Étymologie :
OENOTHÈRE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1777 œnothera lat. bot. (Encyclop. Suppl. t. 4) ; 1811 œnothère (Bon jardinier pour 1811 ds Roll. Flore t.6, p.5). Empr. au lat. sc. œnothera, att. sous la forme onothera dep. 1532 (Guinter, ibid.) lui-même empr. au gr. ο ι ̓ ν ο θ η ́ ρ α ς « plante dont la racine a une saveur vineuse », comp. de ο ι ̃ ν ο ς « vin » et de -θ η ρ α ς « ce qui attrape, attire », de θ η ρ α ́ ω « poursuivre, chercher à saisir ».
ONAGRE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1615 onagra (Daléchamps, Hist. gén. des plantes, t. 1, 752) ; 1778 onagre (Lamarck Flore fr. t. 3 n°1076). Empr. au gr. ο ν α ́ γ ρ α att. chez Dioscoride (André Bot.) par l'intermédiaire d'un lat. bot. onagra, ou parfois oenagra par rapprochement avec les termes en oeno- (v. élém. formant oen(o)-) à cause de l'odeur de vin des racines séchées de cette plante (Daléchamps, loc. cit.).
Autres noms : Œnothera biennis - Herbe aux ânes - Jambon de Saint-André - Onagre - Primevère du soir -
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Botanique :
Gilles Clément, auteur de Éloge des vagabondes : Herbes, arbres et fleurs à la conquête du monde (Éditions Groupe Robert Laffont, 2014) précise que :
Les onagres, dressées, ouvrent leurs fleurs jaunes à la tombée du soir. On peut assister à l'ouverture sitôt le soleil couché. Les pétales se gonflent au-dessus des sépales retournés pus se déploient d'un coup en éventail. L'opération demande cinq minutes. Lorsque plusieurs corolles se montrent en même temps, on peut parler de spectacle.
Éphémères, les fleurs se fanent avant midi le lendemain. Elles font partie des « belles-de-nuit ». Une plante andine de la même famille, aux tons nacrés, au parfum délicat, prend le nom, au Chili, de Don Diego de La Noche.
Toutes sont originaires des deux Amériques, la majorité venant du Nord. En Europe certaines espèces se sont naturalisées depuis l'introduction de l'œnothère bisannuelle vers 1600. Il s'agit sans doute de la plus belle par la taille et la disposition des fleurs, l'organisation du feuillage en rosette d'hiver, l'architecture générale « déployée » et surtout la tonalité pâle des fleurs, capables d'éclairer au crépuscule un de ces coins délaissés où elle se plaît. On range les onagres parmi les rudérales, plantes de décombres, lieux ouverts, ensoleillés, abandonnés. [...]
De façon inexpliquée, Œnothera biennis semble avoir disparu de son lieu d'origine (Amérique du Nord). Preuve que le brassage planétaire, peut jouer, dans certaines circonstances, un rôle de sauvegarde des espèces.
Nathalie Mondot dans un article intitulé "Exprimer les « maux des femmes » : projet d’enquête ethnobotanique." (Ethnopharmacologia, n°63, juin 2020) présente ainsi l'onagre :
L’onagre : L’onagre (Oenothera biennis) contient deux acides gras essentiels, l’acide linoléique et l’acide gamma-linoléique, qui sont nécessaires à la synthèse des prostaglandines. Même si plusieurs études se sont penchées sur l’utilisation de l’onagre dans le traitement du syndrome prémenstruel, la plupart d’entre elles sont de trop piètre qualité pour permettre d’en tirer des conclusions solides. Une analyse méthodique des essais cliniques a permis de conclure que l’huile d’onagre n’apporte aucun avantage (1). Même si elle est bien tolérée en général, l’huile d’onagre coûte cher et son utilisation à long terme pourrait être associée à un risque accru d’inflammation, de thrombose et d’immunosuppression (2).
Notes : 1) 0. Budeiri D, Li Wan Po A, Dornan JC. Is evening primrose oil of value in the treatment of premenstrual syndrome ? Control Clin Trials, 1996 ; 17 (1) : 60-8.
2) Jellin JM, Batz F, Hitchens K. Pharmacists Letter ; Natural Medicines Comprehensive Database. Stockton, CA: Therapeutic Research Faculty ; 1999 : 330-1.
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Médecine traditionnelle :
Selon l'article intitulé "L’HUILE D’ONAGRE, UNE MAUVAISE HERBE DONT ON PEUT PRENDRE DE LA GRAINE !" du 16 janvier 2019, lu sur le site Regards sur les cosmétiques :
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Une plante utilisée en médecine traditionnelle : L’huile d’onagre est utilisée en médecine traditionnelle pour traiter différentes pathologies telles que l’eczéma, l’asthme, la polyarthrite rhumatoïde, les troubles prémenstruels et les troubles liés à la ménopause, en permettant de réduire l’intensité des bouffées de chaleur.6 Des travaux récents font état de sa place dans l’arsenal thérapeutique naturel des femmes d’Amérique du sud souhaitant contrer les effets de la ménopause. L’huile d’onagre est censée réduire le phénomène de dépression et la sensation de fatigue. On consommera également des bananes pour retrouver un peu d’énergie, du soja et du pollen pour limiter les bouffées de chaleur. L’avocat sera mis au menu afin de lutter, si l’on veut bien y croire, contre les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes. Épinards, saumon, yaourts et fromages préviendront l’ostéoporose (1)… Le rôle de l’huile d’onagre dans la prévention des troubles de la ménopause ne repose sur aucune étude sérieuse. (2) L’utilisation de compléments alimentaires à base d’huile d’onagre ne réduit pas, en effet, les mastalgies de façon plus convaincante qu’une huile de foie de poisson ou que de l’huile de germes de blé. (3)
Notes : 1) T. D. Locklear, B. J. Doyle, A. L. Perez, S. M. Wicks, G. B. Mahady, Menopause in Latin America : Symptoms, attitudes, treatments and future directions in Costa Rica, Maturitas, 104, 2017, Pages 84-89
2) D. Budeiri, A. Li Wan Po, J. C. Dornan, Is evening primrose oil of value in the treatment of premenstrual syndrome? Controlled Clinical Trials, 17, 1, 1996, Pages 60-68
3) Jacqueline Blommers, Elisabeth S. M. de Lange-de Klerk, Dirk J. Kuik, Pieter D. Bezemer, Sybren Meijer, Evening primroseoil and fish oil for severe chronic astalgia: A randomized, double-blind, controlled trial, American Journal of Obstetrics and Gynecology, 187, 5, 2002, Pages 1389-1394
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette plante :
ÉNOTHERE A GRANDES FLEURS - INCONSTANCE.
Nous avons plusieurs fois retrouvé et perdu cette belle plante, que l'on nomme vulgairement Onagre. Elle est originaire de Virginie. M. Mordant de Launay l'a rendue aux jardins de Paris, où, malgré son inconstance, on lui fait un accueil favorable.
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Énothère a grandes fleurs, signifie : Ma reconnaissance surpasse vos soins.
L’énothère reste fermé pendant le jour et semble conserver tous ses parfums pour le soir, ou fleurit aux heures de la promenade de celui qui le cultive.
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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
ONAGRE BISANNUELLE - INCONSTANCE.
L'homme qui ne sait pas prendre son parti est comme une vague que le vent agite et pousse ça et là.
Jacques : I , 6.
De la racine fibreuse et charnue de l'onagre s'élève une tige feuillée, un peu rameuse, haute de 50 à 60 centimètres, garnie de feuilles ovales d'un vert foncé et remarquable par une nervure blanche qui les traverse dans leur longueur. Ses fleurs sont jaunes et durent à peines 24 heures, mais elles se succèdent journellement et répandent le soir une odeur suave. Sa racine a une saveur douce oléracée, elle contient une grande quantité de principe muqueux nutritif. Quand elle est jeune, on peut la manger en salade comme la raiponce. Cette plante est originaire de la Virginie, d'où elle aurait été transportée en Europe en 1614.
RÉPLEXION.
Il y a une inconstance qui vient de la légèreté de l'esprit ou de sa faiblesse, qui lui fait recevoir toutes les opinions d'autrui, et il y en a une autre qui est plus excusable, qui vient du dégoût des choses.
(LA ROCHEFOUCAULT.)
Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
ONAGRE - FIERTÉ SOTTE.
Plante originaire de l'Amérique. On la nomme vulgairement Herbe aux ânes ou Jambon de Saint-André. Quelques botanistes la représentent comme étant le symbole de l'inconstance, parce que plusieurs fois elle aurait été perdue et retrouvée. C'est M. Mordant de Launay qui l'aurait rendue, en dernier lieu, aux jardins de Paris.
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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie.
Onagre ou Œnothère odorant à grandes fleurs - Ma reconnaissance surpasse vos soins.
L'œnothère reste fermé pendant la chaleur du jour, il conserve tous ses parfums pour le soir, moment où celui qui le cultive se promène et vient respirer un air plus frais. C'est alors qu'on voit le bouton, gonflé outre mesure, rompre sa dernière attache, s'ouvrir brusquement et montrer aux regards ses quatre larges pétales jaune d'or à l'odeur suave. Les ânes sont très friands de cette plante, d'où son nom d'onagre, herbe d'âne. On croyait aussi que son infusion pouvait apprivoiser les bêtes féroces, d'où son autre nom d'œnothère, ou vin des bêtes fauves.
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'Onagre (Œnothera biennis) a les caractéristiques suivantes :
Pouvoir : Chance à la chasse.
Les Œnothéras sont des plantes américaines, introduites en Europe assez tard (XVII e siècle), ce qui explique qu'elles tiennent peu ou pas de place dans les traditions populaires européennes. L'espèce citée ici, l’Onagre, est pourtant devenue sauvage en France où la plante est assez commune dans les lieux incultes, sur les talus de chemin de fer, etc. Aucun auteur ne la mentionne en relation avec les croyances et le folklore de notre pays.
Utilisation magique : Les Amérindiens frottaient leurs mocassins avec des feuilles d'Onagre avant de partir pour la chasse. Cette opération avait certes un côté pratique : couvrir l'odeur corporelle du chasseur afin qu'il puisse s'approcher des animaux sans être éventé. Mais le rite avait aussi une signification magique.
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Selon Gilles Clément, auteur de Éloge des vagabondes : Herbes, arbres et fleurs à la conquête du monde (Éditions Groupe Robert Laffont, 2014) :
Onagre, l'autre nom de l'œnothère porte à confusion. Il désigne également le type sauvage de notre âne domestique dont la souche demeure dans les déserts d'Asie centrale. Par ailleurs, les gens nommaient onagre, ou œnothère, une plante « branchue et haute comme un arbre, décrite par Théophraste et Dioscoride, mais qui n'a pas été retrouvée par les modernes ». Ils pensaient que l'eau de macération des racines de cette planté, donnée à boire à un animal sauvage, le rendait domestique. D'après Théophraste : « La racine d'onagra, bu avec du vin, rend la personne plus affable et plus accointable (sic). De moi je ne trouvai jamais personne qui m'ait su montrer l'onagra, combien qu'elle soit fort nécessaire, non seulement pour dompter et apprivoiser les bêtes sauvages, mais aussi pour adoucir la brutalité de plusieurs personnes qui en ont besoin. »
Si telle est la vérité il faudrait sur-le-champ se mettre à cultiver des hectares d'onagre.
Le nom d'onagre ou œnothère officiellement donné par Tournefort (du grec oenos, vin et thêt, bête sauvage) donne à penser sur la poésie scientifique : le processus analogique s'y déploie librement. De façon curieuse, cependant, il se fige en un taxon, parure de rigueur derrière laquelle l'imaginaire continue d'élaborer des hypothèses : Œnothera biennis, pâture pour les ânes, étymologie plus que douteuse note le très sérieux Gaston dans sa Flore d'Europe. N'a-t-on pas avancé que les feuilles de la rosette ressemblaient aux oreilles des ânes ?
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Littérature :
Dans La Mère du Printemps (L'Oum-er-Bia) (Éditions du seuil, 1982), Driss Chraïbi évoque la beauté des œnothères :
"Trente ans plus tard, une fleur est en train de s'ouvrir sous mes yeux de vieillard. Lentement, avec la paix joyeuse d'un tout petit enfant qui se réveille. Une œnothère, si ma science des mots est bonne. S'ouvrant, c'est comme un oiseau qui donne la première note au peuple des oiseaux pour le salut au soleil : sur des centaines de pas, tout le parterre d'œnothères lui répond en jaune orangé, à l'unisson."
Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque les onagres :
30 juillet
(Nieuport)
Les onagres bisannuelles me font boire le bonheur des dunes dans leurs coupes d'or. Focalisations de lumière sur le sable...
Leurs feuilles étroites nourrissent des bourgeons floraux aigus comme la quenouille fatale à la Belle au bois dormant. Leurs corolles éphémères ceignent des cascades d'étamines vaporeuses. Dans chaque fleur, un lourd pistil à tête crucifiée s'incline sur le ventre rond du pétale inférieur.
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