Étymologie :
CHRYSOLIT(H)E, (CHRYSOLITE, CHRYSOLITHE), subst. fém.
Étymol. et Hist. 1121 crisolite (Ph. de Thaon, Bestiaire, 2993 ds T.-L.) ; 1598 chrysolite (Guill. Bouchet, 33e Seree, V, 16 ds Hug.). Empr. au lat. class. chrysolithus; empr. au gr. χ ρ υ σ ο ́ λ ι θ ο ς.
Lire également la définition du nom chrysolite afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Symbolisme :
Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :
CHRYSOLITHE. Pierre précieuse qu'Albert le Grand indique comme un préservatif contre la folie, et à laquelle il accorde en outre la vertu d'amener le repentir dans le cœur de l'homme qui a commis des fautes ou des crimes.
Selon Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris) :
LA CHRYSOLITE : La chrysolite met les démons et les fantômes en fuite, apaise la peur et l'angoisse, guérit l'insomnie, calme l'agitation d'esprit des malades mentaux, donne la force d'âme aux affligés.
« On estime, dît Jérôme Cardan, que le chrysolithus réprime grandement la paillardise s'il est porté touchant la chair... Mis souz la langue des fébricitans (1Fiévreux.), il apaise la souëf, laquelle chose, quoy qu'elle soit commune au crystal et à plusieurs autres pierres, non toutesfois tant évidemment qu'au chrysolithus (2). »
Cette pierre préserve aussi de la goutte et donne de l'agilité. Elle soulage l'asthme, l'emphysème et la bronchite.
[...]
Certains Lapidaires occidentaux comme le grand poème pédagogique du Moyen Age sur les pierres précieuses que fut l'ouvrage de Marbode, évêque de Rennes au xi" siècle, se contentent de donner la description des vertus naturelles et surnaturelles des pierres. D'autres, écrits d'après les préceptes des Pères de l'Eglise, cherchent dans les images et les symboles qu'ils empruntent aux gemmes un sujet d'édification et de moralisation. Tels sont les traités de saint Epiphane, d'Anastase le Sinaïte, de Conrand de Haimbourg, de Richard et Hugues de Saint-Victor, de Cornélius a lapide, etc.
Voici, empruntée à toutes ces sources, l'opinion la plus généralement acceptée au Moyen Âge sur la signification mystique des gemmes : [...]
La chrysolithe, d'un jaune d'or mêlé de vert, représentait la vigilance et la sagesse, ainsi que la pénitence. Elle symbolisait saint Matthieu.
[...]
D'après l'exégèse mystique, les correspondances des gemmes avec les milices célestes sont les suivantes :
La Chrysolithe signifie les Dominations.
Note : 1) Fiévreux.
2) Jérôme Cardan, De la subtilité et subtiles intentions; ensemble les causes occultes et raisons d'icelles, traduis de latin en français par Richard le Blanc, Paris, 1584.
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
La chrysolithe, qui est une variété de péridot, est « l'amulette de la puissance et de l'honneur » : elle attire honneurs et dignités. Les rois des cours européennes en faisaient enchâsser dans leurs bagues, bracelets et couronnes. Appelée aussi « pierre d'or » (à cause de sa couleur vert-jaune), elle promet la richesse lorsque, sertie dans une bague, elle est portée à l'annulaire gauche. Considérée comme une pierre solaire, elle correspond au signe du Lion.
Pierre de haute moralité attribuée par Grégoire le Grand à la hiérarchie angélique des Dominations, la chrysolithe réprime la paillardise chez son possesseur et est censé mener le pécheur au repentir. Elle est également en fuite démons et fantômes, dissipe les peurs et les angoisses nocturnes et remédie aux insomnies. On lui attribue même le pouvoir de rendre agile et de fortifier l'esprit. Pour les Anglais, elle est un remède à la mélancolie.
La pierre agit en outre contre la folie : elle calme l'agitation des malades mentaux. Elle peut encore remédier aux crises d'asthme, aux bronchites, aux emphysèmes et préserver de la goutte. Mise sous la langue, la chrysolithe apaise la soif. Enfin, « ses vertus l'on fait connaître comme gardienne du soleil, capable d'interposer un voile entre le regard et les rayons subtils mais dangereux d'une éclipse ».
Gravée d'une figure de vautour, la gemme commande au vent, dit-on ; gravée d'un âne, non seulement elle met à l'abri des esprits des ténèbres mais de plus procure la clairvoyance.
Si, en songe, la personne aimée vous offre une chrysolithe, « c'est l'assurance que votre relation sera marquée du sceau de la tendresse et de l'harmonie ».
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Selon Valérie Gontero, autrice de « Un syncrétisme pagano-chrétien : la glose du Pectoral d’Aaron dans le Lapidaire chrétien », (in : Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 | 2006) :
Le lapidaire mixte est consacré aux douze gemmes les plus célèbres de La Bible : celles du Pectoral d’Aaron, reprises en partie par la Jérusalem Céleste. L’Exode décrit deux fois le gigantesque pendentif qui orne la poitrine du Grand Prêtre, élaboré selon les directives divines : « Ils le garnirent de quatre rangs de pierres précieuses : première rangée : une sardoine, une topaze, une émeraude ; deuxième rangée : un rubis, un saphir, un jaspe ; troisième rangée : une pierre d’ambre, une agate et une améthyste ; quatrième rangée : une chrysolite, un onyx et un béryl ; elles étaient serties d'or dans leurs montures (1). »
À la fin de la Bible, L’Apocalypse de saint Jean dépeint la Jérusalem céleste, dont les piliers sont taillés dans les mêmes gemmes, à quelques exceptions près : « Les soubassements du mur de la ville sont ornés de toutes sortes de pierres précieuses ; le premier est de jaspe ; le deuxième de saphir ; le troisième de calcédoine ; le quatrième d'émeraude ; le cinquième de sardonyx ; le sixième de sardoine ; le septième de chrysolithe ; le huitième de béryl, le neuvième de topaze ; le dixième de chrysoprase ; le onzième d’hyacinthe ; le douzième d'améthyste (XXI, 19-20). »
[...] Dans le lapidaire, l’exégèse s’effectue à plusieurs niveaux, de la partie au tout, du microcosme au macrocosme. Ainsi une senefiance est dévolue à chaque gemme, à chaque rangée (parfois même au rang de la gemme sur la rangée) et enfin à l’ensemble des douze pierres du Pectoral. Le texte considère les qualités physiques et la disposition des gemmes pour établir des correspondances avec les qualités morales et les expériences spirituelles des chrétiens, comme l’illustre le tableau suivant, récapitulant les données de la seconde partie du lapidaire.
Gemme | Rang sur le Pectoral d'Aaron et dans la Jérusalem céleste | Symbolique des nombres | Couleur | Symbolique religieuse et mystique |
3e rangée | La justice | | | |
Chrysolite | 10e/7e | Les 10 commandements (1) Les 7 dons du Saint Esprit (2) | Pourpre | Couleur de la robe royale : les Juifs en revêtirent Jésus par dérision ; Couleur de l'habit de Marie, de la seigneurie des anges, de la mort des martyrs ; Humilité et souvenir de Dieu |
[...] Le raisonnement analogique, qui sous-tend l’ensemble du texte, s’appuie systématiquement sur le nombre et sur la couleur, mais reprend aussi des propriétés décrites dans la partie païenne du lapidaire. L’analogie principale, aux ramifications variées, s’enrichit parfois d’analogies secondaires, qui étoffent et complexifient la glose.
L’analogie par le nombre, véritable mode de pensée au Moyen Âge, est la plus marquante dans le lapidaire. Les clercs accréditent l’exégèse biblique des nombres en se fondant notamment sur le verset suivant : « Mais vous réglez toutes choses avec mesure, avec nombre et avec poids » (Sagesse, XI, 21).
Dans son versant numérique, la glose s’attache au rang de la gemme, sur le pectoral d’Aaron (rang parmi les douze gemmes, rangée, place sur la rangée) et dans la Jérusalem céleste (rang parmi les piliers de gemmes). Pourquoi douze gemmes ? Le douze représente le syncrétisme du nombre matériel 4 et du nombre spirituel 3, et fait écho au 7, qui incarne la perfection. Les gemmes matérialisent les douze tribus d’Israël – comme il est dit dans L’Exode et rappelé dans le lapidaire (v. 601-608) – mais aussi les douze apôtres (v. 662-667).
Rang | Pectoral d'Aaron | Apôtre | Tribu d'Israël |
10 | Chrysolithe | Thaddée - Simon | Asher |
Notes : 1) Voir Exode, XX, 2-17 ; Deutéronome, V, 6-21. adoration du seul vrai Dieu ; défense de prendre en vain le nom du Seigneur ; observation du Sabbat ; respect dû aux parents ; interdiction du meurtre ; interdiction de l'adultère ; interdiction du vol ; interdiction du faux témoignage ; défense de désirer la femme du prochain ; défense de désirer les biens du prochain.
2) Les sept dons du Saint Esprit : intelligence, science, sagesse, conseil, piété, force, crainte de Dieu. Voir haïe, XI, 1-3.
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