Étymologie :
CARDÈRE, subst. fém.
Étymol. et Hist. [1775 cardère Lamy d'apr. Dauzat 1973] ; 1778 (C. Lamarck, Flore franç., éd. 1795, iii, No. 935 ds Barb. Misc. 13, no22); 1784 cardière (De Saint-Germain, Manuel des végétaux, ibid.)-Lar. 19e; 1832 cardiaire (Raymond). Orig. incertaine, à rattacher prob. à la famille de chardon*-carder* − ou bien formation savante, due aux botanistes du xviiies., à partir du lat. carduus (chardon*) (Bl.-W.5; FEW t. 2, p. 371b ; Barb. Misc. 13, no22) avec finale obsc. -ère, soit mis pour -ière* bien que ce suff. serve d'ordinaire, avec un nom de végétal, à désigner un lieu couvert de plantations, soit mis pour -aire p. anal. avec cymbalaire, linaire, noms de plantes − ou bien plutôt empr. au prov. cardayro « id. » (attesté dans la Creuse, la Dordogne, la Corrèze ds Roll. Flore t. 7, p. 9), dér. de cardar « carder » (xives. ds Rayn.) avec suff. -ayro, issu du lat. -átor.
Lire également la définition du nom cardère afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Dipsacus fullonum - Baignoire de Vénus - Bonnetier sauvage - Cabaret des oiseaux - Cardère sauvage - Cuvette de Vénus - Grande verge à pasteur - Lavoir de Vénus - Peigne de loup -
Dipsacus sativus - Cardère à foulon - Cardère à lainer - Cardère cultivée - Cardère des villes - Chardon à Bonnetier - Chardon à carder - Chardon à Drapier - Chardon à foulon - Chardon à lainer - Chardon lanier -
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Botanique :
Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description de la Cardère sauvage :
Description botanique : Le cabaret des oiseaux peut atteindre 1 mètre et elle est caractérisée par des tiges robustes, aiguillonnées et sillonnées où poussent des feuilles glabres, lancéolées, entières et dentées mais qui sont garnies d’aiguillons sur la nervure dorsale et sur les bords. Les fleurs sont rose lilas et se développent en têtes ovales dont les folioles entourant l’involucre résultent arquées-ascendantes, linéaires, épineuses et plus longues que la tête florale. La fleur est aussi caractérisée par la présence de paillettes dressées et aristées sur le réceptacle, plus longues que les fleurs (Pignatti, 1982, II : 662)
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Vertus médicinales :
Pierre-Joseph Bic'hoz, médecin de Monsieur et auteur de Etrennes du printemps, aux habitans de la campagne, et aux herboristes, ou pharmacie champêtre, végétale & indigène, à l'usage des pauvres & des habitans de la campagne (Lamy libraire, Paris, 1781) recense les vertus médicinales des plantes :
Racine de Chardon à Foulon. Cette racine pilée avec du miel en consistance d'électuaire, passe pour excellente contre la phtisie, même la plus désespérée.
Usages traditionnels :
Françoise Hoffer-Massard et Pierre Massard proposent un article "A propos de cardères ou Dipsacus." (Bulletin du Cercle vaudois de botanique., 1999, vol. 28, pp. 102-104) =>
Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes :
Propriétés et utilisation : Dans la communauté de Sënd Japku/San Giacomo, les têtes florales de la cardère sont utilisées pour peigner la laine, étant donné l’ancienne tradition d’artisanat liée au tissage sur métier à tisser qui caractérise la plupart des communautés arbëreshe de la Calabre. L’utilisation des fleurs du cabaret comme peignes à laine est également attestée par les dénominations que la plante prend dans les différentes régions italiennes : pentu di masche « peigne des sorcières » dans les Langhe piémontaises, spi de lupu « épine de loup » dans les Marches, petni « peignes » en Ligurie, pettini di lupu « peignes de loup » en Sicile, cardo da panni « chardon des draps » en Toscane (Penzig, 1924 : 171-172). Dans la tradition italienne de la médecine populaire, cette espèce possède, d’une part, des propriétés digestives et laxatives et, de l’autre, elle est utilisée pour le traitement des infections cutanées, des plaies, des furoncles, de la chute des cheveux, des lentigos, de l’azotémie, des calculs vésicaux et rénaux (Guarrera, 2006 : 95). On connaît également l’utilisation de cette plante pour le traitement des inflammations oculaires ; en effet, en cas de maladies oculaires, une croyance populaire suggère de mouiller les yeux avec l’eau de pluie qui se rassemble dans une espèce de petite baignoire à la base des feuilles où les oiseaux vont se désaltérer (Beccaria, 1995 : 65). Au Kosovo, on affirme que l’infusion de fleurs de cardère possède de puissantes propriétés anti-hémorroïdales (Mustafa et al., 2012a : 744).
Analyse lexico-sémantique des désignations :
1- [kardˈɔɲ] est un emprunt du nap. cardògna « chardon sauvage épineux » (NVDN : 152).
2- [muŋɡanˈaʦ] est un emprunt au sic. munganazzu « chardon » (< sic. muganazzu) (VS, II : 880).
3- [karðaʎˈɛʃ] est un syntagme composé dont le premier élément arb. kardha- peut se rapprocher du verbe cal. scardare, -ri « carder » (NDDC : 618) et le deuxième élément représente le mot arb. -lesh « laine » ; ce composé représente bien l’utilisation que les cardeurs faisaient des têtes florales de cette plante, qui allaient ensuite former les peignes de la carde une fois séchées, comme on peut le voir sur la deuxième figure ci-dessus. La carde était un outil que les cardeurs utilisaient pour carder la laine avant de la filer.
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Symbolisme :
Dans le calendrier républicain, Cardère était le nom donné au 17e jour du mois de fructidor (3 septembre)
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de la Cardère :
CHARDON A FOULON - MISANTHROPIE.
Les fleurs de la Coudère des bois sont hérissées de paillettes longues et piquantes ; toute la plante a un air sévère. Cependant elle est utile et belle ; les drapiers l'emploient à fouler leurs étoffes ; c'est ce qui lui a valu le nom vulgaire de Chardon à foulon.
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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
CARDÈRE - BIENFAIT.
Faites le bien avec discernement, vos bienfaits en auront plus de prix.
Ecclésiastes : XII, 1. -
Des tiges presque nues hérissées d'épines ainsi que les feuilles ; des fleurs sans éclat réunies en tête entremêlées de longues paillettes piquantes, ne présentent dans le cardère et les autres espèces aucun de ces agréments que nous recherchons dans les fleurs de nos jardins, aussi en sont-elles exclues. Mais observées dans les lieux agrestes qu'elles habitent et mélangées avec d'autres plantes du même caractère, elles у forment un de ces sites qui plaisent infiniment. Les feuilles de ce chardon sont très larges, embrassantes et opposées ; elles sont coudées à la base de manière à former un vase naturel dans lequel l'eau des pluies se conserve pendant les chaleurs de l'été ; elles deviennent ainsi autant de petits abreuvoirs où les petits chantres des bocages trouvent à se désaltérer lorsque le vent du midi a desséché les ruisseaux. C'est vraiment avec joie que l'on remarque ces gouttes limpides conservées dans les cavités d'une rose. Un papillon, un in secte est appelé à partager cette coupe riante. C'est avec un vêtement d'azur, avec une écharpe de pierreries que les filles de l'air, reines pour un seul jour, viennent savourer la création, et la félicité vitale qui seule animait leur être, s'exhale entre mille parfums. — Le chardon que l'on trouve aux bords des chemins offre au joli gosier des chardonnerets une graine qu'ils aiment et qui les attire, et cela seul devrait lui mériter une place particulière dans les massifs d'un parc ou d'un jardin anglais.
RÉFLEXIONS.
Souvent les bienfaits nous font des ennemis et l'ingrat ne l'est presque jamais à demi, car il ne se contente pas de n'avoir point la reconnaissance qu'il doit, il voudrait même n'avoir pas son bienfaiteur pour témoin de son ingratitude.
(Mme DE LA SABLIÈRE.)
Le plaisir de faire du bien nous paye comptant de notre bienfait.
(Massillon, Petit Carême.)
Regardez les biens qui sont entre vos mains comme n'étant pas à vous, mais à autrui ; songez qu'un vous en demandera un jour un compte très exact et très rigoureux.
(Saint Basile, Homélies.)
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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
DIPSACUS (CHARDON) - J'AI SOIF.
[...] Le chardon-bonnetier, que l'on cultive pour l'usage qu'on en fait dans l'industrie des lainages, forme une exception dans la famille nombreuse des chardons. Sa tige droite et haute est fort branchu , et chargée sur tous ses côtés de véritables épine . Les feuilles ne se trouvent qu'à la naissance des branches. La tête du chardon a la forme d'un pompon hérissé de crochets pointus et sert à peigner les draps. Mille fleurs délicates se trouvent entre les épines imposantes, et sécrètent un suc dont les abeilles sont très friandes ; les feuilles bienfaisantes conservent aux oiseaux la douce rosée du matin et fournis sent une eau salutaire pour les maux d'yeux.
Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) rapporte plusieurs exemples qui crée une forme de baromètre botanique :
Chardon. - Si le chardon à foulon rapproche ses écailles et les tient serrées, il va pleuvoir.
Puis elle s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme traditionnel de la Cardère :
Chardon à foulon ou Cardère - Utilité.
Au temps où Dieu tout puissant se révélait quelquefois à ses fidèles serviteurs, vivait un pauvre Arabe dont le travail soutenait à peine l'existence. Il possédait un petit champ, dont la récolte était insuffisante à le nourrir. Une année entre autres avait été fatale pour lui. La pluie avait manqué et le soleil avait brûlé les tiges de blé à mesure qu'elles sortaient de terre ; le peu de semence qui avait grandi le consolait dans sa misère et lui promettait du grain pour semer l'année suivante, mais les sauterelles s'abattirent sur son champ, et en quelques instants, tout fut fauché et perdu à jamais. Il ne lui restait qu'un mouton qui trouvait à peine quelques rares brins d'herbe pour se nourrir.
Un matin que cet homme faisait sa prière et qu'il suppliait Allah de ne pas prolonger plus longtemps l'épreuve terrible à laquelle il s'était soumis jusqu'alors, deux voyageurs épuisés de faim et de fatigue, se présentèrent devant sa tente et lui demandèrent l'hospitalité. Leurs vêtements étaient déchirés et souillés par une longue route, leurs pieds saignaient, ouverts par le sable brûlant et par les épines du chemin .
Abdallah (c'était le nom de l'Arabe) les accueillit avec empressement, leur lava les pieds, leur prépara la seule couverture qu'il possédât pour qu'ils pussent y prendre quelque repos, puis il alla tuer son unique mouton pour recevoir le plus dignement possible les hôtes que le ciel lui envoyait. Lorsqu'il les vit succomber au besoin de sommeil, il se retira, les laissa seuls, et alla se coucher en travers du seuil pour être prêt à les défendre de tout danger.
Deux jours se passèrent ainsi ; les provisions d'Abdallah étaient épuisées, et il ne pouvait les remplacer. Le troisième jour il entra dans la tente et, se prosternant devant les étrangers, la tête découverte, il se meurtrit la poitrine et avoua en pleurant sa misère et son dénûment.
- Mais si Dieu, ajouta-t-il, ne me permet pas de remplir les devoirs de l'hospitalité jusqu'à la fin, je puis vous conduire près d'ici chez un uléma riche et puissant, dont les champs couverts de moissons, s'étendent au loin, et dont les nombreux troupeaux paissent l'herbe de la plaine. Daignez venir avec moi, et pardonnez à mon impuissance.
Les deux étrangers suivirent Abdallah qui les mena à la demeure de l'uléma. Celui-ci, magnifiquement vêtu, monté sur un superbe cheval, allait partir pour la chasse ; ses nombreux serviteurs l'entouraient portant ses faucons et tenant ses chiens en laisse. Il écouta l'humble requête du pauvre Arabe, jeta un regard de pitié sur les deux étrangers aux habits sordides et, se tournant vers un esclave :
- Qu'on donne deux galettes d'orge à ces mendiants, afin qu'ils puissent continuer leur route. Je ne puis les recevoir chez moi ; mes lentes sont remplies de mes serviteurs et de leurs familles et mes récoltes encombrent mes magasins ; je n'ai pas de place.
Aussitôt les vêtements des étrangers tombèrent, et deux jeunes hommes éclatant de jeunesse et de beauté apparurent aux yeux des Arabes frappés d'étonnement. Leurs tuniques étaient étincelantes de lumière et de longues ailes s'attachaient à leurs épaules.
- Nous sommes les messagers d'Allah, dit l'un d'eux. Merci, brave Abdallah, de ton hospitalité ; et toi aussi, merci du pain qui devait nous soutenir dans notre voyage. Nous retournons vers Celui qui nous a envoyés ; mais avant de quitter cette terre, nous devons reconnaitre la bonté de ses enfants.
Et il remit à l'uléma ainsi qu'à Abdallah un sac de graines.
- Semez aujourd'hui, dit-il, le grain que renferme ce sac ; il grandira sous l'œil de Dieu et récompensera votre charité comme elle mérite de l'être.
Puis ils disparurent dans un nuage de feu. Les deux Arabes s'empressèrent d'obéir aux ordres de l'ange, et bientôt de nombreuses tiges percèrent le sol el le couvrirent de leur tapis verdoyant. Abdallah voyait avec étonnement des feuilles et des rameaux épineux étendre leurs bras, et il attendait avec résignation que la volonté de Dieu s'accomplit. Bientôt les fleurs apparurent ; puis des têtes hérissées de crochets leur succédèrent : c'étaient des chardons.
- Que puis-je faire de ces plantes, se disait un soir Abdallah, et comment pourront-elles me sauver de ma misère ? Que Dieu me vienne en aide !
Il s'endormit. Il vit en songe l'un des deux étrangers qu'il avait accueillis qui se tenait devant lui et le regardait avec bonté.
- Zélé serviteur d'Allah, lui dit l'ange, cueille les têtes mûres des plantes de ton champ, vends-les aux femmes de ta tribu et à celles des tribus voisines ; avec l'aide des chardons, elles carderont la laine des troupeaux, el remplaceront par un travail facile le labeur pénible et incomplet qu'elles accomplissaient jusqu'ici.
Abdallah se leva, fit ce qui lui était. Abdallah se leva, fit ce qui lui était ordonné, et en peu de temps le bien- être et la richesse vinrent habiter sa demeure. Pendant ce temps, le champ de l'uléma se couvrait de fleurs bleues aux pétales découpés, qui reflétaient la lumière du ciel.
- Si Abdallah, disait-il, a tiré tant de parti d'une laide plante épineuse, que ne dois-je pas attendre de ces jolies fleurs qui font un second ciel dans la plaine ?
Les fleurs passèrent, de petites graines ailées les remplacèrent, et au fur et à mesure de leur maturité, le vent les emporta et les dissémina dans les champs de l’uléma, où, croissant avec vigueur, elles étouffèrent le blé : c'étaient des bluets, inutile végétation. Celte légende nous apprend que Dieu lui-même ordonne l'hospitalité et qu'il punit celui qui désobéit à sa loi. Il nous enseigne aussi à préférer l'utilité à la beauté, et à ne mépriser aucun des dons qu'il veut nous faire, si léger qu'il puisse être en apparence.
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Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :
CHARDON A FOULON OU CARDIÈRE : Misanthropie.
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), les Chardons ont les caractéristiques suivantes :
[...] Le Chardon à foulon (Dipsascus Fullonum) ; Chardon bonnetier ; Cardon ; Cardère ; Cardoul ; Gardon ; Tsardon ; Peigne-de-loup ; Eicharpaut ; Fourdon ; Cardon-foulon ; Espinar ; Brûloto ; Baignoire de Vénus ; Cabaret des oiseaux.
C'est lui dont les têtes sont de véritables petites brosses dures qui servaient autrefois à carder la laine. Même avec l'essor industriel du XIXe siècle ; les machines à carder des usines textiles ont longtemps été équipées de têtes végétales. Encore en 1900, on pratiquait la culture intense du « Cardon-foulon » dans plusieurs régions de France et de Belgique.
Genre : Masculin
Planète : Mars
Élément : Feu
Divinité : Thor ; Athéna-Minerve.
Pouvoirs : Force ; Protection ; Guérison ; Exorcisme.
Utilisation magique : Voir Chardon.
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
[...] Surnommé "casso-diable" en Provence, le chardon à foulon trifide trouvé dans la nature est détesté du diable et de ses suppôts.
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Mythologie :
Tony Goupil, dans un article intitulé "Croyances phytoreligieuses et phytomythologiques : plantes des dieux et herbes mythologiques" (Revue électronique annuelle de la Société botanique du Centre-Ouest - Evaxiana n°3 - 2016), détermine une liste des plantes dédiées à Vénus :
Vénus, à la suite de Jupiter, est la déesse féminine qui s’est vue attribuer le plus grand nombre de plantes. Je ne ferais que les citer. Le « char de Vénus » (Aconitum napellus), le « peigne de Vénus » (Scandix pecten-veneris), le « nombril de Vénus » (Umbilicus rupestris), le « miroir de Vénus » (Legousia speculum-veneris), les « cheveux de Vénus » (Adiantum capillus-veneris), l’« attrape-mouches de Vénus » (Dionaea muscipula), le « téton de Vénus » (tomate et Prunus persica). On peut encore citer les « sourcils de Vénus » (Supercilium veneris) pour l’Achillée millefeuille et le Myriophylle en épi, la menthe sauvage par Aphrodites stephanos (couronne d’Aphrodite), la « naissance de Vénus » pour Rosa alba, le « bouquet de Vénus » pour Rosa ou simplement « Vénus » pour Cornus kousa.
J’ajouterais à cette liste la Cardère sauvage (Dipsacus fullonum) qui porte les noms de « lavoir de Venus », « cuvette de Vénus », « baignoire de Vénus ». Rabelais dans son Tiers Livre évoque quant à lui le nom de « cuve de Vénus ». La baignoire de Vénus, Lavacrum veneris en latin ou Aphrodites lutron en grec, est liée à cette déesse, car le suc de cette plante était utilisé comme remède de beauté.
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Littérature :
Marion Duvauchel dans "LE CHASTE ET L’OBSCENE: deux catégories oubliées de la philosophie, deux topoï de la littérature - Deux figures inversées de l’intimité." (Colloque organisé par l’IUFM d’Amiens – 2002) met en relief l'importance symbolique de la baignoire dans l'évocation de la femme érotisée, en particulier chez Zola :
On connaît les enjeux de la description. Zola tire partie des lieux à des fins symboliques autant que descriptives. Les choses disent et révèlent. L’hôtel de Nana, qui est alors au sommet de sa gloire de cocotte la trahit et la reflète : « Hormis quelques touches de bêtise tendre et criarde, elle ne gâta pas trop l’hôtel », écrit le romancier mais c’est pour nous dire deux pages plus loin que dans le grand salon Louis XIV « Deux statuettes de biscuit, une femme en chemise cherchant ses puces, et une autre absolument nue, marchant sur les mains, les jambes à l’air, suffisaient à salir le salon d’une tache de bêtise originelle » 38. Mieux, c’est tout l’hôtel qui s’ouvre sur le cabinet de toilette, « toujours ouvert » – comme elle, comme sa loge, comme son corps, dont elle éprouve une fierté animale, navrante, obscène. « Par une porte toujours ouverte, on apercevait le cabinet de toilette, tout en marbre et en glace, avec la vasque blanche de la baignoire, ses pots et ses cuvettes d’argent, ses garnitures de cristal et d’ivoire, ». Cette fenêtre ouverte sur l’intimité corporelle de la femme traduit simplement l’absence d’intimité de la putain. Le lieu trahit l’être : ici, en l’occurrence il révèle l’auto-idolâtrie du corps féminin, de la propreté, tout un narcissisme du corps outrancier, tapageur, vulgaire et peuple. Au sommet de cette gloire indécente et indigne, Nana, vautrée dans un ennui mortel, n’a d’autre activité que de tuer le temps et ne garde « que le souci de sa beauté, un soin continuel de se visiter, de se laver, de se parfumer partout, avec l’orgueil de pouvoir se mettre nue, à chaque instant et devant n’importe qui sans avoir à rougir ». Quel sommet !
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Dans La Curée, Zola croise parfois les registres métaphoriques de façon à amplifier leur fonction symbolique. L’apparente simplicité de construction du roman dissimule un ensemble de motifs symboliques qui s’organisent suivant quatre lignes : les fleurs, les lieux, les toilettes et les couleurs, et qui se combinent antre eux avec des effets variés. Les lieux réfèrent évidemment au narcissisme, au culte du moi qui constitue l’essentiel du roman et qui est soigneusement mis en scène dans la description de l’appartement de Renée : « une phrase rêveuse de gris et de rose » qui la signe tout entière au même titre que l’hôtel de Nana. C’est « un nid de soie et de dentelle, une merveille de luxe coquet ». C’est là, dans le petit salon jaune qu’elle devint « déesse avec sa tête de Diane blonde ». Des fleurs partout : sur un fond gris de lin, des bouquets de roses, des lilas blancs, des boutons d’or. Le gris et le rose des murs et des roses de la chambre se répondent en écho, la cheminée de la salle à coucher reproduit les motifs de fleurs de la teinture. Gris et rose encore le lit et le tapis. Mieux, le lit (grand bien évidemment) est « un monument dont l’ampleur dévote rappellerait une chapelle ornée pour quelque fête ». Jacques Dubois note avec justesse que « Les débordements descriptifs chez Zola demeurent toujours très contrôlés. Son audace tranquille réside moins dans le foisonnement que dans la façon de croiser les registres métaphoriques sur un mode provocant (commerce, église, désir sexuel) ». Ici, les lieux organisent la transformation de Renée et la « Diane blonde s’éveillant dans la lumière du matin » devient une Vénus sortant de l’eau. Les deux couleurs s’épanouissent dans le cabinet de toilette jusqu’à devenir « une chair nue ». Une pièce ouvre sur une autre, d’abord par la symphonie des couleurs ensuite par l’ouverture intérieure, jusqu’à la baignoire, qui évoque Vénus sortant de l’eau et qui semble prendre les couleurs de la femme. La description réaliste s’hallucine alors : « C’était une grande nudité. Quant Renée sortait du bain, son corps blond n’ajoutait qu’un peu de rose à toute cette chair rose de la pièce ». La symphonie de couleurs et d’objets vient s’accomplir dans le rose de la chair avant de brûler dans la serre.
[...] Mais contrairement à Nana, Renée n’est pas étanche à la honte, Le remord l’atteint, et la honte, dans les choses mêmes, complices muettes de sa luxure et qui soudain deviennent loquace, d’une éloquence de procureur et avec la puissance des Erynnies : « Et de toutes ces choses montaient les voix de la honte : la robe de la nymphe Echo lui parlait de ce jeu qu’elle avait accepté, pour l’originalité de s’offrir à Maxime en public. (…). La pièce était nue comme elle ; la baignoire rose, la peau rose des tentures, les marbres roses des deux tables s’animaient, s’étiraient, se pelotonnaient, l’entouraient d’une telle débauche de voluptés vivantes qu’elle ferma les yeux, baissant le front, s’abîmant sous les dentelles du plafond et des murs qui l’écrasaient ».
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Voir aussi : Carline ; Chardon ; Chardon doré ; Chardon Roland ; Panicaut ;
La Toilette de Vénus : Cheveux de Vénus ; Miroir de Vénus ; Nombril-de-Vénus ; Peigne-de-Vénus ; Sabot-de-Vénus ;