armait le fusil pour le tendre ensuite au dictateur une fois la bête assez proche pour qu'il ne puisse la manquer -, elle se souvint enfin d'une scène de Grizzly Man, Rose prit son élan depuis le fond de la salle, marcha vers l'étudiant qui lui tenait lieu de partenaire, puis s'immobilisa. Discerna-t-elle l'animal à l'orée d'un sous-bois,passant une tête entre les bambous, ou se déhanchant sur quatre pattes, nonchalant, le pelage cachou, grattant paresseusement une souche de ses griffes non rétractiles avant de se tourner dans sa direction et de se redresser comme un homme ? Perçut-elle le monstre cavernicole au sortir des mois d'hivernation, s'étirant, réchauffant les fluides à l'arrêt dans son corps, et réactivant la goutte de sang dans son cœur ? Le distingua-t-elle qui farfouillait au crépuscule dans les poubelles d'un supermarché, grognant d'allégresse sous une lune énorme ? Ou bien pensa-t-elle à tout autre poids - un homme ? Elle bascula en arrière de tout son long - le bruit de son corps chuté d'un coup provoqua un murmure dans la salle - et dans un raidissement convulsif, étira un cri de douleur, bientôt étouffé en râle muet, après quoi elle cessa de respirer, absolument immobile."
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Dans La Splendeur escamotée de Frère Cheval ou Le Secret des grottes ornées (Éditions Grasset, 2018), Jean Rouaud cherche à comprendre la manière de penser des hommes du paléolithique ainsi que le passage à la période néolithique :
"Dans sa volonté de domestication des anciennes puissances, il en est une qui aura résisté à la domination de l'homme. Elle était pourtant la plus convoitée puisqu'elle présidait à la résurrection des morts. A Chauvet on lui a consacré une haute salle en amphithéâtre au milieu de laquelle, sur une pierre d'autel non tombée de la voûte comme on l'a pensé longtemps mais amenée tout exprès par le peuple des glaces, ce qui implique la préméditation et un ensemble de rituels, on a placé un crâne d'ours dont les orbites creuses fixaient le trio des inventeurs au moment de la découverte de la grotte. Le gigantesque crâne n'était pas seul à affronter les siècles. Tout autour, jonchant le sol, on en dénombre cinquante-trois. Tous ours des cavernes moins le crâne d'un ours brun. Pas de gravures. Lui et lui seul. L'ours est le seul honoré du bestiaire de la grotte à être présent sinon en chair du moins en os. Il se passe du médium de l'image. Il est le tout-puissant incarné, maître des ténèbres.
Contrairement aux autres salles ornées, ici nous sommes dans la salle des reliques. Le corps sanctifié est présent comme dans une châsse gigantesque. Ce statut spécial qu'on lui réserve dit bien la place centrale occupée par l'ours dans l'imaginaire des Aurignaciens. Il est celui qui chaque printemps sort de l'hiver de la mort. C'est donc bien de son corps lui-même qu'on attend la résurrection. C'est dans ce sanctuaire que se joue l'espérance de l'Au-delà. Et si l'on présente le crâne (Golgotha signifie le "mont du crâne" en araméen) c'est bien que la résurrection est l'affaire de l'Esprit. Il y avait donc grand intérêt à "domestiquer" une créature aux pouvoirs aussi importants.
Contrairement au cheval les contemporains des mains d'or n'ont laissé aucune trace de licol sur les gravures d'ursidé. Sans doute étaient-ils trop intimidé par sa stature, trois mètres cinquante sous la toise, et par sa force phénoménale. Mais les gens du mésolithique, la période de réchauffement et de la maladie verte, s'y sont essayés. ON a découvert un crâne d'ours brun à la mâchoire percée. Et percée de son vivant, ce qui se voit à l'ossification entourant l'orifice. On a donc, comme le cheval, tenté de le mener par le bout du nez, mais ça n'a pas marché. L'ours n'est pas "domesticable". A part quelques pas de danse lourdauds dans les Carpates au son d'un tambourin et un tour de piste sur une bicyclette ridicule dans un cirque, on n'a rien pu obtenir de lui. D'ailleurs, l'ours des cavernes a disparu il y a huit mille ans. Preuve qu'on avait déjà considéré qu'il était inutile d'en attendre autre chose. Il faudra ressusciter sans lui.
L'ours des cavernes domestiqué, on aurait eu une chance de le sauver. Mais la tâche était au-dessus des moyens humains.
[...]
A défaut de domestication on n'a pas renoncé pourtant à s'en faire un allié pour lutter contre les peurs originelles. Au moment de s'endormir les enfants serrent dans leurs bras un petit ourson en peluche dont ils attendent protection pendant la grande traversée nocturne peuplée de monstres. Dans ses yeux de verre peut même se refléter un rai de lumière passant sous la porte. La chambre-caverne compte encore sur sa présence pour assurer la renaissance du jour. Elle s'en remet désormais à un jouet d'enfant. La domestication est une fiction destinée à entretenir le mythe de la toute-puissance de l'homme. On compte tellement sur l'ours pour nous le rappeler qu'on tente de le réintroduire dans des lieux secrets, au cœur des montagnes boisées, où seuls les spécialistes seront en mesure de l'apercevoir."
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