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La Cinéraire

Dernière mise à jour : 2 mars




Étymologie :


  • CINÉRAIRE, subst. fém.

Étymol. et Hist. [1803 bot. cineraria (Boiste)] ; 1807 subst. fém. cinéraire (Duméril Hist. nat. t. 1, § 390). Empr. au lat. bot. cineraria (1778 Lamarck, Flore fr., Paris, t. 2, § 113), dér. du rad. du lat. cinis, -eris (cendre*), le dessous des feuilles de cette plante étant d'un gris cendré.


Lire également la définition du nom cinéraire afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Senecio bicolor = Senecio cineraria = Cineraria maritima - Cinéraire maritime - Herbe du pardon - Jacobée maritime - Séneçon cinéraire -



Botanique :


Marie EVEILLARD-BUCHOUX dans son mémoires de Master 2 intitulé "Côtes rocheuses et territoires des oiseaux marins nicheurs au Nord de la Bretagne (Du cap Fréhel à l’île Grande, Côtes d’Armor)" (Université de Nantes, 2011) évoque une particularité de la Cinéraire :


Situé à l’extrémité est de la baie de Saint-Brieuc, l’ensemble gréseux ferme la baie. Les avancées du cap d’Erquy et de Fréhel, constituent des pointes rocheuses particulièrement exposées aux influences marines. Comme elles sont soumises à des courants plus forts que sur la façade Ouest, l’action érosive de la mer est plus importante. Par là même, les conditions de vie des végétaux sont plus hostiles (exposition aux vents dominants et aux embruns, sol peu épais voir très mince). Il en résulte une végétation moins dense et plus spécifique, de petites herbes basses, adaptées à ces conditions de vie plus rudes. L’armérie maritime (Armeria maritima), la cinéraire (Senecio cineraria) ou la cochléaire officinale (Cochlearia officinalis) supportent de fortes teneurs en sel.

 


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Usages traditionnels :


Selon André Gouilloud, auteur de Saint Eucher : Lérins et l'église de Lyon au Ve siècle. (Librairie Briday, 1881) :


Durant tout le cours du moyen âge, le pèlerinage de Lérins était un des plus fréquentés de la Provence. Les riches indulgences que les pontifes romains avaient attachés à ce pieux voyage attiraient un grand concours de fidèles dans l'ile des Saints. Nous lisons dans une Vie de saint Honorat, imprimée à Venise, et citée par l'abbé Alliez : « Le pape Eugène, d'heureuse mémoire, accorde pleinement et parfaitement à tous ceux qui, vraiment pénitents et s'étant confessés, visiteraient à l'avenir cette île (de Lérins) depuis la veille de l'Ascension jusqu'au lendemain de la Pentecôte inclusivement, l'indulgence et la rémission des péchés que peuvent gagner ceux qui visitent, dans le Seigneur, la sainte ville de Jérusalem.

Ultérieurement il accorda à tous ceux qui, à l'époque susdite, visiteraient l'ile pendant sept ans, l'indulgence des pénitences dues pour tous les péchés, à l'exception de deux cas spécialement réservés au Saint-Siège. Il voulut aussi que l'on donnât à ceux qui accompliraient le pèlerinage septénaire, une palme, en signe de la rémission de leurs péchés ».

Avant d'avoir mérité la palme du voyage septénaire, les pèlerins emportaient de l'ile des touffes d'une plante maritime, vulgairement appelée herbo doou pardoun, l'herbe du pardon. C'est la cinéraire maritime, de la famille des Composées. Une indulgence d'un an et d'une quarantaine était accordée à tous ceux qui, pénitents et confessés, visitaient l'ile en dehors de l'époque indiquée ci-dessus.

 

Joseph-Victor Viviand-Morel, auteur d'un article intitulé "Excursion botanique à Montredon, près de Marseille." (In : Publications de la Société Linnéenne de Lyon, 1899, vol. 24, no 3, pp. 115-123) mentionne l'usage décoratif de la Cinéraire :


Cineraria maritima. — Cette Cinéraire est une plante fort répandue dans le Midi ; on la cultive comme plante d'ornement, et elle réussit à merveille dans tous les jardins, seulement — il y a un seulement — elle présente des individus plus blancs les uns que les autres et forment des bordures de teinte peu uniforme. On doit faire des boutures des sujets choisis, pour obvier à l'inconvénient ci-dessus signalé, car le semis ne reproduit pas les variétés. La Cinéraire maritime n'a nullement besoin de sel pour prospérer dans les cultures. Elle remonte jusque dans la Drôme.

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Symbolisme :


Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Cinéraire - Beauté sans prétention.

C’est une plante qui donne en hiver et au printemps une pluie de jolies fleurs de toutes les couleurs remarquables par leur gracieuse simplicité.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


CINÉRAIRE – PITIÉ.

Celui qui est sourd aux cris du pauvre , criera lui - même et ne sera point écouté. Heureux celui qui veille aux besoins du pauvre et de l'indigent ; le Seigneur le délivrera lui-même au jour de l'affliction.

Proverbes, XXI , 13. - Psaumes. XL , 1.

On distingue plusieurs espèces de cinéraires, dont la principale est la cinéraire maritime vulgairement connue sous le nom de Jacobée maritime. Ses tiges sont dures, rameuses et étalées ; ses fleurs sont d'un jaune doré, que relève le duvet cotonneux de ses tiges et de ses feuilles. Elle croît dans les contrées méridionales de l'Europe, le long des côtes maritimes. Elle fleurit pendant presque la moitié de l'année.


DE LA PITIÉ.

I.

Des maux que vous voyez, l'impression pénible

Doit vous causer, enfants, une vive douleur ;

Et le ciel a placé dans notre âme sensible

La pitié qui s'émeut à l'aspect du malheur.


II.

La pitié ! que ce mot est doux et rassurant !

Sitôt que vous souffrez, vous aimez qu'on vous plaigne.

Il n'est personne , hélas ! que la douleur n'atteigne ;

Sachez à votre tour plaindre l’être souffrant.


III.

Homme, à qui la nature ordonna de souffrir,

Loin d'aller augmenter la douleur d'un autre être,

Que tout être qui souffre, et que tu peux connaître,

Trouve toujours ta main prête à le secourir.


IV.

Que de l'humanité le sentiment est doux !

C'est cet intérêt vif qu'on prend à ses semblables,

Et qui parle à nos cœurs pour tous les misérables,

En nous montrant qu'ils sont des hommes comme nous.

(MOREL-VINDÉ, Morale de l'enfance.)

RÉFLEXION.

La pitié est souvent un sentiment de nos propres maux dans les maux d'autrui. C'est une habile prévoyance des malheurs où nous pouvons tomber. Nous donnons du secours aux autres pour les engager à nous en donner en de semblables occasions ; et ces services que nous leur rendons sont, à proprement parler, des biens que nous faisons à vous-mêmes par avance.

(LA ROCHEFOUCAULT.)

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Littérature :


Dans un article intitulé « Une énigme d'" Amers".» (In : Revue d'Histoire littéraire de la France, 1991, pp. 612-618), Robert Conda, établit un lien imaginaire dans la poésie de Saint-John Perse entre la grive et la cinéraire :


[...] il semble bien que la substitution de « chantre », qui figurait dans les premières édition ait pour raison essentielle de répondre par une allitération à « feuille » dans la formule parallèle du verset précédent (sans compromettre les deux octosyllabes) : « la cinéraire maritime n'étant plus feuille que l'on craigne » (la reprise à variations, caractéristique de Saint-John Perse, est ici singulièrement nette).

Peut-on aller plus loin, et considérer comment cette locution s'intègre dans le contexte, et en particulier s'articule avec le réseau des signes qui commande cette partie VII de la « Strophe » ? La vision persienne du monde est un recensement ordonné par une éthique. Les moindres choses revêtent une valeur diffuse, dont la raison demeure parfois mystérieuse. Mais ce partage affectif est cependant relativement stable, plaçant d'un côté ce qui élève l'homme, de l'autre ce qui risque de l'abaisser. Ainsi se constitue une axiologie, une sorte d'algèbre, dans laquelle il faut être attentif au signe de chaque terme. [...]

Ici s'opposent, comme dans tout le poème, comme dans les autres poèmes, deux séries, variées dans les termes, et se retrouvant dans les couples vie-mort, mouvement-immobilité, jeunesse-vieillesse, avenir-passé, mer-terre (ce dernier terme restant toutefois ambigu). Mais il s'agit plus précisément, en même temps que d'un adieu nostalgique au passé, à l'enfance, à la terre, d'une sorte de rite de passage, de révélation, de « Pervigilium veneris , précédant de peu l'accomplissement dans « Étroits sont les vaisseaux ». Le climat à la fois archaïque et religieux du poème conduit à ce que tout devienne signe, présage, avertissement, et en particulier, comme chez les anciens, ce qui relève du vol, du chant, de l'espèce des oiseaux : « plainte heureuse » de « la tourterelle verte des falaises », cri de « l'oiseau de haute mer ». Comment ce cœur qui « prend souci d'une famille d'acridiens » resterait-il insensible aux présages de la grive ?

Néanmoins, si les choses sont simples de manière générale, elles se compliquent dans le détail par l'ambiguïté ou l'imprécision de certains éléments. De telle sorte que le sens de l'expression « Clélie la grive des jardins » se déduit de sa fonction, de sa place dans le système, plus qu'il ne détermine celui-ci. La structure identique des deux versets successifs permet de distinguer la présence de signes favorables (couleur, plainte heureuse, tiédeur, mer), et l'effacement ou le changement de sens de ce qui était jusque-là tenu pour néfaste

(cinéraire, cri de l'oiseau de mer, aboi des Parques, Clélie), l'apparition d'un état d'esprit nouveau.

Pourquoi « Clélie la grive des jardins » constituait-elle jusque-là une menace ? (On pourrait d'ailleurs se poser la question pour la « cinéraire maritime ») (1).


Note : 1). Parce qu'elle annonce la mer, ou par son alliance avec la mort (cineris, cendre) ? Végétation rabougrie des rivages rocailleux (cf. « un lieu de cinéraires et de gravats » au pied des sémaphores, Exil, VI, 0.C., 132).

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