La bourse-à-pasteur est pour moi la plante même de l'herbier car en CE2, Mme Chenoz (pas sûre de ne pas confondre avec la maîtresse du CE1) avait décidé que le jeudi après-midi nous irions herboriser dans le parc Manuel sur les pentes de Conflans (à Albertville). Je ne sais pas pourquoi, c'est la première plante dont je me suis souvenue, peut-être parce que ce qui m'a marquée, c'est la correspondance imagée entre le nom et la forme de la plante..
En tout cas, c'était peut-être aussi un petit signe de connivence ou au contraire de rébellion qui sait ? avec mon homéopathe de père et sa défiance du grand Pasteur ! Quoique à ce moment-là je ne sais même pas s'il avait déjà commencé sa reconversion... Ce qui est encore plus fort ! 😉
Étymologie :
Le Dictionnaire de l'Académie française propose l'étymologie suivante :
CAPSELLE, nom féminin
XIXe siècle. Emprunté du latin capsella, « coffret », diminutif de capsa, « boîte ».
Autres noms : Capsella bursa-pastoris - Bourse-à-Judas - Bourse de berger - Bourse de capucin - Bourse de Judas Bourse en berger - Boursette - Capselle - Capselle bourse-à-pasteur - Chie-mou -Herbe des punaises - Malette - Malette à berger - Millefleurs - Molette - Moutarde de Mithridate - Plante de bourse-à-pasteur - Tabouret - Thlaspi -
François Couplan, auteur de Les plantes et leur nom - Histoires insolites (Éditions Quae, 2012) nous en apprend davantage sur le nom de la Bourse-à-pasteur :
Bourse-à-pasteur - Brassicacées (Crucifères) : Le nom populaire de cette « mauvaise herbe » des cultures évoque la ressemblance de ses fruits, en forme de cœur, avec un ancien sac de berger.
Son appellation botanique est Capsella bursa-pastoris. Elle dérive du latin capsella, petite boîte (diminutif de capsa, boîte), car le fruit contient quelques graines enfermées dans une coque qui s’ouvre en deux à maturité. C’est l’épithète, transposée en français, que l’on utilise pour nommer communément la plante. On l’appelle également « capselle », en francisant simplement le nom de genre.
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Botanique :
François Couplan, auteur d'un Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées (Éditions Delachaux et Niestlé, 1998, 2011) détaille la composition de la Bourse-à-pasteur :
La bourse-à-pasteur est commune dans les jardins, les champs et les chemins. De l’automne à l’hiver, elle présente une rosette de feuilles joliment découpées, au milieu de laquelle se développera au printemps la hampe florale unique. Celle-ci se termine par un groupe de boutons et de petites fleurs blanches surmontant les fruits en forme de cœur.
Les rosettes de feuilles se consomment crues dans les salades ou cuites comme légume. Leur saveur rappelant le chou est très agréable. Les inflorescences peuvent être ajourées aux salades.
La plante fraîche est hémostatique, tonique et diurétique. La bourse-à-pasteur est riche en calcium, en fer et en potassium.
Répandue dans le monde entier excepté dans les régions arides, la capselle fleurit tout au long de l’année. Existant depuis des temps anciens, elle est mal définie dans l’antiquité et au Moyen-Age. Au XVIème siècle, Matthiole résume le jugement de son époque : c’est un bon hémostatique. Au cours de la première guerre mondiale, la médecine officielle s’intéresse vivement à cette plante afin d’essayer de remplacer deux remèdes classiques : l’ergot de seigle et l’hydrastis. H. Leclerc raconte qu’un berger qui soignait ainsi ses brebis put guérir une jeune femme présentant des hémorragies utérines en lui administrant une cuillerée à café de suc frais de capselle toutes les heures. Son nom de bourse-à-pasteur vient de la forme de ses fruits qui rappellent la bourse des bergers, capselle venant du latin capsella, petit coffre (DELAVEAU et al, 1981). Cette plante est inscrite à la Pharmacopée Française Xème édition.
Description botanique : C’est une plante annuelle très commune, atteignant 50 cm de hauteur, très répandue. La racine principale donne naissance à des tiges dressées, plus ou moins velues à la base ; les feuilles inférieures forment une rosette étalée sur le sol, les feuilles caulinaires, plus petites, embrassent la tige ; elles sont entières, dentées ou pennatiséquées. Les fleurs blanches, très petites, groupées en corymbe terminal, s’épanouissent durant toute l’année ; le calice est à 4 sépales dressés libres et caducs ; la corolle est à 4 pétales égaux, libres entre eux ; les étamines à anthères biloculaires introrses sont de longueur inégale, les deux latérales plus courtes ; l’ovaire est surmonté d’un style très court. Les fruits sont des silicules en forme de cœur ; elles renferment de nombreuses graines oblongues et rougeâtre ; elles sont disposées en une grappe très allongé et le plus souvent celles de la partie inférieure de la hampe avortent. La 84 graine présente un embryon replié dont les deux cotylédons sont ovales et entiers (GARNIER et al, 1961).
Source ? Mince, j'ai oublié !
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Dominique Fournier, auteur de Fleurs de Galarne, herbier des bounes et des mauvaise harbes d'enpar icitt (Éditions Cheminements, 2000) dresse un portrait plein de tendresse de la Bourse-à-Pasteur :
La bourse est une valeur sûre des campagnes. Vous en trouverez sans bourse délier dans les champs, les jardins et vignobles ; sur les chemins, les décombres et remblais. Les sols sablonneux, pierreux ou argileux sont à la portée de toutes les bourses.
L'appellation latine de la plante, capsella bursa-pastoris, signifie littéralement « petit coffre en cuir du pasteur », parce que ses fruits, des silicules triangulaires aplaties, sont semblables à la bourse (au petit coffre) allongée et remplie de vent du pasteur.
Quant aux bourses du berger, mes Dames et jolies Demoiselles, je vous laisse le soin de vérifier leur contenu.
Dicton authentique de l'Anjou :
« Bourse-à-Judas, cent écus n'y a pas ! »
La mallette est la petite malle, tout comme la capselle (en latin capsella) est la petite boîte, le petit coffre.
Attention, mes bons cueilleurs d'herbillettes ! bien que la bourse en soit une cousine proche (la famille des brassicacées est grande et compte dans ses branches le célèbre chou, en latin brassica), il ne faut pas la confondre avec l'autre tabouret du français qui est dit en latin thlaspi arvense et désigne la monnoyère ou herbe-aux-écus.
D'après les duettistes Verrier et Onillon (auteurs du Glossaire incontournable et quasi introuvable des patois et parlers de l'Anjou), on usait jadis de cette plante en infusion ou décoction pour lutter contre les diarrhées, trop-chie, côrs-de-ventre et débords en tout genre.
Je ne suis toutefois pas certain de l'efficacité de la chose pour deux raisons :
Primo, les crucifères ont davantage la réputation d'être des laxatifs que des constipants.
Secundo, on appelle parfois ladite plante « chie-mou »
Ce nom ne laisse planer aucune ambiguïté sur les vertus et propriétés pâteuses, voire liquides, en tout cas nauséabondes d'une préparation à base de bourse-à-pasteur.
Le mot tabouret, qui nous vient de l'ancien français tabour désignant le tambour, renforce mon jugement concernant les débordements du boyau culier.
N'avez-vous jamais remarqué, méchants foirards ès quels le cul est abondamment cerné de merde, qu'un roulement de petit tambour accompagne souvent (toujours ?) le flux alvin ?
Et puis, comme disait ma grand-mère :
« Chie dur ! Chie mou !
Mais chie dans le trou ! »
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Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Éditions Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de la Capselle Bourse-à-pasteur :
Propriétés Physiques et chimiques. - L'odeur de cette plante est nulle ; sa saveur rappelle faiblement celle des crucifères. Elle renferme un principe résineux amer soluble dans l'eau et dans l'alcool. La dessication lui fait perdre ses propriétés.
Usages Médicaux. - Les propriétés astringentes de la bourse-à-pasteur sont très anciennement connues ; Dioscoride la recommandait contre l'hémoptysie ; Dodoens en parle comme efficace contre les hémorrhagies ; Boerhaave et Lieutaud lui ont fait la même réputation. Après avoir été discréditée pendant longtemps, cette plante a été remise en honneur par le docteur Lejeune qui l'a trouvée utile dans le traitement des maladies de poitrine et notamment des hémoptysies. La décoction a été vantée par Lange dans la métrorrhagie passive. La même préparation a réussi dans les mains de Dubois contre l'hématurie. Cazin reconnaît aussi les propriétés astringentes de la bourse-à-pasteur.
Formes et doses. Dans ces derniers temps, M. Hannon a publié des formules relatives à diverses préparations de cette plante qui constituent, dit M. Cazin, un luxe pharmaceutique inutile dans la thérapeutique indigène. Le suc à la dose de 100 à 200 grammes, l'infusion à celle de 100 grammes par kilogramme d'eau bouillante, la décoction à celle de 30 à 40 grammes par kilogramme d'eau, le vin et la bière de thlaspi peuvent suffire à tous les besoins.
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Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102, 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :
èrba a poutî, f. / èrba da poùtï, f. / *èrba di poute, f. / = « herbe des punaises » / = bourse-à-Pasteur = Capsella Bursa-pastoris.
La plante entière, appliquée sur la peau, permet de lutter contre les hémorragies.
Guy Fuinel, auteur de Arbres et plantes médicinales du jardin. (Éditions Fernand Lanore, 2002) fait de la Bourse-à-pasteur une plante féminine :
La bourse-à-pasteur ne se cultive pas dans les jardins, elle y est pourtant très présente et sur une longue période, de mars à novembre en général. Ce qui est préférable car cette plante est plus efficace si on l'utilise fraîche.
Mais cette plante qui met tant d'insistance à occuper le terrain finit par être considérée comme une mauvaise herbe par les jardiniers. Si une plante insiste tant, c'est bien qu'elle a quelque chose à dire. Mais l'homme a du mal à écouter, à comprendre une plante, à peine sait-il les voir. Et cette plante n'a pas fière allure, ses fleurs sont petites, son architecture est assez squelettique.
Ceci n'est qu'une apparence car sa composition est généreuse :des tanins, des flavonoïdes, du soufre, des acides, sel de potasse, sodium, acide salicylique, vitamine C, des amines et un alcaloïdes.
La bourse-à-pasteur est une spécialiste des saignements. Elle va les arrêter, elle est hémostatique, à utiliser en cas de saignements de nez, d'hémorragie utérine, de règles abondantes... en fait elle régule les flux du sang.
En ce qui concerne les femmes, c'est sur les organes génitaux qu'elle va avoir une bonne influence. Elle facilite les accouchements et renforce le tonus utérin.
Son impact sur la circulation veineuse n'est pas négligeable, c'est pourquoi elle agit sur les varices.
On sait aussi qu'elle stimule l'intestin et combat les diarrhées.
La bourse à pasteur de par son action dit clairement sa préférence pour la femme. Non pas la femme des magazines, celle qui s'expose très facilement. Encore qu'elle n'a rien contre ses beautés. Elle accompagne plus volontiers la femme qui vit son identité plus simplement, spécifiquement. Ce n'est pas à l'image qu'elle s'attache, c'est à la différence. Elle valorise cette différence, elle en fait un honneur, elle en fait du bonheur.
On utilise la partie aérienne de la plante. On la laisse tremper une heure, on fait à peine bouillir et on laisse infuser dix minutes. On peut aussi la faire macérer dans du vin, pendant une semaine au moins.
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Un an plus tard, Guy Fuinel complète sa description dans Plantes de vie, du corps et de l'esprit (Éditions
Bourse-à-pasteur : Ce nom bizarre évoque les fruits de la capselle, autre nom de cette plante, qui ressemblent aux bourses que les bergers d'antan portaient à la ceinture.
Même si elle est utilisée depuis bien longtemps, on sait peu de choses sur elle sinon qu'elle a été utilisée dès le début par calmer les saignements de toutes sortes.
C'est une plante qui fleurit longtemps, du début du printemps à la fin de l'automne. Ce n'est pas un hasard, en effet c'est une plante qu'il vaut mieux utiliser fraîche.
Si elle impose sa présence, ce n'est pas par sa prestance car elle n'a pas spécialement fière allure. D'ailleurs les gens, surtout les jardiniers la considèrent comme une mauvaise herbe.
Quand une plante insiste pour être là, l'homme commence à se méfier, devenu incapable de saisir un quelconque message, de donner un sens à la plante, il s'est irrémédiablement coupé de ce monde. Il supporte la plante pour les couleurs, les légumes ou les fruits, il faut dire que ça, ça se monnaye et il faut bien se nourrir. Mais plus de dialogue, plus d'échange, plus de respect, l'homme marche encore sur la terre, mais c'est sur la tête. Il a inversé le sens des choses et des êtres, il a les yeux fixés sur l'lui-même et il ne voir plus l'horizon. Quand il regarde les étoiles, c'est avec une secrète envie d'aller les "conquérir", ce n'est jamais pour leur envoyer un baiser... Et elles continuent quand même à éclairer notre nuit, ne désespérant pas de la nature humaine.
La bourse-à-pasteur est une grande plante en phytothérapie, à défaut de l'être dans la vie.
Sa composition est assez impressionnante : une essence riche en soufre, du tanin, des flavonoïdes, de nombreux acides (citrique, malique, acétique, fumarique), un alcaloïde, des sels de potasse, de sodium, de l'alcide silicique et de la vitamine C.
On sait que la plante a un effet tonique.
Mais là où elle est très efficace, c'est dans la régulation des flux du sang, hémorragies diverses, hémorroïdes, saignements de nez mais aussi règles trop abondantes et métrorragies (saignement vaginal en dehors de la période des règles).
En fait, c'est sur tous les organes génitaux que la bourse-à-pasteur va avoir une influence bénéfique. En cela elle est bien une plante spécifique de la femme. Son action sur l'utérus était déjà signalée par Hippocrate, elle renforce le tonus du muscle utérin. Elle facilite les accouchements. Egalement veinotonique, son impact sur les varices n'est pas anodin.
La bourse-à-pasteur se dévoue corps et âme à la femme.... sans doute comme le dit une atroce publicité.... parce qu'elle le vaut bien.
Entre nous, toutes les plantes, quelque soit leur mission, ont toujours quelques sentiments dévoués pour la femme. Ce n'est pas une faiblesse, c'est de la reconnaissance.
La bourse-à-pasteur sera d'un bon secours pour les hémophiles dans la mesure où elle joue un rôle hémostatique. L'acide fumarique qui rentre dans sa composition laisse supposer qu'elle peut avoir une influence sur le psoriasis. Aux États-Unis on considère que cette plante antioxydante permet d'éclaircir la vue et est utile en cas de glaucome.
Enfin elle est astringente, à ne pas négliger en cas de diarrhées.
La bourse-à-pasteur n'a pas eu l'honneur d'être la préférée d'un dieu ou d'une déesse. Alors elle pousse discrètement, mais obstinément. C'est une plante de l'intérieur, là où se joue l'essentiel.
La bourse-à-pasteur ne s'attache pas uniquement à l'image de la femme, elle organise, renforce sa spécificité organique. Qu'elle soit mère, épouse sœur, amante, ou qu'elle se consacre à son Dieu, la femme vit da différence, interpelle la différence de l'homme, ou transcende les deux.
La bourse-à-pasteur est là pour apaiser les peines, réduire les tensions, subjuguer les espoirs.
On prend la partie aérienne en décoction légère. Faire bouillir 2 minutes. Laisser infuser 10 minutes.
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Dans Secrets des plantes (Éditions Artemis, 2007) Michel Pierre et Michel Lys résument les qualités médicinales de la bourse-à-pasteur :
La bourse-à-pasteur est utile dans tous les cas de saignements, règles trop abondantes, fibromes, saignements du nez.
Elle est employée également contre l'hypertension, les troubles de la ménopause, les diarrhées, l'incontinence urinaire, les varices et les hémorroïdes.
Pour sa préparation, mettez une cuillère à soupe de plantes coupées par tasse, faites une décoction pendant 3 minutes. Buvez-en deux ou trois tasses dans la journée.
Dans sa thèse de Doctorat en pharmacie intitulée Les plantes médicinales des pelouses calcaires de la Réserve Naturelle de Montenach (57) (Nancy, 2010), Stéphanie Schaal confirme les usages traditionnels de la Bourse-à-pasteur :
Agent blanchissant de la peau : Un extrait de capselle à été testé sur des cellules de mélanome de souris B16, et on observe plus de 50% d’inhibition de synthèse de la mélanine à une dose de 50 µg/ml (HWANG et al, 2007).
Anti-prolifératif : L’acide fumarique présent dans la bourse à pasteur inhibe la croissance de tumeur solide d’Ehrlich chez la souris, et sur une culture cellulaire, on constate qu’elle diminue la croissance et la viabilité de cette tumeur d’Ehrlich (KURODA et al, 1976). On observe le même effet chez les souris L1210 (leucémiques). De plus l’acide fumarique améliore la récupération des cellules envers les effets toxiques de la mitomycine C, l’aflatoxine B1 et la N-Methyl-N’-nitro-N-nitrosoguanidine (KURODA et al, 1981).
Veinotonique : Une multitude d’activités ont été décrites lors de l’usage d’un extrait éthanolique sur des modèles animaux : une réduction de la perméabilité capillaire chez le cochon de guinée induite par l’histamine et la sérotonine a été observée (KURODA et al, 1969) et les composants flavonoïdiques réduisent la perméabilité des vaisseaux sanguin chez la souris (JURISSON, 1973).
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Usages traditionnels :
Selon Ferdinand Otto Wolf, auteur de Plantes médicinales indigènes ou cultivées en Valais leurs propriétés et emplois en médecine populaire. (C. Mussler Éditeur, 1906) :
Capsella Bursa pastoris Mœnch. Bourse à pasteur.
La Boursette croit partout, et fleurit à peu près toute l'année.
La décoction de cette plante (100 grammes par litre d'eau) est astringente et emménagogue. Dans certains affaiblissements de femmes on prend de cette décoction, un verre le soir, un le matin, et un demi dans la journée. Les semences de Boursette mâchées un moment font saliver abondamment. On prétend même, que cette plante est un excellent remède contre le scorbut, la dysenterie et les crachements de sang. Enfin la teinture de Bourse à pasteur est administrée pour combattre les hémorragies.
Ainsi la plante, la plus humble, peut rendre de grands services à l'humanité souffrante.
Benoist Schaal, auteur de "Ambiguës mauvaises herbes". (Revue des Sciences Sociales de la France de l’Est, 1984, no 13.) attire notre attention sur le statut particulier de la Bourse-à-pasteur comme mauvaise herbe :
Malgré leur propension à l'hégémonie et, selon le mot d'un de nos informateurs, au « parasitisme », les « mauvaises herbes » trouvent cependant des usages multiples; l'utilisation alimentaire du pissenlit, de la « peudrine », des plantains, des chénopodes a déjà été évoquée plus haut. Seules quelques « mauvaises herbes » médicinales seront ici citées. La bourse à pasteur (Capsella borsa-pastoris), utilisée en association avec le « millefeuille » (Achillea millefolium), sert à améliorer la fonction circulatoire ; [...]
C'est cette facette utile de certaines « mauvaises herbes » qui rend leur statut ambigu. On cherche à les limiter dans l'espace du jardin sans les éliminer totalement : « J'en laisse toujours quelques plants, pour qu'il en revienne » (Vexaincourt). Ainsi, subsiste toujours un plant de bouillon blanc, de camomille, de bourse à pasteur, de fromageon, de chélidoine...
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Georges Métailié, auteur d'un article intitulé "Origine des légumes en Chine." (In : Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 42ᵉ année, 2000. Un terrien des îles. A propos de Jacques Barrau. pp. 165-186) rend compte de l'usage de la bourse-à-pasteur dans la sphère chinoise :
Sans doute de culture ancienne, certains introduits d'Asie du Sud-Est, les légumes qui poussaient dans la Chine méridionale, sont attestés seulement entre le me et le Ve siècle. En voici la liste que les sources écrites permettent d'établir (Liang Jiawen, 1981 : 91). [...] Parmi les légumes terrestres on retrouve la mauve, la drave, le thlaspi et la bourse à pasteur, la moutarde, le shiso, et la ciboulette chinoise jiu ainsi que l'amarante déjà rencontrés en Chine du Nord. [...]
La catégorie des « souples glissants », légumes mucilagineux, est la plus riche avec 41 sortes de légumes. Elle commence avec l'épinard boleng, le liseron d'eau wengcai, la bette tiancai, un aster dongfengcai {Aster scaber Thunb.), la bourse à pasteur ji, [...]
Nous l'avons vu de nombreux légumes ont été introduits en Chine depuis l'Antiquité mais, loin d'être cause de la désaffection de ceux qui les précédaient, ils s'ajoutèrent au stock existant et si certains réussirent à bien s'implanter, aucun n'élimina réellement les cultures antérieures. Même dans le cas de la mauve que Li Shizhen affirmait ne plus être consommée, un ouvrage contemporain signalait qu'elle était encore le premier des légumes, quelques décennies auparavant. Nous constatons que deux variétés étaient encore cultivées dans les environs de Chongqing, au Sichuan dans les années 1950 (Anon. 1961 : 156-158). Li Shizhen signalait comme légumes thlaspi, drave et bourse à pasteur. Les deux premières espèces n'apparaissent plus aujourd'hui mais la bourse-à-pasteur, adventice des cultures dans la plupart des régions de Chine, est cultivée sous la forme de deux variétés dans la région du bas Yangzi et est même le légume identitaire des cuisines de Shanghai et de Yangzhou où elle entre dans la composition de farces végétariennes pour de délicieux raviolis et autres petits échaudés xiaolongbao.
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Chunli Huang, autrice d'un "Impossible pour les Chinois de transiger avec leur estomac. « Zhongguoren wufa xiang piwei tuoxie » de Zhu Tianyi. (Impressions d’Extrême-Orient, 2015, no 5) partage un souvenir :
Le plus grand manque pour mon père est la capselle, ou bourse-à-pasteur. Depuis l’enfance j’entends mon père qui me décrit son goût extraordinaire. Mais il m’a fallu attendre une visite dans sa région natale pour enfin en comprendre la raison. La faire frire avec des œufs permet de mieux mettre en valeur son goût frais et exquis, c’est un goût indescriptible que l’on ne peut oublier. De mon retour à Taiwan, j’en ai cherché partout et j’ai pu enfin comprendre pourquoi : la période de production de cette plante est extrêmement courte, on ne peut la trouver qu’en fin d’hiver ou au début du printemps. J’ai tenté de la planter en semant ses graines dans ma cour, cela fait plusieurs années, avec un maigre résultat. Le fruit de tant d’efforts suffit à peine pour une omelette. Par la suite, en tournant mon regard vers l’extérieur, j’ai découvert qu’elle poussait d'abondance au bord des chemins incultes, au milieu des herbes dans les parcs, à tel point que, depuis, je ne peux plus me concentrer sur ma route. J’ai pu ainsi trouver de nombreux coins où la capselle pousse abondamment, et on peut même en faire des raviolis. Mais il est dommage que je ne puisse plus partager ce luxe avec mon père.
Juliette Brabant-Hamonic, dans un ouvrage intitulé Tisanes et vieux remèdes (Éditions Ouest-France, 2020) propose une recette de salade détox :
La salade de mesclun : Choisir de la chicorée frisée ou de la scarole, du cresson alénois (Lepidum sativum), des jeunes rosettes de bourse à pasteur (Capsella bursa-pastoris), ajouter de l’ail, des pousses d’oignon, ensemble ou séparément. Quand arrive le printemps, la bourse à pasteur est extrêmement commune, envahit les champs, les friches et les bords de chemin ; elle a des qualités antihémorragiques. (Béarn).
• Salade bien lavée et salée, peu de vinaigre et bien huilée. (Anjou)
Pour dégager l’intérieur après les nourritures riches et lourdes de l’hiver.
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Symbolisme :
Édouard Le Héricher, dans son Essai sur la flore populaire de Normandie et d'Angleterre. (E. Tostain, 1857) fait des liens entre l'appellation de la plante et la vie pastorale :
La vie pastorale, si propre au recueillement et à la méditation qu'on a attribué aux pâtres la découverte du calcul et de l'astronomie, a dû être favorable à l'observation des végétaux. Ce sont des bergers, dit-on, qui découvrirent l'aimant et le café. Ils avaient une réputation de sorciers qu'ils conservent encore en Normandie, et « Prêtres et Bergiers sont des sorciers » est un dicton du pays Bessin, ou pays de Bayeux. Aussi plusieurs plantes sont-elles rapportées aux Bergiers, aux Pastours, et aux pacages encore appelés Pastis : Il y a le Dipsacus pilosus qu'on appela Verge à Pasteur, allusion à la houlette qu'un vieux poète de l'Avranchin, Jean de Vitel, nomme Louvière ; il y a encore la Capsella bursa pastoris ou Bourse à Pasteur, dont le fruit figure très-bien la Pannetière. Les Anglais appellent la Jasione, Scabieuse du Mouton, Sheep Scabious. La Digitale reçoit aussi le nom de Gants de Bergère. Le Scandix est l'Aiguille au Berger.
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Suspendre au cou des moutons cette plante commune des chemins (appelée capselle) les rend invisibles au loup (Irlande).
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